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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 27 avril 2022, n° 20/00683

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Sindesign (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

M. Roublot, Mme Robert-Nicoud

TJ Strasbourg, 1re ch. civ., du 21 janv.…

21 janvier 2020

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. F., créateur designer et photographe a déposé dès l'année 2010 une enveloppe SOLEAU contenant les schémas de création d'une niche litière.

Le 04 février 2011, M. F. déposait un dessin et modèle à l'INPI n°20110611 destiné à protéger sa niche-litière contre la contrefaçon.

En avril 2011, M. F. a créé avec M. H., avec qui il entretenait des liens amicaux depuis 2009, la société SINDESIGN, qui avait principalement pour objet la commercialisation de cette niche litière.

En 2014, M. H., sa compagne Mme H. et M. F., détenaient chacun 33,33 % de parts du capital de la société.

Le dessin et modèle de la niche litière n'a pas été renouvelé par la société SINDESIGN de sorte qu'il est devenu obsolète en 2016 à l'issue de sa durée initiale de 5 ans.

En février 2017, M. H. a assigné une première fois, devant le juge des référés civils, M. F. afin d'obtenir le remboursement d'un prêt de 17 850 euros.

Cette procédure a fait l'objet d'une radiation.

En mars 2017, la société SINDESIGN a assigné M. F. devant le juge des référés commerciaux afin d'obtenir le remboursement d'un compte-courant d'associé débiteur à hauteur de 18 000 euros.

Selon l'ordonnance du 29 novembre 2017, la société SINDESIGN a été déboutée de ses prétentions et l'affaire a été renvoyée devant les référés civils afin que soit statué sur les droits d'auteur de M. F..

Par jugement du 21 janvier 2020, le Tribunal judiciaire de STRASBOURG a dit que la niche-litière 'POOPOOPEEDO' est une oeuvre de l'esprit, a dit que M. F. n'est pas l'auteur unique de la niche-litière 'POOPOOPEEDO' qui est une oeuvre de collaboration et en conséquence, a rejeté toutes les prétentions formées par M. F. en qualité d'auteur unique de la maison de toilette 'POOPOOPEEDO' comme étant irrecevables, a dit n'y avoir lieu d'allouer quelque montant que ce soit à la société SINDESIGN au titre des frais irrépétibles, a condamné M. F. aux dépens, a admis Me D. au bénéfice des dispositions de l'article 699 du CPC.

Par déclaration faite au greffe le 06 février 2020, M. F. a interjeté appel de cette décision.

Par déclaration faite au greffe le 24 février 2020, la société SINDESIGN s'est constituée intimée.

Par ses dernières conclusions du 27 septembre 2021 auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, M. F. demande à la Cour de dire l'appel recevable et bien fondé, y faisant droit, de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le modèle 'POOPOOPEEDO' était une oeuvre de l'esprit, d'infirmer le jugement pour le reste, statuant à nouveau, de dire et juger que M. F. a la qualité d'auteur unique de la niche, de dire et juger que la société SINDESIGN s'est rendue coupable de contrefaçon au sens de l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, de dire et juger que la société SINDESIGN a porté atteinte aux droits patrimoniaux et moraux d'auteur de M. F., de dire et juger que la société SINDESIGN a commis des actes de concurrence déloyale distincts des actes de contrefaçon, en conséquence, d'ordonner la cessation par la défenderesse de la production et de la commercialisation de la niche de toilette 'POOPOOPEEDO', de dire que cette interdiction prendra effet à compter de la décision à intervenir et sera assortie d'une mesure d'astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction à compter de la signification du jugement à intervenir, de réserver les droits du salarié au titre de la réparation de son préjudice matériel au titre des actes de contrefaçon et d'enjoindre la société SINDESIGN à produire tout document comptable permettant de déterminer la masse contrefaisante notamment le nombre de ventes réalisées jusqu'à ce jour, de condamner la société SINDESIGN à une provision de 28 000 euros à valoir sur la réparation du préjudice matériel, de condamner la défenderesse au versement de la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral, de condamner la société SINDESIGN au versement de la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale, en tout état de cause, de débouter la société SINDESIGN de toutes ses demandes, fins et conclusions, de condamner la société SINDESIGN au versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC, de dire que ces sommes porteront intérêts légaux à compter de la décision à intervenir, de condamner la société SINDESIGN aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, M. F. affirme, sur le droit applicable, que les articles L. 111-1 et L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, que la jurisprudence estime que l'originalité d'un modèle peut résulter d'une combinaison originale d'éléments qui ne peuvent faire l'objet d'un droit privatif en eux-mêmes.

Sur l'éligibilité de l'oeuvre à la protection du droit d'auteur, M. F. soutient que la forme de la litière est originale et transforme un objet utilitaire en élément décoratif, que l'originalité certaine de l'oeuvre lui permet d'accéder à la protection par le droit d'auteur.

