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Décisions

Cass. 1re civ., 4 avril 1991, n° 89-17.351

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Massip

Rapporteur :

M. Savatier

Avocat général :

M. Gaunet

Avocats :

Me Choucroy, SCP Boré et Xavier

Paris, du 17 avr. 1989

17 avril 1989

Sur les quatre branches du moyen unique :

Attendu que Mme Z... est décédée le 17 mai 1982, laissant son conjoint, M. Y..., avec lequel elle s'était mariée sans contrat le 21 novembre 1936, donataire de la plus forte quotité disponible permise entre époux, et sa fille née d'un premier mariage, Mme X... ; que, par acte du 16 février 1983 M. Y... a opté pour l'usufruit de l'universalité des biens composants la succession ; qu'il dépendait de la communauté un important portefeuille de valeurs mobilières géré par plusieurs banques ; que le 6 février 1984, Mme X... a formé une demande de compte, liquidation et partage de la communauté et de la succession ; qu'au cours de la procédure, le 8 juin 1984, elle a écrit à quinze agences bancaires une lettre leur faisant défense de procéder à aucun mouvement sur les titres déposés sans l'en informer au préalable ; que M. Y..., soutenant que Mme X... avait commis une faute, a demandé qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 4 200 000 francs en réparation du préjudice qu'il dit avoir subi à la suite du blocage des comptes ; que l'arrêt attaqué (Paris, 17 avril 1989) l'a débouté de cette demande ;

Attendu que M. Y... lui fait grief d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que d'abord, de ses constatations la cour d'appel devait déduire que M. Y... avait la qualité d'usufruitier non indivis de la totalité de la masse à partager ce qui lui donnait le droit de gérer librement les titres par application de l'article 587 du Code civil sans que la nue-propriétaire puisse valablement paralyser l'exercice de ce droit, de sorte que l'injonction figurant dans la lettre du 8 juin 1984, constituait une immixtion fautive de la nue-propriétaire et que l'arrêt attaqué a violé les articles 578, 587 et 1382 du Code civil ; alors, ensuite, qu'un éventuel droit d'information de la nue-propriétaire auprès des banques devait être exercé avec prudence et ne pouvait être accompagné d'une défense de mouvement par un plaideur en liquidation-partage, qui réclamait la mise au nominatif des titres sans que cela ne traduise des imprudences téméraires, de sorte que l'arrêt a violé les articles 1382 et 1383 du même Code ; alors, encore, que les erreurs constatées dans l'arrêt attaqué constituant de telles imprudences, l'arrêt a encore violé les textes susvisés ; alors, enfin, que la maladresse et l'inutilité de la demande de mise au nominatif des titres au porteur constatées par la cour d'appel caractérisaient également une imprudence, de sorte qu'en statuant comme elle a fait, elle a, à nouveau, violé les mêmes textes ;

Mais attendu d'abord, que les dispositions de l'article 587 du Code civil ne sont pas applicables à l'usufruit portant sur des titres au porteur, qui ne sont pas consomptibles par le premier usage ;

Attendu, ensuite, que ne présente pas un caractère fautif préjudiciable à l'usufruitier, ni même une imprudence, la demande d'information, avant tout mouvement sur les titres sur lesquels porte l'usufruit, formée par la nue-propriétaire ; que dès lors, la cour d'appel, qui a relevé que Mme X... avait été laissée dans une complète ignorance de la situation des comptes qui avaient continué à fonctionner comme si M. Y... en était l'entier titulaire, a exactement retenu que la lettre de Mme X... constituait une légitime mesure de prudence et ne portait, quant à la mise au nominatif des titres, que sur l'application de dispositions légales d'ordre public ; que sa décision est ainsi légalement justifiée ; que le moyen ne peut donc être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.