CA Orléans, 24 mai 2007, n° 06/02159
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Remery
Conseillers :
Mme Magdeleine, M. Garnier
Avoués :
SCP Laval-Lueger, SCP Desplanques - Devauchelle, Me Garnier
Avocats :
Selarl Sebaux - Derec, SCP Legrand/Legrand-Lejour/Pontruche, SCP Masson-Ousaci-Cotel
EXPOSÉ DU LITIGE
La Cour statue sur l'appel d'une ordonnance de référé rendu le 5 juillet 2006 par le président du tribunal de grande instance d'Orléans, interjeté par M. Colonna de L., suivant déclaration du 20 juillet 2006, enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 2159/2006.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les :
*20 novembre 2006 (par M. Colonna de L.),
*6 mars 2007 (par Me S., ès qualités de liquidateur de M. C.),
*29 mars 2007 (par Mme C.) ;
Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé que Mme C. est propriétaire de locaux commerciaux situés [...] qui, aux termes d'une cession de fonds de commerce, étaient donnés en location pour l'exploitation d'un café à M. C. qui a été mis en liquidation judiciaire immédiate par jugement par jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 12 mai 2004, Me S. étant nommé liquidateur. Par décision du 11 octobre 2005, le juge-commissaire a ordonné, sous le régime de l'article L. 611-18 du Code de commerce, la cession de gré à gré du fonds, comprenant le droit au bail commercial ci-dessus, à M. Colonna de L. ou à toute personne substituée. L'acte de cession n'a pas été régularisé, mais le cessionnaire est entré dans les lieux le 15 octobre 2005.
Reprochant à M. Colonna de L. son absence de titre d'occupation ainsi que l' exploitation, non conforme, selon elle, au bail, d'un restaurant, Mme C. a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'Orléans qui, par l'ordonnance entreprise du 5 juillet 2006, a constaté l'occupation sans droit ni titre des lieux par M. Colonna de L. ou la société substituée Café des arts, ordonné leur expulsion et condamné solidairement les occupants à payer à la bailleresse une provision sur indemnité d'occupation ainsi qu'une indemnité de procédure.
M. Colonna de L. a relevé appel de cette ordonnance.
En cause d'appel, chaque partie a présenté, plus précisément, les demandes et moyens qui seront exposés et discutés dans les motifs ci-après.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 13 avril 2007, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés.
Par note conjointe du président et du greffier adressée la veille de la date du présent arrêt, les avoués des parties ont été également avisés que le prononcé de l'arrêt était avancé à cette date.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Attendu, d'abord, que, s'il est exact qu'en l'état les actes nécessaires à la réalisation de la cession de gré à gré du fonds de commerce litigieux n'ont pas été passés, M. Colonna de L. n'ayant pas encore signé le projet de cession préparé par le liquidateur et que, dès lors, si le transfert de la propriété du fonds n'a pas encore eu lieu, il n'en demeure pas moins que sa vente était parfaite dès l'ordonnance du juge-commissaire et que celle-ci fixait expressément 'la prise d'effet au 15 octobre 2005" , date à laquelle M. Colonna de L. est entré dans les lieux ; que, certes, la formule de l'ordonnance est ambigüe, mais qu'en référé, il apparaît difficile de retenir qu'elle ne signifiait pas que le cessionnaire était judiciairement fondé à prendre possession du fonds immédiatement avant même la passation des actes nécessaires à la réalisation de sa cession ; qu'en conséquence, et dès lors que M. Colonna de L. ne refuse pas d'acquérir, ayant d'ailleurs déjà réglé le prix de vente de 45.000 €, mais émet des contestations sur les honoraires du rédacteur pressenti de l'acte de cession et fait état de difficultés sur des garanties de paiement des loyers exigées par la bailleresse, il ne peut être tenu, avec la force de l'évidence propre au référé, et en l'absence de toute mise en demeure justifiée d'avoir à régulariser l'acte, comme un occupant sans droit ni titre ;
Attendu, ensuite, que si la cession du droit au bail s'effectue aux conditions de celui-ci, il ne ressort pas du seul bail produit - bail en renouvellement du 24 juin 1999 - que la bailleresse devrait concourir, d'une quelconque manière, par acte authentique ou autrement, à l'acte de cession et, en ce qui concerne les conditions d'exploitation, c'est à juste titre que le premier juge a retenu l'existence d'une contestation sérieuse sur la destination des lieux, puisque si le bail fait état d'un commerce de café, il inclut aussi dans la boutique du rez-de-chaussée des locaux qui peuvent être ceux d'un restaurant (cuisine, grande salle à manger) ;
Qu'en revanche, sans que cela puisse cependant fonder la demande d'expulsion, en l'absence de commandement de payer, il est acquis, sans contestation sérieuse, que M. Colonna de L., qui occupe les lieux depuis le 15 octobre 2005, n'a réglé, sur un montant total de loyers - payable, suivant le bail, chaque fin de trimestre - de 10.173,46 € qu'une somme de 2.618 €, d'où un solde exigible de 7.555,46 €, mais qui n'est réclamé par les conclusions de Mme C. qu'à concurrence de 6.044,78 €, compte n'étant pas tenu du 1er trimestre 2007 ; qu'à concurrence de la somme réclamée, la dette de M. Colonna de L. est incontestable, mais il n'y a pas lieu, pour l'avenir de prévoir une indemnité d'occupation ;
Sur les demandes accessoires
Attendu que, chaque partie succombant en certaines de ses prétentions, chacune supportera ses propres frais et dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, en matière de référé,
INFIRME l'ordonnance entreprise ;
DIT n'y avoir lieu à référé sur l'expulsion de M. Colonna de L. ou toute personne substituée pour occupation sans droit ni titre ou exploitation du local commercial situé au [...] en violation de la clause du bail commercial relative à la destination des lieux ;
CONDAMNE M. Colonna de L. à verser, à titre de provision, à Mme C. la somme de 6.044,78 € ;
REJETTE toute autre demande des parties ;
DIT que chaque partie supportera ses propres frais et dépens ;
ET le présent arrêt a été signé par M. Rémery, Président et Mme Fernandez, Greffier ayant assisté au prononcé de l'arrêt.