Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 25 septembre 2018, n° 16/13692

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

SWJM (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Peyron

Conseillers :

Mme Douillet, M. Thomas

Avocats :

Selarl Lexavoue Paris-Versailles, Spring Legal

TGI Paris, du 12 mai 2016, n° 14/16821

12 mai 2016

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur Laurent G. est un photographe professionnel, exerçant sous le nom de 'Laurent D.'.

Monsieur Maxence VAN DER B., joaillier et horloger suisse, vend des produits d'horlogerie et de bijouterie, via la société suisse SWJM et sous la marque suisse VAN DER B. dont il est titulaire et qui était exploitée par la société MVBD DIFFUSION jusqu'en 2007, date de la liquidation de cette société.

M. VAN DER B. expose que pour la campagne publicitaire 2005 de la marque, le directeur artistique qu'il employait, M. Luis F., a mis au point un shooting et a fait appel aux services de M. G., lequel a été rémunéré 5 000 euros et a signé, le 25 mai 2005, une déclaration par laquelle il confirme accepter que tout travail réalisé dans le cadre de la campagne publicitaire VAN DER B. GENEVE 2005, ainsi que de sa préparation, relève de la propriété de MVDB Diffusion SA, et ceci libre de tout droit'.

M. G. indique, quant à lui, qu'à l'issue des séances de shooting réalisées les 24 et 25 mai 2005, aucune cession de droit d'auteur n'a été conclue et qu'en 2007, il a appris que M. VAN DER B. avait confié à un laboratoire un travail de modification de deux des photographies réalisées en vue d'une exploitation publicitaire.

M. G. a appelé l'attention de M. VAN DER B. sur le fait qu'il ne pouvait exploiter les photographies, qui plus est sous une forme modifiée, sans avoir recueilli son autorisation par cession en bonne et due forme.

M. G. indique que M. VAN DER B. aurait alors reconnu qu'il exploitait les photographies sans autorisation et, ayant invoqué des difficultés financières, aurait obtenu une cession de droits à des tarifs bien inférieurs à ceux qu'il pratique habituellement en tant que photographe. Ainsi, en novembre 2007, un accord serait intervenu pour une exploitation limitée des deux photographies litigieuses, pour une période de deux ans, en contrepartie du paiement de la somme de 3 000 euros HT.

Au mois de mars 2012, M. G. a constaté, en consultant le site internet de la marque, que ses visuels étaient toujours utilisés.

Le 16 mars 2012, par l'intermédiaire de son conseil, il a mis en demeure M. VAN DER B., ainsi que l'hébergeur du site, de retirer sans délai les photographies et de l'indemniser du préjudice subi.

En l'absence de réponse positive, M. G. a déposé, le 3 avril 2012, une plainte pénale devant les juridictions helvétiques pour violation des droits d'auteur. Par arrêt du 10 avril 2014, la chambre pénale de recours de la Cour de Justice de Genève a confirmé l'ordonnance de classement du 20 décembre 2013 prise par le parquet.

Le 16 juillet 2014, M. VAN DER B. déposait à son tour plainte contre M. G. devant les juridictions helvétiques en se prévalant du document signé le 25 mai 2005 par M. G. selon lequel les photographies prises les 24 et 25 mai 2005 demeuraient 'libres de droit' et propriété de la société MVBD DIFFUSION. Cette plainte a fait l'objet d'un classement confirmé par la chambre pénale de recours de la Cour de Justice de Genève en janvier 2015.

M. G. a fait dresser, le 20 septembre 2014, un procès-verbal de constat sur le site Internet de la société VAN DER B. et sur les autres sites sur lesquels il avait découvert la publication des photographies originales ou modifiées sans son autorisation.

Par acte d'huissier du 31 octobre 2014, il a assigné M. VAN DER B. et la société de droit suisse SWJM devant le tribunal de grande instance de Paris pour contrefaçon de son droit d'auteur sur 13 photographies.

Par jugement du 12 mai 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :

  • déclaré irrecevable l'action formée par M. G. dit D. sur le fondement de la protection du droit d'auteur,
  • débouté M. G. dit D. de sa demande fondée sur l'article 1382 du code civil,
  • dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité du procès-verbal de constat du 20 septembre 2014,
  • condamné M. G. dit D. aux dépens et au paiement à M. VAN DER B. et à la société SWJM d'une somme de 1 500 euros chacun, soit 3 000 euros au total, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
  • ordonné l'exécution provisoire.

