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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 13 octobre 2022, n° 21/03017

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

METROPOLE HOCKEY (S.A)

Défendeur :

LINK2B HOLDING (S.A.S)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme FIGUET

Conseillers :

Mme BLANCHARD, M. BRUNO

Avocats :

SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY, SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

Grenoble, du 6 juill. 2021

6 juillet 2021

FAITS ET PROCÉDURE :

1.Selon contrat en date du 7 juin 2012, la Sas HD Holding a pris à bail, pour une durée de 9 ans, un local commercial situé [Adresse 1], appartenant à la société Sport Conseil Management, aux droits de laquelle vient désormais la société [Localité 2] Métropole Hockey 38. Arguant d'impayés de taxes foncières, cette dernière a fait délivrer à la société HD Holding un commandement de payer visant la clause résolutoire par exploit d'huissier du 27 mars 2019. Par acte du 23 mai 2019, la société HD Holding a assigné la société [Localité 2] Métropole Hockey 38 devant le tribunal de grande instance de Grenoble aux fins d'annulation du commandement et de contestation des sommes réclamées.

2.Par jugement du 28 juin 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a':

- constaté la résiliation du bail commercial conclu entre la Sas HD Holding et la société [Localité 2] Métropole Hockey 38 à compter du 28 avril 2019 ;

- condamné la société [Localité 2] Métropole Hockey 38 à déduire l'intégralité des provisions sur taxe foncière et les appels de taxes foncières mis à la charge de la Sas HD Holding depuis le 7 juin 2012, date de conclusion du bail ;

- condamné la société [Localité 2] Métropole Hockey 38 à déduire de son décompte le montant de l'indemnité d'occupation du mois d'août 2020 et des charges afférentes ;

- condamné, après déduction de ces sommes, la Sas HD Holding à payer à la société [Localité 2] Métropole Hockey 38 le reliquat de loyers, charges et indemnités d'occupation impayés arrêté au 28 juillet 2020 ;

- débouté la Sas HD Holding de sa demande de délais de paiement ;

- rejeté les demandes des parties au titre des frais irrépétibles ;

- fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par les parties ;

- ordonné l'exécution provisoire.

3.La société [Localité 2] Métropole Hockey 38 a interjeté appel de cette décision le 6 juillet 2021, en ce qu'elle l'a condamnée à déduire l'intégralité des provisions sur taxe foncière et les appels de taxes foncières mis à la charge de la Sas HD Holding depuis le 7 juin 2012, date de conclusion du bail'; en ce qu'elle l'a condamnée à déduire de son décompte le montant de l'indemnité d'occupation du mois d'août 2020 et des charges afférentes.

L'instruction de cette procédure a été clôturée le 9 juin 2022.

Prétentions et moyens de la société [Localité 2] Métropole Hockey 38 :

4.Selon ses conclusions remises le 23 septembre 2021, elle demande à la cour, au visa des articles L145-41 et suivants du code de commerce':

- de déclarer son appel recevable et bien fondé';

- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la concluante à déduire l'intégralité des provisions sur taxe foncière et les appels de taxes foncières mis à la charge du locataire depuis le 7 juin 2012, date de conclusion du bail ; en ce qu'il a condamné la concluante à déduire de son décompte le montant de l'indemnité d'occupation du mois d'août 2020 et des charges afférentes;

- de juger que la société Link2b Holding, anciennement dénommée HD Holding, est redevable des taxes non dégrevées par l'administration fiscale et effectivement payées par le bailleur';

- de juger que la société Link2b Holding, anciennement dénommée HD Holding, a restitué les clefs au propriétaire le 28 août 2020';

- de condamner la société Link2b Holding, anciennement dénommée HD Holding, à payer à la concluante la somme de 47.531,11 euros correspondant aux loyers et charges arrêtés au 28 août 2020';

- de condamner l'intimée à payer à la concluante la somme de 3.000,00 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Elle expose':

5.- qu'en cours de procédure, la société HD Holding a changé de dénomination sociale pour devenir la société Link2b Holding';

6.- qu'il est expressément stipulé au bail que le locataire, en sus du loyer, doit payer l'intégralité des charges et de la taxe foncière, ce qui n'est pas contesté'; que les taxes foncières des années 2014, 2015, 2016 et 2017 n'étant pas payées, un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré au locataire le 27 mars 2019'; qu'en cours de procédure, le preneur a restitué les clefs, de sorte qu'il n'y a plus eu lieu de statuer sur l'acquisition de la clause résolutoire et la prétendue nullité du commandement, seul restant en cause le solde des sommes dues';

