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Décisions

Cass. com., 22 mai 2013, n° 11-20.398

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

Me Le Prado, SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Gaschignard, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Aix-en-Provence, du 17 févr. 2011

17 février 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que par acte authentique du 28 juin 1991, le Comptoir des entrepreneurs (CDE), aux droits duquel sont successivement venus la société Entenial puis le Crédit foncier de France (CFF), a consenti à la société en nom collectif Port-Fréjus investissement (SNC), un prêt destiné à financer l'acquisition, sous la forme d'une vente en l'état futur d'achèvement, d'un complexe immobilier d'hôtellerie-thalassothérapie, garanti par une inscription d'hypothèque, des promesses de nantissement ainsi que par des engagements de caution solidaire souscrits par les associés, par des personnes participant à des conventions de croupiers sans être associées et par les conjoints des associés ; que la SNC étant défaillante, la société Expertises immobilières associés (la société EIA), cessionnaire de la créance du CDE, après lui avoir notifié, le 29 mars 1995, la déchéance du terme, l'a assignée avec les associés cautions en exécution de leurs engagements ; que parallèlement, la société EIA ayant poursuivi la vente forcée de l'immeuble, ont été attraits à la procédure, la Nouvelle société de réalisation de défaisance (NSRD) venant successivement aux droits de la société Volney participations et de la société Hôtelière Volney, ainsi que la société Volney Fréjus, déclarée adjudicataire de l'immeuble ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et du pourvoi incident relevé par le CFF, sauf en ce qu'ils concernent M. C..., réunis :

Attendu que les sociétés EIA, NSRD, Volney Fréjus et le CFF font grief à l'arrêt d'avoir dit que le CDE a commis un dol à l'égard de MM. B..., D..., E..., F..., M. et Mme G..., Mmes I..., J..., A..., Y..., Z..., ensemble Mme K..., M. Loïc L..., venant aux droits de Luc L..., M. M..., venant aux droits de Franciane L... et d'avoir prononcé la nullité de leurs engagements de caution, alors, selon le moyen :

1°/ que le silence gardé par un contractant n'est constitutif d'une réticence dolosive que si ce contractant était tenu d'une obligation d'information au profit de l'autre partie ; que le banquier prêteur n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit de la caution lorsque son engagement ne crée pas un risque d'endettement excessif ; qu'en l'espèce, pour annuler pour réticence dolosive du CDE les cautionnements donnés par les associés de la SNC, la cour d'appel n'a pas recherché, comme il lui était demandé, si les cautionnements créaient un risque d'endettement excessif ; qu'en statuant ainsi, elle a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

2°/ que le silence gardé par un contractant n'est constitutif d'une réticence dolosive que si ce contractant était tenu d'une obligation d'information au profit de l'autre partie ; que le prêteur n'est tenu d'une obligation d'information au profit de la caution avertie que si celle-ci établit que le créancier avait sur son patrimoine, ses revenus et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles des informations qu'elle-même aurait ignorées à la suite de circonstances exceptionnelles ; que la caution associée de la société en nom collectif débitrice est nécessairement avertie dès lors qu'elle est en mesure d'obtenir sur la situation du débiteur principal toutes les informations propres à lui permettre d'apprécier l'opportunité des engagements qu'elle se propose de souscrire ; que tel était le cas des associés ayant cautionné la SNC, qui étaient nécessairement avertis de sorte qu'aucune information ne leur était due par le CDE, sauf à établir qu'il détenait des informations sur cette société que ses associés n'étaient pas en mesure d'obtenir eux-mêmes ; qu'en se bornant à annuler pour réticence dolosive du CDE les cautionnements donnés par les associés de la SNC, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la qualité d'associés de la SNC ne leur donnait pas la qualité de cautions averties, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

3°/ que le silence gardé par un contractant n'est constitutif d'une réticence dolosive que si ce contractant était tenu d'une obligation d'information au profit de l'autre partie ; que le prêteur n'est tenu d'une obligation d'information au profit de la caution avertie que si celle-ci établit que le créancier avait sur son patrimoine, ses revenus et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles des informations qu'elle-même aurait ignorées à la suite de circonstances exceptionnelles ; que la caution ayant déjà participé à des opérations de défiscalisation du même type que celle qu'elle se propose de garantir est nécessairement avertie des risques inhérents à ces montages financiers ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de la cour d'appel que de nombreuses cautions, associées de la SNC, avaient déjà été clientes du CDE lors d'autres opérations de défiscalisation, ce dont il s'évinçait qu'elles étaient nécessairement averties des risques de l'opération envisagée ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher, comme il lui était demandé, si l'expérience des cautions ne leur donnait pas la qualité de cautions averties, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