Le 21 juin 2016, M. G. dit D. a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions numérotées 3, transmises le 19 février 2018, poursuivant l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, il demande à la cour :

à titre principal :

  • de juger que la reproduction par M. VAN DER B. et la société SMJW des 14 photographies dont il est l'auteur - soit 1. SNAKE, 2. SPIDER F., 3. LILY, 4. VICTORIA, 5. LACE, 6. VINTAGE, 7. SPIDER H., 8. NEB-K, 9. MAGNUM CHURCHILL, 10. FOUR SEASONS, 11. DUAL TIME, 12. EUROPE EXPRESS, 13. LABYRINTHE et 14. JAVA -, est constitutive d'actes de contrefaçon de ses droits d'auteur 'au sens de l'article L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle',
  • de juger que les atteintes portées aux oeuvres dont il est l'auteur constituent des violations graves de ses prérogatives de droit moral à la paternité et à l'intégrité,

en conséquence,

  • de condamner M. VAN DER B. et la société SWJM à lui verser :
  • la somme de 156 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à ses droits patrimoniaux d'auteur,
  • la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte au droit moral de l'auteur,

à titre subsidiaire :

  • de condamner M. VAN DER B. et la société SWJM à lui verser la somme de 103 000 euros en exécution de l'accord portant sur la rémunération de l'exploitation des photographies conclu le 19 novembre 2007,

en tout état de cause :

  • de faire interdiction à M. VAN DER B. et la société SWJM d'exploiter les 14 photographies précitées sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée et par jour à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
  • de condamner M. VAN DER B. et la société SWJM à lui verser la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
  • de condamner M. VAN DER B. et la société SWJM aux entiers dépens outre le remboursement des frais du procès-verbal de constat d'huissier des opérations du 20 septembre 2014.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 2, transmises le 15 mai 2018, M. VAN DER B. et la société SWJM demandent à la cour :

  • de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
  • de juger que M. G. est irrecevable à agir, pour défaut de qualité puisque :
  • les photographies litigieuses ne sont pas originales et ne bénéficient donc pas de la protection du droit d'auteur,
  • M. G. n'est titulaire d'aucun droit sur les photographies litigieuses,
  • subsidiairement, de dire M. G. mal fondé pour l'ensemble de ses demandes et l'en débouter,
  • en rejetant la pièce n° 20 de M. G.,
  • en jugeant que M. G. n'identifie pas les oeuvres sur lesquelles il revendique des droits d'auteur,
  • en jugeant qu'ils ne se sont rendus coupables d'aucun acte de contrefaçon,
  • en jugeant qu'il n'existe aucun fait distinct démontrant un quelconque acte de concurrence déloyale de leur part,
  • en jugeant qu'en tout état de cause les demandes de M. G. sont infondées dans leur quantum,
  • de condamner M. G. à leur verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est du 15 mai 2018.

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;

Sur les chefs du jugement non critiqués

Considérant que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. G. de sa demande fondée sur l'article 1382 (désormais 1240) du code civil et dit n'y avoir lieu de prononcer la nullité du procès-verbal de constat de Me A., ces points n'étant pas critiqués par les parties en appel ;

Sur la demande des intimés de rejet de la pièce n° 20 de l'appelant

Considérant que la pièce 20 produite par M. G. figure au nombre des pièces communiquées selon le bordereau annexé aux conclusions de l'appelant ;

Qu'il n'y a donc lieu d'écarter cette pièce ;

Sur les demandes principales en contrefaçon de droits d'auteur et leur recevabilité

