Cass. com., 6 novembre 1990, n° 88-14.847
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Defontaine
Rapporteur :
M. Plantard
Avocat général :
M. Jeol
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Nicolay et de Lanouvelle
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, qu'a été créée à Paris en 1966, sous la dénomination sociale "SOS médecins", une société à responsabilité limitée ayant pour objet "la fourniture des moyens propres à une exploitation rationnelle des soins médicaux", qui s'est transformée en société anonyme le 17 décembre 1976, laquelle a fait enregistrer la marque SOS médecins le 11 septembre 1980 ; qu'en 1979, a été déclarée à la préfecture de la Corrèze, sous le nom "SOS médecins Tulle", une association dont l'objet principal est de réunir les médecins exerçant sous forme libérale et les membres de professions paramédicales afin d'assurer dans l'agglomération de Tulle un service permanent de garde médicale ; que, le 10 octobre 1982, une association intitulée "Union nationale des associations SOS médecins" a été créée à Courbevoie, ayant notamment pour objet de coordonner et de défendre les associations regroupées sous le nom "SOS médecins" et d'assurer le progrès de la médecine libérale d'urgence et la protection des intérêts des usagers ; qu'enfin, le 14 avril 1983, une association, qui avait été créée à Paris en 1973 sous le nom "SOS docteurs" et dont l'objet est de faire bénéficier ses adhérents de conditions de travail normalisées et d'une réduction de leurs frais administratifs, a changé d'intitulé pour s'appeler désormais "SOS médecins Ile-de-France" ; que, saisis d'une contestation sur le droit de l'association de Tulle, dépourvue de tout lien avec les trois autres personnes morales précitées, de faire usage du nom "SOS médecins", les premiers juges ont déclaré recevable mais non fondée l'action engagée par l'association "SOS médecins Ile-de-France", tandis qu'ils ont déclaré irrecevable l'intervention de l'"Union nationale des associations SOS médecin", mais ont accueilli en partie les demandes de la société "SOS médecins" en condamnant l'association de Tulle à des dommages-intérêts et en lui ordonnant, sous astreinte, de cesser de faire usage du signe "SOS médecins" ; que la cour d'appel a, en revanche, débouté la société "SOS médecins" de ses demandes, mais a confirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré irrecevable l'intervention de l'"Union nationale des associations SOS médecins", et l'a annulé en ce qu'il avait statué "au profit ou à l'encontre de l'association SOS médecins Ile-de-France" ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Vu les articles 1er, 2 et 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour annuler le jugement en ce qu'il avait statué au profit ou à l'encontre de l'association "SOS médecins Ile-de-France", l'arrêt a retenu que cette association n'est jamais intervenue aux débats et n'a pas figuré à l'instance de quelque manière que ce soit, qu'il ne pouvait être fait droit à sa demande devant la cour d'appel tendant à voir déclarer recevable et fondée une intervention qu'elle n'a jamais régularisée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des énonciations du jugement et des productions que l'association "SOS médecins Ile-de-France" était demanderesse à l'instance portant le n° 405/84 qu'elle avait elle-même introduite par assignation délivrée le 9 juillet 1984, qu'elle figure comme intimée dans la déclaration d'appel et qu'elle a régulièrement conclu en cette qualité, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :
Vu les articles 1er et 6 de la loi du 1er juillet 1901 et les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de l'"Union nationale des associations SOS médecins" en ce qu'elle invoquait l'usage abusif par l'association de Tulle du nom SOS médecins, la cour d'appel a retenu qu'elle n'avait pas d'intérêt à agir, faute d'établir que les faits incriminés aient pu porter préjudice à ses membres, qu'elle n'était au surplus pas propriétaire de la marque et qu'en outre sa création était postérieure à celle de l'association "SOS médecins Tulle" ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'une association déclarée est fondée à réclamer en justice la réparation des atteintes qui ont pu être portées, même antérieurement à sa constitution, aux intérêts collectifs de ses membres, distincts des intérêts particuliers de chacun d'eux, et que l'utilisation d'une dénomination sur laquelle autrui est titulaire d'un droit peut constituer un abus ouvrant droit à réparation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1844-3 du Code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, la transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle ;
Attendu que, pour refuser tout droit privatif sur la dénomination SOS médecins à la société anonyme portant ce nom, la cour d'appel a retenu que celle-ci n'avait été créée qu'en 1976 ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations et de celles, non critiquées, des premiers juges, que la société "SOS médecins", qui avait régulièrement pris le 17 décembre 1976 la forme d'une société anonyme, avait été créée dès 1966 sous forme de société à responsabilité limitée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.