4°/ que les sociétés demanderesses faisaient valoir dans leurs conclusions que de nombreux associés de la SNC étaient des cautions averties car ils étaient des professionnels du droit ou du chiffre ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que le dol par réticence n'est caractérisé que si l'élément dissimulé réside dans un fait objectif, et non dans un simple risque ou aléa, l'aléa ou le risque ne constituant pas une information susceptible de faire l'objet d'une obligation précontractuelle d'information ; qu'ainsi, l'absence de communication par la banque bénéficiaire d'un cautionnement d'un risque ou d'un aléa de l'opération cautionnée ne constitue pas, en soi, une réticence dolosive susceptible d'entraîner l'annulation du cautionnement, l'aléa potentiel non réalisé ne constituant pas un fait objectif ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la rétention imputée au CDE ne portait pas sur des informations objectives, mais sur le risque élevé de l'opération garantie, laquelle aurait été marquée par une fragilité économique et un aléa ; qu'en considérant que ce cautionnement, qui ne s'est noué sur la base d'aucune rétention d'informations objectives, serait exposé à la nullité pour dol, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil ;

6°/ que ne manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence au préjudice de la caution que la banque qui, sachant que la situation de son débiteur est irrémédiablement compromise ou à tout le moins lourdement obérée, omet de porter cette information à la connaissance de la caution afin d'inciter celle-ci à s'engager ; qu'au cas présent, en considérant que le cautionnement souscrit par certains associés de la SNC cautionnée devrait être annulé pour réticence dolosive, sans constater que ledit cautionnement aurait été souscrit à une date à laquelle la situation de la SNC aurait été irrémédiablement compromise ou lourdement obérée, et en relevant au contraire que cette opération n'était pas intrinsèquement dépourvue de toute viabilité et qu'elle était simplement aléatoire et risquée, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil ;

7°/ que dans ses conclusions d'appel le CFF faisait valoir que le risque de l'opération lié à la survenance possible d'un retard de construction avait été pris en compte et prévenu par la stipulation, dans le contrat de vente en l'état futur d'achèvement liant la SNC emprunteuse au groupe Pelège, d'indemnités de retard élevées, de nature à compenser toute perte qui pourrait être liée à une ouverture tardive de l'exploitation ; qu'en considérant que le risque de l'opération aurait été accru par la survenance d'un aléa, toujours présent, dans une opération de construction, venant différer la livraison de l'ouvrage et partant son exploitation commerciale, sans rechercher comme elle y était invitée, si ce risque n'avait pas été prévenu en amont, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

8°/ que la banque n'est pas tenue d'une obligation précontractuelle d'information à l'égard d'une caution qui, étant par ailleurs associée en nom de la société cautionnée, est ou doit être informée de la situation de la société, et des risques auxquels elle est exposée, au moment de son engagement ; qu'au cas présent, en retenant que les informations essentielles, selon l'expression de la cour d'appel, ne pouvaient être connues des cautions, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que les cautions en cause étaient par ailleurs associées de la SNC, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1116 du code civil ;

9°/ qu'aucune information n'est due à une personne avertie, qui connaît ou doit connaître une information ; qu'en particulier, les personnes lourdement imposées qui constituent entre elles une SNC à but de défiscalisation sont à même de connaître les risques de l'opération, y compris ceux tenant à la solvabilité de leurs co-associés sur lesquels elles doivent le cas échéant se renseigner ; qu'au cas présent, le CFF faisait valoir dans ses conclusions que les cautions étaient toutes associées de la SNC qu'elles avaient créée pour défiscaliser leurs revenus, de sorte qu'elles connaissaient ou devaient connaître les risques de l'opération cautionnée ; qu'en retenant que des informations essentielles ne pouvaient être connues des cautions, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, étant associés fondateurs d'une SNC à but fiscal, il n'était pas exclu que les associés cautions se prétendent créanciers d'une obligation d'information, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

