CA Montpellier, 4e ch. civ., 26 octobre 2022, n° 20/00015
MONTPELLIER
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
SARL CJL EVASION I
Défendeur :
[Y] [U], [R] [X]
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Philippe SOUBEYRAN
Conseillers :
Mme Cécile YOUL-PAILHES, M. Frédéric DENJEAN
Avocats :
SCP CAUDRELIER ESTEVE, Me Elisabeth DOUY MERCIER
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant bon de commande n° 14644 dûment signé le 1er juin 2015, M. [Y] [U] et Mme [R] [X] épouse [U] (ci-après dénommés M. et Mme [U]) ont acquis auprès de la SARL CJL Evasion un camping-car de marque Fiat pour la somme de 40 020 euros.
M. et Mme [U] ont pris possession dudit véhicule le 8 juillet 2015. Constatant de multiples désordres sur le véhicule et notamment une dégradation de la peinture sur le capot moteur et sur l'arrière côté gauche, le moustiquaire du lanterneau de la chambre arrière cassé, une infiltration d'eau au niveau de la cellule et que le pavillon du véhicule était grêlé, ils ont saisi leur
compagnie d'assurance, laquelle a diligenté une expertise amiable.
A l'issue de ladite expertise, amiable et contradictoire, M. et Mme [U] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Béziers, qui a ordonné, le 4 octobre 2016, une mesure d'expertise qu'il a confié à M. [Z] [G], lequel a déposé son rapport d'expertise le 27 février 2017.
Poursuivant l'instance au fond, M. et Mme [U] ont fait assigner CJL Evasion, par acte d'huissier de justice en date du 6 juin 2017, en résolution de la vente, à titre principal, sur le fondement de l'action en garantie des vices cachés et, à titre subsidiaire, sur le fondement du manquement à l'obligation de délivrance conforme et en réparation des préjudices subis.
Par jugement en date du 4 novembre, le tribunal de grande instance de Béziers a :
- débouté M. et Mme [U] de leur demande en garantie des vices cachés,
- prononcé la résolution de la vente conclue le 1er juin 2015 pour manquement de CJL Evasion à son obligation de délivrance conforme,
- condamné CJL Evasion à restituer à M. et Mme [U] la somme de 39 900 euros au titre du prix de vente,
- dit que M. et Mme [U] devront restituer le camping-car après avoir reçu restitution du prix de vente,
- débouté M. et Mme [U] de leur demande en indemnisation d'un préjudice de jouissance,
- débouté CJL Evasion du surplus de ses demandes et notamment de ses demandes en déduction de sommes d'argent au titre de la vétusté et au titre de dégradation,
- condamné CJL Evasion à payer à M. et Mme [U] une somme indivise de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance en ce compris les frais de référé et les frais d'expertise judiciaire.
Vu la déclaration d'appel de CJL Evasion en date du 2 janvier 2020,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 17 août 2022,
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 31 mars 2020, CJL Evasion sollicite qu'il plaise à la cour de réformer le jugement dont appel et statuant à nouveau :
* A titre principal, rejeter l'intégralité des demandes de M. et Mme [U],
* A titre subsidiaire, déduire la somme de 12 807,61 € du prix devant être restitué à M. et Mme [U] (1 600 euros pour la vétusté et 11 207,61 euros de travaux de réparation,
* En tout état de cause : condamner M. et Mme [U] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens,
Au vu de leurs dernières conclusions en date du 30 juin 2020, M. et Mme [U] demandent à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leur demande de résolution au titre de l'action rédhibitoire et leur demande d'indemnisation du préjudice de jouissance.
En conséquence, statuant à nouveau :
- à titre principal : prononcer la résolution de ladite vente en application des dispositions des articles 1641 et suivants du Code Civil
- subsidiairement : confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que CJL Evasion avait fait défaut d'obligation de délivrance et prononcé la résolution de la vente en application de l'article 1604 du Code Civil,
- débouter CJL Evasion de toute demande de compensation tant au titre de l'utilisation du véhicule que de la réparation du pavillon,
- condamner CJL Evasion au paiement de la somme de 22 500 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au 1er septembre 2020.
