Cass. 1re civ., 9 février 2022, n° 20-21.955
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
M. Hascher
Avocats :
SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 septembre 2020), M. [E], en sa qualité de syndic de la procédure de liquidation de biens de la société monégasque Poly services, a sollicité l‘exequatur de deux décisions rendues les 14 janvier et 5 juillet 2016 par le tribunal et la cour d'appel de Monaco condamnant l'ancien dirigeant de la société, M. [Z], et sa mère, [Y] [B], ancienne administratrice, à combler le passif.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
2. M. [Z], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de [Y] [B], fait grief à l'arrêt d'ordonner l'exequatur des décisions monégasques, alors :
« 1°/ d'une part, qu'il incombe au juge français, qui reconnaît applicable un droit étranger, d'en rechercher, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; que la Convention franco-monégasque relative à l'aide mutuelle judiciaire du 21 septembre 1949 dispose, en son article 18, 2°, que pour accorder l'exequatur à un jugement rendu dans l'autre Etat partie à cette Convention, le juge requis doit vérifier que ce jugement a été rendu par une juridiction compétente d'après la loi du pays dont il émane ; qu'il s'ensuit que le juge français ne peut accorder l'exequatur à une décision monégasque relevant du champ de cette Convention qu'après avoir vérifié que le juridiction monégasque qui l'a rendue était bien compétente d'après la loi monégasque ; que pour admettre, en l'espèce, la compétence du juge monégasque et ordonner l'exequatur en France des décisions prononcées par le tribunal de première instance de Monaco le 14 janvier 2016 et par la cour d'appel de Monaco le 5 juillet 2016, la cour d'appel, qui avait reconnu le droit monégasque applicable, s'est fondée sur l'article 2 de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 relative à la faillite et à la liquidation judiciaire, aux termes duquel le tribunal compétent en matière de faillite ou de liquidation judiciaire est, pour les personnes morales, celui du siège social ; que pour justifier une telle extension de la compétence de ce juge à l'action en comblement de passif intentée par le syndic, elle a considéré que cette action était née de la procédure collective de Poly services TMS et qu'elle avait sa source dans le droit monégasque des procédures collectives ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si, d'après le droit monégasque, le tribunal compétent en matière de faillite ou de liquidation judiciaire l'est aussi pour statuer sur une action en comblement de passif, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 3 du code civil, ensemble l'article 18 de la Convention franco-monégasque relative à l'aide mutuelle judiciaire du 21 septembre 1949 et l'article 2 de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 relative à la faillite et à la liquidation judiciaire ;
2°/ d'autre part, qu'il incombe au juge français, qui reconnaît applicable un droit étranger, d'en rechercher, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; que la Convention franco-monégasque relative à l'aide mutuelle judiciaire du 21 septembre 1949 dispose, en son article 18, 2°, que pour accorder l'exequatur à un jugement rendu dans l'autre Etat partie à cette Convention, le juge requis doit vérifier que ce jugement a été rendu par une juridiction compétente d'après la loi du pays dont il émane ; qu'il s'ensuit que le juge français ne peut accorder l'exequatur à une décision monégasque relevant du champ de cette Convention qu'après avoir vérifié que le juridiction monégasque dont elle émane était bien compétente d'après la loi monégasque ; que pour asseoir en l'espèce la compétence du juge monégasque et ordonner l'exequatur en France des décisions prononcées par le tribunal de première instance de Monaco le 14 janvier 2016 et par la cour d'appel de Monaco le 5 juillet 2016, la cour d'appel a relevé qu'aucune exception d'incompétence n'avait été soulevée devant le tribunal de première instance ni devant la cour d'appel de Monaco par les appelants, dont le moyen ne tend dès lors qu'à remettre en cause ce qu'ils ont laissé juger à Monaco en leur présence ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si selon la loi monégasque, le simple fait pour le défendeur de comparaître devant le juge saisi par le demandeur sans soulever d'exception d'incompétence vaut prorogation tacite de la compétence de celui-ci, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 3 du code civil, ensemble l'article 18 de la Convention franco-monégasque relative à l'aide mutuelle judiciaire du 21 septembre 1949. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
3. M. [E], ès qualités, conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est nouveau et mélangé de fait, comme tel irrecevable.
4. Ayant soutenu, dans ses conclusions d'appel, que les juridictions monégasques étaient incompétentes pour statuer sur l'action en complément de passif initiée par M. [E], en application des règles françaises de conflit de juridictions de droit commun, M. [Z], ès qualités, n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures.
Sur le moyen, pris en ses deux dernières branches
Enoncé du moyen
5. M. [Z], ès qualités, fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 3°/ ensuite, qu'il appartient au juge de l'exequatur, dans le cadre du contrôle qu'il exerce sur la décision étrangère au titre de l'ordre public international, de vérifier la proportionnalité de la condamnation prononcée au regard du préjudice subi, de la gravité des fautes commises par les personnes condamnées et de leurs ressources ; que pour écarter en l'espèce toute contrariété de la décision monégasque à l'ordre public international tirée de la disproportion des condamnations prononcées, la cour d'appel a considéré que le moyen tiré d'une prétendue absence de proportionnalité tendait à remettre en cause devant la juridiction française, saisie de la demande d'exequatur des décisions rendues, le pouvoir souverain d'appréciation des juridictions monégasques ; qu'elle a ajouté que l'appréciation de la proportionnalité de la sanction relève de l'office du juge étranger saisi du fond du litige et qu'il n'y a pas lieu de s'immiscer dans ces questions pour les réexaminer sous couvert d'une atteinte prétendue à l'ordre public ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 509 du code de procédure civile, ensemble l'article 18 de la Convention franco-monégasque relative à l'aide mutuelle judiciaire du 21 septembre 1949 ;
4°/ enfin, et subsidiairement, que dans le cadre du contrôle qu'il exerce sur la décision étrangère au titre de l'ordre public international, le juge de l'exequatur doit vérifier la proportionnalité de la condamnation prononcée au regard non seulement du préjudice subi et de la gravité des fautes commises par les personnes condamnées, mais aussi de leurs ressources ; qu'en s'abstenant de vérifier, comme elle y était pourtant invitée, la proportionnalité des condamnations prononcées par le juge monégasque aux ressources des consorts [Z], la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 509 du code de procédure civile, ensemble l'article 18 de la Convention franco-monégasque relative à l'aide mutuelle judiciaire du 21 septembre 1949. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a exactement décidé que le moyen tiré d'une prétendue absence de proportionnalité des capacités de remboursement de M. [Z] et [Y] [B] avec le montant de la condamnation ne tendait qu'à remettre en cause, devant le juge de l'exequatur, le pouvoir souverain d'appréciation des juridictions monégasques.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.