CA Lyon, 3e ch. a, 27 octobre 2022, n° 19/07539
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Body Iron (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gonzalez
Conseillers :
Mme Faivre, Mme La-Mesta
Avocat :
Me Martinez
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 29 avril 2017, la SARL Body Iron a conclu un contrat de franchise avec la SARL MD Nutrition pour la distribution de produits de nutrition sportive et d'articles de sports. Le gérant de la société MD Nutrition, M. [U], s'est porté caution solidaire pour sa société.
Par courrier recommandé du 6 juin 2018, la société Body Iron a mis en demeure la société MD Nutrition de payer la somme en principal de 14.387,22 euros au titre de deux factures impayées (factures des 16 avril et 7 juin 2017) lui indiquant qu'à défaut de règlement sous sept jours, elle procéderait à la résiliation du contrat.
Cette demande étant restée infructueuse, la société Body Iron a par courrier recommandé du 19 juin 2018 notifié à la société MD Nutrition la résiliation du contrat de franchise avec effet immédiat et l'a mise en demeure de régler le solde des factures soit la somme de 13.322,67 euros.
Par acte du 17 juillet 2018, la société MD Nutrition a assigné la société Body Iron en paiement de la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts, alléguant l'inexécution du contrat.
Par jugement du 23 octobre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :
- condamné la société Body Iron au paiement de la somme de 18.000 euros au titre de dommages et intérêts à la société MD Nutrition,
- condamné la société MD Nutrition à payer à la société Body Iron la somme de 12.887,22 euros TTC majorée des intérêts de retards,
- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,
- ordonné la compensation entre les parties,
- débouté la société Body Iron de l'ensemble de ses autres demandes,
- rejeté les demandes des parties formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Body Iron aux entiers dépens de l'instance.
La société Body Iron a interjeté appel par acte du 4 novembre 2019, l'appel portant sur les condamnations à payer la somme de 18.000 euros à la société MD Nutrition et aux dépens.
* * *
Par conclusions du 27 janvier 2020 signifiées le 31 janvier 2020, la société Body Iron demande à la cour de’ :
- juger recevables et bien fondés son appel, ses demandes, fins, moyens et conclusions, en conséquence,
- infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société MD Nutrition au paiement de la somme de 12.887,22 euros TTC majorée des intérêts de retard et ordonné la capitalisation des intérêts de cette dette, et statuant à nouveau,
- juger infondées l'ensemble des demandes de la société MD Nutrition,
-juger que la société Body Iron n'a pas commis les manquements contractuels reprochés par la société MD Nutrition,
- juger que la société MD Nutrition ne rapporte pas la preuve du préjudice allégué,
- juger que la société Body Iron a pu valablement, au fond comme en la forme, résilier le contrat de franchise,
- décharger la société Body Iron des condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires,
- juger que la société MD Nutrition a causé au franchiseur un préjudice distinct du préjudice résultant du seul non-paiement desdites sommes,
- condamner, en conséquence, la société MD Nutrition à lui payer la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- condamner la société MD Nutrition à payer à la société Body Iron la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société MD Nutrition, à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 14 janvier 2020 (procès-verbal de recherches infructueuses - article 659 du code de procédure civile), n'a pas constitué avocat. L'arrêt sera rendu par défaut.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 septembre 2020, les débats étant fixés au 22 septembre 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelante, à ses conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, 'si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée'.
La cour rappelle par ailleurs que les 'demandes' tendant à voir 'constater' ou tendant à ' voir dire et juger' lorsque celles-ci développent en réalité des moyens ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour.
Sur la mauvaise exécution du contrat par le franchiseur
A titre liminaire, il est précisé que le litige est soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat a été signé postérieurement au 1er octobre 2016 et il est rappelé qu'il appartient à la partie qui se prévaut de la mauvaise exécution du contrat pour solliciter des dommages intérêts en réparation d'en rapporter la preuve.
Le jugement querellé a retenu qu'il était démontré la distribution par un autre magasin de produits Body Iron dans le territoire exclusif de MD Nutrition et un non-respect de l'article 5.4.1 du contrat de franchise quant à l'exclusivité des produits dur le territoire du franchisé, que par contre il n'était pas établi la responsabilité de Body Iron dans la rupture de stocks, que le franchiseur n'a pas non plus respecté l'article 4 du contrat 'transmission et évolution du savoir-faire lié au concept' (formation de 4 jours). Il a considéré que le retard de paiement n'était pas exceptionnel dès lors que franchiseur a lui-même suspendu le recouvrement des factures et accordé un soutien financier sans en préciser la durée ni faire de relances.
La société Body Iron soutient en appel qu'elle n'a commis aucun manquement contractuel dans le cadre du contrat de franchise, que le préjudice allégué par la société MD Nutrition n'est pas démontré et qu'elle a subi un préjudice économique et moral qui doit être indemnisé à hauteur de 25.000 euros.