Sur la titularité des droits d'auteurs sur son oeuvre, M. F. fait valoir, que selon l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, l'auteur est titulaire de droits dès l'instant où l'oeuvre a été créée, que M. F. a créé la litière en 2009 avant la constitution de la société SINDESIGN et qu'il en est l'unique créateur, que M. H. est intervenu uniquement comme investisseur dans le projet de commercialisation de la litière, que M. F. est l'unique titulaire des droits d'auteurs sur sa création.

Sur la contrefaçon de droits d'auteur, M. F. soutient que les droits d'auteur sont d'ordre patrimonial et moral, que selon les articles L. 131-2 et L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle, l'autorisation par laquelle un auteur transmet ses droits sur son oeuvre ne peut résulter que d'un contrat écrit avec une mention distincte dans l'acte de cession, que selon l'article L. 131-4 de ce même Code, l'auteur qui cède ses droits sur son oeuvre doit percevoir une contrepartie financière consistant en principe en une participation proportionnelle aux recettes provenant de l'exploitation de l'oeuvre, que selon les articles L. 121-1 et L. 121-2 de ce Code, le droit moral de l'auteur comprend 4 prérogatives, qu'en l'espèce les défendeurs ont poursuivi sans y être autorisés la commercialisation de la litière après que M. F. ait quitté la société, que M. F. n'a jamais transmis ses droits d'auteurs par contrat, que les modèles commercialisés sur le site internet de la société reproduisent toutes les caractéristiques originales de l'oeuvre de M. F., que cela s'apparente à des actes de contrefaçon de droit d'auteur.

Sur l'atteinte aux droits moraux, M. F. affirme que les défendeurs ont porté atteinte à son droit de paternité puisque les modèles commercialisés ne contiennent pas son nom ou sa qualité d'auteur, que les défendeurs ont porté atteinte au droit au respect de l'oeuvre de M. F., que la mauvaise qualité des reproductions de l'oeuvre a porté préjudice à l'honneur et à la réputation de M. F. en tant que designer, que les moules servant à la fabrication ne seraient plus en France mais en Pologne.

Sur les actes de concurrence déloyale, M. F. soutient qu'un effet de gamme a été créé en déclinant le modèle servilement reproduit en de multiples couleurs, que le risque de confusion généré est constitutif d'une faute qui suffit à engager sa responsabilité au titre de la concurrence déloyale.

Sur les mesures sollicitées, M. F. fait valoir que les actes litigieux doivent cesser, que selon l'article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle des mesures réparatrices doivent être ordonnées, qu'un préjudice matériel a été causé ; qu'un préjudice moral a été causé à hauteur de 50 000 euros du fait de l'atteinte portée par les défendeurs à ses droits d'auteur sur son oeuvre, que des bénéfices ont été réalisés par le contrefacteur, qu'est sollicitée la publication judiciaire du dispositif du jugement à intervenir.

Par ses dernières conclusions du 28 septembre 2021 auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, SINDESIGN demande à la Cour de dire la société SINDESIGN recevable en les présentes, et l'y déclarer bien fondée, de déclarer l'appel de M. F. mal fondé et l'en débouter, in limine litis, de dire les demandes de M. F. relatives à la réparation de son préjudice matériel et celui résultant d'actes de prétendues concurrence déloyale irrecevables comme étant des demandes nouvelles, sur le fond, de donner acte la société SINDESIGN qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la Cour quant au caractère d'oeuvre de l'esprit de la litière pour chats, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, en conséquence, de débouter M. F. de ses entières demandes, y ajoutant, de condamner M. F. à verser à la société SINDESIGN la somme de 6 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du CPC, de condamner M. F. aux dépens des deux instances.

Au soutien de ses prétentions, la société SINDESIGN affirme, in limine litis, sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles de surcroît infondées, que M. F. présente des demandes nouvelles au sens des articles 564 et suivants du CPC, que ces demandes sont irrecevables, que la demande présentée au titre de la concurrence déloyale est sans pertinence puisque M. F. ne démontre pas exercer d'activité économique, que la demande présentée au titre du préjudice matériel est fantaisiste et prescrite.

Sur la qualification de la litière 'POO POO PE DO' d'oeuvre de l'esprit, la société SINDESIGN soutient que le caractère original de la litière résultant de sa forme est discutable car inspirée d'autres marques existantes, que cette création est le résultat d'une collaboration entre plusieurs personnes.

Sur la mesure de la participation de M. F. à la création du produit, la société SINDESIGN affirme qu'après la conception du produit, des prototypes furent réalisés dès avant la création de la société SINDESIGN et financés entièrement par les fonds de M. H., qu'en cas de pluralité d'auteur il faut distinguer les oeuvres de collaboration et les oeuvres collectives au sens de l'article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle, que M. F. confirme qu'il ne dispose d'aucun élément permettant de démontrer sa paternité sur la litière objet du litige, que M. F. n'est pas le concepteur unique mais un participant parmi d'autres au projet imaginé par Mme B., dessiné par M. Z. et M. H., rendu industrialisable par M. O. et financé par M. H. et Mme H., que l'oeuvre apparaît collective ou en collaboration dont l'exploitation a été confiée à la société SINDESIGN, que M. F. avait par ailleurs accepté en novembre 2013 de partager la propriété sur le dessin et modèle qu'il avait déposé en 2011 par parts égales entre lui, M. H. et Mme H..

