CA Douai, 2e ch. sect. 2, 17 janvier 2019, n° 16/07558
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
CIC Nord Ouest (SA)
Défendeur :
MAS (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Cordier, Mme Fallenot
Avocats :
Me Hanicotte, Me Cavedon, Me Squillaci Bazela, Me de Tassigny
FAITS ET PROCÉDURE La SARL JPB promotion, en qualité de maître d'ouvrage a acquis un terrain à bâtir en vue de la construction d'un ensemble immobilier à vendre en l'état futur d'achèvement. La SARL JPB a confié la maîtrise d'oeuvre à la SARL Atlante architecture.
S'agissant des opérations de construction, elle a passé avec la SA MAS un marché de travaux relatif à la réalisation du gros oeuvre.
Par lettre du 29 mai 2012, la SA MAS a sollicité auprès de la SARL JPB Promotion le cautionnement de son marché.
Le 23 novembre 2012, la SARL JPB Promotion a notifié à la SA Mas le cautionnement consenti par le CIC Nord ouest garantissant le paiement des sommes dues par le maître d'ouvrage.
Par jugement du 5 septembre 2013, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SARL JPB Promotion, Me Depreux a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.
A la suite de sa lettre recommandée avec avis de réception du 16 décembre 2013 mettant la caution en demeure de payer la somme de 104 858,59 euros échue impayée par la société JPB Promotion, la société Mas a fait assigner le CIC Nord ouest devant le tribunal de commerce par acte extrajudiciaire du 2 octobre 2015.
Par jugement contradictoire rendu le 22 novembre 2016, le tribunal de commerce de Lille Métropole a:
- déclaré nulle et de nul effet la date de caducité de la caution fixée au 13 septembre 2013;
- condamné le CIC Nord ouest à payer à la société MAS la somme de 48 841, 46 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la première demande en paiement du 16 décembre 2013;
- dit et jugé que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts conformément à l'article 1154 du code civil;
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions;
- condamné le CIC Nord ouest à payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté la société MAS de sa demande d'exécution provisoire;
- condamné le CIC à payer les entiers frais et dépens de la présente instance, taxés et liquidés à la somme de 81, 12 euros (en ce qui concerne les frais de greffe).
Par déclaration du 16 décembre 2016, la SA CIC Nord ouest a interjeté appel de ce jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Par des conclusions notifiées par voie électronique le 28 juin 2017, le CIC Nord ouest prie la cour de:
'vu l'article 1799-1 du code civil ;
vu les articles 1134 et suivants (anciens) du code civil ;
- déclarer recevable et bien fondé le CIC Nord ouest en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions ;
- Y faire droit ;
En conséquence:
A titre principal,
- constater, dire et juger que le cautionnement solidaire consenti par le CIC Nord ouest au profit de la SA MAS entreprise générale est arrivé à expiration le 13 septembre 2013 ;
- constater, dire et juger que la clause limitant dans le temps les effets dudit cautionnement solidaire est parfaitement valable ;
- constater dire et juger que la SA MAS entreprise générale a actionné le CIC Nord ouest au titre de l'engagement de caution solidaire suivant lettre du 16 décembre 2013, soit plus de trois mois après l'expiration du cautionnement ; et en conséquence,
- dire et juger que la SA MAS entreprise générale est forclose en son action, la déclarer irrecevable et à tout le moins la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions ;
- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement déféré en ce que les premiers juges ont arrêté la créance à la somme de TTC de 48 841,46 euros ;
- réformer ledit jugement pour le surplus et, en conséquence ;
- dire et juger que la somme TTC de 48 841, 46 euros sera assortie des intérêts légaux à compter de la date de signification du jugement à intervenir ;
En toute hypothèse,
- débouter la SA MAS entreprise générale de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions ;
- condamner la SA MAS entreprise générale à payer au CIC Nord ouest la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SA MAS entreprise générale aux entiers frais et dépens de l'instance.'
La banque soutient à titre principal, que, seul le maître de l'ouvrage est débiteur de l'obligation de garantie en paiement en vertu de l'article 1799-1 du code civil et que les conditions comme les modalités de mise en oeuvre du cautionnement solidaire relèvent de la liberté contractuelle de sorte que le cautionnement peut être limité dans le temps comme dans son montant; qu'en l'espèce le cautionnement limité à la somme de 1 794 000 euros, expirait le 13 septembre 2013.
Subsidiairement, elle dit qu'au regard du montant du cautionnement plafonné à la somme de 1 794 000 euros, la SA MAS ne peut solliciter que le paiement de la somme globale de 48 841,46 euros restant due.
Par des conclusions notifiées par voie électronique le 28 avril 2017, la SA MAS demande de:
'vu l'article 1799-1 du code civil,
vu l'acte de cautionnement délivré par le CIC Nord ouest à la société MAS sous le n°201212003218 le 20 novembre 2012;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille le 22 novembre 2016;
Y faisant droit,
- déclarer nulle et de nul effet la date de caducité de la caution fixée au 13 septembre 2013;
- A tout le moins, réputer non écrite la clause limitant la caution au 13 septembre 2013;
- condamner la société CIC Nord ouest à payer à la Sté MAS la somme de 48 841,46 euros, outre les intérêts à taux légal à compter de la première demande en paiement du 16 décembre 2013;
- dire et juger que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts conformément à l'article 1154 du code civil;
- condamner la société CIC Nord ouest à payer à la société0 MAS une indemnité de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.'
