CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 1 mars 2007, n° 04/09060
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Lansac
Défendeur :
Anabase Productions (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Wallon
Conseillers :
Mme Liauzun, Mme Lambling
Avoués :
Me Ricard, SCP Fievet-Lafon
Avocats :
Me Chiloux, Me de la Robertie
Eric LANSAC, employé en qualité de chef monteur dans le cadre de nombreux contrats de travail à durée déterminée, a travaillé de 1990 à 2001 pour plusieurs sociétés du groupe EXPAND dont la société ANABASE PRODUCTIONS.
Considérant qu'en qualité d'infographiste, il a élaboré et conçu des palettes de présentation ainsi que l'habillage graphique , décors et génériques de différentes émissions télévisuelles dont ' rendez-vous , la vie au quotidien, leur vie au quotidien, 1er rendez-vous, Fort Boyard, derniers jours dernières nuits, MNK ' sans percevoir les droits d'auteurs sur ses créations, Eric LANSAC a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre qui , par jugement du 20 octobre 2004 , a déclaré nulle l'assignation délivrée au groupe EXPAND, déclaré irrecevables et surabondamment mal fondées ses demandes à l'encontre de la société ANABASE PRODUCTIONS, l'a débouté de ses demandes et condamné au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile outre les dépens.
Eric LANSAC a interjeté appel de cette décision le 22 décembre 2004.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 16 juin 2006 auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé , Eric LANSAC demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de condamner la société ANABASE PRODUCTIONS à lui verser la somme de 802 184,14 euros au titre de ses droits d'auteur et la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-paiement de ses droits d'auteur, subsidiairement, de condamner la société ANABASE PRODUCTIONS à lui verser la somme de 802 184,14 euros à titre de dommages et intérêts pour obstruction systématique à la reconnaissance de ses droits d'auteur, outre la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile et les dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître RICARD, avoué, conformément à l'article 699 du Nouveau code de procédure civile aux motifs qu'il a réalisé des oeuvres graphiques protégées par l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle, qu'il a participé aux créations , son nom figurant en qualité d'infographiste sur les génériques, qu'il n'a pas exercé les fonctions de chef monteur bien qu'il ait été recruté en cette qualité , que sa demande est recevable malgré l'absence de mise en cause des co-auteurs s'agissant d'une demande en reconnaissance de ses droits et non de l'exercice des droits en commun.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 30 août 2006 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la société ANABASE PRODUCTIONS demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner Eric LANSAC à lui payer la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile outre les dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP FIEVET- LAFON, avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau code de procédure civile aux motifs que, s'agissant d'une oeuvre audiovisuelle, la recevabilité d'une demande relative aux droits patrimoniaux collectifs est subordonnée à la mise en cause des coauteurs de l'oeuvre, qu'Eric LANSAC auquel la présomption de coauteur ne s'applique pas ne rapporte pas la preuve d'une participation personnelle et originale à l'activité créatrice .
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2006.
MOTIFS
Aux termes de l'article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle, ont la qualité d'auteurs d'une oeuvre audiovisuelle la ou les personnes physiques qui réalisent la création intellectuelle de cette oeuvre. Sont présumés, sauf preuve contraire, coauteurs d'une oeuvre audiovisuelle, réalisée en collaboration, l'auteur du scénario, l'auteur de l'adaptation, l'auteur du texte parlé, l'auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l'oeuvre , le réalisateur .
Cette liste des coauteurs présumés n'est pas limitative mais pour se voir reconnaître la qualité d'auteur, les autres participants à la réalisation de l'oeuvre audiovisuelle doivent démontrer que leur prestation est originale et qu'ils ont fait preuve de créativité.
Il est constant que Eric LANSAC a été engagé en qualité de chef monteur comme cela résulte des nombreux contrats de travail versés aux débats alors qu'il a effectué, au moins pour partie, un travail d'infographiste. En effet, le procès-verbal de visionnage des cassettes établi le 4 mai 2006 par le conseiller de la mise en état mentionne que le nom de Eric LANSAC figure au générique de certaines émissions comme ayant participé à la palette graphique ou à la conception graphique. Son nom n'est pas mentionné en qualité de chef monteur.
Cependant, l'indication dans le générique des émissions du nom de Eric LANSAC en qualité de graphiste ou infographiste ne suffit pas à établir qu'il a participé à la réalisation de l'oeuvre par une création originale , étant observé que l'accord interbranche sur le recours au contrat à durée déterminée d'usage dans le spectacle fait figurer tant le chef monteur que le graphiste et l'infographiste parmi les prestataires techniques audiovisuels qui participent à l'activité de production, lesquels n'ont pas vocation , dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, à avoir une activité de création.
Pour établir l'existence de créations infographiques originales , Eric LANSAC verse aux débats deux attestations émanant d'anciens collègues , Mickael BOZO et Geoffroy Richaudeau , selon lesquelles il réalisait des éléments graphiques et vidéo pour plusieurs émissions ( le rendez-vous, la vie au quotidien, Fort Boyard, les Minikeums...) destinés à 'l'habillage ' c'est à dire à la mise en valeur de l'image déjà pré-montée grâce à des éléments graphiques ajoutés, prêts à être intégrés aux reportages , il était souvent livré à lui-même sans véritables orientations de la part de la production , à part une vague charte graphique imposée par la chaîne. Ces témoignages , peu circonstanciés et qui ne permettent pas de déterminer, à partir à tout le moins d'exemples, quelle part Eric LANSAC a prise dans la création des oeuvres audiovisuelles , sont contredits par les déclarations de Pierre GODDE et Patrice LAURENT , qui ont également travaillé avec l'appelant , selon lesquelles le travail portant sur les éléments graphiques utilisés dans les émissions Fort Boyard et Mission Pirattak était réalisé sous les directives du producteur et du réalisateur soit selon un cahier des charges précis soit par la reprise d'une partie des éléments d'habillage existants dans l'émission, Eric LANSAC ne disposant nullement d'une liberté de création mais devant respecter la vision artistique de la directrice artistique .
La production aux débats de nombreuses photocopies de créations graphiques n'est pas de nature à établir qu'Eric LANSAC est l'auteur de ces créations ni dans quelles mesures il a participé à leur élaboration.
Eric LANSAC rapporte la preuve qu'il a travaillé à l'habillage graphique des images de certaines émissions télévisées et à la conception de décors. Cependant, les éléments graphiques à l'élaboration desquels il a participé se fondent dans l'ensemble et il est impossible de lui reconnaître un droit distinct sur sa contribution, et ce d'autant plus qu'il agissait sous la direction artistique d'un réalisateur et n'avait pas, contrairement à ce qu'il affirme, une totale et complète liberté pour créer, s'agissant d'émissions dont les programmes sont de conception identique.
Faute de justifier de créations personnelles originales, Eric LANSAC ne peut se voir reconnaître la qualité d'auteur. Le jugement déféré sera confirmé sans qu'il y ait lieu de statuer sur la recevabilité de sa demande pour défaut de mise en cause des coauteurs.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort
CONFIRME le jugement déféré par substitution de motifs
CONDAMNE Eric LANSAC à payer à la société ANABASE PRODUCTIONS la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
CONDAMNE Eric LANSAC aux dépens avec droit de recouvrement au profit de la SCP FIEVET LAFON, avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.