Cass. com., 9 janvier 2019, n° 16-14.727
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Occhipinti, SCP Ohl et Vexliard
Joint les pourvois n° Q 16-18.201, P 16-14.727 et Q 16-14.866, qui attaquent le même arrêt ;
Donne acte à M. X... et la société Ormylia du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y..., Mme Z..., M. Z..., les sociétés International Sociéty Activities Finances et Socodol et à M. Z..., Mme Z..., la société International Sociéty Activities Finances et la société Socodol du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. X..., la société Ormylia et M. Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2016), que les titres de la société anonyme à directoire et conseil de surveillance Riber (la société Riber) sont admis à la négociation sur le marché réglementé d'Euronext Paris, compartiment C ; qu'au 31 décembre 2014, ces titres étaient détenus par la société NG Investments et M. C... pour 29 %, la société Ormylia et M. X... pour 18,8 %, et la société ISA Finances , la société Socodol, Mme Z... et M. Z... pour 17,7 %, le solde étant réparti entre les petits porteurs ; que de mai 2011 au 20 octobre 2012, le conseil de surveillance était composé de huit membres dont MM. Z... et X... ; que M. X... en a démissionné le 21 octobre 2012 et M. Z... le 5 février 2013 ; qu'entre mai 2011 et fin 2013, le directoire était composé de cinq membres dont M. C..., président, et M. Y..., directeur marketing ; que depuis juin 2011, la société Ormylia était détenue à 100 % par la société Ormylux, elle-même détenue à 100 % par M. X... ; que Mme Z..., soeur de M. X... et épouse de M. Z..., était présidente et actionnaire à 90 % de la société ISA Finances , M. Z..., directeur général, en étant actionnaire à 10 % ; que la société ISA Finances détenait à 100 % sa filiale, la société Socodol, dont Mme Z... était présidente ; que le 18 avril 2011, le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) a ouvert une enquête sur le marché du titre Riber, qu'il a étendue, le 5 juillet 2011, à l'information financière délivrée par la société à compter du 1er janvier 2009 ; qu'après le dépôt, le 22 novembre 2013, par la Direction des enquêtes et des contrôles, de son rapport d'enquête dans lequel il était fait état, d'une part, de l'utilisation d'une information privilégiée, portant sur deux contrats conclus par la société Riber avec deux sociétés asiatiques, signés respectivement les 18 octobre 2010 et 30 novembre 2010 et, d'autre part, d'une action de concert pour permettre aux mis en cause de faire élire au conseil de surveillance les trois personnes de leur choix et d'y devenir majoritaires, le collège de l'AMF a décidé, le 26 novembre 2013, que des griefs devaient être notifiés, au titre de manquements d'initié, à M. C..., la société NG Investments, M. X..., la société Ormylia et M. Z..., au titre de manquements relatifs à une action de concert et à l'information du marché, à M. Z..., Mme Z..., la société ISA Finances et la Socodol, et, au titre de manquements liés à une action de concert, à M. X..., la société Ormylia, M. Z..., Mme Z..., la société ISA Finances , M. Y... et la société Socodol ; que par décision du 2 juin 2015, la commission des sanctions de l'AMF a retenu que les manquements reprochés étaient caractérisés et a prononcé des sanctions pécuniaires contre les intéressés ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° P 16-14.727, pris en sa première branche :
Attendu que M. X... et la société Ormylia font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de leurs moyens tendant à l'annulation ou à la réformation de la décision alors, selon le moyen, que la procédure de sanction devant l'Autorité des marchés financiers est une accusation en matière pénale au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, ce qui implique que la procédure d'enquête doit respecter les principes du contradictoire et d'égalité des armes ; qu'en estimant, par motifs adoptés, que l'exercice de la contradiction pendant la phase de l'instruction suffisait et qu'il n'était pas établi que les droits de la défense avaient été irrémédiablement compromis par l'absence d'accès de M. X... et la société Ormylia au dossier pendant la phase d'enquête, la cour d'appel a violé l'article 6 de ladite Convention ;
Mais attendu que le respect de la contradiction, qui s'impose pleinement à compter de la notification des griefs, est une exigence de l'instruction et non de l'enquête, laquelle doit seulement être loyale afin de ne pas compromettre irrémédiablement les droits de la défense ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° P 16-14.727, pris en sa quatrième branche :