La société Mas fait valoir que l'article 1799-1 du code civil est d'ordre public de sorte que les parties ne peuvent y déroger par conventions particulières. Elle en déduit que date d'expiration de la garantie de paiement doit donc correspondre avec celle de l'apurement de la créance de l'entrepreneur.
Elle dit que conformément au caractère accessoire du cautionnement, la caution doit assumer toutes les suites de l'obligation principale, de sorte que la durée du cautionnement doit correspondre au délai d'exécution réel des travaux ; qu'en l'espèce, à la suite au décès du gérant de JPB, des congés d'été, des tentatives des parties au marché pour terminer le chantier et de la mise en liquidation judiciaire, un dépassement du délai prévu a eu lieu .
Elle invoque la nullité de plein droit de la clause de limitation dans le temps du cautionnement avant que les travaux ne soient achevés.
SUR CE,
L'article 1799-1 du code civil dispose dans sa version en vigueur du 2 février 1995 au 1er janvier 2014 :
'Le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l'article 1779 doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat.
Lorsque le maître de l'ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, l'établissement de crédit ne peut verser le montant du prêt à une personne autre que celles mentionnées au 3° de l'article 1779 tant que celles-ci n'ont pas reçu le paiement de l'intégralité de la créance née du marché correspondant au prêt. Les versements se font sur l'ordre écrit et sous la responsabilité exclusive du maître de l'ouvrage entre les mains de la personne ou d'un mandataire désigné à cet effet.
Lorsque le maître de l'ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu'il y recourt partiellement, et à défaut de garantie résultant d'une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Tant qu'aucune garantie n'a été fournie et que l'entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l'exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours.
Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le maître de l'ouvrage conclut un marché de travaux pour son propre compte et pour la satisfaction de besoins ne ressortissant pas à une activité professionnelle en rapport avec ce marché.
Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux marchés conclus par un organisme visé à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, ou par une société d'économie mixte, pour des logements à usage locatif aidés par l'Etat et réalisés par cet organisme ou cette société'.
En l'espèce, La SARL JPB Promotion qui a passé un marché de travaux relatif à la réalisation du gros oeuvre avec la SA Mas, a donné suite à la demande de cautionnement de son marché de cette dernière.
Par acte du 20 novembre 2012 , la banque CIC Nord Ouest, connaissance prise du marché privé conclu le 25 novembre 2011 entre l'entreprise MAS et JPB Promotion relatif à l'exécution des travaux consistant au lot 01"Gros oeuvre' pour la somme de 1 794 000 euros TTC; a déclaré, en application des dispositions de l'article 1799-1 alinéa 3 du code civil, constituer la banque caution solidaire du maître de l'ouvrage pour le montant des sommes dues par lui à l'entrepreneur en application du marché, sous déduction de tous acomptes, avances et plus généralement de tous les paiements déjà versés au dit entrepreneur .
L'acte prévoit notamment que la cautionnement est limité à la somme de 1 794 000 euros et qu'il 'cessera de produire ses effets sur production à la banque d'une mainlevée par l'entrepreneur ou d'un reçu pour solde de tout compte émanant dudit entrepreneur, étant entendu que la banque sera définitivement libérée dans un délai de 02 mois à compter de l'établissement de l'arrêté de compte définitif ou de tout document en tenant lieu , et en tout état de cause, au plus tard le 13/09/2013, sauf opposition motivée de l'entrepreneur notifiée à la banque par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ', que 'A l'expiration du délai ou de la date visés au précédent alinéa, il ne pourra plus en aucun cas être fait appel au présent cautionnement'.
Cet acte de cautionnement a été notifié le 23 novembre 2012 à la société MAS.
A l'appel en paiement effectué par lettre recommandée avec avis de réception du 16 décembre 2013, la banque oppose l'expiration du cautionnement à la date du 13 septembre 2013.
En application des dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du code civil, le maître de l'ouvrage est tenu de fournir pendant toute la durée du contrat la garantie de paiement prévue à l'entrepreneur et ce, jusqu'à complet paiement du marché.
En revanche, la garante, tenue dans les termes du droit commun du cautionnement, a la possibilité d'opposer au créancier l'expiration du délai de validité de la garantie consentie dont celui ci était informé.
La clause figurant à l'article 3 alinéa 2 du contrat portant que la banque sera définitivement libérée au plus tard le 13 septembre 2013, sauf opposition motivée de l'entrepreneur notifiée à la banque par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, est en conséquence valable.
La demande tendant à voir dire cette clause nulle ou à tout le moins réputée non écrite, est rejetée.
L'entrepreneur n'a pas formé de réserves dans le délai de validité de la garantie qui expirait au plus tard le 13 septembre 2013 et a actionné la banque au titre de son engagement de caution solidaire le 16 décembre 2013, à une date où le cautionnement consenti avait pris fin.
Dès lors, il y a lieu, infirmant le jugement entrepris, de débouter la société MAS de sa demande de condamnation à paiement de la banque en sa qualité de caution solidaire de la société JPB Promotion.
La société MAS qui succombe, est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et est condamnée à payer à ce titre la somme de 2 000 euros sur ce fondement à la banque.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement,
Déboute la société MAS de ses demandes tendant à voir déclarer nulle et de nul effet la date de caducité de la caution fixée au 13 septembre 2013, à voir réputée non écrite cette clause, à voir condamner la société CIC Nord ouest à payer à la société MAS la somme de 48 841,46 euros, outre les intérêts ainsi qu'en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne aux dépens et à verser à la société CIC Nord Ouest la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.