CA Versailles, 14e ch., 20 octobre 2022, n° 22/00748
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
S.A.R.L. CENTRALE RETOUCHE NEUILLY
Défendeur :
S.C.I. NEUILLY HOTEL DE VILLE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Madame Nicolette GUILLAUME
Conseillers :
Madame Marina IGELMAN, Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL
Avocats :
SELAS OZ, Me Corinna KERFANT, Me Antoine PINEAU-BRAUDEL
Suivant contrat à effet au 1er janvier 2010, la SCI Neuilly Hôtel de Ville (la société NHV) a renouvelé le bail commercial consenti à la société Le Carreau de Neuilly portant sur des locaux à usage commercial dans une galerie marchande située [Adresse 1] et [Adresse 4], pour une durée de 9 ans et moyennant un loyer initial de 238 000 euros hors taxes et hors charges, révisable annuellement.
Cet acte porte mention des 7 sous-locataires de la société Le Carreau de Neuilly dont la SARL Centrale Retouche.
Par avenant en date du 30 mars 2011, la société Le Carreau de Neuilly a renouvelé le contrat de sous-location consenti à la société Centrale Retouche, rétroactivement à compter du 1er janvier 2010, se terminant à la même date que le bail principal, moyennant un loyer annuel de 6 346,77 euros HT et HC.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 19 octobre 2018, reçue le 22 octobre 2018, la société Loc Inter Immobilier, agissant pour le compte de la société NHV, a mis en demeure la société Le Carreau de Neuilly de régler la somme de 168 792,11 euros au titre des échéances impayées des troisième et quatrième trimestres 2018.
Selon acte d'huissier en date du 12 novembre 2018, la société NHV a fait délivrer à la société Le Carreau de Neuilly un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat et visant les dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce.
La société NHV a notifié le 18 janvier 2019 à la société Le Carreau de Neuilly un refus de faire droit à sa demande de renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2019.
Cette notification valant refus de renouvellement du bail a été adressée le 11 mars 2019 à la société Centrale Retouche.
Par actes d'huissier en date des 12 juin et 30 novembre 2020, la société Centrale Retouche a fait notifier à la société NHV qu'elle se prévalait de son droit au renouvellement direct du bail.
Suivant jugement en date du 5 août 2020 du tribunal de commerce de Nanterre, la société Le Carreau de Neuilly a été placée sous sauvegarde judiciaire.
Le 5 mai 2021, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Le Carreau de Neuilly, la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [D] [M], étant désignée en qualité de liquidateur.
Par courrier daté du 17 mai 2021, le liquidateur judiciaire a notifié à la société NHV la résiliation du bail et l'informait qu'il saisissait par ailleurs le juge-commissaire aux fins de résiliation des sous-baux.
Par jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 25 juin 2021, il était notamment constaté la résiliation du bail liant la société Le Carreau de Neuilly à la société NHV.
Par ordonnance en date du 2 août 2021, le juge-commissaire à la liquidation de la société Le Carreau de Neuilly a notamment prononcé la résiliation du sous-bail liant la société Le Carreau de Neuilly à la société Centrale Retouche, à effet du 19 mai 2021.
Par acte d'huissier de justice délivré le 8 septembre 2021, la société NHV a fait assigner en référé la société Centrale Retouche aux fins principalement qu'il lui soit fait injonction de quitter les lieux sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.
Par ordonnance contradictoire rendue le 22 décembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :
- rejeté la demande de nullité,
- ordonné l'expulsion de la société Centrale Retouche et de tout occupant de son chef des lieux qu'elle occupe et à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [Adresse 1] et [Adresse 4], avec le concours en tant que de besoin de la force publique et d'un serrurier, et à défaut de restitution volontaire des lieux dans les trente jours suivant la signification de l'ordonnance, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 20 jours,
- rejeté la demande de réservation de la liquidation de l'astreinte,
- condamné la société Centrale Retouche à payer à la société Neuilly Hôtel de Ville la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,
- condamné la société Centrale Retouche aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 7 février 2022, la société Centrale Retouche a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.
