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Décisions

Cass. com., 9 juin 2022, n° 21-11.083

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Brahic-Lambrey

Avocat :

SCP Richard

Nouméa, du 5 oct. 2020

5 octobre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 5 octobre 2020), la SARL Nord promotion, dont M. [H] était le gérant, a été mise en redressement judiciaire le 7 mars 2011, la date provisoire de cessation des paiements étant fixée au 1er décembre 2010, puis en liquidation judiciaire, la société Mary Laure Gastaud étant désignée liquidateur.

2. Le liquidateur a recherché la responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant et demandé sa condamnation à une sanction personnelle.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen pris en sa première branche et le troisième moyen, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. M. [H] fait grief à l'arrêt de prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de quinze ans, alors « que la faute de gestion d'un dirigeant social, consistant à s'être abstenu de déclarer la cessation des paiements de la personne morale dans le délai légal, n'est pas constituée si, avant l'expiration du délai, cette déclaration est rendue inutile par la saisine du juge, par un créancier, aux fins d'obtenir l'ouverture d'une procédure collective ; qu'en prononçant néanmoins à l'encontre M. [H] une mesure d'interdiction de gérer, au motif qu'il pouvait lui être reproché d'avoir omis de demander l'ouverture d'une procédure collective dans le délai de quarante-cinq jours, après avoir pourtant constaté que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Copyplan du 3 décembre 2012 avait fixé la date de cessation des paiements au 3 octobre 2012, de sorte que M. [H] aurait dû la déclarer au plus tard le 18 novembre 2012, soit après la saisine du juge par un créancier de la société Copyplan, le 23 octobre 2012, ce dont il résultait que l'absence de déclaration par M. [H] n'était pas fautive, la cour d'appel a violé l'article L. 653-8 applicable en Nouvelle-Calédonie. »

Réponse de la Cour

5. Le débiteur, qui est tenu de demander l'ouverture de la procédure collective au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, n'en est pas dispensé par la délivrance d'une assignation à cette fin par un créancier.

6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Et sur le même moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. M. [H] fait grief à l'arrêt de prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de gérer pour une durée de quinze ans, alors « que la poursuite d'une exploitation déficitaire par un dirigeant social ne peut justifier une mesure d'interdiction de gérer à son encontre que si la poursuite était abusive et ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ; qu'en prononçant à l'encontre M. [H] une mesure d'interdiction de gérer, au motif qu'il pouvait lui être reproché d'avoir, à compter de juin 2008, poursuivi abusivement l'exploitation déficitaire de la société Nord promotion, sans constater qu'à cette date, la poursuite de l'exploitation ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 653-4 et L. 653-8 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie. »

Réponse de la Cour

8. L'arrêt relève que les créances déclarées au passif de la société Nord promotion attestent de difficultés de trésorerie anciennes puisque le liquidateur a identifié un passif exigible de 7 656 186 FCFP pour la période antérieure au 31 décembre 2008 et retient que ces difficultés de trésorerie s'inscrivaient dans le prolongement de la perte d'exploitation significative d'un montant de 15 509 181 FCFP enregistrée lors de l'exercice clos le 30 juin 2008. Il retient encore, par motifs adoptés, que la poursuite abusive de l'exploitation de la société Nord promotion ne pouvait aboutir qu'à la « faillite » et que ce fait était caractérisé avant même la date de la cessation des paiements.

9. En l'état de ces constatations et appréciations dont elle a déduit que la poursuite de l'exploitation déficitaire de la société qui a perduré jusqu'à la demande de sauvegarde déposée le 15 février 2011 ne pouvait conduire qu'à sa cessation des paiements, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche inopérante visée par le moyen, a légalement justifié sa décision.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

10. M. [H] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Mary-Laure Gastaud, en qualité de liquidateur de la société Copyplan, une somme de 15 000 000 FCFP au titre de l'insuffisance d'actif de cette société, alors « que si l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal est susceptible de constituer une faute de gestion, c'est à la condition qu'elle ait contribué à l'insuffisance d'actif ; que la décision qui condamne le dirigeant d'une personne morale à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de celle-ci doit préciser en quoi chaque faute retenue a contribué à l'insuffisance d'actif ; qu'en retenant, pour condamner M. [H] à supporter l'insuffisance d'actif de la société Copyplan en raison d'une faute de gestion, que son absence de déclaration de l'état de cessation des paiements avait contribué à l'insuffisance d'actif de la société, sans préciser en quoi la faute de M. [H], qui n'a pu exister qu'à compter du 18 novembre 2012, date d'expiration de délai de quarante-cinq jours qui lui était imparti pour procéder à la déclaration de la cessation des paiements, avait contribué à l'aggravation de l'insuffisance d'actif entre cette date et celle de l'ouverture du redressement judiciaire le 3 décembre 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie :

11. En application de ce texte, le jugement qui condamne le dirigeant d'une personne morale à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de celle-ci doit préciser en quoi chaque faute retenue a contribué à l'insuffisance d'actif.

12. Pour retenir la responsabilité de M. [H], l'arrêt relève que M. [H] n'a pas déclaré l'état de cessation des paiements de la société Copyplan puisque la procédure collective a été ouverte à l'initiative d'un créancier, tandis que la société était en sommeil depuis plusieurs mois, et que l'intéressé ne s'en est pas expliqué, ce qui, associé à l'absence de comptabilité de la société, constitue une faute de gestion caractérisée ayant contribué à l'insuffisance d'actif.

13. En se déterminant ainsi sans préciser en quoi le défaut de déclaration de la cessation des paiements imputable au dirigeant à compter du 18 novembre 2012, date de l'expiration du délai de 45 jours suivant la date de la cessation des paiements fixée par le jugement d'ouverture au 3 octobre 2012, avait contribué à l'insuffisance d'actif de la procédure collective de la société Copyplan ouverte le 3 décembre 2012, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

14. La condamnation à supporter l'insuffisance d'actif de la société Copyplan ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une d'entre elles entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation de l'arrêt de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [H] au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif pour la société Copyplan à payer la somme de 15 000 000 FCFP, l'arrêt rendu le 5 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée.