Cass. com., 21 septembre 2022, n° 20-20.959
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mollard
Rapporteur :
M. Ponsot
Avocat général :
Mme Gueguen
Avocats :
SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Alain Bénabent
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 septembre 2020), MM. [T] et [E] ont, le 28 décembre 2012, cédé les actions qu'ils détenaient dans le capital de la société Atlantic Métal, ayant pour activité la collecte, le traitement et le négoce de tous métaux ferreux et non ferreux, à la société Paprec France, tout en conservant leurs mandats sociaux.
2. En septembre 2013, MM. [T] et [E] ont constitué la société SCRAP Trading Terminal (la société STT), ayant pour objet la manutention, le transport, le stockage et le négoce ou le courtage de tous matériaux, notamment de métaux ferreux et non ferreux.
3. La société Paprec France a mis fin aux mandats sociaux de MM. [T] et [E] le 17 avril 2014.
4. MM. [T] et [E] ont assigné la société Atlantic Métal en paiement de rappels de rémunérations et de dommages-intérêts pour révocation abusive et vexatoire. Soutenant que MM. [T] et [E] avaient commis des fautes de gestion, la société Atlantic Métal a, reconventionnellement, demandé le paiement de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, et le second moyen, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société Paprec Métal fait grief à l'arrêt de limiter les condamnations à paiement de MM. [T] et [E] à l'égard de la société Atlantic Métal à certaines sommes, au titre des frais engagés fautivement, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; qu'en l'espèce, la société Atlantic Métal sollicitait la réparation de la perte de marge et du gain manqué sur les opérations réalisées par STT à la place d'Atlantic Métal, dès lors que "l'activité directement réalisée par les mandataires sociaux à leur seul profit alors qu'ils étaient tenus d'une obligation de non-concurrence et en charge du développement et de la préservation des intérêts d'Atlantic Métal aurait dû intervenir au sein d'Atlantic Métal, et la marge correspondante aurait dû bénéficier à Atlantic Métal" ; que la Cour d'appel a relevé qu'en qualité de dirigeants, MM. [T] et [E] "étaient tenus d'un devoir de loyauté", lequel "allait au-delà de l'obligation de ne pas dissimuler volontairement une information et leur imposait d'informer la société Atlantic Métal de leur activité parallèle", de sorte qu' "ils se devaient ainsi de porter à la connaissance de la société Atlantic Métal leur participation à la création de la société STT" ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que "la société Atlantic Métal ne présente aucune demande d'indemnisation au titre de ce manquement, ses demandes visant uniquement des pertes de marge ou de chance de réaliser des marges et des demandes de remboursement de sommes indûment dépensées", quand ces demandes caractérisaient le préjudice résultant du manquement de MM. [T] et [E] à leur obligation de loyauté, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
8. Pour limiter les condamnations à paiement de MM. [T] et [E] à l'égard de la société Atlantic Métal à certaines sommes, au titre des frais engagés fautivement, l'arrêt, après avoir relevé que MM. [T] et [E] avaient créé une société dont l'objet social la plaçait en concurrence avec l'activité de la société Atlantic Métal, et retenu, d'une part, que le devoir de loyauté auquel ils étaient tenus en leur qualité de dirigeants leur imposait d'informer la société Atlantic Métal de leur participation à la création de la société STT et, d'autre part, qu'ils avaient manqué à ce devoir, relève encore que la société Métal Atlantic ne présente aucune demande d'indemnisation au titre de ce manquement, ses demandes visant uniquement des pertes de marge ou de chance de réaliser des marges et des demandes de remboursement de sommes indûment dépensées.
9. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la société Atlantic Métal demandait la réparation de l'entier préjudice causé par le manquement de MM. [T] et [E] à leur obligation de loyauté, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant le jugement, il condamne M. [T] à payer à la société Atlantic Métal la somme de 4 692,97 euros au titre des frais engagés fautivement, en ce qu'il condamne M. [E] à payer à la société Atlantic Métal la somme de 3 061,07 euros au titre des frais engagés fautivement, et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.