Attendu que M. X... et la société Ormylia font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que les prestataires de services d'investissements conservent un enregistrement des transactions sur instruments financiers qu'ils concluent, pour permettre à l'AMF de contrôler le respect de leurs obligations à l'égard de leurs clients ; que l'enregistrement des conversations téléphoniques entre le prestataire et son client, protégé au titre du droit au respect de la vie privée, n'a donc pas pour objet de contrôler l'activité de ce dernier et ne peut pas être utilisé contre lui, sauf s'il donne son consentement ou si le juge des libertés et de la détention l'autorise ; qu'en estimant que l'enregistrement des conversations entre M. X... et M. D..., préposé de la société UBS, avaient pu être exploités sans l'autorisation de M. X... ou d'un juge, la cour d'appel a violé les articles L. 533-8 et L. 533-10 du code monétaire et financier, 7, 32 et 38 de la loi du 6 janvier 1978 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu que la cour d'appel a énoncé à bon droit que l'obligation qui incombe à un prestataire de services d'investissement d'enregistrer les conversations téléphoniques entre son négociateur d'instruments financiers et le client n'a pas seulement pour finalité la protection de ce dernier, mais aussi la protection des clients potentiels et plus généralement le contrôle de la régularité des opérations financières ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° Q 16-14.866, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, le deuxième moyen du pourvoi n° Q 16-18.201 et le troisième moyen du pourvoi n° P 16-14.727 :
Attendu que M. Z..., Mme Z..., la société International Society Activities France, la Socodol, M. Y..., M. X... et la société Ormylia font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de leurs moyens tendant à l'annulation ou à la réformation de la décision alors, selon le moyen :
1°/ que sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir, de céder ou d'exercer des droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société ; que la circonstance que des membres du conseil de surveillance communiquent entre eux ou avec des membres du directoire, fut-ce confidentiellement, sur la gestion de la société, n'est pas de nature à caractériser un objectif de mise en oeuvre, par des actionnaires, d'une politique commune vis-à-vis de la société ou de sa prise de contrôle, seul de nature à établir l'existence d'un concert ; qu'en se fondant, pour retenir l'existence d'une action de concert entre M. X... et la société Ormylia, M. Z..., Mme Z..., la société ISA Finances et la société Socodol ainsi que M. Y... entre le 26 mai 2011 et le 12 mars 2012, sur les courriels échangés qui « mettent en évidence une démarche commune et cohérente de la part de M. X..., M. Z... et M. Y... entre le 26 mai 2011 et le 12 mars 2012 (date qui correspond aux échanges de consentements entre MM. Y... et C... portant sur la cession de ses actions), démarche concernant la gestion de la société et qui s'est effectuée de manière confidentielle », quand l'échange d'informations ou la position commune de membres du conseil de surveillance et/ou de membres du directoire de la société sur la gestion de cette dernière n'est pas de nature à caractériser un concert d'actionnaires, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 233-10 du code de commerce, ensemble l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ;
2°/ que sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir, de céder ou d'exercer des droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société ; qu'en retenant cependant, pour rejeter le recours formé par M. et Mme Z... et les sociétés ISA Finances et Socodol, l'existence d'un concert entre M. X... et la société Ormylia, M. Z..., Mme Z..., la société ISA Finances et la société Socodol ainsi que M. Y... ayant duré du 26 mai 2011 au 12 mars 2012, sans relever d'élément de nature à établir un objectif de mise en oeuvre d'une politique commune vis-à-vis de la société ou de prise de contrôle de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 233-10 du code de commerce, ensemble l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ;
3°/ que sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir, de céder ou d'exercer des droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société ; que la volonté d'un actionnaire de céder ses titres de la société, ensemble les négociations entamées à cette fin, est exclusive d'un accord durable, même temporairement, ayant pour objectif une politique commune vis-à-vis de la société qui serait partagé par des actionnaires ni cessionnaires des titres en cause ni eux-mêmes cédants de leurs propres titres ; que la cour d'appel a constaté que M. Y... avait cédé le 12 mars 2012, soit moins de dix mois après l'assemblée générale du 26 mai 2011, son bloc d'actions à la société NG Investments ; qu'en retenant cependant, pour rejeter le recours formé par M. et Mme Z... et les sociétés ISA Finances et Socodol, l'existence d'un concert entre M. X... et la société Ormylia, M. Z..., Mme Z..., la société ISA Finances et la société Socodol ainsi que M. Y... ayant duré du 26 mai 2011 au 12 mars 2012, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 233-10 du code de commerce et L. 621-15 du code monétaire et financier ;
