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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 11 octobre 2022, n° 22/09967

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SCI COFINVEST

Défendeur :

S.C.P. BTSG, S.E.L.A.R.L. AJRS, [K] [B]-[M], [Z] [H], ORANGE SERVICE CLIENTS (Sté), INTERNET MY LINE TELECOM, S.A.R.L. GOOGLE MAIL GOOGLE CLOUD FRANCE, GOOGLE ADS GOOGLE IRELAND LIMITED (sté), AUDIENS RETRAITE (sté), MALKOFF HUMANIS (sté), SORTIR A [Localité 55] (sté), ALCYON (sté), SOLOCAL (sté), DROPBOX (sté), YAMAHA MUSIC EUROPE, YAMAHA ROYALTIES ET YAMAHA BOUTIQUE LIVRE (sté), DOCTRINE (sté), BOUGEARD (Sté), S.A. EDF- ÉLECTRICITÉ DE FRANCE, ACTION CAFE (Sté), ENGIE HOME SERVICES (Sté), SA BNP PARIBAS, S.A. EDF GAZ, S.A.S. OVH, GENERALI ASSURANCES (Sté), AUDIENS MUTUELLE, AUDIENS GESTION ENTREPRISES (Sté), S.A. INGENICO, S.A. BUREAU VERITAS, [I] [G]

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Conseillers :

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Madame Anne-Sophie TEXIER

Avocats :

Me François TEYTAUD, Me Virginie HEBER SUFFRIN , Me Nadia BOUZIDI-FABRE, Me Jean-François PUGET , Me Florence GUERRE, Me Paul CESBRON LAVAU

Paris, du 20 Mai 2022

20 mai 2022

FAITS ET PROCÉDURE:

La SAS Club Des [52], créée en 2011, exploite un fonds de commerce d'organisation et d'animation de cours ou d'évènements ludo-éducatifs, récréatifs ou de loisirs, ainsi qu'une activité d'entrepreneur de spectacles vivants.

Mme [B]-[M] en est la présidente.

Par acte sous seing privé du 5 décembre 2012, la SCI Cofinvest a donné à bail à la société Club Des [52] les locaux sis [Adresse 25], pour une durée de 9 ans, moyennant un loyer annuel de 657.000 euros HC.

Le 15 février 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Club Des [52].

Par jugement du 25 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de sauvegarde de la société Club Des [52] aux conditions suivantes:

- remboursement des créances inférieures à 500 euros dès l'arrêté du plan,

-remboursement des créances privilégiées et chirographaires en 9 annuités, progressives puis dégressives à compter de la date anniversaire du plan.

La société Club Des [52] a réglé les trois premières annuités, mais en raison de la crise sanitaire, n'a pas été en mesure d'honorer le règlement de la quatrième annuité fixée au 25 octobre 2020.

Le 15 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a modifié le plan de sauvegarde de la société Club Des [52] en le prolongeant de deux ans et en adaptant les délais de paiement selon un nouvel échéancier courant jusqu'au 24 octobre 2027.

Par jugement du 8 février 2022, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire avec une période d'observation de 6 mois, soit jusqu'au 9 août 2022 à l'égard de la société Club Des [52]. La SELARL AJRS en la personne de Maître [U] et la SCP BTSG, en la personne de Maître [Y] ont été respectivement désignées administrateur judiciaire et mandataire judiciaire.

L'activité de la société ne pouvant être maintenue par voie de continuation, la dirigeante et l'administrateur judiciaire ont recherché des repreneurs. La date limite de dépôt des offres a été fixée au 18 mars 2022.

Une offre de reprise a été remise par M. [H], accompagné d'un groupe d'investisseurs dont la plupart sont des parents d'enfants membres de la société Club Des [52].

Le 29 mars 2022, la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [U], ès qualités d'administrateur judiciaire, a informé le débiteur, le représentant des salariés et les contrôleurs du contenu de cette offre, et l'a déposée au greffe.

La société Cofinvest s'est opposée à la cession, considérant que le maintien de l'activité dans le cadre de l'offre apparaissait compromis, que le prix de cession dérisoire ne permettait pas d'apurer le passif et que M. [P], l'un des actionnaires majoritaires de la société de reprise, directement et indirectement au travers de la société New Sky, était le conjoint de la dirigeante.