Considérant que M. G. revendique la qualité d'auteur pour 14 photographies dont il fournit la reproduction, faisant valoir que la présence de plusieurs personnes lors des séances de prises de vue, notamment celle d'un directeur artistique, comme l'existence d'un contrat de commande, ne saurait suffire à écarter la protection du droit d'auteur pour les créations litigieuses, que le témoignage de M. F. manque de sincérité, que lui seul, en qualité de photographe, a dirigé le travail et les mouvements des modèles et des éléments des prises de vue dans le cadre d'une oeuvre créatrice ; qu'il soutient que les intimés échouent à renverser la présomption légale tirée de sa qualité de photographe, non contestée, et de la cession de droit d'auteur consentie au profit de M. VAN DER B. en 2007 pour deux des photographies litigieuses, et à établir qu'il s'agit d'oeuvres collectives dont les conditions ne sont pas réunies en l'espèce ; que sur ce dernier point, il fait valoir i) que M. VAN DER B., absent lors des 'shootings', n'a pu assurer les pouvoirs de direction requis au sens de l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle, ii) qu'en outre, selon les intimés, l'initiative des photographies devrait être attribuée à la société MVDB DIFFUSION et non à M. VAN DER B. et cette société a été liquidée en 2007, de sorte que chacun des auteurs aurait, de ce fait, recouvré ses droits propres sur sa contribution, iii) que les photographies ont été publiées et diffusées sous la marque VAN DER B. GENEVE et non sous le nom de M. VAN DER B., iv) que la société SWJM constituée en 2007 n'a pu être à l'initiative des oeuvres créées en 2005 ; qu'enfin, l'appelant conteste toute cession de droits d'exploitation sur les photographies en 2005, faisant observer que l'écriture et la signature apparaissant sur le document produit par les intimés ne sont pas les siennes et arguant qu'en tout état de cause, cette déclaration ne constitue pas une cession de droits d'exploitation valable au sens de l'article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle et qu'il n'est justifié d'aucune cession de droits valable entre la société MVDB DIFFUSION (visée dans la prétendue déclaration du 25 mai 2005) et la société SWJM ou M. VAN DER B. ;

Que M. VAN DER B. et la société SWJM répondent que les photographies litigieuses constituent des oeuvres collectives pour lesquelles M. VAN DER B. est investi des droits patrimoniaux et moraux d'auteur, qu'en tout état de cause, M. G. n'est plus propriétaire des droits sur ces photographies pour les avoir cédés le 25 mai 2005 à la société MVDB DIFFUSION, laquelle, jusqu'en 2007, date de sa liquidation, exploitait la marque VAN DER B., M. VAN DER B. étant resté propriétaire de la marque et de tous les éléments y attachés après la liquidation de la société MVDB DIFFUSION ; qu'ils ajoutent que M. G. ne démontre pas que les photographies revendiquées sont celles issues des 'shootings' intervenus en 2005 ;

Considérant qu'aux termes de l'alinéa 3 de l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle, 'Est dite collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé' ;

Qu'en vertu de l'article L. 113-5, l'oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée, cette personne étant investie des droits de l'auteur ;

Considérant qu'en l'espèce, M. G. verse aux débats :

- l'attestation de M. A., son assistant jusqu'en 2014, qui déclare : « (') mon rôle consistait à assister Laurent D. au point de vue des éléments techniques de prises de vues afin qu'il puisse se consacrer uniquement à la prise de vue selon ses critères artistiques. Tout le travail de Laurent D., là où il excelle, c'était sa relation avec les modèles, une proximité qu'il obtenait très rapidement et qui lui permettait d'obtenir l'image qu'un autre ne pourrait peut-être pas avoir ; pour en juger il suffit de consulter son site et se rendre compte des échanges qui s'installent de façon indéniable entre ses modèles et lui. Ainsi, je préparais les lumières et les appareils photo (plusieurs boîtiers à remplir puisque à l'époque argentique, les pellicules de négatif étaient limité à 36 vues ou moins selon les formats) en fonction des directives techniques de Laurent D. (par ex : réglage du boitier, de la focale, de la vitesse d'obturation, diaphragme, prise et développement de polas).

Pour les photos VDB en mai 2005, seul Laurent D. me donnait les directives (à moi ainsi qu'aux modèles), il traduisait en terme technique mais également artistique les demandes du client représenté sur le plateau par le directeur artistique Luis F. ainsi qu'une femme qui s'est présentée comme l'épouse du dirigeant. Il s'agissait d'une séance de prise de vue classique au sens qu'il y a une demande d'un client ou d'une agence qui savent à peu près ce qu'ils veulent en leur qualité de producteur et un artiste en la personne de Laurent D. était là pour traduire photographiquement ces intentions et mettre en image ces demandes. Pendant la prise de vue, il est le chef d'orchestre mais aussi le peintre qui mets ses pigments sur sa toile pour créer son univers pictural. (') » ;