Cependant, sur ce dernier chef de demande, l'appel a été limité aux condamnations de la société Body Iron à payer à son adversaire la somme de 18.000 euros et les dépens de première instance. En conséquence, la société Body Iron n'a pas fait appel de la disposition rejetant sa demande de dommages intérêts et la cour n'en est pas saisie de sorte qu'elle ne peut examiner cette prétention.
Sur les manquements retenus en première instance, l'appelante soutient plus précisément qu'elle l'a pas enfreint la clause exclusivité territoriale dès lors que cette clause pose le principe d'une exclusivité de fourniture et d'implantation, lesquelles ont été respectées, que des conditions étaient posées au maintien de l'exclusivité, que la société MD Nutrition n'a pas respectées (clause 5.4.4) ; que la société MD Nutrition ne lui a adressé aucun reproche ni aucune mise en demeure préalable relative à cette clause d'exclusivité territoriale, et cela en violation de l'article 1231 du code civil et de la clause 6.1.7 du contrat et qu'elle ne rapporte pas de preuve valable que la concluante aurait fourni d'autres distributeurs sur le territoire du contrat.
Force est de constater que la société intimée, défaillante, ne produit ainsi aucune pièce et ne rapporte pas la preuve des griefs imputés à son adversaire, qu'il n'est donc justifié concrètement d'aucun manquement de la société Body Iron à l'exclusivité territoriale de la société franchisée de sorte que le jugement ne peut qu'être réformé en ce qu'il a retenu un manquement à l'article 5.4.1 du contrat de franchise et le comportement fautif du franchiseur.
Concernant la clause de savoir-faire stipulée à l'article 4 du contrat, la société Body Iron soutient que les difficultés de la société MD Nutrition ne sont pas liées à une problématique de savoir-faire mais qu'elle refusait de servir des clients de sorte que la concluante ne pouvait accepter de nouvelles commandes alors que les premières n'avaient pas été réglées ; que les conditions financières du contrat étaient très favorables au franchisé ; qu'en tout état de cause, la société MD Nutrition n'a jamais adressé ni reproche ni mise en demeure relativement au respect de la clause de transmission du savoir-faire, qu'elle a été conseillée sur l'aménagement et l'équipement de la boutique, a eu communication de la charte graphique, reçu un stock initial de 14.000 euros avec un crédit fournisseur, n'a jamais demandé à bénéficier d'une formation, que la concluante a favorisé les partenariats avec des athlètes et non l'inverse comme le prétend sans en justifier la société MD Nutrition ; qu'il n'appartient pas au franchiseur d'assurer la communication au niveau local, et que le franchisé a refusé l'option de création de page internet, qu'aucun grief ne peut donc être formulé s'agissant de la communication.
Force est également de constater que la société MD Nutrition, défaillante, ne rapporte pas la preuve de ce que le franchiseur aurait également manqué à ses obligations en matière de transmission du savoir-faire de sorte que le jugement est également infirmé en ce qu'il avait retenu un comportement fautif à ce titre.
Concernant la clause de résiliation pour inexécution, la société Body Iron soutient qu'elle était en droit de procéder à une résiliation unilatérale sans être contrainte de recourir à la clause de résiliation du contrat dès lors que l'article 1224 du code civil prévoit la faculté de résiliation unilatérale du contrat par notification en cas d'inexécution suffisamment grave, qu'elle avait adressé une mise en demeure non seulement à la société franchisée mais également à son gérant, qu'elle était en droit de réduire à sept jours le préavis compte tenu de la gravité des manquements (non-paiement des factures ; refus d'approvisionner ses clients, notamment la société My Fitness, mauvaise réputation de la boutique).
La société intimée ne rapporte pas la preuve en appel de la violation par son adversaire de la clause de résiliation alors qu'elle-même ne réglait plus les factures, laissant un impayé important de 12.887,22 euros et n'exécutant plus le moratoire de 500 euros par mois, et qu'elle avait refusé d'approvisionner des clients finaux (société My Fitness pièce 10), légitimant la résolution du contrat pour manquement suffisamment grave du franchisé par application des dispositions de l'article 1224 du code civil, ce , même si le reproche de mauvaise réputation de la boutique n'est pas établi, les pièces 13 et 21visées par les conclusions de l'appelante étant totalement illisibles.
Il découle de ce qui précède que la société MD Nutrition ne justifie pas de sa demande de dommages intérêts à l'encontre de son adversaire pour mauvaise exécution du contrat de sorte que le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné la société Body Iron à lui payer la somme de 18.000 euros à titre de dommages intérêts à ce titre.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société MD Nutrition, qui succombe sur ses prétentions, supportera les dépens de première instance et d'appel.
Il est toutefois équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Body Iron à payer à la société MD Nutrition la somme de 18.000 euros à titre de dommages intérêts et à supporter les dépens.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la société MD Nutrition de sa demande en paiement de dommages intérêts.
Condamne la société MD Nutrition aux dépens de première instance et d'appel.
Déboute la société Body Iron de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.