4°/ que sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir, de céder ou d'exercer des droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société ; que ne constitue pas un concert l'accord, ponctuel, passé entre des actionnaires, ayant pour seul objectif de faciliter, par des préparatifs et l'exercice de leurs votes, l'entrée au conseil de surveillance de membres indépendants ; que la cour d'appel a elle-même constaté que MM. X..., Z... et Y... « se sont entendus pour désigner et faire élire trois personnes préalablement choisies » ; qu'en retenant cependant, pour rejeter le recours formé par M. et Mme Z... et les sociétés ISA Finances et Socodol, l'existence d'un concert ayant duré du 26 mai 2011 au 12 mars 2012, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 233-10 du code de commerce et L. 621-15 du code monétaire et financier ;
5°/ que sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir, de céder ou d'exercer des droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société ; que la notion même de concert, en ce qu'elle autorise la comptabilisation des titres et droits de vote appartenant à des personnes distinctes, implique que l'accord, constitutif du concert, impose une certaine contrainte de sorte que les concertistes ne puissent plus disposer plus de la liberté d'acquérir, de céder ou d'exercer des droits de vote comme ils l'entendent ; que la cour d'appel a elle-même rappelé que l'accord « implique nécessairement une rencontre de volontés des participants revêtant un caractère contraignant » ; qu'en déduisant cependant, pour retenir l'existence d'un concert, partant rejeter le recours formé par M. et Mme Z... et les sociétés ISA Finances et Socodol, le caractère obligatoire de l'accord, de « la connaissance qu'ils avaient de la répartition des droits de vote au sein du capital de la société Riber et de leur volonté de faire entrer leurs candidats au conseil de surveillance », la cour d'appel, qui a confondu l'intention de chacun des actionnaires concerné avec le caractère contraignant, a violé les articles L. 233-10 du code de commerce et L. 621-15 du code monétaire et financier ;
6°/ qu'un simple parallélisme de comportements libres ne touchant qu'à la gestion sociale ne caractérise par un accord contraignant entre les actionnaires établissant une action de concert ; que la seule circonstance que certains actionnaires doivent voter dans le même sens pour parvenir à faire adopter une résolution ne suffit pas à établir qu'ils ont conclu un accord contraignant les obligeant à adopter un comportement convergent ; qu'en l'espèce, pour retenir que le prétendu accord entre MM. Y..., X... et Z... aurait eu un caractère obligatoire, la cour d'appel s'est bornée à retenir que « compte tenu de la connaissance qu'ils avaient de la répartition des droits de vote au sein du capital de la société Riber et de leur volonté de faire entrer leurs candidats au conseil de surveillances, ils étaient contraints d'exercer leurs droits de vote dans le même sens » ; qu'en statuant ainsi, cependant que M. X... s'était abstenu d'exercer une partie de ses droits de vote, ce qui infirmait l'existence d'un quelconque accord entre les concertistes, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 233-10 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 10 de la directive 2004/109/CE du 15 décembre 2004 ;
7°/ qu'un accord implicite ne peut être retenu que lorsque chacun des supposés concertistes à conscience d'agir de concert en vue de mener une politique commune vis-à-vis de la société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'« il ressort d'un courriel postérieur à cette assemblée générale [du 26 mai 2011] que M. X... et M. Z... avaient conscience d'avoir participé à une action de concert » ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement rechercher si M. Y... aurait également eu conscience de participer à la prétendue action de concert, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 233-10 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 10 de la directive 2004/109/CE du 15 décembre 2004 ;
8°/ que le conseil de surveillance exerce le contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire ; que chacun des membres du conseil de surveillance peut opérer les vérifications et les contrôles qu'il juge opportuns et peut se faire communiquer les documents qu'il estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; que pour retenir l'existence d'un prétendu concert durable, la cour d'appel a retenu que, postérieurement à leur nomination, MM. E..., F... et G... avaient été individuellement informés par courriels de M. Y... de questions relatives à la gestion de la société, cependant que « dans le cadre d'un fonctionnement normal du conseil, ces questions de gestion devraient être soumises à l'ensemble des membres du conseil et non à quelques-uns dans un cadre confidentiel » ; qu'en statuant ainsi, quand chacun des membres du conseil de surveillance est individuellement en droit de se faire communiquer tous documents utiles à l'accomplissement de la mission du conseil, la cour d'appel a violé l'article L. 225-68 du code de commerce ;
