Cass. civ., 20 juin 1876
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Devienne
Avocat général :
M. Charrins
Avocats :
Me Panhard, Me Monod
LA COUR : - Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de la séparation des pouvoirs : - Attendu que le tribunal civil était compétent pour statuer sur la question de propriété de la rente, soumise à sa décision par Coffin ; que si l'arrêt attaqué a, comme une conséquence nécessaire de la solution donnée à cette question, ordonné que la rectification de l'inscription en litige aurait lieu suivant les droits reconnus par lui aux parties, il a, en même temps, déclaré qu'elle aurait lieu suivant les formes prescrites par la loi ;
Que, loin d'empiéter sur les pouvoirs de l'autorité administrative, il les a, en statuant ainsi, réservés et respectés dans leurs justes limites ; d'où il suit que ce moyen n'est pas fondé ;
Rejette ledit moyen ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi : - Vu les art. 6 de la loi des 16-24 août 1793, 6 de la loi du 14 vent., an 3, et le décret du 13 therm. an 13 : - Attendu que l'inscription d'une rente sur le grand livre de la dette publique forme la preuve écrite et complète de la propriété de celui au nom duquel elle est faite ; que, sans doute, celui qui prétend qu'une erreur a été commise dans l'immatriculation de la rente, et qu'il en est propriétaire, soit pour le tout, soit pour une part autre que celle qui lui est attribuée par l'inscription, peut prouver son droit, en même temps que l'erreur, contre celui au nom duquel l'immatriculation erronée a eu lieu, pourvu toutefois qu'il produise ou une preuve écrite, ou des présomptions graves, précises et, concordantes appuyées d'un commencement de preuve par écrit ; mais que la même action ne saurait lui être accordée contre le cessionnaire de bonne foi, auquel le propriétaire dénommé dans l'inscription a cédé son droit établi par le titre avec l'accomplissement de toutes les formalités prescrites par les lois spéciales au transfert des rentes sur l'Etat ;
Que le cessionnaire a dû, en effet, faire foi à un titre qui, aux termes de l'art. 6 de la loi des 16-24 août 1793, constatait d'une façon authentique les droits du cédant à la rente ou portion de rente immatriculée en son nom ;
Attendu, en fait, qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'acquisition par la Caisse paternelle des droits de la veuve Ponsot dans la rente de 1,315 fr., objet du litige, a été faite de bonne foi, et qu'elle a été réalisée conformément aux prescriptions des art. 6 de la loi du 2.4 vent., an 3 et 1er du décret, du 13 therm. an 13;
D'où il suit qu'en déclarant Coffin recevable et fondé à demander contre la Caisse paternelle une rectification des énonciations de l'inscription des 22 et 23 févr. 1872, à l'effet de priver ladite Caisse d'une partie des droits par elle régulièrement acquis, l'arrêt attaqué a violé les dispositions de lois susvisées ;
Et sur le second moyen, tiré de la violation de l’art. 464 c. pr. civ. : - Vu ledit art. 464 ; - Attendu que, devant le tribunal de Sedan, Lardenois, assigné en garantie par Coffin pour le cas où sa demande contre la Caisse paternelle ne serait pas admise, a pris des conclusions par lesquelles il a, en demandant qu'il lui fût donné acte de ce qu'il s'en rapportait à justice sur l'action de Coffin contre ladite Caisse, conclu à ce que la rectification de l'inscription fût faite, d'après des bases particulières, mais par suite desquelles la Caisse paternelle n'aurait que le sixième au lieu du tiers dans la nue-propriété de la rente ;
Que, sur ces conclusions qui ne touchaient pas seulement à l'action en garantie de Coffin contre Lardenois, mais aussi et directement à l'action principale et à son objet, la Caisse paternelle a répondu par des conclusions dirigées à la fois contre Coffin et contre Lardenois, et tendant à ce que leurs actions, fins et conclusions fussent déclarées non recevables et mal fondées;
Que la cause s'est ainsi trouvée liée entre la Caisse paternelle, Lardenois et Coffin, ayant pour objet principal l'établissement de la quotité des droits de Coffin dans la rente de 1,315 fr., et, en second ordre, la garantie due par celui qui aurait été l'auteur de l'erreur commise dans l'inscription ;
Attendu que la, Caisse paternelle, ayant succombé en première instance sur l'action principale, a relevé appel à la fois contre Coffin et Lardenois ;
Que si elle a, pour la première fois devant la cour d'appel et subsidiairement, pour le cas où le jugement serait confirmé, conclu récursoirement à ce que Lardenois fût condamné à lui payer 5,000 fr. de dommages-intérêts, cette demande, quoique nouvelle, était, aux termes de l'art. 464 c. pr. civ. lui-même, recevable parce qu'elle était une défense à la demande principale ;
D'où il suit que l'arrêt attaqué, en la rejetant par le motif unique qu'elle se produisait pour la première fois et était nouvelle, a violé les dispositions dudit art. 464 ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le dernier moyen du pourvoi ;
Casse.