Cass. com., 29 juin 2022, n° 21-11.477
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
Mme Vallansan
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
SCP Gadiou et Chevallier, SCP Piwnica et Molinié
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 décembre 2020), rendu en référé, et les productions, la société Service de navigation de plaisance Boat service (la société Boat service) a bénéficié d'une procédure de sauvegarde ouverte le 7 avril 2009, MM. [N] et [F] étant désignés en qualité de coadministrateurs judiciaires et M. [U] en celle de mandataire judiciaire.
2. Les 18 et 22 février 2010, la société Boat service a, en présence de M. [F], ès qualités, signé un accord transactionnel avec différents établissements bancaires, qui a été autorisé par une ordonnance du juge-commissaire du 4 mars 2010. Cet accord prévoyait la désignation d'un mandataire ad hoc chargé, notamment, de surveiller la bonne exécution du protocole, la rémunération de ce mandataire étant stipulée à la charge de la société Boat service.
3. Un plan de sauvegarde a été arrêté par un jugement du 7 avril 2010, qui a homologué l'accord transactionnel et désigné M. [U] en qualité de mandataire ad hoc. Ce dernier a signé une convention d'honoraires avec la société Boat service le 29 avril 2010, et un avenant à l'accord transactionnel du 9 juin 2011 relatif aux modalités de calcul et de versement des honoraires a été homologué par un jugement du 7 juillet suivant.
4. Le plan de sauvegarde a été résolu par un jugement du 7 janvier 2014, qui a ouvert le redressement judiciaire de la société Boat service, le tribunal ayant ensuite converti la procédure en liquidation judiciaire le 22 juillet suivant. M. [G] a été désigné liquidateur et M. [C] mandataire ad hoc aux fins de représenter la société dans l'exercice des droits ne relevant pas des pouvoirs du liquidateur.
5. Après que M. [U] a reçu un avertissement de la commission nationale d'inscription et de discipline des mandataires judiciaires pour contravention aux dispositions de l'article L. 663-2 du code de commerce relatif aux modalités de rémunération des mandataires de justice, le liquidateur l'a assigné en référé en restitution des honoraires qu'il avait perçus au titre de sa mission de mandataire ad hoc.
Examen des moyens
Sur les deux premiers moyens, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. M. [U] fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au liquidateur la somme de 1 086 416,90 euros détenue sur un compte de répartition spéciale et par lui conservée au titre de rémunération en sa qualité de mandataire ad hoc, et de lui remettre sous astreinte l'intégralité des relevés de banque et comptables du compte Caisse des dépôts et consignations et du compte Société générale sur lequel ont transité le prix de cession des navires dépendant de l'actif de la société Boat service, alors « qu'en condamnant M. [U] à verser à M. [G] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SNP Boat service la somme de 1 086 416,90 € détenue sur un compte de répartition spéciale et par lui conservée au titre de rémunération en sa qualité de mandataire ad hoc, et à lui remettre sous astreinte des relevés de banque et comptables du compte Caisse des dépôts et consignations et du compte Société Générale sur lequel ont transité le prix de cession des navires dépendant de l'actif la société en liquidation, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse, a violé l'article 808 devenu 835 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 808, devenu 835, du code de procédure civile :
8. Il résulte de ce texte que le juge des référés ne peut condamner une partie à paiement que si l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
9. Pour condamner M. [U] à verser au liquidateur la somme de 1 086 416,90 euros, l'arrêt, après avoir énoncé qu'est subséquente la mission comme celle qui découle de la nomination en qualité d'administrateur, mandataire, commissaire ou liquidateur, retient que, tant d'un point de vue procédural que chronologique, la mission de M. [U], en qualité de mandataire ad hoc, est la suite de sa nomination en qualité d'administrateur judiciaire.
10. En statuant ainsi, alors qu'en écartant, en dépit de l'autorité de la chose jugée dont il était susceptible de bénéficier, l'application de l'accord transactionnel homologué par le tribunal de commerce qui fixait la rémunération de M. [U] en qualité de mandataire ad hoc, puis en analysant cette dernière mission pour en déduire, après avoir interprété la notion de mission subséquente au sens de l'article L. 663-2 du code de commerce, que la mission de mandataire ad hoc prolongeait incontestablement celle de mandataire judiciaire, la cour d'appel, qui, saisie de l'appel d'une ordonnance du juge des référés, ne pouvait statuer que dans les limites des pouvoirs de celui-ci sans pouvoir par conséquent, appliquer les dispositions de l'article 90 du code de procédure civile, a, en tranchant des contestations sérieuses relatives à l'obligation de restituer, violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'intervention volontaire de M. [V], l'arrêt rendu le 3 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.