7.- que si le tribunal a indiqué que la nature des sommes n'apparaît pas clairement sur le décompte produit, notamment concernant les provisions sur taxes foncières depuis le 1er juillet 2012, la concluante a cependant produit l'ensemble des avis de paiement, distinguant le loyer principal et les provisions sur charges et taxes foncières'; qu'en raison de la situation du bien loué, le propriétaire a pu bénéficier d'une exonération de taxes foncières entre 2007 et 2012'; qu'une procédure fiscale a permis ensuite de bénéficier d'un dégrèvement pour les années 2014 à 2016, qui a été appliqué au preneur, par un crédit à son compte de location ;

8.- que si le tribunal reproche à la concluante de ne pas démontrer qu'elle a effectivement payé les taxes, elle produit cependant les fiches de rôle';

9.- concernant les loyers, que l'intimée a cessé tout paiement depuis mai 2020'; qu'elle doit une indemnité d'occupation sur les mois de mai à août 2020'; que si le tribunal a retenu que le locataire a quitté les lieux à compter du 28 juillet 2020, et qu'il n'y a pas ainsi lieu de lui imputer le loyer du mois d'août, la remise des clefs n'a eu lieu que le 28 août 2020'; qu'en outre, par courrier du 24 août 2020, les parties ont convenu d'une résiliation anticipée du bail au 31 août'; que les clefs n'ont pas été restituées au bailleur avant cette date, étant détenues par maître [X], huissier de justice'; ainsi, que le décompte des loyers doit être arrêté à la fin du mois d'août 2020'; que le solde du compte est de 47.531,11 euros.

Prétentions et moyens de la société Link2b Holding, anciennement dénommée Sas HD Holding':

10.Selon ses conclusions remises le 11 janvier 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1104 et suivants, 1343-5 et suivants du code civil, L145-40-2 et suivants du code de commerce, 1383 C bis et 315 septies A du code général des impôts':

- à titre principal, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté la résiliation du bail commercial conclu à compter du 28 avril 2019 ; en ce qu'il a condamné l'appelante à déduire l'intégralité des provisions sur taxe foncière et les appels de taxes foncières mis à la charge de la concluante depuis le 7 juin 2012, date de conclusion du bail ; en ce qu'il a condamné l'appelante à déduire de son décompte le montant de l'indemnité d'occupation du mois d'août 2020 et des charges afférentes ;

- à titre subsidiaire, d'accorder à la concluante les plus larges délais de paiement pour s'acquitter des éventuelles sommes qui seront mises à sa charge compte tenu de sa situation et de sa bonne foi, et plus précisément lui accorder la possibilité de régler sa dette en 12 mensualités';

- en tout état de cause, de condamner l'appelante au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient':

11.- que selon l'article 6 du bail commercial, le preneur aura à sa charge l'intégralité des charges'; que toute attestation lui sera délivrée afin d'obtenir le dégrèvement de la taxe foncière'; qu'il versera à chaque terme de loyer, en sus du loyer, une provision mensuelle pour charges d'un montant de 200 euros hors taxes'; qu'il sera procédé à une régularisation en fin d'exercice et que la provision sera réactualisée chaque année en fonction des dépenses engagées'; qu'en outre, il réglera à chaque terme, en sus du loyer, la TVA en cas d'assujettissement du loyer à celle-ci';

12.- qu'en 2016, le bailleur lui a adressé un courrier indiquant un solde débiteur à payer pour 10.959,32 euros, correspondant à la taxe foncière, alors que les locaux sont implantés dans une zone franche urbaine'; qu'en 2017, il a été réclamé 16.639,66 euros semblant correspondre aux taxes foncières des années 2014 à 2017'; que finalement, le bailleur a assigné la concluante pour obtenir le paiement de 22.906,88 euros, correspondant à un arriéré arrêté au 11 mars 2019, sans plus de précisions ; qu'ainsi, la concluante a saisi le tribunal judiciaire pour contester le commandement de payer visant la clause résolutoire';

13.- que la concluante a acquiescé à la demande tendant au prononcé de la résiliation du bail, et qu'un état des lieux a pu être dressé le 28 juillet 2020, avec remise des clefs à l'huissier mandaté par elle, en raison de l'absence du bailleur aux demandes de restitution des locaux et des clefs';

