CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 22 septembre 2011, n° 10/04401
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sanpas (SCI)
Défendeur :
La Malice (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Maron
Conseillers :
Mme Brylinski, Mme Beauvois
Avoué :
SCP Keime Guttin Jarry
Avocat :
Me Gicquel
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé en date à Paris du 22 décembre 2005, la SCI Sanpas a consenti un bail commercial à la société XAV, portant sur un local commercial à usage de café-restaurant dépendant d'un immeuble sis à [...].
La société XAV, qui exploitait également un autre fonds de commerce de café-restaurant sous l'enseigne « Café Milou » sis [...], a décidé de scission suivant un traité de scission définitif intervenu le 20 août 2007, au profit de deux sociétés nouvelles en cours de constitution, le fonds de commerce exploité [...] étant transféré à la SRL La Malice et le fonds exploité [...] étant transféré à la SARL Jany.
La société XAV a été radiée du registre du commerce et des sociétés de Paris le 25 septembre 2007, la société Jany ayant été immatriculée le 30 août 2007 et la société La Malice le 6 septembre 2007.
Alléguant avoir découvert par des recherches auprès du tribunal de commerce de Nanterre que la société La Malice avait ainsi acquis de la société XAV par apport scission le fonds de commerce de celle-ci exploitée dans les lieux objet du bail commercial et considérant que cette opération de scission est « constitutive, sur le plan juridique, d'une cession pure et simple du fonds de commerce », soumise aux dispositions du bail commercial, la SCI Sanpas, arguant de n'avoir pas été appelée à l'acte 15 jours à l'avance comme prévu audit bail, a assigné, par acte d'huissier des 19 et 21 novembre 2007, les sociétés XAV, La Malice et Jany devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour voir dire que la convention de scission à effet du 20 août 2007 lui est inopposable et prononcer en conséquence la résiliation judiciaire du bail consenti à la société XAV, ordonner l'expulsion des sociétés XAV et La Malice et de tous occupants de leur chef.
Par jugement rendu le 18 mai 2006, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
- prononcé d'office la nullité de l'assignation délivrée à la société XAV qui, radiée du registre du commerce et des sociétés, n'avait plus de personnalité morale ni d'existence juridique lors de la signification ;
- rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la société Jany ;
- débouté la SCI Sanpas de ses demandes à l'encontre de la société Jany et l'a condamnée à payer à cette dernière 10'000 € pour procédure abusive ;
- dit que la scission de la société XAV a été régulièrement portée à la connaissance de la SCI Sanpas qu'il n'y a pas fait opposition dans les formes et délais prévues par la loi ;
- déclaré irrecevable la SCI Sanpas en sa demande d'opposition au traité de scission de la société XAV et l'en a déboutée ;
- dit que le bail commercial des locaux situés à [...], dans lequel est exploité le fonds de café-restaurant apporté à la société La Malice par voie de scission de la société XAV, a fait l'objet, par l'effet de la transmission universelle du patrimoine de ladite société aux sociétés nouvelles dont la société La Malice, de la substitution légale de preneurs prévus par l'article L. 145-16 du code de commerce ;
- en conséquence, débouté la SCI Sanpas de ses demandes de requalification en cession de bail commercial de l'opération de scission, résiliation du bail commercial pour inobservation des formalités contractuellement prévues en cas de cession et expulsion ;
- débouté la société La Malice de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamné la SCI Sanpas à payer à la société La Malice 45'000 € en réparation de son trouble de jouissance ;
- l'a condamnée à payer à la société Jany 5'000 € et à la société La Malice 15'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la SCI Sanpas aux entiers dépens.
La SCI Sanpas a relevé appel du jugement.
Par dernières écritures signifiées le 24 mai 2011, la SCI Sanpas demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de prononcer la résiliation du bail commercial, ordonner l'expulsion de la société La Malice de tous occupants de son chef, condamner la société La Malice ainsi que tous occupants de son chef à payer à la SCI Sanpas une indemnité d'occupation égale au double du loyer actuel, débouter les sociétés La Malice et Jany de toutes leurs demandes, condamner la société La Malice à payer 10'000 € à la SCI Sanpas au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières écritures signifiées le 3 mai 2011, la société La Malice et la société Jany demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de condamner la SCI Sanpas à payer à chacune 10'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de la condamner aux entiers dépens.