Au jour du jugement d'ouverture et déduction faite de la fraction de l'échéance du 1er trimestre 2022 postérieure au jugement d'ouverture, la société Club Des [52] devait la somme de 936.969,15 euros d'arriérés à la société Cofinvest au titre des loyers et charges.

Par jugement du 20 mai 2022, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de cession de la société Club des [52] en faveur de M.[H], a ordonné le transfert de l'ensemble des contrats de travail à durée indéterminée et déterminée en cours, ordonné le transfert des contrats nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce, en particulier le bail commercial des locaux sis [Adresse 25] conclu avec la société Cofinvest, autorisé la substitution du cessionnaire au profit de la société '[52]', autorisé M.[P], actionnaire de la société Club Des [52] et concubin de Mme [B]-[M] à détenir des titres du capital social du cessionnaire, pris acte de l'engagement des associés d'investir à titre complémentaire au sein de la société [52] qui déterminera le support d'investissement , désigné M.[H] comme tenu d'exécuter le plan, qui devra respecter les engagements pris en chambre du conseil, fixé la date d'entrée en jouissance au jour du présent jugement, maintenu la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [U], ès qualités d'administrateur judiciaire et la SCP BTSG, prise en la personne de Me [Y], ès qualités de mandataire judiciaire.

Par second jugement du même jour, le tribunal a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, la SCP BTSG étant désignée liquidateur judiciaire et la SELARL AJRS étant maintenue en qualité d'administrateur judiciaire jusqu'à l'accomplissement des actes de cession.

Le 2 juin 2022, la société Cofinvest a relevé appel du jugement ayant arrêté le plan de cession en visant l'ensemble des dispositions du jugement.

Sont intimés les sociétés EDF, EDF Gaz, OVH, Generali Assurances Audiens Mutuelle, Ingenico, Bureau Veritas, l'Établissement Public Eau de Paris la SCP BTSG, prise en la personne de Me [Y], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Club Des [52], la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [U], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Club Des [52], Mme [B]-[M], présidente de la société Club des [52], Mme [G], représentante des salariés de la société Club des [52], les sociétés Orange Service Clients, Internet My Line Telecom, Google Mail Google Cloud France, Google Ads Google Ireland Limited Audiens Retraite, Malakoff Humanis, Sortir à [Localité 55], Alcyon, Solocal, Dropbox, Yamaha Music Europe, Yamaha Royalties et Yamaha Boutique Livre, Doctrine,Bougeard Action Cafe, Engie Home Services, BNP Paribas, M.[H] et le ministère public.

Ainsi qu'elle y avait été autorisée par ordonnance du 14 juin 2022, la SCI Cofinvesta, par actes respectivement des 23, 24 et 27 juin 2022, fait assigner les intimés pour l'audience du 6 septembre 2022.

Dans ses conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 1er septembre 2022, la société Cofinvest demande à la cour de:

-in limine litis, la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- à titre principal, annuler en toutes ses dispositions le jugement dont appel pour absence de motivation et dénaturation de l'offre de reprise,

-à titre subsidiaire, réformer le jugement en ce qu'il a ordonné le transfert du contrat de bail commercial conclu avec la société Cofinvest des locaux sis [Adresse 25], autorisé la substitution au profit de la société [52], autorisé M. [P], actionnaire de la société Club Des [52] et concubin de Mme [B], à détenir des titres du capital social du cessionnaire,

- statuant à nouveau, rejeter le transfert du contrat de bail conclu avec la société Cofinvest portant sur des locaux sis [Adresse 25], rejeter la substitution du cessionnaire au profit de la société [52], rejeter l'autorisation pour M.[P] à détenir des titres du capital social du cessionnaire,

-en tout état de cause, ordonner l'expulsion de M.[H] et de tout occupant de son chef de l'immeuble sis [Adresse 25], objet du bail conclu avec la société Confinvest, avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin est, dire que le sort des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux sera réglé conformément aux articles L433-1 et suivants et R433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, débouter M.[H], Mme [B], la SCP BTSG, ès qualités et la société AJRS, ès qualités de l'ensemble de leurs demandes, condamner in solidum la société Club Des [52] et la SELARL AJRS, ès qualités, Mme [B] et M.[H] à lui payer 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui comprendront notamment le coût du commandement et des dénonciations et assignations, avec distraction au profit de Maître Teytaud, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 juillet 2022, la SCP BTSG, prise en la personne de Me [Y], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Club Des [52], la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [U], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Club Des [52], et Mme [B]-[M], présidente de la société Club des [52] demandent à la cour de :