14.- que le bail est particulièrement ambigu concernant la taxe foncière : calcul, prorata selon la durée ou la surface du local'; que la concluante n'a jamais reçu de document émanant de l'administration fiscale lui permettant de savoir ce dont elle est redevable, alors que l'article 6 du contrat prévoit qu'une attestation lui sera délivrée afin d'obtenir le dégrèvement de la taxe foncière'; qu'en réalité, aucune taxe n'était due par aucune des parties, puisqu'en juin 2012, une exonération était prévue pendant cinq ans en raison de la situation de l'immeuble'; que la concluante ne pouvait être concernée par la taxe foncière qu'à compter du 1er janvier 2013, et bénéficiait ainsi de cette exonération jusqu'en 2018'; que ce n'est qu'en 2015 que la concluante a été sollicitée pour remplir le formulaire portant sur la taxe foncière afin de pouvoir bénéficier de l'exonération'; qu'il ressort de ce document que l'exonération s'applique à partir du 1er janvier 2015, alors que la concluante n'a eu aucun retour ni du bailleur, ni de l'administration fiscale'; qu'il y a bien eu ainsi exonération, ou à défaut, une absence de déclaration du bailleur'; que ce dernier ne peut en conséquence lui refacturer les taxes foncières.

*****

15.Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS':

1) Concernant les taxes foncières':

16.Le tribunal a indiqué que bien que la nature des sommes n'apparaisse pas clairement dans le décompte produit et indépendamment de la répercussion des dégrèvements partiels octroyés par l'administration fiscale, il ressort de l'examen des avis de paiement que la somme de 47.531,11 euros, dont le bailleur réclame le paiement, comporte les provisions sur les taxes foncières depuis le 1er juillet 2012 jusqu'au 31 août 2020. Le tribunal a retenu que le bailleur, qui ne répond pas au moyen soulevé par la locataire, ne conteste pas que l'immeuble objet du bail relève, depuis sa conclusion, d'une zone de franchise urbaine exonérée de taxe foncière en application de l'article 1383 C bis du CGI. Cette exonération n'est toutefois applicable qu'à la condition que le redevable ait déposé, au 1er janvier de la première année à compter de laquelle le redevable peut y prétendre, une déclaration conforme aux dispositions de l'article 315 septies A du même code.

17.Le tribunal a également constaté que la bailleresse ne conteste pas non plus qu'elle n'a adressé aucune déclaration à sa locataire jusqu'à juillet 2015, comme lui imposait l'article 6 du contrat, ni avoir accompli à compter du 1er janvier 2016, les formalités qui lui incombaient en sa qualité de propriétaire redevable auprès du service des impôts. Au vu des avis d'impôts communiqués, elle n'a pas en outre justifié avoir été assujettie à la taxe foncière à compter de 2017 alors qu'elle l'a répercutée sur sa locataire. Il en a déduit que les taxes foncières que l'administration fiscale a pu adresser à la bailleresse, lui sont imputables et a condamné cette dernière à déduire l'intégralité des provisions sur taxe foncière et les appels de taxes foncières qu'elle a mis à la charge du preneur depuis la date de conclusion du bail.

18.La cour relève que l'article 6 du bail stipule effectivement que le preneur devra régler l'intégralité des charges. Une attestation lui sera délivrée afin d'obtenir le dégrèvement de la taxe foncière. Ainsi que relevé par le tribunal, il n'est pas contesté que l'immeuble, en raison de sa situation en zone franche urbaine, bénéficie d'une exonération de taxe foncière. La Sas HD Holding a d'ailleurs rappelé cette exemption dans son courrier du 9 janvier 2017, en précisant que le bailleur lui a demandé de remplir en juillet 2015 un imprimé Cerfa afin de pouvoir bénéficier de cette exonération. Elle a joint à son courrier ce formulaire rempli par elle, concernant une exonération pendant cinq ans. L'appelante produit d'ailleurs divers documents concernant cette exonération appliquée à une société possédant des locaux à la même adresse. Cependant, elle ne produit aucune pièce indiquant qu'elle a, en dehors d'une année, adressé au preneur le document prévu dans le bail lui permettant de bénéficier du dégrèvement de la taxe foncière. Il n'est pas plus justifié des formalités lui incombant afin d'obtenir un tel dégrèvement en sa qualité de propriétaire, ni même des avis d'imposition qu'elle aurait reçu pendant l'exécution du bail, ainsi que relevé par le tribunal, les deux avis d'imposition produits par l'appelante concernant une société Hober, dont il n'est pas indiqué qu'elle soit une partie à la présente procédure ni au bail. Il en résulte que la société [Localité 2] Métropole Hockey 38 ne pouvait imputer au locataire le paiement des taxes foncières. Les premiers juges ont ainsi justement condamné l'appelante à déduire des charges les provisions sur taxes foncières et les appels de ces taxes. Le jugement déféré sera ainsi confirmé sur ce point.