- celle de Mme Carolina W., modèle ayant participé aux séances photos, qui certifie que M. G. était 'celui qui guidait le comportement, l'attitude et la gestuelle, la position de la tête et le langage corporel [qu'elle devait] adopter en posant', qu'il lui a aussi donné des directives sur le maquillage, les aspects de la manucure et aidé à sélectionner les tenues et qu'il était celui qui dirigeait et contrôlait le shooting ;

Que cependant M. VAN DER B. et la société SWJM produisent aux débats :

  • l'attestation de M. Luis F. qui déclare qu'il intervenait au moment des prises de vues en tant que directeur artistique de la société MVDB DIFFUSION et pour la marque 'VAN DER B. GENEVE' et qui indique, en mai 2015 : « J'ai organisé un photo shooting (...) J'ai étudié et mis au point chaque élément intervenant dans le photo shooting (lieu, plans, lumières, pose, maquillage, coiffure, stylisme et décoration) à travers une préparation rigoureuse et cela bien avant la date du photographie shooting » et précise l'avoir fait en collaboration avec Mme I. ('Mme I. et moi-même avons préparé en amont les éléments nécessaires, tels que la décoration et le stylisme, afin que le résultat du shooting s'accorde parfaitement aux maquettes préétablies par mes soins') ; que M. F. précise également que les retouches des photographies ont été effectuées par une société tierce pour des retouches 'selon [ses] souhaits et besoins' ;
  • un second témoignage de M. F. d'avril 2018 dans lequel il précise que les conditions de [sa] direction étaient de réaliser plusieurs visuels mettant en scène des produits horlogers dans un environnement lifestyle' et qu'il devait assurer la direction artistique et s'assurer que le photographe puisse restituer 'des maquettes précises élaborées préalablement' ; - l'attestation de Mme I. qui affirme que M. F. a organisé et contrôlé ce shooting dans les moindres détails' et précise que l'équipe était composée, outre d'elle-même et de M. G., de neuf autres personnes ;

Qu'il est constant par ailleurs que les photographies en cause ont été réalisées à l'initiative de la société MVDB DIFFUSION, pour les besoins d'une campagne publicitaire destinée à la promotion de produits d'horlogerie et de bijouterie ; que les choix du photographe étaient donc nécessairement contraints par le fait que les visuels réalisés avaient pour vocation première de mettre en valeur ces produits afin de favoriser leur vente ;

Que la présence d'un directeur artistique sur place limitait encore plus la liberté de créateur du photographe ; que le contrat de travail de M. F. au sein de la société MVDB montre qu'il entrait notamment dans ses mission la 'conceptualisation et développement des nouvelles publicités internationales, des catalogues...' ;

Que le caractère probant du témoignage de M. F. ne saurait être remis en cause par sa qualité d'ancien salarié de la société MVDB DIFFUSION, l'intéressé indiquant, de plus, avoir été licencié et ne plus travailler pour M. VAN DER B. ou sa société ;

Que le témoignage de M. A. ne fait que confirmer que le rôle de M. G. sur le plateau consistait à traduire 'les demandes du client représenté sur le plateau par le directeur artistique Luis F.' et révèle que les directives de M. G. sont essentiellement de l'ordre d'un savoir-faire technique ('réglage du boîtier, de la focale, de la vitesse d'obturation, diaphragme, prise et développement de polas'), sans que le rôle du photographe soit exclusif de consignes données aux mannequins qu'il photographie quant aux attitudes, positions ou expressions devant être adoptées, ce qui ne saurait toutefois, en soi, caractériser une liberté créatrice et des choix arbitraires propres à traduire l'empreinte de la personnalité du photographe et protégeables par le droit d'auteur ;

Qu'il n'est pas contesté que les photographies ont été exploitées initialement par la société MVDB DIFFUSION puis, après la liquidation de celle-ci, par la société SWJM ;

Que l'accord intervenu en novembre 2007 entre M. G. et M. VAN DER B. - aux termes duquel ce dernier, dans un courriel du 16 novembre 2007, confirme qu'il est 'prêt à régler les 2 visuels que nous modifions [les visuels JAVA et LABYRINTHE] au tarif de 1000 euros pièce soit 2000 euros selon discussion' et s'engage 'Pour tout besoin supplémentaire d'utilisation de visuels de cet ancien shooting pour un nouveau concept pub (...) à vous contacter pour adopter une formule similaire au même tarif' -, qui concerne deux des visuels seulement ayant de plus fait l'objet d'une modification, ne saurait s'analyser en une reconnaissance de la titularité des droits d'auteur sur l'ensemble des visuels en cause au profit de M. G. ;

