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Décisions

CJUE, gr. ch., 8 novembre 2022, n° C-885/19 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Fiat Chrysler Finance Europe

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenaerts

Vice-président :

M. Bay Larsen

Juges :

M. Rodin, M. Biltgen, M. Piçarra, M. Kumin, M. Jääskinen, M. Wahl (rapporteur), Mme. Ziemele, M. Passer

Avocat général :

M. Pikamäe

Avocats :

Me Bracker, Me Steichen, Me Waelbroeck

CJUE n° C-885/19 P

7 novembre 2022

1 Par leurs pourvois respectifs, Fiat Chrysler Finance Europe, anciennement dénommée Fiat Finance and Trade Ltd (ci-après « FFT ») (C885/19 P), et lIrlande (C898/19 P) demandent lannulation de larrêt du Tribunal de lUnion européenne du 24 septembre 2019, Luxembourg et Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (T755/15 et T759/15, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:670), par lequel celuici a rejeté leurs recours tendant à lannulation de la décision (UE) 2016/2326 de la Commission, du 21 octobre 2015, concernant l’aide d’État SA.38375 (2014/C ex 2014/NN) mise à exécution par le Luxembourg en faveur de Fiat (JO 2016, L 351, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »).

I. Les antécédents du litige

2 Pour les besoins de la présente procédure, les antécédents du litige, tels qu’ils ont été exposés aux points 1 à 46 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés de la manière suivante.

A. Sur la décision anticipative accordée par les autorités fiscales luxembourgeoises à FFT

3 Le 14 mars 2012, le conseiller fiscal de FFT a adressé une lettre aux autorités fiscales luxembourgeoises afin de solliciter l’approbation d’un accord en matière de prix de transfert.

4 Le 3 septembre 2012, les autorités fiscales luxembourgeoises ont adopté une décision anticipative en faveur de FFT (ci-après la « décision anticipative en cause »). Ladite décision était contenue dans un courrier dans lequel il était indiqué que, « en ce qui concern[ait] la lettre, datée du 14 mars 2012, relative aux activités de financement intragroupe de FFT, il [était] confirmé que l’analyse des prix de transfert a[vait] été réalisée conformément à la circulaire 164/2 du 28 janvier 2011 et qu’elle respect[ait] le principe de pleine concurrence ».

B. Sur la procédure administrative devant la Commission

5 Le 19 juin 2013, la Commission européenne a adressé au Grand-Duché de Luxembourg une première demande de renseignements concernant des informations détaillées sur les pratiques nationales en matière de décisions fiscales anticipatives. Cette première demande de renseignements a été suivie par de nombreux échanges entre le GrandDuché de Luxembourg et la Commission jusqu’à ladoption, par cette dernière, le 24 mars 2014, d’une décision enjoignant au GrandDuché de Luxembourg de lui fournir des informations.

6 Le 11 juin 2014, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant la décision anticipative en cause.

C. Sur la décision litigieuse

7 Le 21 octobre 2015, la Commission a adopté la décision litigieuse.

1. Description par la Commission de la décision anticipative en cause

8 Dans la section 2 de la décision litigieuse, intitulée « Description de la mesure », en premier lieu, la Commission a décrit FFT, le bénéficiaire de la décision anticipative en cause, qui faisait partie du groupe automobile Fiat/Chrysler (ciaprès le « groupe Fiat/Chrysler »). Elle a indiqué que FFT fournissait des services de trésorerie et des financements aux sociétés dudit groupe établies en Europe, à l’exclusion de celles établies en Italie, et qu’elle opérait depuis le Luxembourg, où son siège social était établi. La Commission a précisé que FFT était en particulier active dans le financement par le marché et les investissements de liquidités, les relations avec les acteurs du marché financier, les services de coordination et de conseils financiers aux sociétés du groupe, les services de gestion de trésorerie aux sociétés du groupe, le financement intersociétés à court ou à moyen terme et la coordination avec les autres sociétés de financement (considérants 34 à 51 de la décision litigieuse).

9 En second lieu, la Commission a indiqué que la décision anticipative en cause faisait suite, d’une part, à la lettre du 14 mars 2012 du conseiller fiscal de FFT adressée à l’administration fiscale luxembourgeoise, contenant une demande d’approbation d’un accord en matière de prix de transfert, et, d’autre part, à un rapport en matière de prix de transfert contenant une analyse des prix de transfert élaborée par le conseiller fiscal à l’appui de la demande d’adoption d’une décision anticipative, de la part de FFT (considérants 9, 53 et 54 de la décision litigieuse).

10 La Commission a décrit la décision anticipative en cause comme avalisant une méthode d’affectation des bénéfices à FFT au sein du groupe Fiat/Chrysler, ce qui permettait à FFT de déterminer annuellement le montant de son impôt sur les sociétés à verser au Grand-Duché de Luxembourg. Elle a précisé que cette décision avait été contraignante durant une période de cinq ans, à compter de l’exercice fiscal de 2012 jusqu’à celui de 2016 (considérants 52 et 54 de la décision litigieuse).

2. Description des règles luxembourgeoises et des lignes directrices de l’OCDE en matière de prix de transfert

11 La Commission a indiqué que la décision anticipative en cause avait été adoptée sur le fondement de l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts sur les revenus luxembourgeois (ci-après le « code des impôts ») et de la circulaire L.I.R. no 164/2 du directeur des contributions luxembourgeoises, du 28 janvier 2011 (ci-après la « circulaire no 164/2 »). À cet égard, la Commission a, d’une part, relevé que cette disposition établissait le principe de pleine concurrence en droit fiscal luxembourgeois, selon lequel les transactions entre des sociétés d’un même groupe (ci-après les « sociétés intégrées ») devaient être rémunérées comme si elles avaient été acceptées par des sociétés indépendantes négociant dans des circonstances comparables dans des conditions de pleine concurrence (ci-après les « sociétés autonomes »). D’autre part, elle a relevé que la circulaire no 164/2 précisait notamment comment déterminer une rémunération de pleine concurrence en ce qui concernait plus particulièrement les sociétés de financement de groupe (considérants 74 à 83 de la décision litigieuse).

12 Par ailleurs, la Commission a exposé les principes de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, adoptés par le comité des affaires fiscales de l’OCDE (ci-après les « lignes directrices de l’OCDE »), et indiqué que les prix de transfert faisaient référence aux prix facturés pour des transactions commerciales entre diverses entités appartenant à un même groupe de sociétés. Elle a affirmé que, pour éviter que les sociétés multinationales ne soient incitées financièrement à attribuer aussi peu de bénéfices que possible aux territoires qui imposaient plus fortement leurs bénéfices, les administrations fiscales n’auraient dû accepter les prix de transfert entre les sociétés intégrées que lorsque, conformément au principe de pleine concurrence, les transactions avaient été rémunérées comme si elles avaient été acceptées par des sociétés autonomes négociant dans des circonstances comparables dans des conditions de pleine concurrence (considérants 84 à 87 de la décision litigieuse).

13 La Commission a également rappelé que les lignes directrices de l’OCDE énuméraient cinq méthodes pour établir une approximation des prix de pleine concurrence pour les transactions et la répartition des bénéfices entre les sociétés intégrées. Seules deux de ces méthodes étaient toutefois, selon la Commission, pertinentes en l’espèce, à savoir la méthode du prix comparable sur le marché libre et la méthode transactionnelle de la marge nette (considérants 88 et 89 de la décision litigieuse).

3. Appréciation de la décision anticipative en cause

14 Dans la section 7 (considérants 185 à 347) de la décision litigieuse, la Commission a exposé les motifs pour lesquels, selon elle, la décision anticipative en cause remplissait toutes les conditions visées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE pour être qualifiée d’aide d’État au sens de cette disposition.

15 S’agissant plus spécifiquement de la condition tenant à l’existence d’un avantage sélectif, la Commission a considéré que la décision anticipative en cause conférait un tel avantage à FFT, dans la mesure où elle avait entraîné une réduction de l’impôt dû par l’intéressée au Luxembourg en s’écartant de l’impôt qu’elle aurait dû payer en vertu du système ordinaire de l’impôt sur les sociétés (considérant 190 de la décision litigieuse). Elle est parvenue à cette conclusion au terme d’un examen concomitant de l’avantage et de la sélectivité, structuré selon les trois étapes identifiées par la Cour pour déterminer si une mesure fiscale est sélective (considérant 192 de la décision litigieuse et point 119 de l’arrêt attaqué).

16 En ce qui concerne la première étape, liée à la détermination du système de référence, la Commission a estimé que, en l’espèce, ledit système était le système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg, dont l’objectif était l’imposition des bénéfices de toutes les sociétés résidentes au Luxembourg. Elle a précisé, à cet égard, que ce système général s’appliquait aux sociétés indigènes et aux sociétés étrangères résidentes au Luxembourg, y compris aux succursales luxembourgeoises des sociétés étrangères. La Commission a considéré que le fait qu’il existait une différence en matière de calcul des bénéfices imposables entre les sociétés autonomes et les sociétés intégrées n’avait aucune incidence sur l’objectif du système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg, qui était d’imposer les bénéfices de toutes les sociétés résidentes du Luxembourg, qu’elles soient ou non intégrées, et que les deux types de sociétés se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif intrinsèque de ce système. La Commission a rejeté l’ensemble des arguments soulevés par le Grand-Duché de Luxembourg et par FFT selon lesquels l’article 164 du code des impôts ou la circulaire no 164/2 constituaient le système de référence pertinent ainsi que leur argument selon lequel le système de référence à prendre en considération pour apprécier la sélectivité de la décision anticipative en cause ne devait inclure que des entreprises soumises aux règles en matière de prix de transfert (considérants 193 à 215 de la décision litigieuse).

17 En ce qui concerne la deuxième étape, la Commission a indiqué que la question de savoir si une mesure fiscale constitue une dérogation au système de référence coïncide généralement avec la constatation qu’un avantage a été conféré au bénéficiaire par l’intermédiaire de cette mesure. Selon elle, lorsqu’une mesure fiscale entraîne une réduction injustifiée de l’impôt dû par un bénéficiaire qui, en l’absence de ladite mesure, devrait acquitter un impôt plus élevé selon le système de référence, cette réduction constitue l’avantage conféré par la mesure fiscale en même temps que la dérogation au système de référence. En outre, la Commission a rappelé que, selon la jurisprudence, dans le cas d’une mesure individuelle, l’identification de l’avantage économique permet, en principe, de présumer de sa sélectivité (considérants 216 à 218 de la décision litigieuse).

18 S’agissant de la détermination de l’avantage, la Commission a retenu, en substance, qu’une mesure fiscale conduisant une société appartenant à un groupe à facturer des prix de transfert qui ne reflètent pas ceux qui seraient facturés dans des conditions de libre concurrence, c’est-à-dire des prix négociés par des entreprises indépendantes dans des circonstances comparables en vertu du principe de pleine concurrence, confère un avantage à cette société en ce qu’elle aboutit à une réduction de son assiette d’imposition et, partant, de l’impôt exigible en application du système général de l’impôt sur les sociétés. De l’avis de la Commission, la Cour a ainsi admis, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C182/03 et C217/03, EU:C:2006:416), le principe de pleine concurrence, à savoir « [l]e principe selon lequel les transactions réalisées entre des sociétés dun même groupe devraient être rémunérées comme si elles avaient été convenues par des sociétés indépendantes négociant dans des circonstances comparables dans des conditions de pleine concurrence », comme critère de référence pour déterminer si une société d’un groupe bénéficie d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE du fait d’une mesure qui détermine ses prix de transfert et, partant, son assiette fiscale. En conséquence, la Commission a considéré qu’elle devait, en l’occurrence, vérifier si la méthode avalisée par l’administration fiscale luxembourgeoise dans la décision anticipative en cause aux fins de la détermination des bénéfices imposables de FFT au Luxembourg s’écartait d’une méthode qui débouche sur une approximation fiable d’un résultat basé sur le marché et, de ce fait, du principe de pleine concurrence. Dans une telle hypothèse, la décision anticipative en cause devrait, selon la Commission, être considérée comme octroyant un avantage sélectif à FFT au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (considérants 222 à 227 de la décision litigieuse).

19 La Commission a ainsi estimé que le principe de pleine concurrence fait nécessairement partie intégrante de son appréciation, au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, des mesures fiscales accordées aux sociétés intégrées, indépendamment de la question de savoir si un État membre a incorporé ce principe dans son système juridique national. Elle a précisé, en réponse aux arguments du GrandDuché de Luxembourg soulevés dans le cadre de la procédure administrative, quelle navait pas examiné si la décision anticipative en cause respectait le principe de pleine concurrence, tel que défini à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts ou dans la circulaire no 164/2, mais qu’elle avait cherché à déterminer si l’administration fiscale luxembourgeoise avait procuré un avantage sélectif à FFT au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (considérants 228 à 231 de la décision litigieuse).

20 Eu égard à ces considérations et pour les raisons exposées aux considérants 241 à 301 de la décision litigieuse, la Commission a estimé que certains choix méthodologiques validés par le Grand-Duché de Luxembourg et soustendant lanalyse des prix de transfert dans la décision anticipative en cause conduisaient à une réduction de limpôt sur les sociétés dont les sociétés autonomes auraient dû s’acquitter (considérants 234 à 240 de la décision litigieuse).

21 À titre subsidiaire, la Commission a considéré que, en toute hypothèse, la décision anticipative en cause octroyait un avantage sélectif y compris au regard du système de référence plus limité, invoqué par le Grand-Duché de Luxembourg et par FFT, composé de l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et de la circulaire no 164/2, qui prévoyaient le principe de pleine concurrence en droit fiscal luxembourgeois (considérants 315 à 317 de la décision litigieuse). En outre, la Commission a rejeté l’argument de FFT selon lequel, pour démontrer l’existence d’un traitement sélectif en sa faveur résultant de la décision anticipative en cause, elle aurait dû comparer cette décision anticipative avec la pratique de l’administration fiscale luxembourgeoise sur la base de la circulaire no 164/2, en particulier avec les décisions anticipatives accordées à d’autres sociétés de financement et de trésorerie que le Grand-Duché de Luxembourg avait fournies à la Commission en guise d’échantillon représentatif de sa pratique en matière de décision anticipative (considérants 318 à 336 de la décision litigieuse).

22 Dans le cadre de la troisième étape de son analyse, la Commission a retenu que ni le Grand-Duché de Luxembourg ni FFT n’avaient fourni le moindre motif pouvant justifier le traitement préférentiel de FFT résultant de la décision anticipative en cause et que, en tout état de cause, aucun motif pouvant être considéré comme découlant directement des principes fondateurs du cadre de référence, ou résultant des mécanismes inhérents au système nécessaires à son fonctionnement et à son efficacité, n’avait pu être identifié (considérants 337 et 338 de la décision litigieuse).