- in limine litis de déclarer irrecevable l'appel interjeté à l'encontre du jugement arrêtant le plan de cession,

-au fond, confirmer en toutes ses dispositions le jugement, en conséquence, rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de la société Cofinvest et la condamner à leur verser à chacun, la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Dans son avis du 26 juillet 2022, notifié par voie électronique le 1er août 2022, le ministère public invite la cour à :

- déclarer l'appelante recevable pour le moyen relatif à la cession du contrat de bail et irrecevable à demander l'annulation du jugement. A titre subsidiaire, si la cour décidait d'annuler, d'évoquer et juger que l'appelante n'a pas qualité pour se prévaloir d'un délai, juger que l'action de l'appelante est recevable quant aux moyens relatifs à la dénaturation de l'offre. Il s'en rapporte quant au fond de ses demandes à ce titre.

Par conclusions notifiées par RPVA le 26 août 2022, M. [H] demande à la cour in limine litis de déclarer irrecevable l'appel interjeté à l'encontre du jugement, 'en conséquence', confirmer le jugement en toutes ses dispositions, à titre principal juger que la SCI ne remet pas en cause le principe de la cession du contrat de bail à son bénéfice, que les griefs portés à l'encontre de la décision du tribunal sont mal fondés, en conséquence, confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, condamner la SCI Cofinvest à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts pour appel abusif, et y ajoutant 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance et débouter en tant que de besoin la SCI Cofinvest de toutes ses demandes.

Les sociétés EDF, EDF Gaz, OVH, Generali Assurances, Audiens Mutuell, Ingenic, Bureau Veritas , Établissement Public Eau de Paris, Orange Service Clients, Internet My Line Telecom, Google Mail Google Cloud France, Google Ads Google Ireland Limited, Audiens Retraite, Malakoff Humanis, Sortir à [Localité 55], Alcyon, Solocal, Dropbox, Yam, Engie Home Services, BNP Paribas et Mme [G] n'ont pas constitué avocat.

SUR CE

La société Cofinvest forme, à titre principal, un appel aux fins d'annulation, subsidiairement de réformation du jugement arrêtant le plan de cession de la société Club des [52], qui a ordonné le transfert des contrats nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce et notamment du 'contrat de bail commercial conclu avec la SCI Cofinvest des locaux sis [Adresse 26]".

La recevabilité de l'appel est contestée par les intimés ayant constitué avocat. Il convient d'examiner en premier lieu la recevabilité de l'appel qui tend à l'annulation du jugement, puis si nécessaire dans un second temps, celle de l'appel réformation.

- Sur la recevabilité de l'appel aux fins d'annulation

La société Cofinvest demande l'annulation du jugement 'en toutes ses dispositions' pour absence de motivation et dénaturation de l'offre de reprise.

Le liquidateur et l'administrateur judiciaires, ainsi que Mme [B]-[M] et M.[H] soulèvent les fins de non recevoir tirées du défaut de qualité et d'intérêt à agir de la société Cofinvest, en ce qu'elle a formé un appel total, alors que le cocontractant dont le contrat est judiciairement cédé n'est recevable en son appel que pour la partie du jugement arrêtant le plan, qui emporte cession de son contrat et en ce que le contrat a été transféré sans modification de ses charges et conditions.

Le ministère public fait valoir que le bailleur dispose du droit de faire appel de la partie du jugement emportant cession du contrat de bail, mais est en revanche dénué de qualité à agir pour contester les autres chefs du jugement.

La SCI Cofinvest soutient, que le bail étant essentiel à la poursuite de l'activité cédée, la cession n'ayant plus d'objet en l'absence de possibilité pour le cessionnaire d'exploiter les locaux, elle est fondée à titre principal à demander l'annulation en son entier du jugement de cession.

Aux termes de l'article L661-6, III du code de commerce 'Ne sont susceptibles que d'un appel de la part soit du débiteur, soit du ministère public, soit du cessionnaire ou du cocontractant mentionné à l'article L 642-7 les jugements qui arrêtent ou rejettent le plan de cession de l'entreprise. Le cessionnaire ne peut interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession que si de ce dernier lui impose des charges autres que les engagements qu'il a souscrits au cours de la préparation du plan. Le cocontractant mentionné à l'article L642-7 ne peut interjeter appel que de la partie du jugement qui emporte cession du contrat.'