Par assignation délivrée le 22 novembre 2010 dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile, la SCI Sanpas a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions du 11 octobre 2010 à la société XAV à sa dernière adresse connue, à son siège social, [...].
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 1er juin 2011.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Sur la demande en résiliation judiciaire du bail
A l'appui de ses prétentions et de son appel, la SCI Sanpas fait valoir en substance que c'est par une appréciation erronée que les premiers juges ont fait application de l'article L. 145-16 du code de commerce d'interprétation stricte qui ne vise pas les scissions, que les opérations de scission et de fusion sont toujours distinguées dans les définitions du législateur, que contrairement à ce que soutiennent les intimées, il n'y a pas pu y avoir transmission universelle de patrimoine dès lors que la société XAV a été radiée le 20 août 2008 (sic) et non le 27 septembre 2007 et que les sociétés La Malice et Jany n'ont été immatriculées que le 31 août 2007.
Elle ajoute que les premiers juges ont méconnu les termes l'article L. 236-24 du code de commerce, applicables aux fusions et scissions entre S.A.R.L., qui prévoient pour les S.A.R.L. une condition particulière, à savoir la préexistence de la société à laquelle l'apport est effectué.
En l'espèce, la scission a été réalisée au profit de sociétés nouvelles n'ayant pas d'autre actif que celui transmis, opération qui ne peut être assimilée à une fusion et dès lors, l'article L. 145-16 est inapplicable et la SCI Sanpas aurait dû être appelée à l'acte. Les deux sociétés nouvelles ont été immatriculées postérieurement au traité de scission et aux assemblées générales l'ayant approuvé de sorte que la société XAV ne pouvait valablement opter pour le régime des scissions.
En application des articles L. 123-9 et L. 210-5 du code de commerce, les formalités de publicité susceptibles de rendre les opérations opposables aux tiers ont été irrégulièrement accomplies puisque les sociétés La Malice et Jany n'étaient pas encore immatriculées et la scission est donc inopposable à la SCI Sanpas.
Il ne peut lui être reprochée de ne pas avoir fait opposition à la scission alors que cette opération qui ne peut avoir pour effet d'interdire l'opération est ouverte aux créanciers qui souhaitent recouvrer une créance.
La SCI Sanpas demande donc à la cour de prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial consenti à la société XAV le 22 décembre 2005 aux motifs que l'apport partiel d'actifs réalisé était soumis au droit commun et imposait d'appeler le bailleur à l'acte selon les dispositions de l'article 1690 du code civil, qu'auraient dû être respectées les dispositions contractuelles qui prévoyaient l'appel du bailleur à l'acte en cas de cession.
En réplique, les sociétés La Malice et Jany font valoir que l'opération de scission intervenue est régie par l'article L. 236-23 du code de commerce relatif aux scissions entre S.A.R.L. et non par l'article L. 236-24 du code de commerce qui souligne que les parties à un apport partiel d'actif peuvent choisir de le soumettre au régime des scissions.
Au cas particulier, le traité de scission stipule que tant la scission que la dissolution de la société scindée ne deviendront définitives qu'au jour de la réalisation des conditions suspensives suivantes : approbation par l'assemblée générale extraordinaire des associés de la S.A.R.L. XAV et constitution définiitve des sociétés nouvelles par immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
Les parties ont clairement opté pour le régime de la scission par voie de création de deux sociétés nouvelles ainsi que cela résulte du traité. Cette scission est intervenue dans le respect des articles L. 236-1 et suivants du code de commerce. La scission emporte transmission universelle du patrimoine de la société scindée aux sociétés nouvelles bénéficiaires.
Il n'y a pas lieu de respecter les dispositions de l'article 1690 du code civil, le droit au bail est transmis automatiquement et aucune des conditions restrictives du contrat de bail ne peut y faire obstacle.