23 La Commission a alors conclu, au regard des considérations qui précèdent, que la décision anticipative en cause avait octroyé à FFT un avantage sélectif, dans la mesure où elle avait entraîné une réduction de l’impôt dû par FFT, à titre principal, au titre du système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg en comparaison avec les sociétés autonomes, et, à titre subsidiaire, au titre du système d’imposition des sociétés intégrées (considérants 339 et 340 de la décision litigieuse). Elle a considéré que le bénéficiaire de l’avantage en cause était le groupe Fiat/Chrysler dans son ensemble, dans la mesure où FFT formait une unité économique avec les autres entités de ce groupe, et que la réduction de l’impôt dû par FFT avait eu nécessairement pour effet d’abaisser les conditions de prix de prêts intragroupe octroyés par FFT (considérants 341 à 345 de la décision litigieuse).

24 L’article 1er de la décision litigieuse était ainsi libellé :

« [La décision anticipative en cause], qui permet à [FFT] de fixer son assiette fiscale au Luxembourg sur une base annuelle pour une période de cinq ans, constitue une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE qui est incompatible avec le marché intérieur et a été mise illégalement à exécution par le [Grand-Duché de] Luxembourg en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. »

II. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

25 Par des requêtes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, les 29 et 30 décembre 2015, FFT (affaire T759/15) et le GrandDuché de Luxembourg (affaire T755/15) ont introduit des recours tendant à lannulation de la décision litigieuse.

26 Par ordonnance du président de la septième chambre élargie du Tribunal du 18 juillet 2016, l’Irlande a été admise à intervenir au soutien des conclusions de FFT et du Grand-Duché de Luxembourg.

27 Par ordonnance du président de la septième chambre élargie du Tribunal du 27 avril 2018, les parties entendues, les affaires T755/15 et T759/15 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure.

28 À l’appui de leurs recours respectifs, le Grand-Duché de Luxembourg et FFT soulevaient cinq séries de moyens qui étaient, en substance, tirés :

– pour la première série, de la violation des articles 4 et 5 TUE ainsi que de l’article 114 TFUE, en ce que l’analyse de la Commission conduisait à une harmonisation fiscale déguisée (troisième branche du premier moyen dans l’affaire T755/15) ;

– pour la deuxième, de la violation de l’article 107 TFUE, de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, en ce que la Commission a considéré que la décision anticipative en cause octroyait un avantage, notamment au motif que ladite décision anticipative n’était pas conforme au principe de pleine concurrence (deuxième branche du premier moyen et première branche du deuxième moyen dans l’affaire T755/15 ; deuxième et troisième griefs de la première branche du premier moyen ; première branche du deuxième moyen, ainsi que troisième et quatrième moyens dans laffaire T759/15) ;

– pour la troisième, de la violation de l’article 107 TFUE, en ce que la Commission a constaté la sélectivité de cet avantage (première branche du premier moyen dans l’affaire T755/15 et premier grief de la première branche du premier moyen dans laffaire T759/15) ;

– pour la quatrième, de la violation de l’article 107 TFUE et de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE, en ce que la Commission a constaté que la mesure en cause restreignait la concurrence et faussait les échanges entre les États membres (seconde branche du deuxième moyen dans l’affaire T755/15 ; seconde branche du premier moyen et seconde branche du deuxième moyen dans laffaire T759/15), et

– pour la cinquième, de la violation du principe de sécurité juridique et des droits de la défense, en ce que la Commission a ordonné la récupération de l’aide en cause (troisième moyen dans l’affaire T759/15).

29 Après avoir joint les affaires T755/15 et T759/15 aux fins de larrêt attaqué, le Tribunal a, par celui-ci, rejeté l’ensemble de ces moyens et, partant, les recours dans ces affaires dans leur intégralité.

30 En ce qui concerne la deuxième série de moyens, en particulier ceux tirés de l’application erronée du principe de pleine concurrence au contrôle des aides d’État, le Tribunal a relevé, tout d’abord, que, dans le contexte de la détermination de la situation fiscale d’une société intégrée, les prix de transactions intragroupe ne sont pas établis dans des conditions de marché. Il a considéré que, afin de déterminer l’éventuelle existence d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lors de l’examen d’une mesure fiscale octroyée à une telle société intégrée, la Commission peut comparer la charge fiscale résultant pour celle-ci de l’application de cette mesure fiscale avec la charge fiscale résultant de l’application des règles d’imposition normales du droit national à une société exerçant ses activités dans des conditions de marché, lorsque le droit fiscal national n’opère pas de distinction entre les « entreprises » intégrées et les « entreprises » autonomes aux fins de leur assujettissement à l’impôt sur les sociétés et entend ainsi imposer les bénéfices des premières comme s’ils résultaient de transactions effectuées à des prix de marché (points 140 et 141 de l’arrêt attaqué).

31 Dans ce cadre, le Tribunal a souligné que le principe de pleine concurrence constitue un « outil » ou, ainsi que la Commission l’a retenu au considérant 225 de la décision litigieuse, un « critère de référence » permettant de vérifier si les prix des transactions intragroupe acceptés par les autorités nationales correspondent aux prix pratiqués dans des conditions de marché, afin de déterminer si une société intégrée bénéficie, en vertu d’une mesure fiscale qui définit ses prix de transfert, d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (point 143 de l’arrêt attaqué).

32 Ensuite, le Tribunal a relevé que, en l’espèce, la décision anticipative en cause portait sur la détermination des bénéfices imposables de FFT au titre du code des impôts, celui-ci visant à taxer le bénéfice résultant de l’activité économique de cette « entreprise » intégrée comme s’il résultait de transactions effectuées à des prix de marché. Sur cette base, il a considéré que la Commission pouvait comparer le bénéfice imposable de FFT, résultant de l’application de la décision anticipative en cause, avec le bénéfice imposable, résultant de l’application des règles d’imposition normales du droit luxembourgeois, d’une entreprise se trouvant dans une situation factuelle comparable et exerçant ses activités dans des conditions de libre concurrence (points 145 et 148 de l’arrêt attaqué). Dans ce contexte, il a précisé qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir utilisé une méthode de détermination des prix qu’elle considère appropriée, celle-ci étant toutefois tenue de justifier son choix méthodologique (point 146 de l’arrêt attaqué).

33 Enfin, le Tribunal a rejeté les arguments du Grand-Duché de Luxembourg et de FFT visant à remettre en question cette conclusion.

34 En premier lieu, s’agissant des arguments selon lesquels la Commission n’avait avancé aucun fondement juridique au principe de pleine concurrence appliqué dans la décision litigieuse et n’en avait pas précisé le contenu, le Tribunal a jugé que la Commission avait bien indiqué, premièrement, que le principe de pleine concurrence faisait nécessairement partie intégrante de l’examen, au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, des mesures fiscales accordées aux sociétés d’un groupe et, deuxièmement, que ce principe était un principe général d’égalité de traitement en matière de taxation relevant de l’application de cet article (points 150 et 151 de l’arrêt attaqué). Quant au contenu du principe de pleine concurrence, le Tribunal a considéré qu’il ressortait de la décision litigieuse qu’il s’agissait d’un outil permettant de vérifier que les transactions intragroupe soient rémunérées comme si elles avaient été négociées par des entreprises autonomes (point 155 de l’arrêt attaqué).