9°/ que sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue de mettre en oeuvre une politique commune de gestion vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société ; qu'en l'espèce, il était soutenu par M. Y... que les prétendus concertistes n'avaient jamais mis en oeuvre de politique commune de gestion ou de prise de direction de la société Riber, puisqu'ils n'avaient jamais tenté de modifier la composition du directoire, et que le conseil de surveillance, au sein duquel avaient été nommés MM. G..., F... et E..., n'a pas de pouvoir de gestion ; que pour retenir l'existence d'un prétendu concert, la cour d'appel a estimé « qu'après l'assemblée générale du 16 mai 2011, MM. Bernard Z..., U... X... et Michel Y... ont continué leur action commune en s'informant mutuellement sur la gestion de la société, la contestant et formant des hypothèses sur une éventuelle sortie de la société NGI, appartenant à la famille C..., du capital de la société Riber et en associant à ces informations en fonction des missions qu'ils avaient à leur confier, les personnes qu'ils ont fait élire au conseil de surveillance » ; qu'en statuant par un tel motif, impropre à établir l'existence d'une quelconque politique commune de gestion vis-à-vis de la société Riber ou de prise de contrôle de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 233-10 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 10 de la directive 2004/109/CE du 15 décembre 2004 ;
10°/ que l'action de concert consiste à conclure un accord obligatoire en vue d'acquérir, de céder ou d'exercer des droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique commune durable vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société ; qu'en prenant en compte, pour calculer le pourcentage du capital détenu par les participants à la prétendue action de concert, des actions qui n'avaient participé à aucun vote, et qui n'étaient donc pas susceptible d'entrer dans le périmètre d'un accord contraignant pour exercer des droits de vote, la cour d'appel a violé les articles L. 233-7 et L. 233-10 du code de commerce ;
11°/ que la cour d'appel relève exclusivement des échanges d'information entre les participants au prétendu concert, et des supputations sur des ventes d'action ; que de tels échanges ne constituent pas un accord obligatoire en vue d'adopter une politique durable vis-à-vis de la société Riber ou d'en prendre le contrôle ; qu'en en déduisant néanmoins l'existence d'une action de concert, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 233-7 et L. 233-10 du code de commerce ;
12°/ que la commission des sanctions a en outre relevé que les participants à la prétendue action de concert s'étaient entendus pour faire élire trois personnes au conseil de surveillance et s'étaient coordonnés avant des réunions du conseil de surveillance, du comité d'audit et du directoire, à propos de diverses questions, telle la communication financière, les budgets prévisionnels, la croissance externe ou la reprise de provision ; que la cour d'appel n'a cependant constaté l'existence d'aucune décision découlant de ces concertations, ni d'une politique durable vis-à-vis de la société ; qu'en en déduisant néanmoins l'existence d'une action de concert, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 233-7 et L. 233-10 du code de commerce ;
13°/ qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si les décisions du conseil de surveillance n'avaient pas toutes été prises à l'unanimité après la mise en place de la prétendue action de concert, de sorte que les participants à cette action n'avaient imposé aucune politique commune durable vis-à-vis de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 233-7 et L. 233-10 du code de commerce ;
14°/ que l'action de concert suppose la caractérisation d'un accord de volonté contraignant ; qu'en se bornant à retenir que les parties au prétendu concert devaient voter ensemble pour arriver à leurs fins eu égard à ce qu'elles savaient de la répartition des droits de vote, la cour d'appel n'a pas montré en quoi l'accord était contraignant, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 233-7 et L. 233-10 du code de commerce ;
