Cass. com., 29 janvier 2013, n° 11-27.333
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
M. Le Dauphin
Avocat général :
M. Mollard
Avocats :
SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, SCP Vincent et Ohl
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 septembre 2011), que par décision du 16 septembre 2010, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF), ayant retenu que la société Orgasynth, devenue Elixens (la société) et M. X..., représentant légal de celle-ci, avaient manqué à leur obligation de communiquer au public une information exacte, précise et sincère et, en ce qui concerne M. X..., à son obligation de déclarer à l'AMF une promesse de cession d'actions constituant une convention prévoyant des conditions préférentielles au sens de l'article L. 233-11 du code de commerce, a prononcé une sanction pécuniaire de 50 000 euros à l'encontre de la société et de 100 000 euros à l'encontre de M. X... et a ordonné la publication de sa décision ; que la société et M. X... ont notamment fait valoir, au soutien de leur recours contre cette décision, que les messageries électroniques professionnelles de deux salariés, dont une copie avait été remise aux enquêteurs à l'occasion de l'exercice par ceux-ci du droit de communication qu'ils tiennent de l'article L. 621-10 du code monétaire et financier, contenaient des échanges avec l'avocat de la société ;
Attendu que la société et M. X... font grief à l'arrêt de rejeter leur recours, alors, selon le moyen :
1°/ que les principes de loyauté dans l'administration de la preuve et de respect des droits de la défense s'imposent, sous le contrôle du juge, aux autorités disposant d'un pouvoir de sanction ; qu'en application de ces principes, les enquêteurs de l'AMF, tout en disposant du droit de se faire communiquer tous documents quel qu'en soit le support, ne peuvent se faire remettre des documents couverts par le secret professionnel qu'après avoir informé leur détenteur de son droit à se faire assister d'un conseil, impliquant celui de s'opposer à leur communication, si bien qu'en qualifiant de volontaire la remise, par M. X... aux enquêteurs de l'AMF, des messageries électroniques professionnelles de deux salariés de la société Orgasynth, contenant des échanges confidentiels avec l'avocat de la société, sans avoir constaté que M. X... avait, préalablement à la duplication de ces éléments, été informé de son droit de se faire assister d'un avocat, de s'opposer à leur remise et avait renoncé à de tels droits, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, des articles L. 621-9-3, L. 621-10, L. 621-15 du code monétaire et financier, ensemble des principes de loyauté dans l'administration de la preuve et de respect des droits de la défense ;
2°/ que les enquêteurs spécialement habilités à raison de leur indépendance et de leur compétence doivent, lorsqu'ils sont désignés par le secrétaire général de l'AMF pour effectuer une enquête, y procéder personnellement et en dresser les conclusions dans un rapport écrit ; que la nullité du rapport d'enquête entraîne celle de tous les actes subséquents ; qu'ayant constaté que le rapport d'enquête ayant servi de fondement aux poursuites et sanctions infligées à la société Orgasynth et à M. X... n'avait pas été signé par les enquêteurs habilités mais par le directeur des enquêtes et de la surveillance des marchés, lui-même non habilité, si bien qu'il n'existait aucune certitude que le rapport litigieux fût conforme à l'opinion émise par les enquêteurs habilités à l'issue de leurs travaux, la cour d'appel, en refusant de prononcer la nullité du rapport d'enquête et celle de la notification des griefs subséquente, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et violé l'article R. 621-36 du code des marchés financiers, ensemble l'article L. 621-15 du même code ;
3°/ que l'existence d'un doute légitime quant à l'impartialité et à l'indépendance de l'auteur d'un rapport d'enquête ayant servi de fondement au prononcé de sanctions suffit, à elle seule, à justifier l'annulation du rapport et de la procédure subséquente si bien qu'en en refusant de prononcer la nullité du rapport d'enquête et celle de la notification des griefs subséquente aux motifs inopérants que les requérants ne démontraient pas de façon concrète en quoi cet état de fait leur ferait grief, la cour d'appel a violé l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, l'article R. 621-36 du code des marchés financiers, ensemble l'article L. 621-15 du même code ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que les correspondances électroniques que le représentant légal de la société avait accepté de remettre en copie aux enquêteurs n'avaient pas été annexées au rapport d'enquête, et dés lors qu'il n'était pas allégué qu'avaient été fournis aux enquêteurs, préalablement à ces remises, des éléments propres à établir que les messageries contenaient des correspondances couvertes par le secret des échanges entre un avocat et son client, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, que la signature du rapport établi en application de l'article R. 621-36 du code monétaire et financier par le directeur des enquêtes et de la surveillance des marchés de l'AMF est sans incidence sur sa validité ;
Et attendu, enfin, que l'auteur d'un rapport mentionnant les résultats des enquêtes et des contrôles et indiquant les faits relevés susceptibles de constituer des manquements au règlement général de l'AMF ou une infraction pénale, n'est pas tenu de satisfaire aux exigences d'impartialité et d'indépendance applicables aux autorités de jugement ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.