35 En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argument selon lequel le principe de pleine concurrence appliqué dans la décision litigieuse était un critère étranger au droit fiscal luxembourgeois et qu’il permettait ainsi à la Commission de réaliser, en définitive, une harmonisation déguisée en matière de fiscalité directe au mépris de l’autonomie fiscale des États membres, le Tribunal a estimé que cet argument n’était pas fondé, dès lors que l’utilisation de ce principe était autorisée par le fait que les règles fiscales luxembourgeoises prévoient que les sociétés intégrées sont imposées de la même manière que les sociétés autonomes. Il s’ensuivrait que, en appliquant ce critère en l’espèce, la Commission n’a pas outrepassé ses compétences (points 156 à 158 de l’arrêt attaqué).

36 En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission avait indûment affirmé, dans la décision litigieuse, l’existence d’un principe général d’égalité de traitement en matière de taxation, le Tribunal a considéré que cette formulation de la Commission ne devait pas être isolée de son contexte et ne pouvait ainsi être interprétée en ce sens que la Commission aurait reconnu l’existence d’un principe d’égalité de traitement devant l’impôt inhérent à l’article 107, paragraphe 1, TFUE (points 160 et 161 de l’arrêt attaqué).

III. Les conclusions des parties

A. L’affaire C885/19 P

37 Par son pourvoi, FFT demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– d’annuler la décision litigieuse ou, subsidiairement, si la Cour n’est pas en mesure de prendre une décision définitive, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

– de condamner la Commission aux dépens afférents à la procédure de pourvoi et à la procédure devant le Tribunal.

38 La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner FFT aux dépens.

39 L’Irlande demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– d’annuler la décision litigieuse, et

– de condamner la Commission aux dépens.

B. L’affaire C898/19 P

40 Par son pourvoi, l’Irlande demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– d’annuler la décision litigieuse, et

– de condamner la Commission aux dépens.

41 La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner l’Irlande aux dépens.

42 FFT demande à la Cour :

– d’accueillir le pourvoi et

– de condamner la Commission à supporter ses coûts liés au mémoire en réponse et à sa participation ultérieure dans la procédure introduite par le pourvoi.

43 Le Grand-Duché de Luxembourg demande à la Cour :

– de faire droit aux demandes de l’Irlande ;

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– d’annuler la décision litigieuse, et

– de condamner la Commission aux dépens qu’il a encourus.

IV. La procédure devant la Cour

44 Le 9 mars 2020, le président de la Cour a invité les parties à prendre position sur la jonction éventuelle des affaires C885/19 P et C898/19 P aux fins de la suite de la procédure.

45 Par lettres du 16 mars 2020, FFT, l’Irlande, la Commission et le GrandDuché de Luxembourg ont informé la Cour qu’elles n’avaient aucune objection à la jonction de ces affaires. Par lettre du 14 avril 2020, la Commission a toutefois indiqué qu’elle était d’avis, après examen du contenu des mémoires déposés par les parties requérantes, qu’il n’était pas opportun de joindre lesdites affaires aux fins de la suite de la procédure.

46 Par décision du président de la Cour du 20 avril 2020, les parties ont été informées qu’il n’y avait pas lieu de joindre les affaires à ce stade de la procédure.

V. Sur les pourvois

47 Compte tenu de leur connexité, il y a lieu de joindre les présentes affaires aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 54, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

A. Sur le pourvoi dans l’affaire C898/19 P

48 À l’appui de son pourvoi dans l’affaire C898/19 P, quil convient dexaminer en premier lieu, lIrlande, à laquelle se rallient le GrandDuché de Luxembourg et FFT, soulève cinq moyens.

49 Par le premier moyen du pourvoi, qui se subdivise en huit branches, l’Irlande soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit et une erreur d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE dans son approche concernant l’utilisation du principe de pleine concurrence par la Commission dans la décision litigieuse. Par son deuxième moyen, l’Irlande fait valoir que le Tribunal a commis une erreur dans son examen de la sélectivité de la décision anticipative en cause. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation. Le quatrième moyen est tiré de la violation du principe de sécurité juridique. Enfin, le cinquième et dernier moyen est pris de la violation des articles 4 et 5 TUE et de l’article 114 TFUE en ce que les règles en matière d’aides d’État ont, en l’occurrence, été utilisées pour harmoniser les règles des États membres en matière d’imposition directe.

50 La Commission conclut à l’irrecevabilité partielle du pourvoi et ajoute que, en tout état de cause, les moyens invoqués au soutien de celui-ci doivent être écartés comme étant non fondés.

1. Sur la recevabilité

51 La Commission fait valoir que le pourvoi est partiellement irrecevable. Elle soutient, en substance, que l’essentiel de l’argumentation avancée par l’Irlande dans le cadre des premier et troisième à cinquième moyens tend principalement à mettre en cause la décision litigieuse, la pratique générale de la Commission concernant les décisions fiscales anticipatives et certains documents de cette institution décrivant l’approche de celle-ci à l’égard de ces décisions, plutôt que des points précis de l’arrêt attaqué.

52 À cet égard, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les points critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (arrêt du 23 novembre 2021, Conseil/Hamas, C833/19 P, EU:C:2021:950, point 50 et jurisprudence citée).

53 En l’occurrence, le pourvoi identifie avec suffisamment de précision, en chacun de ses moyens, les points critiqués de l’arrêt attaqué et expose les motifs pour lesquels ces points seraient, selon l’Irlande, entachés d’un défaut de motivation et d’erreurs de droit, permettant, par conséquent, à la Cour d’effectuer son contrôle de légalité. En particulier et ainsi que le reconnaît la Commission, il ressort des écritures de l’Irlande que les moyens qu’elle avance au soutien de son pourvoi visent explicitement les considérations du Tribunal figurant notamment aux points 113, 140 à 142, 145, 147, 149, 150 à 152, 161 et 180 à 184 de l’arrêt attaqué.

54 Il en résulte que la fin de non-recevoir d’une partie du pourvoi soulevée par la Commission doit être écartée.

2. Sur le fond

55 Il convient d’examiner d’emblée les cinquième et sixième branches du premier moyen ainsi que le cinquième moyen.

a) Argumentation des parties

56 Dans le cadre de la cinquième branche du premier moyen, l’Irlande fait valoir que le cadre de référence à l’aune duquel il convient de rechercher l’existence éventuelle d’un avantage sélectif au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit reposer sur le système fiscal national en cause et non sur un système fiscal hypothétique. Elle soutient que le principe de pleine concurrence peut être appliqué pour vérifier l’existence d’un tel avantage dans une situation telle que celle de l’espèce uniquement si ce principe est incorporé dans le régime fiscal national constitutif de l’imposition « normale ». En effet, lorsque se pose la question de savoir si une mesure déroge au régime fiscal « normal », il y aurait lieu de prendre en considération les règles qui sont concrètement appliquées dans l’État membre concerné et non pas des règles externes à ce système ou hypothétiques. Or, en l’occurrence, le Tribunal n’aurait pas satisfait à cette exigence lorsqu’il a entériné, aux points 141 et 145 de l’arrêt attaqué, l’utilisation par la Commission du principe de pleine concurrence sur la base de l’objectif présumé du droit fiscal luxembourgeois. Le Tribunal aurait ainsi ignoré les règles spécifiques du droit national qui s’appliquent aux sociétés intégrées dans le cadre de l’élaboration de décisions fiscales anticipatives par lesquelles l’administration fiscale d’un État membre prend position, à la demande d’une société intégrée, sur les prix de transfert applicables à cette dernière.