- condamner CJL Evasion au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens en ceux compris les dépens de référé et les frais d'expertise judiciaire.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS
CJL Evasion fait grief au jugement dont appel d'avoir retenu que l'indication châssis AL-KO sur la fiche de présentation du véhicule et sur un document publicitaire était suffisante pour dire que la délivrance n'était pas conforme sans expliquer en quoi cette indication avait été déterminante dans le choix opéré par M. et Mme [U].
M. et Mme [U] font valoir, quant à eux, qu'ils ont dûment démontré que le véhicule était atteint d'un vice antérieur à la vente.
Les deux parties contestent le montant accordé au titre du manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme.
' Sur la délivrance non conforme :
L'article 1603 du Code civil énonce que le vendeur « a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend. »
Il est apparu, grâce aux opérations d'expertise, que le véhicule en cause était équipé d'un châssis classique et non d'un châssis AL-KO. Or, c'est sur la foi de l'annonce pour la vente du véhicule litigieux qui faisait état d'un véhicule équipé d'un châssis AL-KO, qui apporte une meilleure sécurité et un meilleur confort de conduite et justifie un prix de vente plus élevé que M. et Mme [U] se sont rapprochés de CJL Évasion et ont acheté le véhicule en cause. Si le bon de commande ne fait pas état de cette caractéristique, il sera retenu que la fiche informative contient la mention « châssis AL-KO », soulignée et inscrite à l'encre rouge.
CJL Evasions, professionnelle de la vente de véhicules, ne saurait contester que les annonces publicitaires ont pour objectif d'attirer les clients et de les convaincre d'acheter un véhicule.
En mettant en avant une caractéristique spécifique promettant aux acquéreurs une meilleure tenue de route et une meilleure aisance de conduite, elle a manifestement cherché à influencer leur décision. L'annonce de l'espèce devant donc être considérée comme ayant une valeur contractuelle, il ne peut qu'en être déduit que le véhicule livré à M. et Mme [U] n'était pas conforme à celui qu'ils avaient commandé.
La décision sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a prononcé la résolution de la vente et ordonné la restitution réciproque du prix de vente et du véhicule.
' Sur la garantie des vices cachés :
En application de l'article 1641 du code civil, « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »
Aux termes même de l'article précité, la garantie des vices cachés nécessite la réunion de quatre conditions cumulatives :
- la chose doit présenter un défaut,
- il doit être antérieur à la vente de la chose,
- il doit être caché.
- il doit compromettre l'usage de la chose,
Le rapport d'expertise a permis d'établir que la camping-car était affecté « d'une dégradation des boiseries au niveau des placards supérieurs de la cellule, dont celle-ci trouve son origine par le biais d'une voie d'eau au niveau du lanterneau situé au-dessus de la dînette.» L'expert a précisé que les infiltrations constatées étaient en germe au moment de la vente.
Il est ainsi démontré que le camping car présentait au moment de la vente un défaut, qui était caché car alors en germe. En revanche, M. et Mme [U] restent dans l'incapacité de démontrer ainsi qu'ils le prétendent, que ces infiltrations détruisent le véhicule de l'intérieur et que son usage est de ce fait compromis.
La décision dont appel sera en conséquence confirmée sur ce point.
Sur les conséquences de la résolution de la vente :
La résolution de la vente étant un anéantissement total de la vente, les parties doivent être remises dans la situation dans laquelle elles se trouvaient avant la vente.
Ainsi, CJL Evasion ne peut venir demander ni la déduction de la somme de 12 807,61 euros, au titre de l'utilisation du camping-car par M. et Mme [U] pendant deux mois, et ce en application de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, ni au titre de la déduction du montant nécessaire à la réparation du véhicule en l'état des hypothèses qu'elle avance, en l'absence de démonstration réelle de ce que par leur fait M. et Mme [U] ont permis la dégradation du véhicule.
M. et Mme [U] seront également déboutés de leur demande au titre du préjudice de jouissance, étant retenu qu'il n'est pas démontré que le véhicule n'était pas utilisable.
La décision dont appel sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes de M. et Mme [U] au titre de leur préjudice de jouissance et CJL Evasion de sa demande en déduction de sommes d'argent au titre de la vétusté et des dégradations.
Sur les demandes accessoires :
Succombant à l'action au titre de leurs demandes respectives, chaque partie sera consamnée à supporter la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant, contradictoirement, par arrêt mis à disposition,
CONFIRME la décision entreprise des chefs expressément dévolus,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE chaque partie à supporter la charge de ses propres dépens.