Que dans ces conditions, sans qu'il y ait lieu, à ce stade, d'examiner l'argumentation des parties, relative notamment à la coïncidence entre les visuels revendiqués et ceux objets des séances de prises de vue de 2005 et à l'authenticité de la déclaration de cession du 25 mai 2005, la cour partage l'analyse des premiers juges qui ont estimé que les visuels revendiqués sont le fruit de la contribution personnelle de plusieurs intervenants ayant participé à leur élaboration, les différentes contributions se fondant en un ensemble sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé, au sens de l'alinéa 3 de l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle précité ;

Que la disparition de la société MVDB DIFFUSION ne peut permettre à M. G. de revendiquer des droits d'auteur sur les visuels ;

Que, pour les motifs qui viennent d'être exposés, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que M. G. échouait à démontrer sa qualité d'auteur sur les oeuvres revendiquées et devait être déclaré irrecevable en son action fondée sur le droit d'auteur ;

Sur la demande subsidiaire de M. G.

Considérant qu'à titre subsidiaire, M. G., invoquant l'engagement pris par M. VAN DER B. en novembre 2007, en demande l'exécution et, à ce titre, le paiement d'une somme de 103 000 € pour l'exploitation des 14 visuels à raison de 1 000 € par visuel et par année d'exploitation ;

Que les intimés opposent que l'appelant ne démontre aucun fait de concurrence déloyale distinct de ceux relevant de la contrefaçon, qu'il a été rémunéré à hauteur de 5 000 € pour le travail fourni lors des 'shootings' réalisés en mai 2005 et qu'il ne démontre aucune faute qui leur serait imputable ; qu'ils ajoutent que les actes d'exploitation remontant à plus de 5 ans avant l'assignation sont prescrits, que les seules exploitations à prendre en compte sont celles réalisées en France et qu'ils ne peuvent être tenus pour responsables de l'utilisation des photographies litigieuses sur des sites internet dont ils ne sont ni éditeurs, ni hébergeurs ;

Considérant que, contrairement à ce qu'affirment les intimés, la demande subsidiaire formée en appel par M. G. ne se fonde pas sur l'article 1240 du code civil (comme celle présentée en première instance) et sur la concurrence déloyale, mais consiste, sur le fondement de l'article 1103 du code civil ('Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits') expressément visé par l'appelant, en une demande en exécution de l'engagement pris par M. VAN DER B. en novembre 2007 ; que l'existence de cet accord n'est pas contestée par les intimés qui ne développent à son propos aucune argumentation particulière, si ce n'est pour indiquer que cet accord était 'redondant' dès lors que les photographies appartenaient déjà à M. VAN DER B. en vertu de la cession de mai 2005 ; que les intimés ne soulèvent pas davantage le caractère éventuellement nouveau de cette demande ; qu'en tout état de cause, cette demande s'analysera comme venant compléter celle formée sur le fondement du droit d'auteur, au sens de l'article 566 du code de procédure civile ('Les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément') et sera par conséquent déclarée recevable ;

Considérant que doit être écartée l'argumentation des intimés tirée du défaut d'identification des visuels revendiqués ; qu'en effet, en cause d'appel, M. G. invoque clairement 14 visuels et produit un récapitulatif de ces visuels (sa pièce 28) et le contenu des attestations produites de part et d'autre sur les circonstances des séances de prises de vue de mai 2005, comme l'engagement souscrit par M. VAN DER B. en novembre 2007, établissent à suffisance que les photographies revendiquées sont issues du 'shooting' photographique auquel il n'est pas contesté que M. G. a participé en mai 2005 ;

Considérant que M. G. produit :

  • une facture adressée à la société SWJM en date du 5 novembre 2007, intitulée 'Note d'auteur N° F45", concernant les visuels JAVA et LABYRINTHE pour un montant global de 2000 € HT, et ce pour une période de 1 an,
  • une autre facture à la société SWJM en date du 28 novembre 2007, 'Note d'auteur N° F45 bis", concernant les mêmes visuels pour un montant global de 3000 € HT, et ce pour une période de 1 an,
  • un échange de courriels, les 16 et 19 novembre 2007, entre MM. G. et VAN DER B. dans lequel ce dernier confirme qu'il est 'prêt à régler les 2 visuels que nous modifions au tarif de 1000 euros pièce soit 2000 euros selon discussion' et s'engage 'Pour tout besoin supplémentaire d'utilisation de visuels de cet ancien shooting pour un nouveau concept pub (...) à vous contacter pour adopter une formule similaire au même tarif', ce à quoi M. G. répond : ' (...) Suite à nos différentes discussions, et à vos difficultés financières, je vous confirme qu'exceptionnellement (...) je suis prêt à vous consentir un forfait 'droits d'auteur' pour les 2 visuels retenus pour un montant de 2000 €HT (voir 'utilisation' et 'durée' sur ma note d'auteur) (...)' ;