Sur saisine de la société Centrale Retouche, le magistrat délégué par le premier président de la cour de céans, statuant en référé, a, par ordonnance en date du 7 juillet 2022, rejeté sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire ainsi que sa demande subsidiaire de constitution de garantie, la condamnant à verser à la société NHV la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions déposées le 5 septembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Centrale Retouche demande à la cour, au visa des articles L. 145-1 et R. 145-1 du code de commerce et 789 et 835 du code de procédure civile, de :
- la déclarer recevable en son appel et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions telles que dirigées à l'encontre de la société Neuilly Hôtel de Ville ;
- infirmer l'ordonnance rendue le 22 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a : - rejeté la demande de nullité,
- ordonné l'expulsion de la société Centrale Retouche et de tout occupant de son chef des lieux qu'elle occupe et à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [Adresse 1] et [Adresse 4], avec le concours en tant que de besoin de la force publique et d'un serrurier, et à défaut de restitution volontaire des lieux dans les trente jours suivant la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 20 jours,
- rejeté la demande de réservation de la liquidation de l'astreinte,
- condamné la société Centrale Retouche à payer à la société Neuilly Hôtel de Ville la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes plus amples au contraire des parties,
- condamné la société Centrale Retouche aux dépens,
in limine litis,
statuant à nouveau,
- prononcer l'incompétence du juge des référés en raison de l'existence de procédures judiciaires au fond et de la saisine du juge de la mise en état ;
- prononcer la nullité de l'assignation en référé délivrée par la société Neuilly Hôtel de Ville du 8 septembre 2021, les demandes de « Dire et Juger » ne constituant pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile ;
si, par extraordinaire, la cour de céans ne prononce pas la nullité de l'assignation, il lui est néanmoins demandé de :
- infirmer ladite ordonnance déférée parce qu'elle se fonde sur des prétentions formulées dans les expressions « dire et juger » alors que juge des référés devait les écarter ;
au fond,
- infirmer l'ordonnance du 22 décembre 2021 du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a prononcé son expulsion sous astreinte ;
statuant à nouveau,
- juger que la société Neuilly Hôtel de Ville ne démontre pas l'existence d'un trouble manifestement illicite ;
- juger qu'elle a le droit de se prévaloir de son droit direct au renouvellement du bail ;
- juger qu'elle n'est pas occupante sans droit ni titre et a le droit de se maintenir dans les locaux tant que la société Neuilly Hôtel de Ville ne lui a pas versé une indemnité d'éviction ;
- juger que le juge des référés ne pouvait pas prononcer son expulsion ayant exercé son droit direct
- débouter la société Neuilly Hôtel de Ville de ses demandes d'expulsion et d'astreinte ;
si, par extraordinaire, la cour de céans n'infirme pas l'ordonnance déférée, la concluante demande de :
- lui accorder au moins 6 mois pour pourvoir trouver un autre local et déménager ses outils, installations et surtout pour informer sa clientèle ;
sur l'appel incident,
- débouter la société Neuilly Hôtel de Ville de son appel incident ;
en tout état de cause,
- condamner la société Neuilly Hôtel de Ville à lui payer la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Neuilly Hôtel de Ville aux dépens d'appel.
Dans ses dernières conclusions déposées le 7 septembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Neuilly Hôtel de ville demande à la cour, au visa des articles 699, 700 et 835 du code de procédure civile, L. 145-1 et suivants du code de commerce et 1134 du code civil, de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
- confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions, donc en ce qu'elle a :
- rejeté la demande de nullité,
- ordonné l'expulsion de la société Centrale Retouche et de tout occupant de son chef des lieux qu'elle occupe et à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [Adresse 1] et [Adresse 4], avec le concours en tant que de besoin de la force publique et d'un serrurier, et à défaut de restitution volontaire des lieux dans les trente jours suivant la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 20 jours,
- rejeté la demande de réservation de la liquidation de l'astreinte,
- condamné la société Centrale Retouche à payer à la société Neuilly Hôtel de Ville la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes plus amples au contraire des parties,
- condamné la société Centrale Retouche aux dépens,
en conséquence,
- dire la société Centrale Retouche mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions, et par conséquent l'en débouter ;
- condamner la société Centrale Retouche à verser au Trésor Public une amende civile de 3 000 euros ;
- condamner la société Centrale Retouche à lui verser une indemnité de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif sur le fondement des dispositions de l'article 559 du code de procédure civile ;
- condamner la société Centrale Retouche à lui payer la somme de 8 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Centrale Retouche aux entiers dépens ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Au titre des moyens soulevés avant tout débat au fond, l'appelante sollicite, dans l'ordre de ses conclusions, le prononcé de l'incompétence du juge des référés en raison de l'existence de procédures judiciaires au fond et de la saisine du juge de la mise en état, puis le prononcé de la nullité de l'assignation en référé délivrée par la société NHV le 8 septembre 2021.
Une éventuelle nullité de l'assignation étant de nature à annihiler l'ordonnance déférée, il convient toutefois d'analyser ce moyen en premier lieu puis, le cas échéant, celui tendant à voir reconnaître l'incompétence du juge des référés.
Sur la nullité de l'assignation :
Au visa des articles 54 et 4 du code de procédure civile, la société Centrale Retouche sollicite la nullité de l'assignation en référé délivrée par la société NHV le 8 septembre 2021 aux motifs que les demandes de « dire et juger » ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
La société NHV oppose en premier lieu que la nullité d'un acte de procédure ne peut pas être prononcée si elle n'est pas prévue par un texte, en deuxième lieu que le coeur de ses prétentions concerne bien au contraire celles tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Centrale Retouche de quitter les lieux sous astreinte et à voir ordonner son expulsion.
Elle fait remarquer en troisième lieu que l'appelante elle-même multiplie de son côté les demandes de « juger » dans le dispositif de ses conclusions.
Sur ce,
L'article 54 du code de procédure civile prévoit bien, à peine de nullité, que l'assignation doit comporter l'objet de la demande.
Toutefois en l'espèce, si l'assignation délivrée le 8 septembre 2021 par la société NHV à la société Centrale Retouche formule effectivement dans son dispositif un ensemble des demandes aux fins de voir le juge des référés « dire et juger », qui constituent non des prétentions objet de la demande mais des moyens à leur appui, elle comporte également des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile puisqu'il est sollicité qu'il soit fait injonction à la société Centrale Retouche de quitter et restituer les lieux sous astreinte et que soit ordonner son expulsion.
Les demandes correspondant en réalité à des moyens sont donc superfétatoires dans le dispositif de l'acte en ce qu'elles ne saisissent le juge d'aucune prétention à laquelle il serait tenu de répondre. Mais elles ne sont en aucune manière de nature à entacher l'acte dans lequel elles figurent d'irrégularité, dès lors qu'y figurent également des prétentions saisissant valablement la juridiction.
L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a rejeté ce motif de nullité.
Sur la compétence du juge des référés :
L'appelante fait ensuite valoir qu'il existe des procédures au fond entraînant l'incompétence du juge des référés du fait qu'en application de l'article 789 du code de procédure civile, à partir de la désignation du juge de la mise en état, le juge des référés est incompétent.
Ainsi, elle relate que :
- elle a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre le 6 janvier 2021 d'une instance qui l'oppose à la société NHV et au liquidateur judiciaire de la société Le Carreau de Neuilly aux fins de demander le renouvellement du bail commercial à titre principal et le paiement d'indemnités d'éviction à titre subsidiaire ;
- la société NHV a assigné tous les sous-locataires et le liquidateur judiciaire devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de les voir condamner in solidum au paiement des loyers ;
- la société NHV est en instance au fond contre la société Le Carreau de Neuilly, représentée par son liquidateur, devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de contester le refus de renouvellement du bail en date du 1er janvier 2020 ;
- elle a formé un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire du 2 août 2021 qui a prononcé la résiliation du sous-bail alors qu'il n'en avait pas la compétence.
