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Décisions

CA Nîmes, ch. com., 19 octobre 2022, n° 21/02991

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

S.C.I. JPG

Défendeur :

S.E.L.A.R.L. [R] [W], S.A.S.U. PIXIE, S.A.S.U. SUCELLUS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

SCP REY GALTIER, SELARL SARLIN CHABAUD MARCHAL ET ASSOCIES, Me ZWERTVAEGHER

AVIGNON, du 12 Juill. 2021

12 juillet 2021

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 29 juillet 2021 par la SCI JPG à l'encontre de l'ordonnance prononcée le 12 juillet 2021, dans l'instance n° 2021 004174, par le juge-commissaire désigné par le tribunal de commerce d'Avignon dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'égard de la SAS Pixie.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 13 septembre 2022 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 12 septembre 2022 par la SELARL [R] [W] es qualités, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 14 septembre 2022 par la société Sucellus, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu la signification de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelante délivrée le 27 août 2021 à la société Pixie, par acte laissé dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile.

Vu la communication de la procédure au Ministère Public qui a notifié aux parties constituées le 13 juillet 2022 : « vu au parquet général qui s'en rapporte à l'appréciation de la cour ».

Vu l'ordonnance du 13 juin 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 15 septembre 2022.

* * *

Par jugement du 10 janvier 2018, le tribunal de commerce d'Avignon ouvre une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Pixie.

Un plan de redressement est arrêté le 30 janvier 2019 et le tribunal désigne la SELARL [R] [W] commissaire à l'exécution du plan.

Le 16 avril 2020, la SCI JPG fait signifier un commandement de payer les loyers commerciaux visant la clause résolutoire au commissaire à l'exécution du plan et le lendemain au preneur.

Par jugement du 17 février 2021, le tribunal de commerce d'Avignon résout le plan de redressement et prononce la liquidation judiciaire de la société Pixie. La SELARL [R] [W] est désignée liquidateur judiciaire.

Par ordonnance du 12 juillet 2021, le juge commissaire autorise le liquidateur es qualités à vendre la totalité des éléments du fonds de commerce dépendant de la procédure collective au profit de la société Sucellus moyennant le prix de 54 455 euros.

Le bailleur a relevé appel de cette ordonnance et demande, au visa des articles 1728 et 1741 du code civil, L.145-17, L.145-41 et L.642-19 du code de commerce, à la cour d'infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, de rejeter la demande de vente de gré à gré et de condamner les intimés à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, le bailleur soutient qu'il n'y a plus de bail depuis le 17 mai 2020 en raison du jugement prononcé le 3 février 2022 par le tribunal judiciaire d'Avignon qui a constaté la résiliation de plein droit de ce bail. Il fait valoir que constitue un motif légitime d'opposition à la signature de l'acte de vente l'incertitude pesant sur l'acquisition du droit au bail en raison d'un commandement visant la clause résolutoire. De plus, le repreneur a renoncé à la reprise.

Dans ses dernières conclusions, la société Succellus demande à ce qu'il lui soit donné acte qu'elle ne peut , en raison du comportement procédural du bailleur, que renoncer à la cession du fonds de commerce et qu'elle s'en rapporte à justice. Elle sollicite la condamnation du bailleur à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Dans ses dernières conclusions, le liquidateur judiciaire es qualités demande à la cour de débouter le bailleur de l'ensemble de ses demandes, de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et de condamner le bailleur à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le liquidateur judiciaire es qualités réfute l'argumentation du bailleur en soutenant qu'un bail commercial est toujours en cours tant qu'il n'existe pas de décision passée en force de chose jugée. Or, il a été relevé appel du jugement prononcé le 3 février 2022. La renonciation du repreneur n'a pas d'incidence dès lors que le juge commissaire peut autoriser la cession à une autre personne si le candidat acquéreur refuse de signer les actes de cession. Enfin, le délai de 3 mois pour signer l'acte de cession n'est pas expiré puisqu'il ne débute qu'à partir du moment où l'ordonnance critiquée est devenue définitive.

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

La liquidation judiciaire de la société Pixie a été prononcée le 17 février 2021.

Le jugement prononcé le février 2022 par le tribunal judiciaire d'Avignon a constaté la résiliation de plein droit du bail commercial signé par la société Pixie et la SCI JPG à effet du 27 mai 2020.

Un appel est pendant devant la présente cour.

La cour de cassation, dans un arrêt du 12 juillet 2017 a rappelé que :

« la clause résolutoire d'un bail commercial pour défaut de paiement des loyers et charges n'est définitivement acquise avant l'ouverture de la procédure collective du preneur que si cette acquisition est constatée par une décision de justice passée en force de chose jugée avant la date d'ouverture ; qu'en l'absence d'une telle décision, le bailleur ne peut plus poursuivre l'action tendant à la constatation de la résiliation du bail ; »

Com., 12 juillet 2017, pourvoi n° 16-10.167

Le rapport du conseiller rapporteur explique le sens de cette jurisprudence :

« Le principe premier de la procédure collective est celui de l'arrêt des poursuites. Selon l'article L.622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt toute action en justice de la part de tous les créanciers (antérieurs) tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

La mise en oeuvre d'une clause résolutoire entre dans cette catégorie d'action interdite ou interrompue. La constatation d'une clause résolutoire présente une particularité en ce que le juge ne prononce pas la résolution mais la constate. La résolution du contrat prend effet au jour où les conditions d'application de la clause sont réunies.

La clause résolutoire introduite dans un bail commercial est soumise à une réglementation particulière. L'article 145 -41 du code de commerce dispose :

« toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Le juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge'

Les conditions particulières de mise en oeuvre de la clause résolutoire dans le bail commercial, ont conduit la jurisprudence à mettre en place un régime particulier afin de concilier les articles L.145-41 et L.622-21 du code de commerce.

La clause résolutoire est opposable à la procédure collective ( l'organe compétent ne pouvant plus se prévaloir d'un contrat en cours) lorsque le bail est définitivement résilié par application de l'article L.145-41.

De deux choses l'une, soit la clause résolutoire est considérée comme acquise avant le jugement d'ouverture et le bail, résilié, ne peut pas être un contrat en cours. Il n'entre pas dans l'actif de la procédure (y compris si le débiteur locataire est encore dans les lieux). Soit la clause résolutoire n'est pas acquise avant le jugement d'ouverture et le

bail est en cours et peut être cédé. »

Ainsi que le relève le liquidateur judiciaire, le jugement constatant que la clause résolutoire est acquise au 27 mai 2020 et refusant tout délai, a été prononcé postérieurement à la liquidation judiciaire mais n'a pas acquis force de chose jugée.

Par conséquent, le bailleur ne peut plus poursuivre l'action en résiliation de bail, lequel peut être cédé.

Contrairement à ce que soutient le bailleur, il n'y a aucune incertitude concernant le droit au bail qui existe toujours.

Quant au preneur, il s'en rapporte à justice, ce qui signifie qu'il s'oppose aux demandes du bailleur. Sa demande de donné acte de sa renonciation ne constitue pas une prétention et la cour n'a pas à statuer sur ce donné acte.

Dès lors, l'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les frais de l'instance :

La SCI JPG, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à chacune des sociétés Succelus es qualités et SELARL [R] [W] es qualités une somme équitablement arbitrée à 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt de défaut et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

Dit que la SCI JPG supportera les dépens d'appel et payera à à chacune des sociétés Succelus es qualités et SELARL [R] [W] es qualités une somme équitablement arbitrée à 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.