Cass. crim., 21 juin 2000, n° 99-86.871
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
M. Challe
Avocat général :
M. Launay
Avocat :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-12 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Joseph X... coupable de prise illégale d'intérêts ;
" aux motifs que la prise ou la conservation d'intérêts est manifestée par le fait que Joseph X... donnait en location-gérance son fonds de commerce à la société Joseph X... ; qu'au surplus, il était le véritable maître tant de la société X... et compagnie que de la société Joseph X... ; qu'il intervenait dans la tenue de la comptabilité ; qu'il dirigeait l'ensemble des travaux ; qu'il ne peut sérieusement prétendre que ce serait en sa seule qualité de maire qu'il se rendait sur les chantiers ; qu'il ne peut prétendre davantage qu'il aurait établi les états-navette en qualité de maire ; qu'au demeurant, il met en avant ses compétences pour justifier de ses actes, ce qui établit qu'il ne les a pas accomplis en qualité de maire ; que gérant de fait de la société X... et compagnie et de la société Joseph X..., il avait un intérêt direct dans l'attribution des marchés dont il avait la charge d'assurer la surveillance et l'administration ; qu'au demeurant, la société Joseph X... lui versait un loyer pour la location d'un bureau ;
" alors que, d'une part, l'article 432-12 du Code pénal ayant pour finalité de prévenir la confusion entre l'intérêt personnel d'une personne investie d'un mandat électif avec l'intérêt public dont elle a la charge d'assurer la défense, la notion de prise ou de conservation d'intérêts prohibée par ce texte suppose par nature l'espérance d'un avantage quelconque pouvant être retiré à titre personnel par l'élu à l'occasion de la surveillance ou de l'administration d'une opération dont il a la charge, de sorte qu'une déclaration de culpabilité de ce chef n'est légalement justifiée qu'à condition que soit caractérisée la nature de cet avantage, fût-il éventuel, ce que n'a aucunement fait la cour d'appel en se bornant à affirmer, sans autre motif, que constituait une telle prise d'intérêts le fait pour le prévenu d'avoir donné en location-gérance son fonds de commerce à la société X... chargée de la réalisation de divers travaux pour le compte de la commune dont il était maire ;
" alors que, d'autre part, la Cour, qui a voulu ainsi déduire l'existence de cet intérêt de la prétendue qualité de gérant de fait de Joseph X... dans la société du même nom, sans aucunement répondre aux arguments péremptoires de ses conclusions faisant valoir que, non seulement il n'était pas associé, mais que, de plus, il n'avait aucune signature sociale, n'exerçait aucune direction sur le personnel pas plus qu'il n'était en relation avec les banquiers et experts-comptables, n'a pas, en l'état de ce défaut de réponse caractérisé, davantage justifié sa décision ;
" alors, qu'enfin, la circonstance reconnue par Joseph X... que, mettant à profit ses compétences personnelles, il se soit rendu sur les chantiers pour s'assurer de l'avancement des travaux et de leur bonne exécution s'avère totalement inopérante à en déduire, comme le fait la Cour, un quelconque rôle de gérant de fait de la société chargée de l'exécution desdits travaux " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, courant 1992, 1993 et 1994, Joseph X..., maire de la commune de Woustviller, est intervenu, en qualité de président de la commission d'appel d'offres et de membre du bureau du syndicat des eaux de Sarralbe et du district de Sarreguemines, dans l'attribution de plusieurs marchés de travaux publics aux sociétés X... Joseph et X... et compagnie, dont sa fille et son fils étaient respectivement les gérants, ainsi qu'aux sociétés RAPP et Bock, dont les deux précédentes ont été sous-traitantes ;
Attendu que, pour déclarer Joseph X... coupable de prise illégale d'intérêts, les juges relèvent d'une part, qu'en 1989, il a donné en location-gérance à la société X... Joseph, le fonds de commerce de son entreprise personnelle, moyennant une redevance annuelle de 15 000 francs, et d'autre part, qu'il a exercé la gérance de fait des deux sociétés X..., notamment en établissant lui-même les déclarations mensuelles de TVA, en intervenant dans la tenue de la comptabilité et en dirigeant l'ensemble des travaux ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que le délit prévu par l'article 175 ancien, repris à l'article 432-12 du Code pénal, est caractérisé par la prise d'un intérêt matériel ou moral, direct ou indirect et se consomme par le seul abus de la fonction indépendamment de la recherche d'un gain ou de tout autre avantage personnel, la cour d'appel, qui a répondu sans insuffisance aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Attendu que la peine prononcée et les réparations civiles étant justifiées par la déclaration de culpabilité du chef de prise illégale d'intérêts concernant les marchés autres que celui conclu avec le syndicat des eaux de Sarralbe, en 1992, il n'y a pas lieu d'examiner le second moyen qui discute le délit de prise illégale d'intérêts relatif à ce dernier marché ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.