10°/ que la banque n'est pas tenue d'aviser l'associé caution, au titre d'une obligation précontractuelle d'information, de risques qui apparaissent comme des traits caractéristiques inhérents au montage, nécessaires à l'obtention du résultat voulu ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le montage juridique élaboré prévoyait l'intervention d'une société en nom collectif, choisie pour sa transparence fiscale afin de permettre à des investisseurs lourdement imposés dont ils devaient devenir les associés de profiter des avantages fiscaux procurés par la déduction de leurs revenus des déficits d'exploitation des premières années, de sorte que le risque identifié, lié à la nécessité pour les associés de répondre aux appels de fonds d'une SNC endettée en cas de besoin, et à la solidarité entre associés, correspondait à un aléa inhérent à l'opération garantie, assumé par les cautions en tant qu'associés ; qu'en considérant malgré tout que le CDE aurait été tenu d'une obligation d'information à l'égard des cautions qui participaient comme associés audit montage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1116 du code civil ;

11°/ que la banque n'est pas tenue à une obligation d'information à l'égard de la caution qui dispose des moyens d'accéder à l'information ; qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée, si les associés en cause, qui étaient tous des personnes fortunées qui avaient pour la plupart l'expérience des opérations de défiscalisation, qui avaient la qualité de professionnels de l'immobilier (marchands de biens, notaires locaux instrumentaires des actes de l'opération), d'hommes de loi (notaires, avocats), de professionnels du chiffre (experts comptables) ou d'entrepreneurs, et qui étaient au surplus entourés de conseils, n'avaient pas les moyens de connaître par eux-mêmes la portée de leur engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

12°/ que l'obligation au secret professionnel à laquelle sont tenus les établissements de crédit leur interdit de fournir des renseignements autres que simplement commerciaux d'ordre général et économique sur la solvabilité d'une autre personne ; qu'en considérant, au cas présent, que le CDE aurait dû organiser la circulation entre les associés de la SNC d'informations portant sur leur seuil de revenus, leur endettement, ainsi que le degré de liquidité de leur fortune, cependant que cette transmission d'informations précises et détaillées sur l'état et la structure des revenus et du patrimoine, était prohibée par le secret bancaire, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil, ensemble l'article 57 de la loi du 24 janvier 1984, applicable en la cause ;

13°/ que le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement, la réticence dolosive n'étant constituée que si elle avait pour objet de tromper la caution et de la déterminer à s'engager ; qu'au cas présent, en considérant que le CDE aurait commis un dol par réticence au préjudice des cautions associées de la SNC au motif que la banque aurait eu une conscience aiguë de la grande fragilité économique de l'opération et aurait été mue par son souci majeur de se prémunir, en cas d'échec, en multipliant les garanties, la cour d'appel n'a caractérisé que la conscience d'un risque qu'avait eue le CDE et la volonté légitime de se prémunir contre la survenance dudit risque, mais non l'intention d'amener une caution à couvrir une situation d'ores et déjà compromise ; qu'en déduisant de ces motifs que la banque aurait dissimulé délibérément le risque en cause et commis ainsi une réticence dolosive, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser une intention dolosive, violant ainsi l'article 1116 du code civil ;

14°/ que le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation d'une erreur déterminante du consentement provoquée, dans l'esprit de la caution, par le manquement à l'obligation précontractuelle d'information ; qu'au cas présent, en considérant que le prétendu défaut d'information des cautions associées de la SNC sur les risques de l'opération les aurait conduites à s'engager, ce qu'elles n'auraient pas fait si elles avaient été informées desdits risques, et notamment de l'idée que la solidité de l'opération dépendait de la capacité de chacun des associés en nom collectif à respecter ses engagements et à répondre ainsi aux appels de fonds d'une SNC volontairement sous-capitalisée depuis l'origine, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'erreur déterminante, dès lors qu'en tant qu'associées de la SNC, les cautions supportaient déjà le risque décrit, de sorte qu'elles auraient souscrit pareillement leur engagement fidéjussoire si elles avaient été plus complètement informées dudit risque ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a ainsi violé l'article 1116 du code civil ;