Que cet accord s'analysera comme l'engagement de M. VAN DER B., agissant pour le compte de la société SWJM, de rétribuer la participation de M. G. à l'oeuvre collective dans le cas seulement où les visuels auraient été ultérieurement utilisés dans une version modifiée ;

Que la portée de cet accord ne saurait être limitée par la déclaration de cession en date du 25 mai 2005 fournie par les intimés, sur papier à en-tête de la société MVDB DIFFUSION, portant le nom et la signature de M. D. (G.), par laquelle ce dernier confirme accepter que tout travail réalisé dans le cadre de la campagne publicitaire VAN DER B. GENEVE 2005, ainsi que de sa préparation, relève de la propriété de MVDB Diffusion SA, et ceci libre de tout droit' ; qu'en effet, l'authenticité de ce document, contestée par M. G., apparaît douteuse au regard, d'une part, des différences entre la signature qui y figure et celle apposée sur les permis de conduire et passeport de M. G. (ses pièces 30 et 31) et, d'autre part, des circonstances peu claires de son établissement telles qu'elles résultent du témoignage de M. F., lequel indique dans sa première attestation que M. G., absent de Paris, lui avait remis une 'procuration' pour signer un accord avec la société et la marque de M. VAN DER B. pour un shooting libre de tous droits, sans limite d'utilisation et de temps ; que la déclaration de cession en date du 25 mai 2005 sera, en conséquence, déclarée non probante ;

Considérant qu'au vu des pièces versées par M. G. (procès-verbal de constat du 20 septembre 2014, descriptif des recadrages et altérations des photographies, captures d'écran du catalogue de la marque VDB (www.vdb[VAN DER B.].ch), ont été modifiées et exploitées dans la version modifiée les photographies suivantes : JAVA (en 2014, 2018), LABYRINTHE (en 2014 et 2015), SNAKE (en 2012, 2015 et 2018), SPIDER (en 2010, 2012 et 2014), LILY (en 2012),VICTORIA (en 2012, 2015 et 2018), VINTAGE (en 2010 et 2012), SPIDER (en 2012), 4 SEASONS (en 2012) ; qu'il ne ressort pas des pièces versées que les photographies en cause ont fait l'objet d'une exploitation continue pendant 4, 5, 8, 9 ou 12 ans comme le soutient M. G. ;

Que le site internet www.vdb.ch est accessible en France, à un public francophone ;

Que dans sa demande, M. G. ne vise pas les clichés JAVA et LABYRINTHE au titre des années précédant l'accord du 19 novembre 2007, ce qui tend à établir que les sommes dues pour cette période et mentionnées dans l'échange de courriels de novembre 2007 lui ont été réglées ;

Que conformément à l'engagement pris par M. VAN DER B., agissant pour le compte de la société SWJM, le 19 novembre 2007, la somme globale de 18 000 € (1 000 € par photographie et par année d'exploitation) est donc due à M. G. ;

Sur la mesure d'interdiction demandée par M. G.

Considérant que du fait du rejet des demandes fondées sur la contrefaçon de droits d'auteur, il n'y a lieu de faire droit à la demande d'interdiction présentée par M. G. ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que la société SWJM qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant infirmées ;

Que la somme qui doit être mise à la charge de la société SWJM au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. G. peut-être équitablement fixée à 8 000 € ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Rejette la demande tendant au rejet de la pièce n° 20 de l'appelant,

Confirme le jugement si ce n'est en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance,

Y ajoutant,

Condamne la société SWJM à payer à M. Laurent G. dit D. la somme de 18 000 € en exécution de l'engagement pris le 19 novembre 2007,

Déboute M. G. dit D. de sa demande de mesure d'interdiction,

Condamne la société SWJM aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement à M. G. dit D. de la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.