Elle soutient que la procédure de référé est une manoeuvre de la société NHV pour faire pression afin qu'elle quitte son local commercial, et ce, sans débourser aucune somme d'argent, alors qu'il est de jurisprudence constante qu'en matière de bail commercial, un locataire n'a pas à quitter ses locaux tant qu'il n'a pas perçu d'indemnité d'éviction.
L'intimée rétorque que :
- s'agissant de la première procédure, la désignation du juge de la mise en état ne fait pas obstacle à la présente demande qui n'est ni une mesure conservatoire, ni une mesure provisoire,
- la deuxième procédure est une demande en paiement qui ne fait pas obstacle à la compétence du juge des référés,
- l'issue de la troisième procédure est indifférente à la solution de la présente instance, étant précisé que le magistrat délégué par le premier président de cette cour, dans son ordonnance du 7 juillet 2022, a rappelé que « la caractérisation d'un trouble manifestement illicite relève bien de la juridiction des référés, peu important qu'une juridiction au fond ait à connaître de certains aspects connexes au litige dans sa globalité ».
Sur ce,
L'intimée fonde ses demandes sur l'article 835 du code de procédure civile qui donne pouvoir au juge des référés de prescrire, même en présence d'une contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
La compétence exclusive mais limitée aux mesures provisoires et conservatoires attribuée par l'article 789 du code de procédure civile au juge de la mise en état dès sa désignation ne fait pas obstacle à celle du juge des référés pour connaître de demandes de quitter les lieux et d'expulsion, de telles mesures, visant à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, s'apparentant à une mesure de remise en état.
Dans ces condition, le moyen tiré de l'incompétence du juge des référés sera rejeté.
Sur le trouble manifestement illicite :
La société Centrale Retouche sollicite l'infirmation de la décision querellée, faisant valoir que le litige porté devant le juge des référés présentait une difficulté telle qu'il n'y avait pas lieu à référé, soutenant que tant que les questions relatives au renouvellement du bail et aux indemnités d'éviction ne seront pas tranchées par le tribunal judiciaire de Nanterre, le juge des référés ne peut pas prononcer son expulsion et ce, d'autant qu'elle a exercé son droit direct.
Ainsi, elle avance que la Cour de cassation a jugé que l'article L. 145-32 du code de commerce reconnaît au sous-locataire un droit direct au renouvellement du contrat de bail contre le propriétaire des locaux qui ont été sous-loués lorsque le bail principal arrive à expiration.
Elle rappelle qu'elle a signifié au bailleur, par 3 actes extra-judiciaires des 18 juin, 30 novembre 2020 et 24 juin 2021, une notification valant droit direct au renouvellement du bail parce que la sous-location était parfaitement régulière.
Elle ajoute qu'il ressort des clauses du contrat de bail principal, énonçant les noms des sous-locataires et précisant la destination des locaux, que les locaux sont parfaitement divisibles matériellement, la Cour de cassation ayant au demeurant jugé que, dans une galerie marchande, lorsque le locataire principal a sous-loué un local pour l'exercice d'une activité de restaurant, le sous-locataire a un droit direct au renouvellement de son bail, sous certaines conditions, réunies en l'espèce.
Elle fait également valoir que la règle de l'indivisibilité ne joue pas lorsque la totalité des locaux est sous-louée, que l'article L. 145-15 du code de commerce dispose que « sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit au renouvellement » et que l'article L. 145-28 du même code prévoit qu' « aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue ».
Elle critique l'ordonnance du juge-commissaire en date du 2 août 2021 ayant prononcé la résiliation du contrat de sous-location, mais en précisant que cette résiliation est prononcée « en tant que de besoin et sans préjudice de l'exercice par la société Centrale Retouche de son droit direct au renouvellement de son bail à l'égard de la société NHV », indiquant qu'un recours à son encontre est pendant.
Elle allègue également d'une autre procédure de référé aux termes de laquelle le président du tribunal judiciaire de Nanterre a débouté la société NHV de sa demande d'expulsion à l'égard d'un autre sous-locataire, la société Britophe, aux motifs que devait d'abord être tranchée la question de la validité du refus du renouvellement du bail commercial.