La scission prend effet à la date de l'immatriculation de la société nouvelle, ou de la dernière d'entre elles, en cas de création de plusieurs sociétés nouvelles, conformément à l'article L. 236-4 du code de commerce.
En outre, la SCI Sanpas a été informée dès le 7 août 2007 de la scission et n'a pas formé d'opposition conformément aux dispositions de l'article L. 236-14 du code de commerce.
M. Frédéric Gonsart et Madame Fanny Poirier, son épouse, ont cédé à la société XAV le fonds de commerce exploité dans les locaux sis [...] par acte sous seing privé du 22 décembre 2005 et par acte sous seing privé du même jour, la SCI Sanpas en présence de ces deux seuls associés, M. Frédéric Gonsart et Madame Fanny Poirier, son épouse, a donné à bail à la société XAV les locaux dans lesquels le fonds de commerce était exploité.
Il est prévu au bail que « le preneur ne pourra céder, ni apporter en société, ses droits au présent bail si ce n'est en totalité, à l'acquéreur de son fonds de commerce, et, dans ce cas, à condition d'appeler au moins 15 jours à l'avance le bailleur ou son représentant à ladite cession et non à une simple réitération de cession de bail et de lui remettre une copie enregistrée de l'acte de cession pour lui servir de titre à l'égard du cessionnaire. »
Par ailleurs et conformément à l'article 1690 du code civil applicable à la cession de créance, le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur.
La SCI Sanpas soutient que l'inobservation de la clause du bail suscitée et des dispositions de l'article 1690 du code civil justifie de prononcer la résiliation judiciaire du bail.
A titre liminaire, comme l'a fait le premier juge, il sera observé que la SCI Sanpas a été informée, par lettre recommandée datée du 7 août 2007, avec avis de réception signé le 20 août 2007, que la société XAV entendait décider de sa scission, au sens de l'article 1844-4 du code civil et de l'article L. 236-1 du code de commerce, au profit des sociétés nouvelles, Jany et La Malice, la société La Malice exploitant l'établissement de la [...].
La scission d'une société commerciale telle qu'elle est définie par l'article L. 236-1 du code de commerce, opération selon laquelle « Une société peut aussi, par voie de scission, transmettre son patrimoine à plusieurs sociétés existantes ou à plusieurs sociétés nouvelles » emporte, comme la fusion, transmission universelle du patrimoine de la société qui disparaît, absorbée, fusionnée ou scindée, au profit des sociétés bénéficiaires, existantes ou nouvelles, qui le recueillent en tout ou partie, conformément à l'article L. 236-3 I du même code. Ces sociétés se substituent à la société scindée, ou absorbée, dans tous les biens, droits et obligations de cette dernière.
Comme l'a à juste titre retenu le premier juge, entraînant par l'effet de la loi, la transmission universelle du patrimoine de la société cédée aux sociétés bénéficiaires et substitution à la société scindée, la scission d'une société est exclusive de la notion de cession de fonds de commerce ou de droit au bail attaché au fonds, au profit de l'entité ou des entités bénéficiaires, existantes ou créées.
Les formalités prescrites par l'article 1690 du code civil en matière de cession de créance ne sont pas requises, dans le cas d'une scission, puisque cette opération s'accompagne de plein droit de la transmission de tous les droits, biens et obligations de la société scindée.
En outre, selon l'article L. 145-16 alinéa 2 du code de commerce, « En cas de fusion de sociétés ou d'apport d'une partie de l'actif d'une société réalisé dans les conditions prévues à l'article L. 236-22 la société issue de la fusion ou la société bénéficiaire de l'apport est, nonobstant toute stipulation contraire, substituée à celle au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations découlant de ce bail. »
L'article L. 236-22 du code de commerce particulier aux sociétés anonymes auquel l'article L. 145-16 fait référence, est celui qui permet de soumettre, d'un commun accord entre les sociétés, un apport partiel d'actif au régime de la scission.
Il convient de relever dès à présent que cette même faculté de soumettre volontairement un apport partiel d'actif au régime de la scission est ouverte, dans les conditions définies à l'article L. 236-24 du même code, aux sociétés à responsabilité limitée.