2) Concernant le loyer et les charges du mois d'août 2020':

19.Le tribunal a relevé, concernant les loyers, qu'en indiquant avoir quitté les lieux le 30 juin 2020, le preneur conteste être redevable des indemnités d'occupation (et non des loyers en raison de la résiliation du bail) jusqu'au 28 août 2020, mais que, quand bien même il a indiqué se rendre disponible à compter du 30 juin 2020, il ne justifie avoir libéré les locaux qu'à compter du 28 juillet 2020 ainsi que constaté par le procès-verbal dressé par maître [X]. Le tribunal a ainsi condamné le bailleur à déduire de son décompte le montant de l'indemnité d'occupation du mois d'août 2020 et des charges afférentes.

19.Par courrier du 24 juin 2020, la Sas HD Holding a indiqué à la société [Localité 2] Métropole Hockey 38 qu'elle acquiesce à la demande du bailleur tendant à voir constater la résiliation du bail. Elle a précisé se tenir prête pour remettre les clefs du local libre de tout occupant et encombrant à compter du 30 juin 2020. Il n'est cependant pas justifier d'un accord du bailleur sur cette date.

20.La Sas HD Holding a commis maître [X], huissier de justice, non afin d'effectuer un état des lieux de sortie en raison d'une inertie du bailleur à une telle demande, suite à une résiliation effective du bail, mais afin de faire constater qu'elle a quitté les lieux. L'huissier a ainsi constaté qu'au 28 juillet 2020, les lieux sont libres et il a pris possession des clefs et badges du local. Il a précisé que ces clefs et badges ont été mis à la disposition de la représentante de sa requérante, c'est à dire la Sas HD Holding.

21.Il n'est pas établi que les clefs et badges ont été restitués au bailleur le 28 juillet 2020 et aucune pièce de la Sas HD Holding ne permet de constater quand ces clefs et badges ont été effectivement mis à la disposition du bailleur, seule cette remise valant restitution effective des lieux loués. Il en résulte que le loyer et les charges afférents au mois d'août 2020 sont dus contrairement à l'appréciation portée par le tribunal. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef. La Sas HD Holding sera condamnée à payer à la société [Localité 2] Métropole Hockey 38 le loyer et les charges jusqu'au 28 août 2020, en ce non comprise la provision sur la taxe foncière afférente à l'année 2020, point que la cour précisera afin d'éviter toute difficulté d'exécution.

3) Concernant les délais de paiement sollicités par la Sas HD Holding':

22.Sur la demande de délais de paiement, le tribunal a enfin dit qu'aucune pièce ne vient étayer la demande de délais de paiement formulée par le preneur. La cour constate que malgré cette motivation, il en est de même devant elle. En conséquence, elle ne peut que confirmer le jugement déféré sur ce point.

23.Le sens du présent arrêt impose de laisser à chacune des parties les frais qu'elle a engagés en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles L145-1 et suivants du code de commerce';

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a':

- condamné la société [Localité 2] Métropole Hockey 38 à déduire de son décompte le montant de l'indemnité d'occupation du mois d'août 2020 et des charges afférentes ;

- condamné, après déduction de ces sommes, la Sas HD Holding à payer à la société [Localité 2] Métropole Hockey 38 le reliquat de loyers, charges et indemnités d'occupation impayés arrêté au 28 juillet 2020 ;

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour ;

statuant à nouveau';

Condamne la Sas HD Holding à payer à la société [Localité 2] Métropole Hockey 38 le loyer et les charges jusqu'au 28 août 2020, en ce non comprise la provision sur la taxe foncière afférente à l'année 2020';

Laisse à chacune des parties les frais qu'elle a engagés en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre ses propres dépens';

Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.