A titre subsidiaire, si la cour n'infirmait pas l'ordonnance déférée, la société Centrale Retouche demande que lui soient accordés des délais suffisants pour pouvoir trouver un autre local et déménager ses outils, installations, et surtout, informer sa clientèle.
La société NHV, intimée, sollicite la confirmation de l'ordonnance dont appel, soutenant que la société Centrale Retouche est incontestablement à ce jour occupante sans droit ni titre de locaux indivisibles et partiellement sous-loués par ses soins auprès de la société Le Carreau de Neuilly, aujourd'hui en procédure de liquidation judiciaire.
Elle fait d'abord observer que par jugement du tribunal de commerce du 28 avril 2022, la société Britophe a été jugée irrecevable en son recours contre l'ordonnance du juge-commissaire ayant prononcé la résiliation de son contrat de sous-location, de sorte que la décision de résiliation est aujourd'hui définitive.
Elle ajoute que s'agissant de la société sous-locataire Atouts Coeurs, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a accueilli la demande d'expulsion et qu'un appel est pendant contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre l'ayant déboutée de sa demande d'expulsion de la sous-locataire [Z].
Elle expose s'agissant de l'appelante que par ordonnance du 2 août 2021, le juge-commissaire a prononcé la résiliation du sous-bail liant la société Le Carreau de Neuilly à la société Centrale Retouche à effet du 19 mai 2021 et que l'objet de la présente instance est simplement d'ajouter à l'ordonnance du juge-commissaire puisque celui-ci ne dispose pas du pouvoir d'ordonner l'expulsion des occupants sans droit ni titre.
Elle argue du fait que le bail principal de la société Le Carreau de Neuilly a définitivement pris fin à effet du 31 décembre 2018.
Elle soutient également que la société Centrale Retouche est dépourvue de tout droit direct au renouvellement de son sous-bail puisqu'en l'espèce le bail principal, qui était annexé à l'avenant au renouvellement du sous-bail, énonce expressément que « les lieux loués forment conventionnellement un tout indivisible », peu important que les locaux puissent être matériellement divisibles.
Elle expose que l'indivisibilité contractuellement convenue exclut également toute revendication par le sous-locataire d'une quelconque indemnité d'éviction à l'égard du propriétaire des locaux.
Sur ce,
Il découle des dispositions de l'alinéa 1er de l'article 835 ci-dessus rappelé, que le trouble manifestement illicite est caractérisé par 'toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit' qu'il incombe à celui qui s'en prétend victime de démontrer.
Au cas présent, il est constant que la société NHV a refusé le renouvellement du bail principal conclu avec la société Le Carreau de Neuilly, refus notifié aux sous-locataires le 18 janvier 2019, tandis qu'il lui avait auparavant été signifié le 12 novembre 2018 un commandement de payer visant la clause résolutoire, resté infructueux ; que par la suite, la locataire principale a été placée en liquidation judiciaire et que par jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 25 juin 2021, il a été donné acte au liquidateur judiciaire de ce qu'il avait procédé à la résiliation du bail liant la société Le Carreau de Neuilly à la société NHV et constaté que cette résiliation est intervenue le 17 mai 2021.
Il est également acquis que l'appelante a, dès le 12 juin 2020 puis de nouveau le 30 novembre 2020 et le 24 juin 2021, notifié à l'intimée qu'elle se prévalait de son droit direct au renouvellement de son bail conformément à l'article L. 145-32 du code de commerce et que la société NHV lui a adressé en réponse des actes de protestation et dénégation de tout droit direct au renouvellement comme tout droit à indemnité d'éviction.
Par acte en date du 6 janvier 2021, la société Centrale Retouche a fait assigner la société NHV au fond devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins principalement de voir dire qu'elle a droit au renouvellement de son bail commercial et à titre subsidiaire, à une indemnité d'éviction. L'affaire est actuellement pendante.