Ainsi, bien que l'article L. 145-16 alinéa 2 ne le prévoit pas expressément, dès lors que d'une part, la scission comme la fusion emporte de plein droit la transmission universelle du patrimoine, que d'autre part, cet article s'applique à l'apport partiel d'actif lorsque les parties l'ont volontairement soumis au régime de la scission, il y a lieu de considérer, par analogie et a fortiori que les sociétés bénéficiaires d'une scission, sont, nonobstant toute stipulation contraire, substituées à la société scindée au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations de ce bail.
A cet égard, il sera utilement relevé que l'article R. 236-10 du même code prévoit que les bailleurs des locaux loués aux sociétés absorbées ou scindées peuvent également former opposition à la fusion ou à la scission, dans les conditions définies à l'article R. 236-8, ne faisant ainsi aucune distinction entre le sort réservé aux bailleurs en cas de fusion ou de scission et admettant ainsi le transfert de plein droit du bail sans lequel le droit ainsi reconnu n'aurait pas d'utilité en cas de scission.
En l'espèce, il ressort de l'examen notamment des termes sans équivoque du projet de traité de scission en date du 10 août 2007, du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la société XAV du 20 août 2007, du procès-verbal des décisions de l'associé unique de la société La Malice du 20 août 2007, du procès-verbal des décisions de l'associé unique de la société Jany du 20 août 2007, du traité de scission définitif du 20 août 2007, les trois sociétés étant des sociétés à responsabilité limitée, que pour les motifs exposés dans ce traité, il a été procédé à la scission de la société XAV par voie de création de deux sociétés nouvelles, les sociétés La Malice et Jany, constituées sans autre apport que ceux de la société scindée, qu'ainsi, à la date d'effet de la scission, la société XAV est dissoute de plein droit et que lesdites sociétés sont constituées de l'ensemble des éléments actifs et passifs de la société scindée.
Il est établi par les pièces produites que cette opération est une opération de scission entre une société à responsabilité limitée et deux sociétés nouvelles, de même forme, constituées sans autre apport que celui effectuée par la société scindée, telle que prévue par les articles L. 236-1 alinéa 2, L. 236-2 alinéa 3, L. 236-23 du code de commerce, que la société XAV a valablement mise en oeuvre.
La SCI Sanpas n'a pas usé du droit, reconnu au bailleur, de s'opposer à cette scission dont elle a été informée le 20 août 2007 et n'allègue pas, a fortiori ne justifie pas, que la scission serait intervenue en fraude de ses droits de créancier.
C'est à tort que la SCI Sanpas prétend qu'il résulterait de l'article L. 236-24 du code de commerce que la scission d'une société à responsabilité limitée serait soumise à la condition que les sociétés bénéficiaires de la scission préexistent alors que cet article ne concerne que l'apport partiel d'actif soumis volontairement au régime de la scission.
Par ailleurs, il résulte de l'article L. 236-4 que la scission prend effet en cas de création d'une société ou de plusieurs sociétés nouvelles à la date d'immatriculation, au registre du commerce et des sociétés, de la nouvelle société ou de la dernière d'entre elles.
Le traité de scission a prévu en son article 9 que cette scission et la dissolution de la société scindée qui en résulte ne deviendront définitifs qu'à compter du jour de la réalisation des conditions suspensives, à savoir l'approbation par l'assemblée générale extraordinaire de la société XAV et la constitution définitive des sociétés nouvelles par immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
Tant au regard de l'article précité du code de commerce que de ces dispositions contractuelles, la scission a donc pris effet et a été définitivement réalisée à la date du 6 septembre 2007, date d'immatriculation de la société La Malice au registre du commerce et des sociétés.
La SCI Sanpas est donc mal fondée à prétendre que les sociétés La Malice et Jany n'étaient pas encore constituées à la date à laquelle la scission est intervenue.
Par le seul effet de la scission, nonobstant les clauses du bail, la société La Malice est donc substituée dans tous les droits et obligations nées du bail consenti à la société XAV, en cours au jour de la scission.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Sanpas de sa demande de résiliation judiciaire du bail à l'encontre de la société La Malice, d'expulsion de la société La Malice et de tous occupants de son chef, de condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation.