15°/ que la délibération de l'assemblée générale constitutive que le CDE avait voulu voir adopter stipulait que en vertu des statuts de la SNC, chacun des associés est responsable solidairement et sans limitation de tous les engagements de la SNC et donc de la couverture de tous ses besoins de trésorerie, qu'ils s'engagent à couvrir. Les déficits d'exploitation sont déductibles des revenus de chacun après avoir été constatés dans leur comptabilité (sixième résolution) ; qu'en retenant que aucune référence n'a été faite dans cette délibération voulue par la banque aux aléas particuliers que la banque avait identifiés avant d'octroyer son concours, parmi lesquels figurait la solidarité entre associés, la cour d'appel a dénaturé ladite délibération, en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments du débat, constaté que le CDE avait une conscience aigüe de la grande fragilité économique de l'opération en manifestant un souci majeur de se prémunir, en cas d'échec, en multipliant les garanties, puis relevé qu'il s'était abstenu d'informer les cautions de ses réserves sur la solvabilité de certains des participants qu'il connaissait et avait agréés, faisant ainsi ressortir que le CDE détenait des informations dont les cautions ne disposaient pas, l'arrêt déduit que ce dernier avait dissimulé délibérément le risque élevé de l'opération garantie et qu'en retenant des informations essentielles qui ne pouvaient être connues de ces cautions, quand celles-ci étaient de nature à leur permettre d'apprécier un aléa qui, excédant par son niveau, celui inhérent à toute activité économique, pouvait les conduire à renoncer à s'engager, et les avait conduites à s'obliger en se méprenant sur un élément déterminant de leur consentement ; que par ces seuls motifs, dont il résultait que le CDE avait délibérément dissimulé aux cautions des informations, indépendantes des seuls risques et aléas du montage, sans lesquelles elles n'auraient pas contracté, la cour d'appel, hors toute dénaturation, sans méconnaître le secret bancaire, ni être tenue de procéder aux recherches inopérantes demandées, ni de répondre au moyen inopérant de la quatrième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident relevé par Mmes Y..., Z... et A... :

Attendu que ces dernières font grief à l'arrêt d'avoir dit que, à la fois associées et cautions de la SNC, elles ne sont pas recevables à poursuivre la nullité pour dol du contrat de prêt conclu entre le CDE et la SNC, de les avoir condamnées en leur qualité d'associées, solidairement avec la SNC, à payer à la société EIA une certaine somme et dit n'y avoir lieu à mainlevée des mesures conservatoires prises par la société EIA, alors, selon le moyen :

1°/ que la caution qui demande à être déchargée de son engagement et qui peut opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette, peut faire constater la nullité du contrat principal pour dol ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 2313 du code civil ;

2°/ que les associés d'une société en nom collectif qui répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales peuvent, lorsqu'ils sont poursuivis en cette qualité par un créancier qui a consenti un prêt à la société, opposer à ce dernier la nullité du contrat de prêt, y compris pour dol ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1116 du code civil et L. 221-1 du code de commerce ;

3°/ que les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne ; que dès lors, les associées de la SNC, également créancières de cette société, peuvent invoquer sur le fondement de l'action oblique, la nullité du contrat de prêt conclu par cette société y compris pour dol ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1166 du code civil ;

4°/ qu'en excluant une carence du débiteur de nature à justifier l'exercice par ses associés et créanciers de l'action oblique, après avoir constaté que bien que présent à l'instance, le débiteur n'a pas fait valoir la nullité du contrat de prêt pour dol, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard de l'article 1166 du code civil qu'elle a violé ;

Mais attendu qu'ayant énoncé que la nullité pour dol du contrat de prêt constitue une exception purement personnelle que seul le débiteur principal peut invoquer, puis constaté que ce dernier faisait valoir dans la présente instance ses droits et actions, c'est exactement que la cour d'appel a retenu que les associés de la SNC, tiers au contrat de prêt conclu entre cette dernière et le CDE, n'avaient pas qualité pour en poursuivre la nullité pour dol et qu'ils ne le pouvaient davantage par la voie de l'action oblique ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen de ce même pourvoi :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les contestations portant sur le montant de la créance invoquée par la société EIA, tirée de la dépossession du fonds de commerce, d'avoir dit que cette dernière n'a commis, postérieurement à la cession de créance, aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité et d'avoir rejeté les actions en responsabilité formées à l'encontre des sociétés EIA, NSRD Volney Fréjus, Volney participations et Hôtelière Volney, alors, selon le moyen :