57 Par la sixième branche du premier moyen, l’Irlande fait grief au Tribunal d’avoir retenu, au point 142 de l’arrêt attaqué, que c’est à bon droit que la Commission s’était référée dans la décision litigieuse à l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C182/03 et C217/03, EU:C:2006:416). Selon lIrlande, cet arrêt ne soutient pas la conclusion de la Commission selon laquelle le principe de pleine concurrence découle de larticle 107, paragraphe 1, TFUE indépendamment de la question de savoir s’il a ou non été incorporé dans le droit national. Au contraire, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, le fait de déroger au principe de pleine concurrence n’avait été jugé pertinent par la Cour que parce que celui-ci avait été incorporé dans le droit national en cause, à savoir le droit belge.

58 Par son cinquième moyen, dirigé contre les points 100 à 117 de l’arrêt attaqué, l’Irlande reproche au Tribunal d’avoir rejeté son argumentation selon laquelle la décision litigieuse reviendrait à consacrer, au mépris des articles 3 à 5 TUE et de l’article 114 TFUE, une harmonisation fiscale déguisée contraire aux règles d’attribution des compétences. Selon elle, la Commission aurait invoqué dans la décision litigieuse des règles qui ne font pas partie du régime fiscal national tout en faisant abstraction des dispositions applicables de celui-ci. L’Irlande relève que, si la Commission obtenait gain de cause dans la présente affaire, le principe de pleine concurrence, tel que conçu par la Commission, s’imposerait à tous les États membres, indépendamment de ce qui est prévu dans leur propre législation fiscale.

59 La Commission est d’avis que l’argumentation développée par l’Irlande est inopérante. Cette argumentation, qui reposerait en grande partie sur une lecture erronée et biaisée de l’arrêt attaqué, serait, en tout état de cause, non fondée.

60 S’agissant, en premier lieu, de la cinquième branche du premier moyen, la Commission soutient que, dans la mesure où l’argumentation de l’Irlande vise à contester les constatations du Tribunal figurant au point 145 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles, en vertu du code des impôts, premièrement, les sociétés intégrées et les sociétés autonomes au Luxembourg sont taxées de la même manière s’agissant de l’impôt sur les sociétés et, deuxièmement, le droit luxembourgeois vise à taxer le bénéfice résultant de l’activité économique d’une telle société intégrée comme s’il résultait de transactions effectuées à des prix de marché, ladite argumentation tendrait, en définitive, à mettre en cause des constatations de fait qui ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un réexamen dans le cadre d’un pourvoi.

61 La Commission considère que, en tout état de cause, ce qui importe en l’occurrence est de savoir non pas si le droit fiscal et le droit des sociétés opèrent fréquemment une distinction entre les sociétés autonomes et les sociétés de groupe, mais si ces droits opèrent une distinction entre ces sociétés lorsqu’il s’agit de déterminer leur bénéfice imposable dans le cadre du système général de l’impôt sur les sociétés. Ainsi que le Tribunal l’aurait constaté à bon droit au point 145 de l’arrêt attaqué, le code des impôts luxembourgeois n’opérerait pas une telle distinction. Ce serait donc à juste titre que le Tribunal a constaté que la législation fiscale luxembourgeoise vise à taxer le bénéfice résultant de l’activité économique d’une telle société intégrée comme s’il résultait de transactions effectuées à des prix de marché.

62 En deuxième lieu, la Commission fait valoir, en réponse au sixième grief du premier moyen de pourvoi de l’Irlande, que le Tribunal s’est fondé à bon droit sur l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C182/03 et C217/03, EU:C:2006:416), pour conclure que, lorsque le système fiscal dun État membre traite les sociétés appartenant à un groupe et les sociétés autonomes de la même manière en matière dimpôt sur les sociétés, une mesure en matière de prix de transfert qui permet à une société de groupe de valoriser ses transactions intragroupe en dessous du niveau de pleine concurrence procure un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

63 Le critère de référence que la Cour a appliqué pour constater l’existence d’un avantage aux points 95 et 96 de cet arrêt serait précisément le même que celui que la Commission a exposé à la section 7.2.2.1 de la décision litigieuse et que le Tribunal a avalisé aux points 141 et 145 de l’arrêt attaqué, à savoir le traitement des sociétés autonomes dans le cadre des règles fiscales de droit commun. Il ne fait aucun doute, selon la Commission, que la Cour a ainsi appliqué, dans l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C182/03 et C217/03, EU:C:2006:416), le principe de pleine concurrence. Même si ce principe nest pas expressément mentionné dans cet arrêt, la Commission estime que lemploi des termes « exerçant ses activités dans des conditions de libre concurrence », au point 95 dudit arrêt, et « prix de transfert », au point 96 du même arrêt, ne laisse place à aucune interprétation différente.

64 En troisième lieu, la Commission indique, en réponse au cinquième moyen, qu’elle a apprécié la décision anticipative en cause au regard du régime général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg et que, si l’arrêt attaqué était confirmé en ce qui concerne le constat relatif à l’existence d’un avantage sélectif, cela signifierait simplement que les États membres qui imposent les succursales ou les filiales des sociétés multinationales en vertu de leurs règles ordinaires comme s’il s’agissait d’entités distinctes ne sauraient échapper au contrôle de leurs décisions fiscales anticipatives sous l’angle de la réglementation des aides d’État, au seul motif que leur législation fiscale ne codifie pas explicitement les critères objectifs d’attribution des bénéfices à ces succursales ou filiales.

b) Appréciation de la Cour

1) Rappels liminaires

65 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les interventions des États membres dans les domaines qui n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation en droit de l’Union ne sont pas exclues du champ d’application des dispositions du traité FUE relatives au contrôle des aides d’État. Les États membres doivent ainsi s’abstenir d’adopter toute mesure fiscale susceptible de constituer une aide d’État incompatible avec le marché intérieur (arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C562/19 P, EU:C:2021:201, point 26 et jurisprudence citée).

66 À cet égard, il résulte d’une jurisprudence bien établie de la Cour que la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission, C51/19 P et C64/19 P, EU:C:2021:793, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

67 En ce qui concerne la condition relative à l’avantage sélectif, celle-ci impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, la mesure nationale en cause est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de discriminatoire (arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C562/19 P, EU:C:2021:201, point 28 et jurisprudence citée).

68 Afin de qualifier une mesure fiscale nationale de « sélective », la Commission doit identifier, dans un premier temps, le système de référence, à savoir le régime fiscal « normal » applicable dans l’État membre concerné, et démontrer, dans un deuxième temps, que la mesure fiscale en cause déroge à ce système de référence, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce dernier, dans une situation factuelle et juridique comparable. La notion d’« aide d’État » ne vise toutefois pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime juridique en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque l’État membre concerné parvient à démontrer, dans un troisième temps, que cette différenciation est justifiée, en ce sens qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel ces mesures s’inscrivent (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission, C51/19 P et C64/19 P, EU:C:2021:793, points 35 et 36 ainsi que jurisprudence citée).

69 À cet égard, il importe de rappeler que la détermination du cadre de référence revêt une importance accrue dans le cas de mesures fiscales, puisque l’existence d’un avantage économique, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ne peut être établie que par rapport à une imposition dite « normale ». Ainsi, la détermination de l’ensemble des entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable dépend de la définition préalable du régime juridique au regard de l’objectif duquel doit, le cas échéant, être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des entreprises favorisées par la mesure en cause et de celles qui ne le sont pas (arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission, C51/19 P et C64/19 P, EU:C:2021:793, point 60 ainsi que jurisprudence citée).