Il résulte de ces dispositions que la bailleresse n'est recevable à relever appel que de la seule disposition relative au transfert de son contrat. Il s'ensuit qu'elle n'a pas qualité pour relever un appel aux fins d'annulation de l'ensemble des dispositions du jugement.

Son appel aux fins d'annulation est également irrecevable s'il s'analyse en un appel-nullité, dès lors qu'un tel recours n'est ouvert, en cas d'excès de pouvoir, qu'aux parties ne disposant pas du droit d'appel. Or, en l'espèce, d'une part, la loi ouvre l'appel au co-contractant cédé pour contester la disposition du jugement ordonnant le transfert du contrat, d'autre part, ni le défaut de motivation allégué, ni le moyen pris d'une dénaturation de l'offre, ni l'autorisation donnée à M.[P], après que le ministère public a sollicité une telle autorisation en application de l'article L 642-3 alinéa 3 du code de commerce, d'entrer au capital de la société [52], société que M.[H] a été autorisé à se substituer, ne caractérisent un excès de pouvoir du tribunal de la procédure collective.

En conséquence, l'appel de la SCI Cofinvest aux fins d'annulation du jugement en toutes ses dispositions sera jugé irrecevable.

- Sur la recevabilité de l'appel réformation

La société Cofinvest demande à la cour de réformer le jugement en trois de ses dispositions: en ce qu'il a ordonné le transfert du contrat de bail commercial, en ce qu'il a autorisé la substitution au profit de la société [52] et en ce qu'il a autorisé M.[P], actionnaire de la société Club Des [52] et concubin de Mme [B], à détenir des titres du capital social du cessionnaire et, statuant à nouveau, de rejeter le transfert du contrat de bail, la substitution du cessionnaire au profit de la société [52], et l'autorisation pour M.[P] de détenir des titres du capital social du cessionnaire.

Les intimés soulèvent l'irrecevabilité de l'appel pour défaut d'intérêt et de qualité à agir de la société Cofinvest.

- sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir

Le contrat de location faisant partie des contrats visés par l'article L 642-7 du code de commerce, il résulte de l'article L661-6, III du code de commerce in fine que la bailleresse a bien qualité pour relever appel de la disposition du jugement ordonnant le transfert du droit au bail au profit du repreneur.

Elle n'a en revanche pas qualité, quand bien même le droit au bail constitue un élément essentiel pour l'activité cédée, pour former un recours contre les dispositions du jugement ayant autorisé M.[H] à se substituer la société [52] et M.[P] à détenir des titres de la société de reprise, ces dispositions étant indépendantes du transfert du bail et ne modifiant pas les clauses et conditions du bail.

La circonstance que la société SCI Cofinvest a énuméré dans la déclaration d'appel d'autres dispositions du jugement que celle relative au transfert de son contrat ne la rend pas irrecevable à relever appel de la disposition relative au transfert de son contrat de bail.

La fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir sera en conséquence rejetée concernant l'appel portant sur la disposition du jugement ayant ordonné le transfert du bail, mais accueillie concernant l'appel des autres dispositions.

- sur la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à contester le transfert du bail.

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Les intimés font valoir que le contrat de bail ayant été cédé en l'état, sans aucune modification par rapport au contrat en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure collective, la société Cofinvest ne justifie d'aucun intérêt à agir.

La SCI Cofinvest allégue que son intérêt à contester le transfert du bail résulte de ce que:

- en faisant délivrer un commandement de payer un mois avant la décision du tribunal, elle a manifesté son intention d'obtenir la résiliation du bail compte tenu des manquements répétés du locataire,

- le plan affecte ses droits et obligations dès lors que le bail commercial soumet toute cession au fait que le cédant reste garant et répondant solidaire du cessionnaire et confère un droit de préemption au bailleur,

Elle ajoute qu'elle a également un intérêt tout particulier à ce que le concubin de la dirigeante ne devienne pas directement ou indirectement actionnaire majoritaire de la société de reprise.