1°/ que quelle que soit son importance, le droit au bail ne constitue pas, de plein droit, un élément nécessaire du fonds de commerce, qui peut exister en dehors de lui ; qu'en se fondant pour exclure l'existence d'un fonds de commerce sur l'absence de droit au bail au profit de la SNC, qui était propriétaire des murs dans lesquels le fonds de commerce était exploité, la cour d'appel a violé les articles L. 141-1 et L. 141-5 du code de commerce ;

2°/ que les associés de la SNC faisaient valoir que la société EIA s'était purement et simplement appropriée le fonds de commerce de la SNC par l'intermédiaire de sa filiale, la société Volney Fréjus, laquelle a racheté cet immeuble dans lequel elle exploite une activité hôtelière et par conséquent précisément la clientèle attachée à cet immeuble ; qu'en se fondant pour exclure l'existence d'un fonds de commerce, sur la circonstance que la clientèle n'aurait pas de valeur marchande dès lors qu'elle est attachée à l'immeuble litigieux et à sa situation et non à l'exploitant, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-1 et L. 141-5 du code de commerce ;

Mais attendu que contrairement aux allégations du moyen, la cour d'appel n'a pas exclu l'existence du fonds de commerce par suite de l'absence de droit au bail, mais a estimé dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments mis au débat, que le fonds de commerce, dont le seul élément était la clientèle exclusivement attachée à l'immeuble et à sa situation, ne pouvait présenter une valeur marchande ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le cinquième moyen de ce pourvoi :

Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les contestations de Mmes Y..., A... et Z... portant sur la non-conformité du taux d'intérêt appliqué par le CDE, alors, selon le moyen, que la prescription quinquennale de l'action en nullité des stipulations d'intérêts en raison de la mention dans l'acte de prêt d'un taux effectif global erroné, ne court du jour de la convention, que lorsque l'emprunteur a obtenu un concours pour les besoins de son activité professionnelle et qu'il est par conséquent un emprunteur averti ; que la prescription ne court à l'encontre d'un emprunteur profane qu'à compter de la date à laquelle il a effectivement découvert l'erreur affectant la stipulation d'intérêts ; qu'en faisant courir le point de départ de cette prescription à compter de la convention, après avoir pourtant constaté que la SNC ne pouvait être regardée comme un emprunteur averti, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles 1304 du code civil, L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation qu'elle a violés ;

Mais attendu que la prescription de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel engagée, en raison d'une erreur affectant le taux effectif global, par un emprunteur qui contracte un prêt pour les besoins de son activité professionnelle, court à compter du jour du contrat, qui est celui où il a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident relevé par Mmes Y..., Z... et A... et le moyen unique du pourvoi incident relevé par M. B..., réunis :

Attendu que ces griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal et du pourvoi incident relevé par le CFF, en ce qu'ils concernent M. C..., réunis :

Vu l'article 1116 du code civil ;

Attendu que pour dire que le CDE avait commis un dol à l'égard de M. C..., l'arrêt, après avoir relevé que celui-ci, ancien banquier, conseiller financier, disposant d'une compétence en matière d'ingénierie financière et ayant selon ses propres déclarations, une réelle expérience en matière de produits de défiscalisation, avait présenté au CDE dont il avait antérieurement sollicité le concours, une nouvelle opération de défiscalisation portant sur l'opération en cause, que le montage juridique prévoyait l'intervention d'une société en nom collectif, choisie pour sa transparence fiscale et le recours massif à l'endettement et, qu'ayant fait établir une étude de faisabilité par un professionnel de l'hôtellerie et un état prévisionnel des résultats d'exploitation, il avait réuni autour de lui un certain nombre d'investisseurs, séduits par une opération qualifiée d'« exceptionnelle » compte tenu de la qualité du site et d'un risque d'exploitation totalement « maîtrisé » et qu'il n'ignorait pas, comme l'atteste son courrier en réponse au refus de financement de la banque du 10 mai 1991, les importantes réserves émises par son préposé, suggérant un apport de fonds propres de 10 millions de francs et l'exploitation du centre de thalassothérapie par une chaîne spécialisée, retient que la banque avait une conscience aiguë de la grande fragilité économique de l'opération et que son souci majeur avait été de se prémunir, en cas d'échec, en multipliant les garanties lesquelles représentaient plus de cinq fois le montant de la part de chaque associé dans le montant des sommes empruntées, que se faisant elle a dissimulé délibérément le risque élevé de l'opération garantie et qu'en retenant des informations essentielles qui ne pouvaient être connues des cautions, lesquelles étaient de nature à leur permettre d'apprécier un aléa qui excédait par son niveau celui inhérent à toute activité économique, la banque les a conduites par là-même à s'obliger en se méprenant sur un élément déterminant de leur consentement ;

