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Décisions

Cass. 1re civ., 7 septembre 2022, n° 21-16.646

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

Mme Robin-Raschel

Avocats :

Me Haas, SCP Thouin-Palat et Boucard

Dijon, du 11 févr. 2021

11 février 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 11 février 2021), par acte sous seing privé du 9 juin 2009, la société Caisse d'épargne de Bourgogne-Franche-Comté (la banque) a consenti à la SCI Mermoz (la SCI) un prêt immobilier remboursable en deux-cent-quarante mensualités et au taux effectif global (TEG) de 4,70 % l'an.

2. Soutenant que ce taux était irrégulier en raison de l'absence de prise en compte des cotisations d'une assurance décès-invalidité à laquelle la banque avait subordonné l'octroi du prêt, la SCI a assigné celle-ci en nullité de la stipulation d'intérêts et en substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel. En appel, elle a demandé la déchéance du droit aux intérêts de la banque.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, dont l'examen est préalable

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer la SCI recevable, alors « qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, sauf si ces nouvelles prétentions tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ou qu'elles en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en déclarant la SCI recevable, quand il résulte des énonciations de l'arrêt qu'elle demandait au tribunal de prononcer la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels et à la cour d'appel de dire et juger que la sanction d'un taux effectif global erroné est la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, prétention nouvelle, étrangère à toute compensation, qui n'est pas née de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou la révélation d'un fait, ne tendait pas aux mêmes fins que la demande initiale et n'en était ni l'accessoire, ni la conséquence ou le complément, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

5. La demande en annulation d'une stipulation d'intérêts avec substitution du taux légal tend aux mêmes fins que celle en déchéance du droit aux intérêts dès lors qu'elles visent à priver le prêteur de son droit à des intérêts conventionnels.

6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu'il appartient à la banque, qui subordonne l'octroi d'un crédit immobilier à la souscription d'une assurance, de s'informer auprès du souscripteur du coût de celle-ci avant de procéder à la détermination du taux effectif global dans le champ duquel un tel coût entre impérativement ; qu'en reprochant à l'emprunteur de ne pas rapporter la preuve qu'à la date de l'édition de l'offre de prêt, la banque avait connaissance du montant de la cotisation d'assurance invalidité-décès et en se retranchant derrière la circonstance que l'attestation d'assurance et le courrier de l'assureur adressés postérieurement à l'édition de ladite offre ne donnaient aucune précision quant au coût de l'assurance invalidité-décès, quand il incombait à l'établissement prêteur de s'enquérir de ce coût avant de déterminer le taux effectif global, la cour d'appel a violé les articles L. 312-8 et L. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

8. Il résulte de ce texte que, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels, mais que le taux effectif global d'un prêt immobilier ne comprend pas les frais liés aux garanties qui assortissent le prêt, lorsque leur montant ne peut être connu avant la conclusion du contrat.

9. Pour dire que le coût de l'assurance décès-invalidité n'avait pas à être inclus dans le calcul du taux effectif global, l'arrêt retient que la SCI ne rapporte pas la preuve qu'à la date de l'acte de prêt, la banque avait connaissance du montant de la cotisation d'assurance invalidité décès, que celle-ci produit une attestation d'assurance de prêt établie le 12 juin 2009 par l'assureur et une lettre adressée le 16 juin 2009 à la banque par l'assureur, lesquelles ne donnent aucune précision sur le montant des primes d'assurance et que le coût de cette assurance ne pouvait être indiqué avec précision antérieurement à la signature du prêt.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la banque s'était s'informée auprès du souscripteur du coût de l'assurance avant de procéder à la détermination du taux effectif global dans le champ duquel un tel coût entrait impérativement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.