Il résulte de l'article L 642-7 alinéa 3 du code de commerce que les contrats cédés 'doivent être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure, nonobstant toute clause contraire. Par dérogation, toute clause imposant au cessionnaire d'un bail des dispositions solidaires avec le cédant est réputée non écrite.'

La recevabilité de l'appel n'est pas subordonnée à la démonstration du bien fondé de celui-ci.

La société Cofinvest allèguant, d'une part, que le plan affecte ses droits et obligations en ce qu'il porte atteinte aux clauses du bail, d'autre part, contrevient à sa volonté de résilier le bail, justifie bien d'un intérêt à contester le transfert du bail.

La cour rejettera en conséquence la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir et dira l'appel réformation recevable du chef de la disposition relative au transfert du bail.

- Sur le fond

La recevabilité de l'appel étant limitée à la seule disposition ordonnant le transfert du bail, il convient d'examiner les moyens développés par la société Cofinvest pour contester ce transfert.

Un contrat de bail ne peut être judiciairement cédé que pour autant qu'il existe encore au jour du jugement d'ouverture et de l'arrêté du plan de cession.

La société Cofinvest et la société Club des [52] étaient en litige au sujet du montant du loyer et de son paiement dès avant l'ouverture du redressement judiciaire, la bailleresse ayant fait délivrer un commandement de payer le 8 septembre 2020 d'avoir à payer une somme de 217.635,68 euros, ce commandement étant contesté devant le tribunal judiciaire de Paris et l'instance étant toujours pendante. Parallèlement, la société Club des [52] a le 4 mars 2022 demandé le renouvellement du bail commercial et sollicité la fixation du loyer renouvelé à la somme de 218.000 euros HT et HC à compter du 6 mai 2022, cette instance en fixation du loyer révisé est pendante devant le juge des loyers commerciaux.

Le 19 janvier 2022, la société Cofinvest a fait délivrer à la société Club des [52] un nouveau commandement visant la clause résolutoire d'avoir à payer la somme de 1.035.267,21 euros, qui n'a pu produire ses effets avant l'ouverture du redressement judiciaire le 8 février 2022.

A la suite d'un courrier de son conseil réclamant le paiement des loyers afférents à la période postérieure au jugement ouvrant le redressement judiciaire et indiquant à l'administrateur judiciaire qu'à défaut de paiement à l'échéance du bail continué et d'un prompt réglement, elle ferait constater la résiliation du bail en application de l'article L 622-14 du code de commerce, la société Cofinvest a, le 25 avril 2022, fait délivrer à la société Club des [52] et à l'administrateur judiciaire un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à payer la somme de 292.840,15 euros correspondant au solde de sa créance postérieure au 8 février 2022, ce montant incluant l'échéance du 2ème trimestre 2022, déduction faite des deux réglementspartiels intervenus en mars et avril 2022.

Si les éléments qui viennent d'être rappelés traduisent les démarches préalables de la bailleresse en vue d'une résiliation du bail, force est de constater que le bail n'était pas résilié au jour de l'arrêté du plan de cession du 20 mai 2022. Le commandement de payer visant la clause résolutoire au titre des loyers échus après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire n'a pas donné lieu à une décision constatant la résiliation du bail, ni même à saisine du juge-commissaire à cette fin. La circonstance que la bailleresse a fait part de sa volonté de faire constater la résiliation du bail au travers des actes qu'elle a fait délivrer, tant avant qu'après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, n'est pas de nature à empêcher le transfert du bail, le cessionnaire assumant les risques liés aux instances en cours.

La société Cofinvest allègue ensuite que le transfert du contrat porte atteinte à deux clauses du bail, qui stipulent que le cédant reste garant et répondant solidaire du cessionnaire, ainsi qu'un droit de préemption au profit du bailleur en cas de cession du fonds.

Le transfert du contrat de location dans le cadre d'un plan de cession constitue une cession judiciaire du bail, qui est indépendante de la volonté du bailleur, de sorte que les clauses contractuelles restreignant la libre cession ou la soumettant à l'agrément du bailleur ne trouvent pas à s'appliquer. Il en va ainsi du choix du cessionnaire et du droit de préemption stipulé au bénéfice du bailleur en cas de cession du fonds de commerce, étant en outre relevé que le jugement entrepris emporte cession de l'entreprise et pas seulement de son fonds de commerce.

