Cass. com., 29 mars 1994, n° 92-13.584
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Loreau
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Dijon, 24 janvier 1992), que M. Jean-François Y..., associé de la société à responsabilité limitée Y... Z..., disposait dans les livres de la société d'un compte courant rémunéré, comme les statuts le lui permettaient ; qu'après la transformation, réalisée le 3 mars 1962, de la société à responsabilité limitée en société anonyme, dans laquelle il exerçait les fonctions de président de son conseil d'administration, il a continué à percevoir des intérêts sur son compte courant ; qu'après avoir cédé ses actions en 1979 à M. Jean-Claude X..., auquel il avait demandé contractuellement de verser une somme de 200 000 francs dans les comptes de la société pour permettre à celle-ci de lui rembourser le montant de son compte courant, il a assigné à la fois M. Jean-Claude X... et la société Martin Z... en paiement du solde de ce compte, y compris les intérêts courus ; que la société a soutenu que les statuts de la société anonyme Y... Z..., qui avait remplacé la société à responsabilité limitée, n'avaient pas repris la clause attributive d'intérêts, qu'aucune convention d'intérêts n'était intervenue entre elle et son dirigeant, et qu'en tous cas, la prétendue convention ne satisfaisait pas aux dispositions de l'article 101 de la loi du 24 juillet 1966, pour n'avoir pas été soumise au contrôle du conseil d'administration ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Martin Z... fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que le compte litigieux était un compte rémunéré au taux légal et rejeté sa demande en nullité dudit compte, alors, selon le pourvoi, que les conventions intervenant entre une société et l'un de ses administrateurs ou directeurs généraux ne sont dispensées de la procédure d'autorisation que lorsqu'elles sont conclues à des conditions normales et qu'elles portent sur des opérations courantes ; que le juge ne pouvait dès lors examiner seulement les conditions dans lesquelles la convention initiale de compte courant avait été modifiée, sans s'interroger sur la portée de cette modification statutaire quant au caractère courant, ou non, de l'attribution d'intérêts au sein de la société ; qu'en statuant ainsi, tout en affirmant néanmoins que la procédure de contrôle n'était pas applicable à la convention de compte rémunéré ou à ses avenants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 102 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu qu'après avoir relevé qu'aucune procédure de contrôle n'était applicable à la date de la conclusion de la convention initiale aux opérations de compte courant entre une société à responsabilité limitée et l'un de ses associés, l'arrêt retient que cette convention, qui a continué à s'appliquer après la transformation de la société à responsabilité limitée en société anonyme réalisée avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 1966, et dont les modifications apportées ultérieurement n'ont pas eu pour effet d'en rendre les conditions d'exécution plus onéreuses, échappait à la procédure spéciale instituée par la loi précitée ;
que la cour d'appel n'avait donc pas à procéder à une recherche que sa décision rendait inopérante ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Martin Z... fait également grief à l'arrêt d'avoir ordonné une expertise aux fins de déterminer le montant du solde dû à M. Jean-François Y..., alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'elle avait fait valoir que, dans ses propres écritures d'appel, l'ancien dirigeant social s'était prévalu d'une créance de 249 996,13 francs, tandis qu'il avait reconnu avoir reçu une somme de 255 145 francs ; qu'en délaissant ce moyen d'où il résultait que l'ancien dirigeant avait admis avoir été rempli de ses droits, de sorte qu'il n'avait pas d'intérêt à agir, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'en s'abstenant également de préciser que l'ancien dirigeant avait conventionnellement limité le montant du solde de son compte courant à la somme de 200 000 francs dans le cadre de la cession des actions qu'il possédait dans la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé qu'une partie du règlement que la société avait adressé à M. Jean-François Y... le 18 décembre 1979 était destinée au remboursement du solde du compte courant de Mme Françoise Y..., et que le montant des quatre chèques adressés par la même société le 12 juin 1979 était supérieur à la somme de 135 145 francs dont M. Jean-François Y... faisait état dans son acte introductif d'instance, la cour d'appel a décidé qu'il y avait lieu de faire vérifier les dettes, soit prix de cession d'actions ou solde de compte courant, sur lesquelles devaient être imputés ces règlements ; que la cour d'appel a ainsi répondu aux conclusions invoquées en les écartant ;
Attendu, d'autre part, qu'en retenant par motifs adoptés que la stipulation faisant obligation au cessionnaire d'avancer à la société un montant de 200 000 francs pour être retiré par le cédant ne créait qu'une obligation propre au cessionnaire des actions et ne déchargeait pas la société des obligations qui étaient les siennes vis-à-vis de son ancien dirigeant, la cour d'appel a justifié légalement sa décision ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que M. Jean-François Y... sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 8 000 francs ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.