Cass. 3e civ., 13 mai 1971, n° 69-14.315
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
ATTENDU QU'IL RESSORT DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE JEAN A..., B... D'UN IMPORTANT TERRAIN SITUE A SAINT-MAUR, L'A MORCELE ET A CREE UNE VOIE PRIVEE DITE "VILLA LEFORT", DE SIX METRES DE LONG, AFIN DE PERMETTRE AUX ACQUEREURS L'ACCES A LA VOIE PRINCIPALE, LE BOULEVARD DE CRETEIL ;
QUE, DEPUIS 1883, UNE "CONVENTION A..." EST INSEREE A L'ACTE DE CESSION ET PREVOIT POUR CHAQUE RIVERAIN "LE DROIT DE PASSAGE POUR PIETONS ET VOITURES A TOUTE HEURE, A CONDITION DE NE PAS ENCOMBRER LE PASSAGE ET D'ASSURER L'ENTRETIEN ET L'ECLAIRAGE DE CE DERNIER" ;
QU'EN 1954, LA SOCIETE COMMERCIALE DE SAINT-MAUR PRISUNIC A ACHETE DEUX PARCELLES DE TERRAIN, L'UNE DONNANT SUR LA VOIE PUBLIQUE ET DANS LAQUELLE EXISTAIT UN COMMERCE, L'AUTRE DONNANT SUR LA VILLA LEFORT ET COMPRENANT LA MAISON D'HABITATION EN DEPENDANT ;
QUE CETTE SOCIETE A ABATTU LES DEUX CONSTRUCTIONS POUR REFAIRE UN MAGASIN DE TRES GRANDE SURFACE ;
QUE, DE SON COTE, LA SOCIETE RENAUDET TOY ET COMPAGNIE, EXPLOITANT UN BAZAR, A ACHETE, EN 1957, UN PAVILLON DONNANT SUR L'ARRIERE DE SON MAGASIN ET N'AYANT PRECEDEMMENT D'ACCES QUE PAR LA VILLA LEFORT ;
QUE L'APPROVISIONNEMENT DU MAGASIN DE LA SOCIETE COMMERCIALE DE SAINT-MAUR PRISUNIC A ETE ASSURE EN PASSANT PAR LA VILLA LEFORT ;
QUE LES CONSORTS Z..., Y... ET X... C... DES FONDS UTILISANT LE PASSAGE SUR LADITE IMPASSE, ONT PRETENDU QU'ILS ETAIENT TROUBLES DANS L'EXERCICE DE LEUR SERVITUDE PAR L'ACCROISSEMENT CONSIDERABLE DU COMMERCE EXPLOITE ET DU TRAFIC DE MARCHANDISES EN DECOULANT ET ONT ASSIGNE LA SOCIETE COMMERCIALE DE SAINT-MAUR PRISUNIC ET LA SOCIETE RENAUDET TOY ET COMPAGNIE POUR VOIR DIRE QUE CES SOCIETES AVAIENT AGGRAVE LA SERVITUDE DE PASSAGE ETABLIE AU PROFIT DE LEURS FONDS ;
QUE LEDIT ARRET DECIDE QUE L'ACCES DE LA VOIE PRIVEE SERA INTERDIT A LA SOCIETE RENAUDET TOY ET COMPAGNIE POUR SES BESOINS COMMERCIAUX ET, EN CE QUI CONCERNE LA SOCIETE COMMERCIALE DE SAINT-MAUR PRISUNIC, ORDONNE UNE EXPERTISE EN VUE DE RECHERCHER L'UTILISATION QUI A ETE ANTERIEUREMENT FAITE DU DROIT DE PASSAGE CONTESTE ET S'IL SERAIT POSSIBLE A CETTE SOCIETE D'UTILISER CE DERNIER SANS AGGRAVER LA SERVITUDE ;
QUE LA SOCIETE COMMERCIALE DE SAINT-MAUR PRISUNIC S'EST POURVUE EN CASSATION CONTRE CETTE DECISION ;
ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE, PARTIELLEMENT INFIRMATIF, D'ADMETTRE LA RECEVABILITE DE L'ACTION FORMEE PAR LES CONSORTS Z... Y... ET AUTRES CONTRE LA SOCIETE COMMERCIALE DE SAINT-MAUR PRISUNIC DANS LA MESURE OU CELLE-CI, AGGRAVANT LA SERVITUDE DE PASSAGE TELLE QUE DETERMINEE DANS L'ACTE CONSTITUTIF, LEUR AURAIT OCCASIONNE UN PREJUDICE, ALORS, SELON LE MOYEN, QUE SEUL LE B... DU FONDS SERVANT, DEBITEUR DE LA SERVITUDE, EST HABILITE A AGIR EN CAS D'AGGRAVATION DE CELLE-CI PAR L'UN DES BENEFICIAIRES ET QUE LES AUTRES BENEFICIAIRES NE PEUVENT SUBIR DE PREJUDICE ET AVOIR, DE CE FAIT, QUALITE POUR AGIR QU'AUTANT QU'ILS APPORTENT LA PREUVE QU'ILS NE PEUVENT, DU FAIT DE CETTE AGGRAVATION, EXERCER LIBREMENT LE DROIT DONT ILS SONT INVESTIS, CE QUE NE CONTESTE PAS LA COUR D'APPEL, AUCUN DES DEMANDEURS AU PROCES N'AYANT DU RESTE ALLEGUE N'AVOIR PU EXERCER SON DROIT DE PASSAGE SUR L'AVENUE DONT S'AGIT ;
MAIS ATTENDU QUE L'ARRET RETIENT QU'IL RESULTE "DE L'ANALYSE COMPLETE ET MINUTIEUSE FAITE PAR LES PREMIERS JUGES DES DOCUMENTS VERSES AUX DEBATS PAR LES PARTIES... QUE LES RIVERAINS DE L'AVENUE LEFORT... JOUISSENT SUR CETTE AVENUE, EN VERTU D'ACTES ANCIENS, D'UN DROIT DE PASSAGE POUR PIETONS ET VOITURES A TOUTE HEURE PAR L'AVENUE ACTUELLE DE LA VILLA JUSQU'A LA ROUTE DE CRETEIL... A CHARGE DE SATISFAIRE A TOUS FRAIS D'ENTRETIEN ET D'ECLAIRAGE DE LADITE AVENUE A..., MAIS SEULEMENT A CONCURRENCE DE LA MOITIE DE LA FACADE" ET QUE "CETTE CONVENTION A ETE REPRISE DANS L'ACTE D'ACHAT DE LA SOCIETE COMMERCIALE DE SAINT-MAUR PRISUNIC DU 26 OCTOBRE 1954" ;
QUE LA COUR D'APPEL, APRES AVOIR AINSI DEFINI LES DROITS DES C... RIVERAINS DE LA VILLA LEFORT, A JUSTEMENT ENONCE QUE CEUX-CI "AVAIENT QUALITE POUR AGIR CONTRE CEUX D'ENTRE EUX QUI DEPASSERAIENT LES LIMITES DETERMINEES PAR L'ACTE CONSTITUTIF DE LA SERVITUDE DONT ILS BENEFICIENT ET, L'AGGRAVANT, LEUR OCCASIONNERAIT UN PREJUDICE" ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN DOIT ETRE ECARTE ;
