Cass. 1re civ., 9 février 1994, n° 91-20.525
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. de Bouillane de Lacoste
Rapporteur :
M. Grégoire
Avocat général :
M. Lesec
Avocats :
M. Blondel, SCP Piwnica et Molinié
Sur le moyen unique pris en ses huit branches :
Attendu que Mme Elisabeth X... est l'auteur d'un roman intitulé Les Gens de Mogador, qui a fait l'objet d'un contrat d'édition conclu par elle avec la société des Editions Julliard, aux droits de qui, se trouve actuellement la société des Presses de la Cité ; que le 10 septembre 1969 la société Julliard a cédé à la société Telfrance " le droit exclusif d'adapter, réaliser et exploiter des téléfilms réalisés d'après l'ouvrage de Mme X... " ; que, selon l'article 2 du contrat, cette cession était consentie pour une durée de 8 années à compter de la première diffusion des films ; que la société Telfrance a confié l'adaptation du roman à M. Y..., les dialogues à M. Z... et la musique à Jean A... ; que le premier épisode de la série à été diffusé pour la première fois le 19 décembre 1971, la date d'expiration de la convention se trouvant ainsi fixée au 19 décembre 1979 ; qu'en avril 1979 la société Julliard a écarté la demande qui lui était présentée par M. Y... de proroger la cession pour une période de 10 ans ; qu'à partir de 1980, il n'a donc plus été procédé à une quelconque diffusion du feuilleton, mais que, 6 ans plus tard, ses co-auteurs et la société Telfrance firent assigner Mme X... en paiement de dommages-intérêts pour avoir abusivement interdit toute exploitation de ces téléfilms dérivés de son roman ;
Attendu que la société Telfrance, M. Z..., M. Y... et Mme veuve A... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande, alors, selon le moyen, en premier lieu, que les co-auteurs de l'oeuvre audiovisuelle, auxquels Mme X... est assimilée par l'article L. 113-7, dernier alinéa, du Code de la propriété intellectuelle, " doivent pouvoir exercer leur droit d'un commun accord ", en vertu de l'article L. 113-3 du même Code, sur lequel ne peut prévaloir une stipulation contractuelle limitant la durée de ce droit ; qu'en second lieu la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître son office, refuser de rechercher si les téléfilms litigieux constituaient, à l'égard de Mme X..., des oeuvres composites ou de collaboration ; qu'en troisième lieu la cour d'appel ne pouvait retenir tout à la fois que Mme X... n'était pas partie au contrat de cession du 10 septembre 1969, et que son refus constituait l'application de l'article 2 de ce même contrat ; qu'en quatrième lieu " on ne peut utilement opposer aux auteurs d'une oeuvre de collaboration, une stipulation contenue dans un contrat étranger aux relations que génére la situation de co-auteur d'une oeuvre singulière " ; qu'en cinquième lieu la cour d'appel a méconnu les règles qui gouvernent l'abus du droit, en conférant à l'auteur du roman un droit absolu, né du contrat, de s'opposer à la rediffusion de l'oeuvre dérivée ; que les sixième, septième et huitième branches du moyen font grief à l'arrêt de retenir que Mme X... a agi dans l'exercice normal de son droit moral d'auteur ;
Mais attendu, d'abord, que Mme X... étant titulaire sur son roman d'un droit de propriété intellectuelle opposable à tous, la cour d'appel a exactement retenu qu'elle n'avait fait qu'user de ce droit en s'opposant à l'exploitation des oeuvres dérivées au-delà du terme qui avait été consenti à leurs auteurs par l'éditeur du roman lors de la cession par celui-ci des droits d'adaptation ; que toute référence aux articles L. 113-3 et L. 113-7 du Code de la propriété intellectuelle se trouve donc dépourvue de pertinence, et que les cinq premières branches du moyen sont inopérantes ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel ayant relevé que Mme X... n'invoquait pas son droit moral, les trois dernières branches critiquent des motifs surabondants ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.