Attendu qu'en statuant par de tels motifs, dont il résultait que M. C... avait joué un rôle déterminant dans l'opération initiée et conduite jusqu'à son terme, étant le seul interlocuteur de la banque à laquelle il avait proposé le montage financier et réuni autour de lui un certain nombre d'investisseurs, sur lesquels il avait communiqué des informations supplémentaires et la justification d'engagements complémentaires à la banque, en raison de ses réticences initiales, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

Et, sur les seconds moyens des pourvois principal et incident, ce dernier relevé par le CFF, réunis, pris en leur deuxième branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour dire que la SNC n'avait pas la qualité d'emprunteur averti, condamner le CFF, venant aux droits du CDE à payer à la SNC des dommages-intérêts et dire que la SNC est recevable à opposer à la société EIA l'exception de compensation de sa dette au titre du solde du prêt avec sa créance indemnitaire à l'encontre du CDE, l'arrêt, après avoir indiqué que le prêt a été sollicité par une société en nom collectif, société commerciale par sa forme, que son gérant, M. C... a été à l'origine de l'opération financée et que la souscription du prêt a été précédée à la demande de celui-ci d'études prévisionnelles établies par des professionnels de la finance et de l'hôtellerie qui concluaient à la faisabilité du projet, relève que l'acte de prêt a été reçu le 28 juin 1991, que la SNC n'a été constituée que le 5 juin 1991, que l'ensemble des pourparlers préalables à l'octroi du prêt ont été conduits par M. C..., agissant à titre personnel et non en qualité de gérant d'une société en formation, la création de la société n'étant envisagée qu'autant que le projet pouvait être finalisé par l'obtention des financements nécessaires à sa mise en oeuvre de sorte que la SNC, constituée a posteriori pour les seuls besoins d'une opération dont l'élaboration et la mise en oeuvre sont intervenues sans qu'elle y concoure, faute d'avoir été formée ni même d'avoir été en voie de l'être et d'avoir pu être représentée à ce titre par l'un ou plusieurs de ses associés fondateurs ; qu'il retient encore que le CDE en avait conscience puisque ce dernier indique avoir pris soin de demander que lors de l'assemblée générale constitutive de la SNC, l'attention des associés soit spécialement attirée sur les risques de l'opération ;

Attendu qu'en se déterminant par des motifs impropres à écarter le caractère averti de la SNC, dès lors qu'elle avait relevé que l'opération, qui impliquait la constitution d'une société en nom collectif, avait été initiée et conduite par M. C..., d'abord à titre personnel puis en qualité de gérant de la SNC, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le Comptoir des entrepreneurs a commis un dol à l'égard de M. C..., dit encore qu'il a manqué lors de l'octroi du prêt à son obligation de conseil et de mise en garde à l'égard de la SNC Port Fréjus investissement, que le dommage résultant du manquement à l'obligation de mise en garde consiste en une perte de chance de ne pas contracter, condamne le Crédit foncier de France, venant aux droits du Comptoir des entrepreneurs à payer à la SNC Port Fréjus investissement des dommages-intérêts d'un montant égal à 80 % des sommes dont la SNC Port Fréjus investissement demeure redevable en principal, intérêts, frais et accessoires au titre du prêt consenti, dit que la SNC Port Fréjus investissement est recevable à opposer à la société Expertises immobilières associés l'exception de compensation de sa dette au titre du solde du prêt avec sa créance indemnitaire à l'encontre du Crédit foncier de France et que le montant des sommes mises à la charge de ce dernier, sera réglé par compensation à concurrence de leurs quotités respectives avec le montant des sommes dues par la SNC Port Fréjus investissement au titre du remboursement du prêt réclamé par la société Expertises immobilières associés, l'arrêt rendu le 17 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.