La SCI Sanpas qui sollicite l'infirmation du jugement dans son ensemble n'oppose aucun moyen critiquant les dispositions du jugement relatives à la nullité de l'assignation délivrée à la société XAV laquelle est dissoute depuis la scission et si elle a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions à la société XAV, elle ne forme aucune demande à son encontre en cause d'appel.
Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
Sur la demande de la société La Malice au titre du trouble de jouissance
La société La Malice conclut à la confirmation du jugement qui lui a accordé des dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance subi suite à la fermeture de la porte d'entrée au n°[...] en faisant valoir que tant le juge des référés que la cour d'appel de Versailles ont relevé le caractère abusif d'une telle fermeture, la qualifiant de voie de fait puisqu'elle portait atteinte à la jouissance normale des locaux donnés à bail, la contraignant à sortir les poubelles à travers la salle de restaurant.
Elle ajoute que plus grave encore ces deux décisions ont relevé le caractère dangereux d'une telle fermeture, cet accès situé [...] et donnant dans la partie fond de la cuisine du restaurant constituant une issue de secours.
Elle soutient qu'elle a subi ce trouble de jouissance pendant près de dix-huit mois.
La SCI Sanpas conclut de son côté à l'infirmation de la décision de première instance qui l'a condamnée à payer des dommages-intérêts pour trouble de jouissance aux motifs que ni le bail, ni l'acte de cession de fonds de commerce ne reconnaissent au preneur le droit à l'utilisation de cette porte, que les décisions rendues en référé tant en première instance qu'en appel n'étant pas revêtues de la chose jugée, rien n'établit que cette porte constitue une issue de secours du local commercial, que la SCI Sanpas n'a pas à garantir l'ouverture de cette porte à la société La Malice et qu'au surplus, elle ne l'a maintenue fermée que pendant un temps extrêmement limité exécutant immédiatement l'ordonnance de référé du 21 février 2008.
Il résulte de la désignation des locaux donnés à bail que ceux-ci sont composés du lot n°1 au rez-de-chaussée d'un local commercial à usage de café restaurant, cuisine, groupe toilettes, cabine téléphonique et des 324/000° des parties communes, outre le lot n°11, cave située au sous-sol avec escalier d'accès situé au rez-de-chaussée et 22/000° des parties communes, et le lot n°12, cave située au sous-sol avec escalier d'accès situé au rez-de-chaussée et 16/000° des parties communes.
Il est ajouté au bail que le preneur s'engage à respecter les charges et conditions imposées par le règlement de copropriété de l'immeuble et que le preneur paiera sa quote-part des charges, taxes afférentes à l'immeuble récupérables auprès du locataire.
La société XAV aux droits de laquelle vient la société La Malice a fait constater par huissier de justice le 8 août 2007 dans la partie du fond de la cuisine, l'existence d'une porte donnant accès à un sas commun, donnant lui-même accès à un appartement, à la cave et à une porte donnant accès sur la rue. L'huissier a constaté que la porte donnant sur la rue était fermée à clef, la société XAV ne détenant pas cette clef.
La société La Malice a obtenu par ordonnance de référé en date du 21 février 2008 qu'il soit ordonné à la SCI Sanpas de lui restituer le libre accès par la porte d'entrée de l'immeuble donnant sur le n°[...], en procédant à sa réouverture ou en lui remettant les clefs lui permettant d'en actionner l'ouverture et ce sous astreinte, passé le délai de 15 jours suivant la signification de la décision.
Cette ordonnance a été signifiée le 5 mars 2008 à la SCI Sanpas.
La société La Malice a fait à nouveau constater par procès-verbal d'huissier de justice le 7 avril 2008 que de l'extérieur, la porte du [...] est fermée, que le gérant de la société La Malice ne connaît pas le code à composer sur le digicode et qu'aucun nom n'est inscrit sur l'interphone, que de l'intérieur, la porte ne s'ouvre pas même en appuyant sur l'interrupteur « porte ».
Le bail commercial consenti porte à la fois sur des parties privatives et des millièmes de parties communes pour lesquelles le preneur est tenu de contribuer pour la quote-part de charges récupérables sur le locataire.