Sur saisine de la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [M], le juge-commissaire à la procédure de liquidation judiciaire de la société Le Carreau de Neuilly, par ordonnance en date du 2 août 2021, a :
constaté « que la société Centrale Retouche a notifié une demande de renouvellement de son bail directement à la société NHV le 24 juin 2021,
en tant besoin et sans préjudice de l'exercice par la société Centrale Retouche de son droit direct au renouvellement de son bail à l'égard de la société NHV, », prononcé « la résiliation du sous-bail liant la société Le Carreau de Neuilly à la société Centrale Retouche, à effet du 19 mai 2021 ».
Par jugement confirmatif du 24 mars 2022, le tribunal de commerce de Nanterre, statuant sur le recours exercé par la société Centrale Retouche, a toutefois rappelé que la résiliation prononcée par le juge-commissaire au visa de l'article L. 641-11-1 du code de commerce n'empêche pas la société Centrale Retouche d'exercer son droit à l'obtention d'un bail commercial directement auprès de la société NHV.
Ainsi, il ressort de cette chronologie procédurale que si la société NHV s'est opposée au droit au renouvellement direct du bail allégué par la société Centrale Retouche, elle n'a toutefois introduit aucune action visant à voir constater ou juger la résiliation du sous-bail.
Le jugement du tribunal de commerce en date du 24 mars 2022 ne s'est prononcé que dans le litige opposant la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [M], en qualité de liquidateur de la société Le Carreau de Neuilly, et la société Centrale Retouche, tout en précisant que la résiliation qu'il constatait ne préjugeait pas du droit de cette dernière au renouvellement de son bail, directement auprès de la société NHV.
Les conditions de l'application des dispositions de l'article L. 145-32 du code de commerce, qui prévoient que :
« Le sous-locataire peut demander le renouvellement de son bail au locataire principal dans la mesure des droits que ce dernier tient lui-même du propriétaire. Le bailleur est appelé à concourir à l'acte, comme il est prévu à l'article L. 145-31.
A l'expiration du bail principal, le propriétaire n'est tenu au renouvellement que s'il a, expressément ou tacitement, autorisé ou agréé la sous-location et si, en cas de sous-location partielle, les lieux faisant l'objet du bail principal ne forment pas un tout indivisible matériellement ou dans la commune intention des parties. »,
sont actuellement discutées entre la société Centrale Retouche et la société NHV devant le juge du tribunal judiciaire de Nanterre saisi du litige au fond à l'initiative de l'appelante.
Il en ressort qu'à ce stade, et tant que ne sera pas tranchée au fond la question de l'éventuel droit direct au renouvellement du bail de l'appelante, l'occupation illicite des locaux commerciaux par la société Centrale Retouche n'apparaît pas acquise avec l'évidence qui doit s'imposer en la matière.
En l'absence de violation flagrante de la règle de droit, il sera en conséquence retenu que le trouble manifestement illicite allégué par la société NHV n'est pas caractérisé, de sorte que par voie d'infirmation, il sera dit n'y avoir lieu à ordonner l'expulsion de la société Centrale Retouche des locaux sous-loués.
L'appel de la société Centrale Retouche prospérant, la demande formulée par la société NHV au titre de l'appel abusif sera rejetée.
Il n'y a pas davantage lieu à prononcer une amende civile à l'encontre de l'appelante, dont l'initiative ne peut en tout état de cause relever que de la cour et non des parties.
Sur les demandes accessoires :
La société Centrale Retouche étant accueillie en son recours, l'ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie perdante, la société NHV ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens de première instance et d'appel.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Centrale Retouche la charge des frais irrépétibles exposés. La société NHV sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant par arrêt contradictoire,
Rejette le moyen tiré de l'incompétence de la juridiction des référés,
Infirme l'ordonnance du 22 décembre 2021 sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de nullité de l'assignation,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Neuilly Hôtel de Ville,
Déboute la société Neuilly Hôtel de Ville de sa demande au titre de l'appel abusif,
Condamne la société Neuilly Hôtel de Ville à verser à la société Centrale Retouche la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que la société Neuilly Hôtel de Ville supportera les dépens de première instance et d'appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Nicolette GUILLAUME, présidente, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.