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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 16 novembre 2010, n° 09/13466

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Tabbi (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maestracci

Conseillers :

Mme Moracchini, Mme Delbes

Avoués :

Me Cordeau, Me Olivier

Avocats :

Me Tatot, Me Lanouar, Me Herbecq

T. com. Paris, du 3 Juin 2009, nº 200901…

3 juin 2009

Vu le jugement rendu le 3/6/2009 par le tribunal de commerce de Paris qui a constaté que l'action de Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni et de Madame Fatiha Y... épouse Tabbi-Anneni était prescrite en ce qui concerne les délibérations antérieures à 2006 et a donc dit qu'était irrecevable l'action en nullité portant sur les dites délibérations, a débouté les susnommés de toutes leurs demandes et les a condamnés à payer à la Sarl Tabbi, à Monsieur Hasni A... et à Mademoiselle Wided B..., chacun, la somme de 1800 € à titre de dommages-intérêts et celle de au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté par Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni et Madame Fatiha Y... épouse Tabbi-Anneni à l'encontre de ce jugement ;

Vu les conclusions signifiées le 2/9/2010 par les appelants qui demandent à la cour de réformer le jugement entrepris, de constater la nullité de l'intégralité des procès-verbaux établis postérieurement au mois d'octobre 2001 et, notamment, des assemblées générales ayant procédé à la nomination de Monsieur Hasni A... en qualité de gérant, de dire, en conséquence, la nomination de celui-ci nulle et de nul effet, de leur donner acte de l'abandon de leur demande relative à la désignation d'un mandataire ad hoc, de condamner in solidum Monsieur Hasni A... et Mademoiselle Wided Tabbi-Aneni à leur payer la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les écritures signifiées le 31/8/2010 par la sarl Tabbi, Monsieur Hasni A... et Mademoiselle Wided B... qui concluent à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation des appelants au paiement de la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE

Considérant que la société Tabbi a été créée en octobre 2001 ; qu'elle a pour activité l'exploitation d'un hamam (Hamam Medina Center) situé 46 rue Petit à Paris 19ème ; que son capital social est réparti entre quatre associés, les frères Hasni A... et Charaf Eddine Tabbi-Anneni, à hauteur de 140 parts chacun, et leurs épouses respectives, qui détiennent 40 parts chacune ; que la gérante statutaire était Mademoiselle Wided Tabbi- Aneni, fille de Monsieur Hasni A... ;

Considérant que Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni et Madame Fatiha Y... épouse Tabbi-Anneni ont, par acte du 25/3/2009, fait assigner la société Tabbi, Monsieur Hasni A... et Mademoiselle Wided B... devant le tribunal de commerce de Paris pour faire constater la nullité de tous les procès-verbaux d'assemblée générale établis postérieurement au mois d'octobre 2001, et, notamment, ceux des 15/1/2004, 2/1/2005, 2/11/2005 au cours desquelles la gérance a été modifiée et de dire que la nomination de Monsieur Hasni A... était nulle et de nul effet ; qu'ils ont demandé, également, la désignation d'un mandataire ad hoc, avec pour mission de convoquer une assemblée générale ordinaire, ayant pour ordre du jour 'de prendre acte de la nullité de la nomination de Monsieur Hasni A... en qualité de gérant, de désigner un nouveau gérant, de régulariser l'intégralité des procès-verbaux établis depuis le mois d'octobre 2001"; qu'ils ont aussi sollicité qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils se réservaient de donner une suite pénale aux agissements frauduleux de Monsieur Hasni A... et/ou de Mademoiselle Wided B...; qu'ils ont fait valoir qu'ils n'avaient jamais été convoqués à une quelconque assemblée générale et qu'ils venaient de découvrir que la société avait procédé entre 2004 et 2005 à un changement de gérant ; que c'est dans ces circonstances et conditions qu'est intervenu le jugement déféré ;

Considérant que les appelants soutiennent que le délai de la prescription triennale prévue par l'article L 235-9 du code de commerce ne commence à courir qu'à compter de la connaissance du fait susceptible d'être couvert par ladite prescription ; qu'ils exposent qu'ils ont été frauduleusement tenus à l'écart de la gestion puisqu'ils n'ont jamais été convoqués aux assemblées générales ; que les signatures qui figurent comme les leurs sur les procès-verbaux d'assemblée sont des faux ; qu'ils n'ont pas renoncé, comme l'ont dit les premiers juges, à l'action en nullité ; qu'ils en déduisent que les trois changements de gérant et la désignation de Monsieur Hasni A... sont frauduleux ; que les comptes déposés en 2002, 2003, 2004, 2005, 2006 et 2007 n'ont jamais été approuvés ; qu'ils soutiennent que ces manipulations frauduleuses affectent ce qui compose l'essence même de la qualité d'associé, à savoir le droit de vote et de participation aux assemblées ;

Considérant que les intimés expliquent que Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni et Madame Fatiha Y... épouse Tabbi-Anneni vivent en Algérie ; que les assemblées de la société ont toujours été tenues lors de vacances familiales dans ce pays, au cours desquelles les associés qui ne résident pas en France, ont reçu tous les documents et informations nécessaires ; qu'ils soutiennent que les appelants ont été informés des résolutions mises à l'ordre du jour relatives à l'approbation des comptes et au changement de gérant ; qu'elle ont été soumises à leur vote et ont reçu leur approbation; que le gérant, par la suite, a établi et signé les procès-verbaux, portant simplement les initiales des associés, qui ont été déposés au greffe ; qu'ils ajoutent que la société est en pleine expansion, qu'elle emploie vingt-quatre salariés en CDI, qu'elle est parfaitement gérée, ce que ne contestent pas les appelants, qui n'émettent aucune critique sur la gestion, qu'elle dispose d'une trésorerie de 700 000 ; qu'ils précisent que les appelants ont reçu, au titre des exercices 2005, 2006, 2007, 325. 000 de dividendes ; qu'ils indiquent que ce litige, qui s'inscrit dans une stratégie de harcèlement, trouve sa cause dans un conflit familial qui est survenu en 2008 relativement à la gestion de terres en Algérie et constitue un abus de droit ;