SUR LE SECOND MOYEN PRIS EN SES TROIS BRANCHES : ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE DE DIRE QUE L'USAGE QUE LA SOCIETE COMMERCIALE DE SAINT-MAUR PRISUNIC FAIT DE LA SERVITUDE DE PASSAGE DONT ELLE BENEFICIE, CONSTITUE UNE AGGRAVATION DE SON MODE D'EXERCICE ET D'ORDONNER EXPERTISE POUR DETERMINER LES CONDITIONS DE FAIT DANS LESQUELLES ELLE POURRAIT UTILISER A L'AVENIR LA VOIE PRIVEE SUR LAQUELLE S'EXERCE LADITE SERVITUDE, SANS AGGRAVATION POUR LES AUTRES C..., ALORS, D'APRES LE POURVOI QUE, D'UNE PART, IL NE RESULTE AUCUNEMENT DE L'ACTE EN DATE DU 19 AVRIL 1883, CONSTITUTIF DU DROIT DE PASSAGE DE LA SOCIETE COMMERCIALE DE SAINT-MAUR PRISUNIC EN VERTU DE SON ACTE D'ACHAT DU 25 OCTOBRE 1954, NON PLUS QUE DE CELUI-CI, TOUS DEUX, DENATURES PAR LA COUR D'APPEL, QUE LADITE SERVITUDE AIT ETE CONSENTIE UNIQUEMENT POUR DES HABITATIONS PRIVEES OU TOUT AU PLUS POUR L'EXERCICE DE PROFESSIONS COMMERCIALES N'APPORTANT PAS DE TROUBLE AU VOISINAGE ;
QUE, D'AUTRE PART, EN L'ABSENCE DE TOUT CAHIER DE CHARGES PREVOYANT LES CONDITIONS D'UTILISATION DE LA VOIE PRIVEE SUR LAQUELLE S'EXERCE LE DROIT DE PASSAGE CONTESTE, LES JUGES NE POUVAIENT OPPOSER A LA DEMANDERESSE AU POURVOI DES STIPULATIONS D'ACTES AUXQUELS ELLE N'AVAIT PAS ETE PARTIE, ACTES QUE, LA COUR D'APPEL S'ABSTIENT DE PRECISER, PRIVANT LA COUR DE CASSATION DE SON DROIT DE CONTROLE ET DONT, AU SURPLUS, L'ANALYSE QU'EN ONT DONNEE LES PREMIERS JUGES EST EN CONTRADICTION AVEC LES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE ;
QU'ENFIN C'EST PAR UNE DENATURATION DES ACTES VERSES AUX DEBATS QUE LA COUR D'APPEL A PU ENONCER QUE, D'APRES LESDITS ACTES, LA SERVITUDE N'AVAIT ETE CONSENTIE QUE POUR L'EXERCICE DE PROFESSIONS COMMERCIALES N'APPORTANT PAS DE TROUBLE AU VOISINAGE ;
MAIS ATTENDU QU'APRES AVOIR ANALYSE, SANS LES DENATURER, LES ACTES PRODUITS PAR LES PARTIES, LES JUGES D'APPEL, APPRECIANT SOUVERAINEMENT LES ELEMENTS DE PREUVE QUI LEUR ETAIENT SOUMIS AINSI QUE L'INTENTION DU CONSTITUANT D'UNE SERVITUDE PAR DESTINATION DU PERE DE FAMILLE, ONT ESTIME, SANS SE CONTREDIRE, QUE "L'INTENTION CERTAINE DU CREATEUR DE LA SERVITUDE, COMPTE TENU DES BESOINS DES FONDS DOMINANTS A L'EPOQUE OU ELLE A ETE CREEE, ETAIT, SINON, A DEFAUT DE CETTE RESTRICTION, D'INTERDIRE LA DESSERTE DE TOUT COMME RCE, DU MOINS D'ASSURER AUX RIVERAINS UNE VIE PAISIBLE ET TRANQUILLE" ;
QUE PAR CE SEUL MOTIF, L'ARRET ATTAQUE EST, A CET EGARD LEGALEMENT JUSTIFIE ;
QU'IL S'ENSUIT QUE LE MOYEN NE SAURAIT ETRE MIEUX ACCUEILLI QUE LE PRECEDENT ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 3 JUILLET 1969, PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS ;