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Décisions

Cass. com., 1 mars 2011, n° 09-71.252

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Vincent et Ohl

Paris, du 20 oct. 2009

20 octobre 2009

Donne acte à M. X... de sa renonciation aux griefs formulés par le premier moyen, la première branche du quatrième moyen et le cinquième moyen du mémoire ampliatif ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2009), que par décision du 23 octobre 2008, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) a retenu que M. X..., président-directeur général de la société Moneyline, avait commis des manquements d'initié en acquérant des titres de cette société, d'abord, au mois de janvier 2005, alors qu'il détenait des informations privilégiées relatives au chiffre d'affaires 2004 et à l'estimation du résultat d'exploitation consolidé 2004, ensuite, aux mois de février et de mars 2005, alors qu'il détenait une information privilégiée relative au résultat d'exploitation consolidé 2004, et a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir, validant la procédure suivie devant l'AMF, rejeté son recours en annulation et confirmé la sanction prononcée à son encontre alors, selon le moyen, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que si l'AMF décide librement de la nature et de l'étendue des investigations auxquelles elle entend procéder, elle ne saurait, sans violer les droits de la défense et, notamment, le respect du contradictoire, décider unilatéralement du sort des actes effectués et des pièces examinées dans le cadre de l'enquête et, partant, du contenu du dossier transmis à la commission des sanctions, seul accessible à la personne poursuivie ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir, preuves à l'appui, que les enquêteurs de l'AMF avaient eu plusieurs entretiens avec M. Y..., directeur général de la société, qui prétendait que M. X... avait été destinataire des informations litigieuses, sans qu'il n'y ait aucune trace dans le dossier de ces entretiens et de leur teneur ; qu'en énonçant, pour débouter M. X... de sa demande d'annulation de la procédure suivie, que la contradiction n'est qu'une exigence de l'instruction et non de l'enquête laquelle doit être seulement loyale et qu'il ne résulte d'aucun élément que l'enquête ait été déloyale et ait ainsi emporté la conviction erronée de la commission, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que la contradiction, qui s'applique pleinement à compter de la notification des griefs, est une exigence de l'instruction et non de l'enquête, laquelle doit seulement être loyale de façon à ne pas compromettre irrémédiablement les droits de la défense, l'arrêt relève qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucun des éléments du dossier que l'enquête ait été déloyale et ait ainsi emporté la conviction erronée de la commission des sanctions ; que l'arrêt retient encore que les informations que M. Y... aurait fournies à l'enquêteur n'ont pas été retenues par cette commission qui ne s'est fondée que sur la réalité incontestable et incontestée des opérations de marché et sur l'examen des informations dont disposait avec certitude M. X... ; que l'arrêt relève enfin que les pièces dont M. X... déplore qu'elles ne figurent pas au dossier ne seraient pas opérantes pour écarter le reproche qui lui est fait en tant que dirigeant ; que de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a déduit à bon droit que le moyen de nullité invoqué devait être écarté ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X... fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que dans son mémoire devant la cour d'appel, M. X... faisait valoir qu'il ressortait des termes mêmes de la notification de griefs qui lui avait été adressée que les enquêteurs avaient retenu qu'il détenait des informations privilégiées sur le seul fondement des déclarations faites par M. Y... et des lettres adressées par celui-ci à l'AMF, de sorte que sa demande de "confrontation" avec M. Y... était parfaitement justifiée puisqu'elle aurait permis à tout le moins une instruction à décharge avec un éventuel changement du directeur général dans ses affirmations ; qu'il indiquait encore qu'un communiqué financier dont il n'était fait nulle mention dans le rapport d'enquête, avait été publié le 2 décembre 2004 et que M. Y..., responsable de la communication financière aurait été capable, dès lors, de confirmer ou d'infirmer la diffusion de ce communiqué ; qu'en se bornant, pour écarter la demande de nullité de la procédure, à relever que M. X... n'établit pas en quoi ce directeur financier eût pu apporter des éléments nouveaux à l'occasion d'une sorte de "confrontation" et à affirmer, par pure pétition, que M. Y... n'aurait pu "apporter un éclairage décisif s'agissant d'un manquement d'initié", bien que la détention d'une information privilégiée par la personne poursuivie soit un élément constitutif du manquement, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que dans son mémoire devant la cour d'appel, M. X... observait encore que la détention d'une information privilégiée quant aux comptes consolidés de la société Moneyline avait été retenue à son encontre du fait de ce qu'il avait participé à une réunion le 14 février 2005, réunion au cours de laquelle les participants auraient, selon les dires de M. Y..., disposé d'informations substantielles sur les comptes définitifs de la société ; qu'il indiquait que le refus du rapporteur d'entendre le commissaire aux comptes, qui était présent lors de cette réunion, le privait de la possibilité de rapporter la preuve de ce qu'aucune information nouvelle n'avait été diffusée lors de cette réunion ; qu'en se bornant, pour écarter la demande de nullité de la procédure, à relever que s'agissant d'un manquement d'initié, la conduite subjective de M. X... était principalement en cause, point sur lequel le commissaire aux comptes ne pouvait apporter un éclairage décisif, sans s'expliquer sur le moyen tiré de ce que le commissaire aux comptes était à même d'infirmer les déclarations de M. Y... et d'établir que M. X... ne disposait d'aucune information privilégiée, la cour d'appel a derechef méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'article R. 621-39-I du code monétaire et financier laisse au rapporteur le soin de procéder aux diligences qui sont utiles, en fonction du contenu de l'enquête et du type de griefs retenus, l'arrêt relève qu'en l'occurrence, M. Y... avait été auditionné dans le cours de l'enquête et que M. X... n'établit pas en quoi celui-ci aurait pu apporter des éléments nouveaux à l'occasion d'une sorte de "confrontation" ; que l'arrêt relève encore que s'agissant d'un manquement d'initié, la conduite de M. X... était principalement en cause et que sur ce point ni M. Y... ni le commissaire aux comptes ne peuvent apporter un éclairage décisif ; qu'en l'état de ces énonciations et de ces appréciations souveraines, c'est par une décision motivée que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre M. X... dans le détail de son argumentation, a écarté les griefs adressés sur ces points au rapporteur ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le quatrième moyen pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches :

Attendu que M. X... fait toujours le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que nul ne peut être condamné pour un manquement d'initié s'il n'est pas rapporté, à son encontre, la preuve de la détention d'une information privilégiée ; qu'il appartient à l'AMF, qui entend voir condamnée la personne poursuivie, d'établir la preuve de cette détention ; qu'en énonçant, pour dire M. X... coupable de manquements d'initié, qu'il a, comme dirigeant, nécessairement disposé dès la fin de 2004 et à plus forte raison en janvier et en mars 2005, des informations économiques et financières confidentielles de la société, la cour d'appel, qui a fait porter la charge de la preuve de l'absence de détention de l'information privilégiée sur la personne poursuivie, a violé les dispositions de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier et de l'article 622-1 du règlement général de l'AMF, ensemble le principe de la présomption d'innocence consacré à l'article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que toute décision doit être motivée ; que le motif hypothétique équivaut à un défaut de motif ; qu'en se bornant, pour dire M. X... coupable d'un manquement d'initié commis en janvier 2005, à affirmer qu'"il n'est pas plausible que M. X... n'ait pas disposé quelques heures avant leur publication des évaluations comptables de 2004" et qu'"on comprendrait mal pourquoi M. X..., en convalescence a passé des ordres à cette date précise, sinon pour tenir compte d'informations rassurantes sur sa propre entreprise", la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que nul ne peut être condamné pour un manquement d'initié s'il n'est pas rapporté, à son encontre, la preuve de la détention d'une information privilégiée ; qu'il appartient à l'AMF, qui entend voir condamnée la personne poursuivie, d'établir la preuve de cette détention ; qu'en retenant, pour dire M. X... coupable d'un manquement d'initié commis en janvier 2005, qu'"il n'est pas plausible que M. X... n'ait pas disposé quelques heures avant leur publication des évaluations comptables de 2004" et qu'"on comprendrait mal pourquoi M. X..., en convalescence a passé des ordres à cette date précise, sinon pour tenir compte d'informations rassurantes sur sa propre entreprise", la cour d'appel qui a, ce faisant, fait porter la charge de la preuve de l'absence de détention de l'information privilégiée sur la personne poursuivie, a derechef violé les dispositions de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier et de l'article 622-1 du règlement général de l'AMF, ensemble le principe de la présomption d'innocence consacré à l'article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que le caractère public de l'information exclut tout manquement d'initié ; que, dans son mémoire devant la cour d'appel, M. X... indiquait expressément, quant à l'information relative au chiffre d'affaires et au résultat d'exploitation consolidée pour l'année 2004, que cette information avait été rendue publique par un communiqué en date du 2 décembre 2004, qu'il n'avait "jamais convenu", comme indiqué à tort dans la décision entreprise, qu'il ne devait pas être tenu compte de ce communiqué, que ce document lui avait été remis par la société Euroland finance et qu'il rapportait ainsi la preuve de ce que l'information dont il s'agit avait été portée à la connaissance du marché le 2 décembre 2004 même si M. Y... avait omis de faire en sorte que ce communiqué figure sur le site de l'AMF ; qu'en énonçant néanmoins, pour dire que l'information litigieuse était privilégiée, "que le communiqué du 2 décembre 2004 n'a, quant à lui, jamais été publié, ce dont M. X... ne disconvient pas", la cour d'appel a dénaturé les écritures de M. X..., en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que si la maladie du dirigeant peut faire admettre qu'il ait été privé d'informations privilégiées, M. X..., dont la chimiothérapie avait cessé à la fin de l'année 2004, avait pu reprendre contact progressivement avec ses affaires et procéder à des arbitrages boursiers, l'arrêt retient que M. X... avait, comme dirigeant, nécessairement disposé des informations économiques et financières confidentielles de la société dès la fin de l'année 2004 et à plus forte raison aux mois de janvier et de mars 2005 ; que c'est ainsi sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et troisième branches, que M. X... détenait les informations litigieuses ;

Et attendu, en second lieu, que M. X... ayant reconnu, dans son mémoire devant la cour d'appel, que le communiqué du 2 décembre 2004 n'avait jamais été mis en ligne sur le site de l'AMF, c'est sans dénaturer ces écritures que la cour d'appel a retenu qu'il ne disconvenait pas du fait que ce communiqué n'avait jamais été publié ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.