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Décisions

Cass. 1re civ., 8 juillet 2009, n° 07-18.041

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Rapporteur :

Mme Bignon

Avocat général :

M. Domingo

Avocats :

SCP Baraduc et Duhamel, SCP Waquet, Farge et Hazan

Nîmes, du 5 juin 2007

5 juin 2007

Attendu que Camille X... et Suzanne Y..., mariés sous le régime de la communauté, ont consenti à leurs enfants, Paul, Geneviève, Claude, Régine, Andrée et Christiane, diverses donations, dont, aux trois premiers, par préciput et hors part, 8 388 des 8400 actions composant le capital de la société anonyme X..., par acte notarié du 8 janvier 1982, puis les 12 actions restantes par acte notarié du 31 juillet 1982, l'essentiel des actifs de cette société étant constitué par des actions de la société anonyme Clément Faugier dont elle était l'actionnaire majoritaire ; qu'en 1983, la société anonyme X... a été transformée en société en nom collectif ; que Camille X... est décédé le 18 mars 1984 et Suzanne Y... le 31 décembre 1990 ; qu'un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 17 septembre 1996 a confirmé un jugement du tribunal de grande instance de Privas ayant statué sur les difficultés nées de la liquidation et du partage de la succession de Camille X... ; qu'en 2005, Mme Geneviève X... a cédé ses droits sociaux à MM. Paul et Claude X... ; que, statuant sur les difficultés nées de la liquidation et du partage nées de la succession de Suzanne Y..., l'arrêt attaqué a, notamment, décidé que, pour le calcul de la réserve, les droits sociaux de la société X... donnés à Paul, Claude et Geneviève X... devaient être évalués au jour du décès, abstraction faite du passif grevant cette société au jour des donations dès lors que ce passif avait disparu au jour de l'ouverture de la succession et que, pour le calcul de l'indemnité de réduction, il devait être tenu compte de l'augmentation de la valeur des droits sociaux au jour du partage dès lors que la plus value était étrangère à l'activité des gratifiés ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que MM. Paul et Claude X... font grief à l'arrêt d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, retenu, pour calculer la portion réductible au jour du décès de Suzanne X... de la libéralité consentie par les époux X... à leurs fils Claude et Paul, que la valeur des biens donnés s'élève au 31 décembre 1990 à la somme de 2 869 595 euros, que la quotité disponible est égale à la somme de 669 224 euros, la valeur des biens donnés par préciput et hors part au 31 décembre 1990 à la somme de 2 847 409 euros et le dépassement de la quotité disponible à la somme de 2 178 185 euros, et d'en avoir déduit que le montant de la réduction à opérer sur les donations des 8 janvier 1982 et 19 janvier 1982 s'élevait à 6 064 466 euros dont 2 011 343 euros à la charge de Paul X... et 2 008 576 euros à la charge de Claude X..., alors, selon le moyen :

1°/ que l'état des droits sociaux à l'époque de la donation ne doit pas être entendu uniquement comme désignant les droits et obligations juridiques mais vise également l'état économique et financier de la société dont les droits sociaux ont été donnés ; qu'en décidant que l'état structurel des biens donnés n'avait pas été modifié et qu'il n'y avait pas lieu de déduire de la valeur des parts données au jour du décès de Mme Y..., épouse X... le passif existant à l'époque de la donation au motif qu'il n'existait plus à la date d'ouverture de la succession, cependant que ce passif, élément de l'état du bien au jour de la donation, avait une influence sur l'évaluation du patrimoine de la société et donc sur l'état des parts données à l'époque de la donation et devait en conséquence être déduit de la valeur des parts d'après leur état à cette époque, la cour a violé les articles 868 et 922 du code civil ;

2°/ que la société X..., constituée sous forme de société anonyme, s'était, au cours de l'année 1983, transformée en société en nom collectif ; qu'en estimant que l'état structurel des actions données n'avait pas été modifié, cependant que ce changement de forme sociale avait modifié les droits et les obligations des donataires, devenus responsables indéfiniment et solidairement du passif social, la cour a violé les articles 868 et 922 du code civil, ensemble les articles 10 et 73 de la loi du 24 juillet 1966, devenus respectivement L. 221-1 et L. 225-1 du code de commerce ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la transformation de la société anonyme X... en société en nom collectif était sans incidence sur l'état des droits sociaux donnés, et que ceux ci devaient être évalués au jour de l'ouverture de la succession pour le cas où à cette date le passif grevant la société X... à l'époque des donations avait disparu pour une cause étrangère aux gratifiés ; qu'en ses deux premières branches, le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur les troisième et quatrième branches de ce moyen, réunies :

Vu l'article 922 du code civil ;

Attendu que, pour décider que la valeur des biens donnés excéde la quotité disponible, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que ces biens doivent être évalués au jour de l'ouverture de la succession, abstraction faite du passif grevant la société X... au jour des donations dès lors qu'il a disparu avant le décès et en tenant compte de la plus value ayant augmenté la valeur des droits sociaux donnés dès lors que l'élément fondamental du patrimoine de la société X... au moment des donations était sa participation dans la société Faugier, que les donataires des actions de la société X... n'ont eu, en cette qualité, aucune action directe sur la valeur des actions de la société Faugier comprises dans l'actif de la société X..., que la plus-value prise par les actions Faugier ne leur est pas imputable en leur qualité de donataires des actions X..., la société Faugier ayant eu une vie sociale différente de celle de la société X..., que la plus value prise par les actions Faugier entre la date des donations et celle du décès ou du partage ne peut résulter de l'activité des donataires au sein de la société X..., entité distincte, de sorte que la plus value prise, au jour du décès, par les droits sociaux donnés résulte d'une cause étrangère aux gratifiés ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les donataires n'avaient pas exercé une activité au sein de la société Faugier seulement parce que, devenus actionnaires majoritaires de cette société en raison de la donation des actions de la société X..., ils représentaient cette dernière au sein des organes sociaux de la société Faugier, dans le but d'accroître la valeur des droits sociaux de la société X..., de sorte que la disparition du passif grevant cette société et la plus-value prise par les biens donnés résultaient indirectement du travail qu'ils avaient fourni au sein de la société Faugier, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il retenu, pour calculer la portion réductible au jour du décès de Suzanne X... de la libéralité consentie par les époux X... à leurs fils Claude et Paul, que la valeur des biens donnés s'élève au 31 décembre 1990 à la somme de 2 869 595 euros, que la quotité disponible est égale à la somme de 669 224 euros, la valeur des biens donnés par préciput et hors part au 31 décembre 1990 à la somme de 2 847 409 euros et le dépassement de la quotité disponible à la somme de 2 178 185 euros et, pour calculer le montant de l'indemnité de réduction à verser par les cohéritiers avantagés, en ce qu'il a fixé la valeur d'une part sociale de la société X... à la date la plus proche possible du partage à la somme de 1740,74 eurons, fixé la valeur des 4194 actions objets de la donation à la somme de 7 300 663 euros, et en ce qu'il a, en conséquence, dit que le montant de la réduction à opérer sur les donations des 19 janvier 1982 et 8 janvier 1982 s'élevait à 6 064 466 euros dont 2 011 343 euros à la charge de M. Paul X... et 2 008 576 euros à la charge de M. Claude X..., l'arrêt rendu le 5 juin 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.