Il est suffisamment établi par les pièces produites par la société La Malice mais également par le constat dressé à la requête de la SCI Sanpas le 10 octobre 2007 que l'accès à ces parties communes, permettant non seulement l'accès à la porte d'entrée sur rue mais également aux caves données à bail, est indispensable, compte tenu de la configuration des lieux, à l'exploitation normale du fonds de commerce dans les locaux loués et ne relève pas d'une simple tolérance temporaire du bailleur, que d'ailleurs, la SCI Sanpas, dont les deux seuls associés ont antérieurement exploités le fonds de commerce dans ces locaux, reconnaît elle-même dans ses écritures que la porte d'entrée de l'immeuble donnant [...] a toujours été utilisée par l'exploitant du fonds de commerce pour sortir directement ses poubelles du restaurant par la porte de la cuisine ouvrant sur le sas commun.
Bien qu'il ne puisse être déduit des seules constatations faites dans les locaux loués et les parties communes et des affirmations de la société La Malice sur ce point que la porte litigieuse donnant au n°[...] constitue une sortie de secours obligatoire de l'établissement dans lequel est situé le fonds de commerce et bien que les décisions de référé de première instance et d'appel n'aient pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, il n'en demeure pas moins qu'au vu des éléments produits devant le juge du fond, la fermeture de la porte d'entrée litigieuse constitue une modification des modalités de jouissance des locaux donnés à bail à la société La Malice de nature à lui porter préjudice dans l'exercice de son activité et à l'empêcher d'exploiter paisiblement son activité de café-restaurant dans les lieux loués.
Il ressort des deux constats produits par la société La Malice, non démentis par des pièces adverses, que le trouble de jouissance s'est poursuivi entre le 8 août 2007 et le 7 avril 2008, sans qu'il soit établi sur une période de dix-huit mois comme le prétend l'intimée.
En l'absence de tout élément précis permettant d'apprécier l'incidence financière ou économique de la fermeture de cette porte sur l'activité de la société La Malice, une répercussion sur son chiffre d'affaires et son bénéfice, le préjudice subi sera justement et suffisamment réparé par la somme de 7.000 €.
Sur la demande de la société Jany
La société Jany sollicite la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la SCI Sanpas à lui payer 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
La SCI Sanpas soutient qu'elle n'a commis aucun abus de droit, qu'elle devait mettre en cause la société Jany en qualité d'ayant droit de la société XAV, qu'elle n'a commis aucune faute.
L'appréciation inexacte qu'une partie fait du mérite de ses demandes et de l'exercice de ces droits n'apporte pas la preuve d'une faute engageant sa responsabilité ou d'un abus de droit.
En considération de l'objet et de la nature du litige portant sur l'opposabilité de la scission entre la société XAV et les deux sociétés bénéficiaires, la SCI Sanpas a pu, sans commettre de faute et d'abus, appeler en la cause la société Jany, société bénéficiaire de scission comme la société La Malice.
En cause d'appel, la SCI Sanpas ne forme aucune demande de condamnation à l'encontre de la société Jany.
La société Jany ne justifie d'aucun autre préjudice résultant de l'action engagée à son encontre que celui causé par l'obligation de se faire représenter en justice qui a été réparé par une indemnité accordée par le premier juge au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Jany sera déboutée en conséquence de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens seront à la charge de la SCI Sanpas qui succombe dans l'essentiel de ses prétentions d'appel.
En revanche, l'équité s'oppose à la condamner au paiement d'une somme complémentaire à celles déjà prononcées par le premier juge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique et par arrêt par défaut,
Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages-intérêts accordés à la société La Malice au titre de son trouble de jouissance et en ce qu'il a condamné la SCI Sanpas à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive à la société Jany.
Statuant à nouveau, condamne la SCI Sanpas à payer à la société La Malice la somme de 7.000 € en réparation de son trouble de jouissance.
Déboute la société Jany de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Condamne la SCI Sanpas aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Keime Guttin Jarry, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller en remplacement du Président empêché et par Monsieur Didier ALARY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.