70 Il y a néanmoins lieu de préciser que la technique réglementaire ne saurait être décisive aux fins d’établir la sélectivité d’une mesure fiscale, de telle sorte qu’il n’est pas toujours nécessaire que celle-ci ait un caractère dérogatoire par rapport à un régime fiscal commun ou normal. En effet, ainsi qu’il ressort notamment du point 101 de l’arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C106/09 P et C107/09 P, EU:C:2011:732), même une mesure non formellement dérogatoire et reposant sur des critères, en eux-mêmes, de nature générale peut être sélective, si elle opère, en fait, une discrimination entre des sociétés se trouvant dans des situations comparables au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal concerné (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, ABrauerei, C374/17, EU:C:2018:1024, points 32 et 33 ainsi que jurisprudence citée).

71 Aux fins de l’appréciation du caractère sélectif d’une mesure fiscale, il importe donc que le régime fiscal commun ou système de référence applicable dans l’État membre concerné soit correctement identifié dans la décision de la Commission et examiné par le juge saisi d’une contestation portant sur cette identification. La détermination du système de référence constituant le point de départ de l’examen comparatif devant être mené dans le contexte de l’appréciation de la sélectivité, une erreur commise dans cette détermination vicie nécessairement l’ensemble de l’analyse de la condition relative à la sélectivité (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission, C51/19 P et C64/19 P, EU:C:2021:793, point 61 ainsi que jurisprudence citée).

72 Dans ce contexte, il convient, en premier lieu, de préciser que la détermination du cadre de référence, qui doit être effectuée à l’issue d’un débat contradictoire avec l’État membre concerné, doit découler d’un examen objectif du contenu, de l’articulation et des effets concrets des normes applicables en vertu du droit national de cet État (arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission, C51/19 P et C64/19 P, EU:C:2021:793, point 62 ainsi que jurisprudence citée).

73 En second lieu, en dehors des domaines dans lesquels le droit fiscal de l’Union fait l’objet d’une harmonisation, c’est l’État membre concerné qui détermine, par l’exercice de ses compétences propres en matière de fiscalité directe et dans le respect de son autonomie fiscale, les caractéristiques constitutives de l’impôt, lesquelles définissent, en principe, le système de référence ou le régime fiscal « normal », à partir duquel il convient d’analyser la condition relative à la sélectivité. Il en va notamment ainsi de la détermination de l’assiette de l’impôt et de son fait générateur (voir, en ce sens, arrêts du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C562/19 P, EU:C:2021:201, points 38 et 39, ainsi que du 16 mars 2021, Commission/Hongrie, C596/19 P, EU:C:2021:202, points 44 et 45).

74 Il s’ensuit que seul le droit national applicable dans l’État membre concerné doit être pris en compte en vue d’identifier le système de référence en matière de fiscalité directe, cette identification étant ellemême un préalable indispensable, en vue d’apprécier, non seulement l’existence d’un avantage, mais aussi le point de savoir si celui-ci revêt un caractère sélectif.

75 En l’occurrence, l’argumentation de l’Irlande synthétisée aux points 56 à 58 du présent arrêt soulève la question de savoir si le Tribunal a commis une erreur de droit en confirmant, pour les motifs rappelés aux points 30 à 36 dudit arrêt, le système de référence retenu par la Commission dans la décision litigieuse.

76 À cet égard, il importe de relever que, aux termes du considérant 228 de la décision litigieuse, la Commission a estimé que le principe de pleine concurrence faisait nécessairement partie intégrante de son appréciation, au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, des mesures fiscales accordées aux sociétés d’un groupe, indépendamment de la question de savoir si un État membre a incorporé ce principe dans son système juridique national.

77 La Commission a précisé, dans le même considérant 228, que ce principe de pleine concurrence est appliqué pour déterminer si les bénéfices imposables d’une société appartenant à un groupe aux fins du calcul de l’impôt sur les sociétés ont été déterminés au moyen d’une méthode qui se rapproche des conditions du marché, de telle sorte que cette société ne bénéficie pas d’un traitement plus favorable, en application du système général de l’impôt sur les sociétés, que celui réservé à des sociétés non intégrées dont les bénéfices imposables sont déterminés par le marché.

78 Il ressort, en outre, de l’économie de la décision litigieuse, en particulier de l’analyse du système de référence opérée aux considérants 193 à 209 de celle-ci, que la Commission a tenu compte de la circonstance que le système général d’imposition des sociétés au Luxembourg n’opère pas de distinction entre les sociétés intégrées et les sociétés non intégrées, dans la mesure où l’objectif de ce système est d’imposer toutes les sociétés résidentes.

79 C’est eu égard à ces considérations que le Tribunal a, pour sa part, précisé, au point 161 de l’arrêt attaqué, que l’affirmation figurant au considérant 228 de la décision litigieuse, selon laquelle le principe de pleine concurrence est un principe général d’égalité de traitement en matière de taxation qui relève du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ne devait pas être isolée de son contexte et ne pouvait être interprétée en ce sens que la Commission aurait affirmé l’existence d’un principe général d’égalité de traitement devant l’impôt inhérent à l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

80 Ainsi qu’il ressort du point 141 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a retenu que le principe de pleine concurrence trouve à s’appliquer lorsque le droit fiscal national pertinent n’opère pas de distinction entre les « entreprises » intégrées et les « entreprises » autonomes aux fins de leur assujettissement à l’impôt sur les sociétés, puisque, dans une telle hypothèse, ce droit entendrait imposer le bénéfice résultant de l’activité économique d’une telle « entreprise » intégrée comme s’il résultait de transactions effectuées à des prix de marché. Ce fondement juridique ayant été dégagé, le Tribunal a, en substance, considéré, au point 145 de l’arrêt attaqué, que ce principe était applicable en l’espèce dans la mesure où le code des impôts visait à taxer les sociétés intégrées et les sociétés autonomes de la même manière au titre de l’impôt sur les sociétés.

2) Sur l’existence d’une erreur de droit dans la détermination du régime fiscal « normal » applicable dans l’État membre concerné

81 D’emblée, il convient d’écarter l’argumentation de la Commission selon laquelle la partie requérante, par les griefs qu’elle avance, conteste en réalité les constatations du Tribunal relatives au droit national applicable, figurant notamment au point 145 de l’arrêt attaqué, constatations de fait qui ne seraient pas susceptibles de faire l’objet d’un réexamen dans le cadre d’un pourvoi en vertu de la jurisprudence de la Cour.

82 Certes, pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des appréciations du Tribunal à l’égard du droit national, qui, dans le domaine des aides d’État, constituent des appréciations de faits, la Cour n’est compétente que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit [arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C203/16 P, EU:C:2018:505, point 78 et jurisprudence citée].

83 Toutefois, en l’espèce, par l’argumentation qu’elle développe, l’Irlande ne vise pas à mettre en cause l’interprétation faite par le Tribunal du droit national, mais invite la Cour à déterminer si c’est sans commettre d’erreur de droit que celui-ci a fait sienne la délimitation du cadre de référence pertinent en tant que paramètre décisif aux fins de l’examen de l’existence d’un avantage sélectif, sans tenir compte des règles spécifiques prévues par le droit luxembourgeois en matière de prix de transfert applicables aux sociétés intégrées.