15°/ que la répression par l'AMF des infractions commises dans la vie des sociétés commerciales relève de la matière pénale et suppose donc que la preuve des agissements reprochés aux personnes mises en cause soit établie au-delà de tout doute ; que la cour d'appel a constaté, par motifs adoptés, qu'aucun des indices retenus pour caractériser l'action de concert ne pouvait à lui seul constituer la preuve d'un accord ; qu'en se fondant sur l'accumulation d'indices en eux-mêmes inopérants, et sans même prendre en considération, parmi ceux-ci, le jugement du tribunal de commerce de Pontoise ayant décidé qu'aucune action de concert n'était établie, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé les manquements reprochés à M. X... et la société Ormylia, a violé les articles L. 233-7 et L. 233-10 du code de commerce et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu que l'arrêt retient, d'abord, que MM. X..., Z... et Y... ont conjointement préparé leur intervention à l'assemblée générale du 26 mai 2011, en premier lieu, pour susciter des candidatures de personnes indépendantes des membres de la famille C... qui dirigent la société afin de participer au conseil de surveillance, en deuxième lieu, pour assurer la présentation des candidatures pendant le déroulement de l'assemblée générale et, en troisième lieu, pour éviter le risque qu'en cas de qualification d'action de concert entre les trois participants, le seuil de 30 % de droits de vote ne soit franchi ; qu'il retient, ensuite, qu'après recommandation par le directoire de rejeter les candidatures de MM. E..., F... et G... et deux décomptes de voix, ces derniers ont été élus avec 5 675 687 votes pour et 5 414 136 votes contre et pas d'abstention ; qu'il en déduit que MM. X..., Z... et Y... se sont entendus pour désigner et faire élire trois personnes préalablement choisies ; qu'il retient, encore, qu'après l'assemblée générale du 26 mai 2011, MM. Z..., X... et Y... ont continué leur action commune en s'informant mutuellement sur la gestion de la société, la contestant et formant des hypothèses sur une éventuelle sortie de la société NGI, appartenant à la famille C..., du capital de la société Riber et en associant à ces informations, en fonction des missions qu'ils avaient à leur confier, les personnes qu'ils avaient fait élire au conseil de surveillance ; qu'il retient, en outre, que M. Y... reconnaît qu'il y a deux clans au sein du conseil, d'un côté M. C..., Mme H... et M. I... et de l'autre côté « les autres », c'est-à-dire MM. Z..., X..., E..., F... et G... ; qu'il retient, enfin, qu'est établie une démarche commune et cohérente de la part de MM. X..., Z... et Y... entre le 26 mai 2011 et le 12 mars 2012, démarche concernant la gestion de la société et qui s'est effectuée de manière confidentielle et que du 26 mai 2011, date d'exercice des droits de vote par M. X..., la société Ormylia, M. Z..., Mme Z..., la société ISA Finances , la société Socodol et M. Y..., au 12 mars 2012, date de cession par M. Y... de son bloc d'actions, ceux-ci ont mis en oeuvre leur accord pour exercer leurs droits de vote à l'assemblée générale afin de poursuivre, au travers des trois personnes qu'ils avaient fait élire au conseil de surveillance, une politique commune concernant la gestion de la société ; que de ces constatations et appréciations, et dès lors que le caractère durable d'un accord n'est pas incompatible avec un projet de cession, ultérieur, des titres alors détenus, la cour d'appel qui a, à bon droit, tenu compte, pour déterminer le franchissement de seuil, du nombre d'actions détenues par les intéressés, peu important que ceux-ci les aient ou non utilisées pour exercer leur vote à l'occasion des faits reprochés, et qui n'avait pas à prendre en considération la circonstance, inopérante, que les décisions du conseil de surveillance avaient été prises à l'unanimité, a pu déduire que MM. X..., Z... et Y... avaient conclu un accord en vue d'exercer leurs droits de vote pour mettre en oeuvre une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen du pourvoi n° Q 16-18.201 et le quatrième moyen du pourvoi n° P 16-14.727, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches :
Attendu que MM. Y... et X... et la société Ormylia font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'annulation ou de réformation de la décision alors, selon le moyen :
1°/ que le montant de la sanction prononcée par l'AMF doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements ; que le principe de proportionnalité commande que la sanction prononcée soit individualisée au regard de la situation patrimoniale propre de la personne mise en cause ; qu'en l'espèce, M. Y... soutenait qu'au regard de son patrimoine, infiniment moins important que celui des supposés autres concertistes, le prononcé d'une sanction pécuniaire d'un montant de 600 000 euros était manifestement disproportionné ; qu'en retenant que c'était « à juste titre, proportionnellement à la gravité du manquement, que la commission des sanctions a prononcé à son égard une sanction pécuniaire de 600 000 euros », sans aucunement rechercher si cette sanction était proportionnée au regard de la situation patrimoniale propre de M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, ensemble les articles 6 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 28 de la directive 2004/109/CE du 15 décembre 2004 ;