Considérant que Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni ne conteste pas, comme l'écrivent les intimés dans leurs écritures (page9) 'diriger lui-même des SARL en Algérie dont le fonctionnement est rigoureusement calqué sur le régime français' ; que les conclusions des appelants sont ainsi rédigées : ' Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni est commerçant en Algérie. Dans le courant de l'année 2001, le frère de Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni, Monsieur Hasni A..., a quitté l'Algérie pour s'installer en France . Au mois d'octobre 2001 ( il) a proposé à Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni d'être son associé dans le cadre de l'acquisition d'un fonds de commerce de hamam, sis 46-45 rue Petit à Paris 19 ème , ... (qui) a été acquis le 9/10/2001 par une sarl Tabbi dont le capital social est réparti de la manière suivante ... et dont Mademoiselle Wided Tabbi- Aneni, fille de Hasni, était la gérante désignée par les statuts . Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni et Madame Fatiha Y... son épouse, qui vivent en Algérie, ne se sont jamais préoccupés de la sarl Tabbi et ont pris pour un fait acquis que Monsieur Hasni A... était le gérant de la société Tabbi, ignorant que cette nomination résultait d'une fraude ..... Or il apparaît que la société Tabbi a procédé .... à un changement de gérant, puisqu'à ce jour, c'est Monsieur Hasni A... qui est désigné en cette qualité au registre du commerce et de sociétés, sans que Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni ou Madame Fatiha Y... son épouse soient, en leur qualité d'associés, consultés à quelque moment que ce soit. Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni et Madame Fatiha Tabbi-Anneni, son épouse, n'ont en effet jamais été informés de ces changements, puisque depuis octobre 2001, date de la formation de la société Tabbi, ils n'ont jamais été convoqués et n'ont donc jamais assisté à une assemblée générale ... les signatures apposées sur les procès-verbaux sont des faux puisqu'elles ne correspondent pas aux signatures des appelants'; qu'il résulte des pièces 7 et 12 versées aux débats par les intimés, que Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni et Madame Fatiha Y... épouse Tabbi-Anneni ont perçu, à titre de dividendes, les 4/7/2006, 7 /9/2007, 5/10/2007, 28/11/2007 et 5/9/2008, la somme globale de 325.000 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 235-9 du code de commerce, les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue ; que les appelants ne peuvent pertinemment soutenir que le point de départ du délai de la prescription triennale est celui de la connaissance du fait susceptible d'être couvert par la dite prescription qui a été dissimulé ; qu'en effet, les appelants incriminent le défaut de convocation aux assemblées générales qui ont été tenues depuis la constitution de la société et la confection corrélative de faux ; qu'ils écrivent eux-mêmes dans leurs écritures 'qu'ils ont pris pour un fait acquis que Monsieur Hasni A... était le gérant de la société Tabbi'; qu'il est constant que le gérant statutaire était Mademoiselle Wided B... ; que Monsieur Hasni A... ne pouvait donc avoir été nommé que dans les conditions prévues par l'article 15-1 des statuts (pièce 12 des appelants ) qui prévoit que le gérant est désigné par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié du capital social ; que les articles 29, 31 et 32 du titre VI des statuts prévoient, en outre, d'une part, que le rapport de gestion sur les opérations de l'exercice, le bilan, le compte de résultat et l'annexe sont soumis à l'approbation des associés réunis en assemblée, dans le délai de 6 mois à compter de la clôture de l'exercice ; qu'il est au surplus indiqué que l'associé peut, à toute époque, prendre, par lui-même, et au siège social, connaissance des bilans, comptes de résultat et annexes, inventaire, rapports soumis aux assemblées et procès-verbaux de ces assemblées concernant les trois derniers exercices ; qu'il est expressément dit que les dividendes sont votés, après approbation des comptes, par l'assemblée générale qui détermine la part de bénéfice attribuée aux associés ; qu'il est donc patent qu'aucune dissimulation imputable aux intimés ne saurait donc être pertinemment invoquée en l'espèce, les appelants ne pouvant ignorer que des assemblées générales s'étaient tenues ; que de plus, tous les procès-verbaux litigieux ont été déposés au greffe du tribunal de commerce, de sorte que les appelants n'ont été confrontés à aucune difficulté pour en obtenir communication ;

Considérant dès lors que c'est à bon droit que les premiers juges ont dit que l'action tendant à l'annulation des délibérations antérieures au 25/3/2006 était prescrite, que le comportement des demandeurs à la nullité, de 2001 à 2009, démontrait qu'ils avaient renoncé implicitement, mais de façon de non équivoque, à l'invoquer , enfin qu'ils ne justifiaient d'aucun intérêt légitime et que l'action qu'ils avaient engagée n'avait pour seul but que de mettre en difficulté la société ; que le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni et Madame Fatiha Y... épouse Tabbi-Anneni, qui succombent et seront condamnés aux dépens, ne peuvent prétendre à l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'équité commande au contraire qu'ils soient condamnés au paiement de la somme de 3000 € à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni et Madame Fatiha Y... épouse Tabbi-Anneni à payer la somme de 3000€ à la société Tabbi, à Monsieur Hasni Tabbi- Aneni et à Mademoiselle Wided B... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne Monsieur Charaf Eddine Tabbi-Anneni et Madame Fatiha Y... épouse Tabbi-Anneni aux dépens d'appel et admet l'avoué concerné au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.