Cass. 2e civ., 27 octobre 2022, n° 21-10.739
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Cabinet Coll (Selasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
Mme Isola
Avocat général :
Mme Nicolétis
Avocats :
SCP Célice, Texidor, Périer, SAS Buk Lament-Robillot
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 27 novembre 2020) et les productions, Mme [G] a confié la défense de ses intérêts, le 20 mars 2014, à la société Cabinet Coll (l'avocat) pour l'assister dans une procédure l'opposant à son époux.
2. Une convention d'honoraires a été conclue le même jour, prévoyant un forfait, non remboursable, de 3 500 euros TTC, en cas de dessaisissement de l'avocat par le client et une clause d'indemnité de dédit prévoyant, dans la même hypothèse, que l'honoraire restant à courir serait dû, plafonné à 2 500 euros HT (3 000 euros TTC).
3. Mme [G] a mis fin au mandat qui la liait à l'avocat par courriel du 6 octobre 2015, confirmé par lettre du 28 décembre 2015.
4. Le 14 avril 2016, elle a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris d'une contestation d'honoraires afin d'obtenir le remboursement des honoraires versés.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui est irrecevable et sur le second, pris en sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
6. L'avocat fait grief à l'ordonnance de réputer non écrites les deux clauses de dédit figurant aux articles III-1 et V-5.5 de la convention d'honoraires, par application des articles L. 212, alinéa 1er, et L. 241-1 du code de la consommation, de fixer à la somme de 900 euros TTC les honoraires dus à l'avocat, de constater que Mme [G] avait versé à ce dernier la somme de 3 500 euros TTC au titre des honoraires et de condamner en conséquence l'avocat à lui rembourser la somme de 2 600 euros TTC, alors :
« 1°/ que la procédure spéciale prévue par l'article 174 du décret du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; qu'il en résulte que le bâtonnier, et sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, des différends portant sur l'existence ou la validité du mandat confié à l'avocat ; qu'en jugeant que la clause de dédit insérée à la convention d'honoraires devait être réputée non écrite comme étant abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation, le premier président a excédé ses pouvoirs et violé l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
2°/ que, subsidiairement, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que le déséquilibre significatif doit être apprécié par les juges du fond en fonction de l'équilibre général des prestations réciproques et du principe de liberté contractuelle ; qu'en jugeant que la clause de dédit insérée à la convention d'honoraires créait un déséquilibre significatif au détriment du client, en ce qu'aucune clause de dédit n'était réciproquement prévue au profit du client en cas de dessaisissement anticipé par l'avocat, sans rechercher si, ainsi que le mentionnait expressément la convention d'honoraires, la clause de dédit ne trouvait pas sa contrepartie, favorable au client, dans la fixation d'un honoraire forfaitaire ferme sans aucun dépassement d'un montant largement inférieur à celui qui aurait résulté de l'application d'un taux-horaire, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-1 du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
7. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, [C], C-243/08).
8. Selon l'article L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
9. Il entre dans les pouvoirs du premier président, statuant en matière de fixation des honoraires d'avocat, d'examiner le caractère abusif des clauses des conventions d'honoraires lorsque le client de l'avocat est un non-professionnel ou un consommateur.
10. C'est donc sans excéder ses pouvoirs que le premier président, qui ne s'est pas prononcé sur la validité du mandat de l'avocat, a retenu que les dispositions du code de la consommation sont applicables aux conventions d'honoraires d'avocats et a examiné le caractère abusif des clauses de la convention litigieuse.
11. Relevant, ensuite, qu'en l'espèce, les deux clauses, respectivement prévues par les articles III-1 et V-5-5 de la convention d'honoraires, étaient contradictoires quant à leur montant, le premier article prévoyant qu'en cas de dessaisissement de l'avocat par le client, les honoraires forfaitaires de 3 500 euros TTC restaient dus en totalité et le second que les indemnités de dédit ne pouvaient dépasser 2 500 euros HT, soit 3 000 euros TTC, il a retenu, procédant à la recherche prétendument omise, que ces clauses ont, chacune, pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties au contrat, dès lors que, d'une part, l'avocat obtiendrait de sa cliente, le paiement de la totalité des honoraires ou leur quasi-totalité alors qu'il n'avait effectué que deux prestations sur les six qu'il s'était engagé à effectuer pour le montant forfaitaire fixé et que les deux montants du dédit apparaissaient disproportionnés avec les diligences réalisées, d'autre part, qu'il n'est nullement prévu, en cas de « dessaisissement » anticipé par l'avocat, une clause de dédit en faveur de la cliente.
12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société Cabinet Coll aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cabinet Coll et la condamne à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-deux.