Il résulte par ailleurs de l'article L 622-15 du code de commerce rendu applicable à la procédure de redressement judiciaire par l'article L631-14 du même code, qu'en cas de cession du bail, toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire est réputée non écrite.

En conséquence, la disposition du bail selon laquelle le preneur ne pourra céder le droit au bail sans autorisation expresse du bailleur sauf à un acquéreur de son fonds de commerce et en restant garant et répondant solidaire du cessionnaire, ne peut utilement être invoquée par la bailleresse pour contester le transfert du bail.

Le transfert du bail ordonné par le jugement entrepris ne comporte par ailleurs aucune modification des clauses du bail.

En effet, si l'offre initiale déposée par M.[H] était soumise à la condition suspensive que le bailleur accepte dans le cadre d'une négociation de ramener le montant du loyer en principal à 380.000 euros HT et HC et d'accorder une franchise de deux mois de loyer à compter de la date d'entrée en jouissance, conditions que la bailleresse a refusées, il ressort du jugement que l'administrateur a déclaré au tribunal prendre acte que M.[H] avait expressément renoncé à cette condition suspensive et que ce point a été considéré comme acquis par le tribunal à l'audience du 21 avril 2022 en présence de M.[H]. C'est donc vainement que la SCI soutient que la condition suspensive n'a pas été levée.

La procédure pendante devant le juge des loyers commerciaux, dont il pourrait, ultérieurement, éventuellement résulter une réduction du montant du loyer ne constitue pas une modification des clauses du bail par l'effet du jugement arrêtant le plan de cession, la société cessionnaire se trouvant simplement aux droits du preneur initial dans l'instance antérieurement engagée devant le juge des loyers commerciaux.

Il s'ensuit que la société Cofinvest doit être déboutée de sa demande tendant au rejet du transfert du contrat de bail, et de ses demandes qui en sont la conséquence.

- Sur la demande de dommages et intérêts formée par M.[H]

M.[H] expose qu'en l'absence de moyen sérieux de la bailleresse, le contrat ayant été transféré aux conditions contractuelles, le recours formé par la SCI Cofinvest a dégénéré en abus de droit et justifie l'octroi de dommages et intérêts. Il précise avoir été contraint de différer la signature des actes de cession et de retenir son investissement, alors que la période estivale était propice à la mise en oeuvre des travaux prévus et qu'il a dû régler les loyers du 3ème trimestre 2022 payables d'avance.

Toutefois, la société Cofinvest a exercé un recours qui lui était ouvert relativement à la cession judiciaire du contrat de bail. Si ce recours a été rejeté, la cour retiendra qu'elle a pu, au regard du contexte antérieur, se méprendre sur la pertinence de sa contestation.

Il n'est en conséquence pas établi que l'exercice de l'appel a dégénéré en abus de droit. M.[H] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La SCI Cofinvest, qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens et ne peut en conséquence prétendre au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles de procédure. Elle sera condamnée, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer d'une part à la SCP BTSG, ès qualités, à la SELARL AJRS, ès qualités et à Mme [B]-[M], prises en ensemble, une indemnité de 3.000 euros, et d'autre part une indemnité de 3.000 euros à M.[H].

PAR CES MOTIFS

Déclare la SCI Cofinvest irrecevable en son appel tendant à l'annulation du jugement, Déclare la SCI Cofinvest irrecevable en son appel réformation portant sur les dispositions du jugement ayant autorisé M.[H] à se substituer la société [52] et M.[P] à détenir des titres de la société de reprise, pour défaut de qualité à agir,

Déclare la SCI Cofinvest recevable en son appel réformation portant sur la disposition du jugement ayant ordonné le transfert du contrat de bail au cessionnaire,

Statuant dans les limites de l'appel déclaré recevable,

Confirme le jugement en ce qu'il a ordonné le transfert du contrat de bail au cessionnaire,

Y ajoutant,

Déboute la SCI Cofinvest de ses demandes,

Déboute M.[H] de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

Déboute la SCI Cofinvest de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Cofinvest à payer à la SCP BTSG, ès qualités, à la SELARL AJRS, ès qualités, et à Mme [B]-[M], prisesz en ensemble, une indemnité de 3.000 euros, et une indemnité de 3.000 euros à M.[H],

Condamne la SCI Cofinvest aux dépens.