La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 septembre 2021.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 13 Octobre 2021.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande en irrecevabilité des demandes nouvelles de la partie appelante :

La SAS SINDESIGN soutient que Monsieur David F. a présenté des demandes nouvelles à hauteur de Cour.

Les demandes visées sont constituées par une demande de provision présentée à hauteur de Cour par Monsieur David F. à valoir sur la réparation de son préjudice matériel et par une demande de condamnation au paiement de la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait d'actes de concurrence déloyale.

Par application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

S'agissant de la demande de provision à valoir sur la réparation de son préjudice matériel, cette demande ne peut pas être considérée comme nouvelle, dès lors que Monsieur David F. avait sollicité en première instance que ses droits à réparation de son préjudice matériel soient réservés.

Concernant la demande de condamnation au paiement de la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait d'actes de concurrence déloyale, il convient de relever qu'en première instance, Monsieur David F. n'avait présenté des demandes et des prétentions qu'au titre de la titularité des droits d'auteur sur la niche modèle 'POOPOOPEEDO' et n'a, à aucun moment, dans ses dernières conclusions saisissant le Tribunal judiciaire de Strasbourg évoqué des faits de concurrence déloyale de la part de la société intimée, lui causant un préjudice.

Cette demande doit être déclarée irrecevable comme nouvelle au sens des dispositions précitées de l'article 564 du code de procédure civile.

Sur le fond du litige :

1. Sur la qualité d'oeuvre de 'esprit de la niche-litière 'POOPOOPEEDO' :

C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier juge a retenu que la niche-litière 'POOPOOPEEDO' constituait une oeuvre de l'esprit, éligible aux droits d'auteur.

2. Sur la titularité des droits d'auteur :

Monsieur David F. affirme être le seul auteur de la niche-litière 'POOPOOPEEDO' alors que la SAS SINDESIGN prétend qu'il s'agit d'une oeuvre collective ou de collaboration au sens de l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle.

En vertu de ces dispositions :

'- Est dite de collaboration l'oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. Est dite composite l'oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière.

- Est dite collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé.'

Ainsi, il y a des oeuvres dont la paternité ne peut pas être attribuée à une seule et unique personne, c'est le cas lorsqu'il existe une pluralité d'auteurs, il faudra alors distinguer selon qu'il s'agisse d'une oeuvre de collaboration ou d'une oeuvre collective.

Il convient de rappeler qu'une oeuvre de collaboration, est une oeuvre créée avec la contribution de plusieurs auteurs qui se sont mis d'accord sur la réalisation de l'oeuvre. Dans ce cas, l'oeuvre est la propriété commune de tous les auteurs.

En revanche, l'oeuvre collective, est une oeuvre dont l'initiative vient d'une seule personne mais dont le résultat est dû à la contribution de plusieurs auteurs sans qu'il n'y ait eu d'accord entre eux, et seule la personne ayant eu l'initiative de la création sera titulaire des droits patrimoniaux, les autres auteurs quant à eux auront toujours le bénéfice de leurs droits moraux.

Monsieur David F. affirme avoir utilisé une enveloppe SOLEAU pour déposer le 04 Février 2011, un dessin et modèle à l'INPI n° 20110611 pour protéger sa litière de la contrefaçon.

Faute de renouvellement, ce dessin et modèle est expiré.

Le premier juge a fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties pour la plupart repris en appel, en retenant que la création de la niche-litière 'POOPOOPEEDO' était une oeuvre de collaboration, qui avait fait l'objet en novembre 2013, d'un partage de propriété sur le dessin et modèle déposé par Monsieur David F. en 2011, par parts égales entre lui-même, Olivier H. et Stéphanie H. qui lui interdisait de se prévaloir d'un droit de propriété exclusif sur l'oeuvre.

À ces justes et pertinents motifs que la Cour adopte, il convient seulement d'ajouter que Monsieur David F. a produit à hauteur de Cour en annexe 8, le contrat de cession de quotes-parts de dessin et modèle conclu le 28 Novembre 2013, entre lui-même, Olivier H. et Stéphanie H. concernant le dessin et modèle déposé à l'INPI sous le n°20110611.

En conséquence, la décision entreprise sera confirmée.

Succombant, Monsieur David F. sera condamné aux entiers dépens et sa demande présentée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS SINDESIGN.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Déclare irrecevables comme nouvelles les demandes présentées par Monsieur David F. fondées sur la concurrence déloyale,

Confirme en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 21 Janvier 2020, par le Tribunal Judiciaire de Strasbourg,

Condamne Monsieur David F. aux entiers dépens,

Condamne Monsieur David F. à verser à la SAS SINDESIGN la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de Monsieur David F. fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.