Cass. 2e civ., 9 juin 2022, n° 19-21.798
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
Mme Kermina
Avocat général :
Mme Trassoudaine-Verger
Avocats :
SCP Zribi et Texier, Me Occhipinti
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (tribunal d'instance de Marseille, 26 juin 2019), M. [R], se plaignant de la mauvaise exécution d'un contrat de location de véhicule conclu avec la société Auto escape, l'a assignée devant un tribunal d'instance à fin d'être indemnisé de ses préjudices matériel et moral, après l'échec d'une médiation.
2. Au soutien de son assignation, M. [R] a produit une déclaration au greffe exposant ses demandes et moyens, ainsi que différentes pièces relatives à la procédure de médiation.
3. Devant le tribunal, la société Auto escape, se fondant sur l'inobservation d'une formalité d'ordre public tirée du non respect du principe de la confidentialité de la médiation, a soulevé, à titre principal, la nullité de la déclaration au greffe et de l'assignation, et, à titre subsidiaire, a demandé que soient écartées des débats les pièces n° 1 à n° 6 produites par le demandeur, couvertes par la confidentialité, et que M. [R] soit condamné à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation du principe de confidentialité.
Sur le moyen relevé d'office
4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, L. 612-3 du code de la consommation et 9 du code de procédure civile :
5. Aux termes du premier de ces textes, auquel renvoie le deuxième, sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité.
6. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance judiciaire ou arbitrale sans l'accord des parties. Il est fait exception aux alinéas précédents dans les deux cas suivants :
a) En présence de raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique de la personne ;
b) Lorsque la révélation de l'existence ou la divulgation du contenu de l'accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en oeuvre ou son exécution.
7. Lorsque le médiateur est désigné par un juge, il informe ce dernier de ce que les parties sont ou non parvenues à un accord.
8. Aux termes du troisième de ces textes, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
9. Il en résulte qu'en dehors des cas dérogatoires prévus par la loi, l'atteinte à l'obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites sans l'accord de la partie adverse, soient, au besoin d'office, écartées des débats par le juge.
10. Pour rejeter la demande de nullité formée par la société Auto escape et la condamner à payer à M. [R] certaines sommes, le tribunal a statué au vu des pièces versées aux débats.
11. En statuant ainsi, le tribunal, qui aurait dû, au besoin d'office, écarter des débats celles des pièces produites par M. [R], issues de la procédure de médiation, qui étaient couvertes par l'obligation de confidentialité, en l'absence d'accord de la société Auto escape, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 juin 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Marseille ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Marseille.