84 En effet, l’Irlande se limite à contester l’application par le Tribunal du critère juridique visant à déterminer si une décision fiscale anticipative telle que celle en cause confère un avantage sélectif.

85 Or, la question de savoir si le Tribunal a délimité de manière appropriée le système de référence pertinent et, par extension, a appliqué de manière correcte un critère juridique, tel que le principe de pleine concurrence, est une question de droit susceptible de faire l’objet du contrôle de la Cour au stade du pourvoi. En effet, les arguments tendant à remettre en cause le choix du système de référence dans le cadre de la première étape de l’analyse de l’existence d’un avantage sélectif sont recevables, puisque cette analyse procède d’une qualification juridique du droit national sur la base d’une disposition du droit de l’Union [voir, par analogie, arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C203/16 P, EU:C:2018:505, points 80 et 81].

86 Concernant le bien-fondé de l’argumentation de l’Irlande, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort, en substance, du considérant 210 de la décision litigieuse, FFT et le GrandDuché de Luxembourg ont soutenu devant la Commission que le système de référence ne devait comprendre que les sociétés de groupe, voire les sociétés de groupe exerçant des activités de financement, relevant de l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts, de telle sorte que la décision anticipative en cause devait être comparée avec les décisions anticipatives concernant la période 2010-2013 et visant 21 autres contribuables, qui lui avaient été communiquées le 15 janvier 2014. Selon le Grand-Duché de Luxembourg et FFT, étant donné que le traitement accordé à FFT était conforme à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts, à la circulaire no 164/2 et à la pratique administrative en la matière, aucun avantage sélectif n’avait été accordé au moyen de cette décision anticipative.

87 La Commission a toutefois estimé, aux considérants 211 à 215 de la décision litigieuse, qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte de ces dispositions particulières aux fins de la détermination du système de référence pertinent, indiquant, à cet effet, qu’une telle prise en considération serait contraire à l’objectif du système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg, que cette institution avait déjà identifié, aux considérants 193 à 209 de la décision litigieuse, comme système de référence. En l’occurrence, elle a retenu que ce système avait pour objectif d’imposer les bénéfices de toutes les sociétés qui relèvent de sa compétence fiscale, qu’il s’agisse de sociétés intégrées ou de sociétés non intégrées (considérants 198 et 212 de la décision litigieuse).

88 La Commission a indiqué qu’elle n’allait pas examiner si la décision anticipative en cause respectait le principe de pleine concurrence tel qu’il est défini à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts ou dans la circulaire no 164/2 (considérant 229 de la décision litigieuse). En effet, s’il pouvait être démontré que la méthode avalisée par l’administration fiscale luxembourgeoise au moyen de cette décision anticipative aux fins de la détermination des bénéfices imposables de FFT au Luxembourg s’écartait d’une méthode qui conduit à une approximation fiable d’un résultat basé sur le marché et, partant, du principe de pleine concurrence, ladite décision serait considérée comme procurant un avantage sélectif à FFT au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (considérant 231 de la décision litigieuse).

89 Il ressort des points 149 à 151 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a entériné la méthodologie de la Commission ayant consisté, en substance, à considérer que, en présence d’un système fiscal poursuivant l’objectif d’imposer les bénéfices de toutes les sociétés résidentes, qu’elles soient intégrées ou non, l’application du principe de pleine concurrence aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE se justifie indépendamment de l’incorporation de ce principe dans le droit national.

90 Il convient donc de déterminer si le Tribunal a commis une erreur de droit en validant l’approche de la Commission ayant consisté, en substance, à ne pas tenir compte de ce principe, tel que prévu à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et précisé dans la circulaire no 164/2 y afférente, dans le cadre de l’examen mené au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en particulier lors de la définition du système de référence afin de déterminer si la décision anticipative en cause confère un avantage sélectif à son bénéficiaire.

91 À cet égard, en écartant la pertinence de l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et de la circulaire no 164/2, la Commission a fait application d’un principe de pleine concurrence distinct de celui défini par le droit luxembourgeois. Elle s’est ainsi limitée à identifier, dans l’objectif poursuivi par le système général de l’impôt sur les sociétés au Luxembourg, l’expression abstraite de ce principe et à examiner la décision anticipative en cause sans prendre en compte la façon dont ledit principe est concrètement incorporé dans ce droit s’agissant en particulier des sociétés intégrées.

92 En entérinant une telle approche, le Tribunal a omis de tenir compte de l’exigence découlant de la jurisprudence citée aux points 68 à 74 du présent arrêt, selon laquelle, afin de déterminer si une mesure fiscale a fait bénéficier une entreprise d’un avantage sélectif, il incombe à la Commission de procéder à une comparaison avec le système d’imposition normalement applicable dans l’État membre concerné, au terme d’un examen objectif du contenu, de l’articulation et des effets concrets des normes applicables en vertu du droit national de cet État. Il a, ce faisant, commis une erreur de droit dans l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

93 Certes, et ainsi que l’ensemble des parties s’accordent à le reconnaître, le droit national applicable aux sociétés au Luxembourg vise, en matière d’imposition des sociétés intégrées, à aboutir à une approximation fiable du prix du marché. Si cet objectif correspond, de manière générale, à celui du principe de pleine concurrence, il n’en demeure pas moins que, en l’absence d’harmonisation en droit de l’Union, les modalités concrètes de l’application de ce principe sont définies par le droit national et doivent être prises en compte en vue d’identifier le cadre de référence aux fins de la détermination de l’existence d’un avantage sélectif.

94 De plus, en acceptant, au point 113 de l’arrêt attaqué, que la Commission puisse invoquer des règles qui ne faisaient pas partie du droit luxembourgeois, alors même qu’il a rappelé, au point 112 de cet arrêt, que cette institution ne disposait pas, à ce stade du développement du droit de l’Union, de la compétence lui permettant de définir de façon autonome l’imposition dite « normale » d’une société intégrée en faisant abstraction des règles fiscales nationales, le Tribunal a méconnu les dispositions du traité FUE relatives à l’adoption par l’Union européenne de mesures de rapprochement des législations des États membres en matière de fiscalité directe, en particulier l’article 114, paragraphe 2, TFUE et l’article 115 TFUE. En effet, l’autonomie d’un État membre en matière de fiscalité directe, telle que reconnue par la jurisprudence constante rappelée au point 73 du présent arrêt, ne peut être pleinement assurée si, en dehors de toute mesure de rapprochement de ce type, l’examen effectué au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE n’est pas exclusivement fondé sur les règles d’imposition normales édictées par le législateur de l’État membre concerné.

95 À cet égard, il y a lieu de souligner, en premier lieu, que, en l’absence d’harmonisation à ce sujet, la fixation éventuelle des méthodes et des critères qui permettent de déterminer un résultat de « pleine concurrence » relève du pouvoir d’appréciation des États membres. Bien que les États membres de l’OCDE reconnaissent le mérite du recours au principe de pleine concurrence pour établir l’attribution correcte des bénéfices des sociétés entre différents pays, il existe des différences significatives entre ces États dans l’application détaillée des méthodes de détermination des prix de transfert. Ainsi que la Commission l’a elle-même mentionné au considérant 88 de la décision litigieuse, les lignes directrices de l’OCDE énumèrent plusieurs méthodes pour établir une approximation des prix de pleine concurrence pour les transactions et de la répartition des bénéfices entre les sociétés d’un même groupe.