2°/ que le montant de la sanction prononcée par l'AMF doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements ; que le principe de proportionnalité commande que la sanction prononcée soit individualisée au regard des conséquences effectives du comportement incriminé ; qu'en l'espèce, M. Y... soutenait qu'au regard de l'absence de toute conséquence effective du prétendu concert sur le fonctionnement de la société Riber, la sanction prononcée par l'AMF était manifestement disproportionnée ; qu'en confirmant pourtant la sanction d'un montant de 600 000 euros prononcée à son encontre sans aucunement caractériser en quoi le prétendu manquement de M. Y... aurait amplifié « les dissensions au sein des organes de direction de la société Riber » et « perturbé le fonctionnement de la société », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, ensemble les articles 6 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 28 de la directive 2004/109/CE du 15 décembre 2004 ;
3°/ qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si les décisions du conseil de surveillance n'avaient pas toutes été prises à l'unanimité après la mise en place de la prétendue action de concert, ce qui excluait que ladite action ait en quoi que ce soit perturbé le fonctionnement de la société Riber, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ;
4°/ que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements ; que, même à supposer les manquements relevés par la cour d'appel établis, les pénalités imposées à M. X... (800 000 euros) et à la société Ormylia (200 000 euros) sont disproportionnées, au regard d'un comportement qui a à peine perturbé le marché (le manquement d'initié, portant sur un faible nombre d'actions) et d'un autre qui n'a eu aucun effet constaté sur la société Riber, hors une perturbation provisoire et sans conséquence concrète constatée par le juges du fond du fonctionnement des organes de direction ; qu'en prononçant de telles sanctions, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du Protocole additionnel n° 1 à ladite Convention, et L. 621-15 du code monétaire et financier ;
5°/ qu'en prononçant une sanction globale pour les deux manquements dont elle relevait l'existence, la cour d'appel, qui n'a pas permis à M. X... et la société Ormylia de se défendre quant à la proportionnalité de la sanction au regard de chaque infraction, a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du Protocole additionnel n° 1 à ladite Convention, et L. 621-15 du code monétaire et financier ;
Mais attendu, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier n'imposent pas de fixer la sanction pécuniaire en relation avec le profit éventuellement retiré des opérations incriminées, dès lors que cette sanction reste inférieure au plafond applicable en l'absence de profit ;
Attendu, en deuxième lieu, que, concernant M. Y..., à qui il était reproché un défaut de déclarations dans le cadre d'une action de concert, l'arrêt retient que les dissensions au sein des organes de direction de la société Riber, si elles résultent de causes multiples, ont été amplifiées par l'action de concert occulte, qui a perturbé le fonctionnement de la société ; qu'il retient, encore, par motifs propres et adoptés, qu'il doit être aussi tenu compte des circonstances de l'espèce, du nombre des manquements commis et de la situation patrimoniale de chacun de leurs auteurs, que M. Y... a tiré profit de cette situation lors de la revente de ses titres et que, bien qu'il ait été licencié, il ne justifie pas que cette situation ait porté atteinte à son patrimoine, cependant qu'il a obtenu sa mise à la retraite quelques mois après ; qu'en se référant à la gravité des manquements commis par M. Y... pour fixer le montant de la sanction à une somme qui n'excédait pas le plafond applicable en l'absence de profit, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise invoquée par la première branche, a légalement justifié sa décision ;
En attendu, en troisième lieu, que, concernant M. X..., à qui il était reproché les manquements d'initié et de non-déclaration dans le cadre d'une action de concert, l'arrêt retient que c'est en connaissance de cause qu'il a effectué une opération d'initié, portant ainsi atteinte au principe d'égalité entre investisseurs sur un marché réglementé ; qu'il retient, encore, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que les dissensions au sein des organes de direction de la société Riber ont été amplifiées par l'action de concert occulte qui a perturbé le fonctionnement de la société ; que s'étant ainsi référé à la gravité des manquements commis par M. X..., c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de prononcer une sanction distincte pour chacun des manquements commis, a fixé le montant de la sanction pécuniaire prononcée contre lui ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier moyen, deuxième moyen, troisième moyen, pris en sa première branche, et quatrième moyen du pourvoi n° Q 16-14.866, les premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et cinquième branches, deuxième moyen et quatrième moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi n° P 16-14.727, ni sur le premier moyen du pourvoi n° Q 16-18.201, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.