96 En outre, même à supposer qu’il existe, dans le domaine de la fiscalité internationale, un certain consensus selon lequel les transactions entre des sociétés économiquement liées, en particulier les transactions intragroupe, doivent être appréciées à des fins fiscales comme si elles avaient été conclues entre des sociétés économiquement indépendantes, et que, partant, de nombreuses autorités nationales compétentes en matière fiscale s’inspirent des lignes directrices de l’OCDE dans l’élaboration et le contrôle des prix de transfert, seules sont pertinentes, sans préjudice des développements contenus aux points 120 à 122 du présent arrêt, les dispositions nationales aux fins de l’analyse du point de savoir si des transactions données doivent être examinées à l’aune du principe de pleine concurrence et, le cas échéant, si des prix de transfert, qui fondent l’assiette des revenus imposables par un assujetti et sa répartition parmi les États concernés, s’écartent ou non d’un résultat de pleine concurrence. Ne sauraient donc être pris en compte, dans l’examen de l’existence d’un avantage fiscal sélectif au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et aux fins d’établir la charge fiscale devant normalement peser sur une entreprise, des paramètres et des règles externes au système fiscal national en cause, à moins que ce dernier ne s’y réfère explicitement.

97 Ce constat constitue une expression du principe de légalité de l’impôt, qui fait partie de l’ordre juridique de l’Union en tant que principe général du droit, qui exige que toute obligation de paiement d’un impôt ainsi que tous les éléments essentiels qui définissent les caractéristiques fondamentales de celui-ci soient prévus par la loi, l’assujetti devant être en mesure de prévoir et de calculer le montant de l’impôt dû et de déterminer à quel moment il lui sera exigible (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Związek Gmin Zagłębia Miedziowego, C566/17, EU:C:2019:390, point 39).

98 En deuxième lieu, le Grand-Duché de Luxembourg a indiqué à l’audience que, outre la circonstance que les lignes directrices de l’OCDE ne sont pas contraignantes pour les États membres de cette organisation, la circulaire no 164/2 interprétant l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts prévoit des règles spécifiques concernant le calcul des prix de transfert s’agissant des sociétés de financement de groupe, telles que FFT, impliquant que ne soient pas prises en compte pour le calcul de ces prix les activités en rapport avec la détention de participations. Le considérant 79 de la décision litigieuse, figurant dans la section 2.3.2 de cette dernière et qui comporte une description du contenu de ladite circulaire, confirme que cet État membre a prévu des règles spécifiques pour déterminer une rémunération de pleine concurrence s’agissant de telles sociétés et que ces règles avaient été portées à la connaissance de la Commission dans le cadre de la procédure administrative.

99 Pourtant, l’analyse par la Commission du système de référence et, par extension, de l’existence d’un avantage sélectif accordé à FFT, telle que validée par le Tribunal, ne tient pas compte de ces choix normatifs, visant à préciser la portée du principe de pleine concurrence et sa mise en œuvre en droit luxembourgeois.

100 À cet égard, il y a lieu de relever que, en réponse à une question posée à l’audience, la Commission a indiqué que, dans la décision anticipative en cause, l’administration fiscale luxembourgeoise avait « mal appliqué les règles qu’elle applique normalement » s’agissant du principe de pleine concurrence et du calcul des prix de transfert. Force est toutefois de constater que, dans la décision litigieuse, la Commission, dont l’approche a été confirmée par le Tribunal, s’est affranchie de tout examen de la manière dont le principe de pleine concurrence, tel que consacré en substance à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts, avait été interprété et appliqué.

101 Le Tribunal a expressément validé cette analyse au point 146 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a indiqué qu’il ne pouvait être reproché à la Commission d’avoir utilisé une méthode de détermination des prix de transfert qu’elle considérait appropriée dans le cas d’espèce afin d’examiner le niveau des prix de transfert pour une transaction, ou pour plusieurs transactions étroitement liées, faisant partie de la mesure contestée, ainsi qu’au point 147 du même arrêt, où il a souligné que les lignes directrices de l’OCDE dont s’est inspirée la Commission « se fond[aient] sur des travaux importants réalisés par des groupes d’experts renommés », qu’elles « refl[étaient] le consensus atteint à l’échelle internationale en ce qui concerne les prix de transfert » et qu’« elles revêt[aient] de ce fait une importance pratique certaine dans l’interprétation des questions relatives aux prix de transfert ».

102 En troisième lieu, contrairement à ce que le Tribunal a considéré au point 142 de l’arrêt attaqué, l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C182/03 et C217/03, EU:C:2006:416), ne corrobore pas la position selon laquelle le principe de pleine concurrence est applicable lorsque le droit fiscal national tend à imposer les sociétés intégrées et les sociétés autonomes de la même façon, indépendamment de la question de savoir si, et de quelle manière, ce principe est incorporé dans ce droit.

103 En effet, dans cet arrêt, la Cour a retenu que, dès lors qu’un État membre a choisi d’incorporer dans son droit national une méthode de détermination du bénéfice imposable des sociétés intégrées analogue à la méthode « cost plus » de l’OCDE et ayant ainsi pour objet d’imposer ces sociétés sur une base comparable à celle qui résulterait de l’application du régime de droit commun, cet État confère un avantage économique auxdites sociétés s’il inclut dans cette méthode des dispositions ayant l’effet d’alléger la charge fiscale que ces mêmes sociétés devraient normalement supporter en application dudit régime.

104 Ainsi, dans ledit arrêt, c’est au regard des règles de taxation énoncées dans le droit national pertinent, à savoir le droit belge, qui prévoyaient un mécanisme de taxation des bénéfices selon une méthode « cost plus » de l’OCDE, que la Cour a conclu qu’il convenait de recourir au principe de pleine concurrence. Dès lors, il ne saurait être déduit du même arrêt que la Cour a entendu dégager un principe autonome de pleine concurrence s’appliquant indépendamment de l’incorporation de ce dernier dans le droit national aux fins de l’examen des mesures de nature fiscale dans le cadre de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

105 Il découle de l’ensemble de ces considérations que les motifs de l’arrêt attaqué ayant trait à l’examen du raisonnement retenu à titre principal par la Commission, selon lequel la décision anticipative en cause dérogeait au système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg, rappelés aux points 17 à 20 du présent arrêt, sont entachés d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a validé l’approche de la Commission ayant consisté, en substance, à ne pas tenir compte du principe de pleine concurrence tel que prévu à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et précisé dans la circulaire no 164/2 y afférente, lors de la définition du système de référence dans le cadre de l’examen mené au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, aux fins de déterminer si la décision anticipative en cause confère un avantage sélectif à son bénéficiaire.

106 Il convient toutefois d’examiner si l’erreur de droit commise par le Tribunal est de nature à entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué.

107 En effet, la Commission a avancé que les éventuelles erreurs de droit entachant les points 125 à 286 de l’arrêt attaqué seraient insusceptibles d’emporter l’annulation de l’arrêt attaqué si l’analyse du Tribunal figurant aux points 290 à 299 de cet arrêt devait être confirmée.

108 La Commission considère, dès lors, que le pourvoi est inopérant dans la mesure où, même à supposer que l’un des moyens invoqués soit déclaré fondé, une telle circonstance ne saurait conduire à annuler l’arrêt attaqué. En effet, la décision litigieuse contiendrait un raisonnement subsidiaire fondé sur l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et sur la circulaire no 164/2, dont l’entérinement par le Tribunal ne serait nullement contesté par l’Irlande.

109 À cet égard, il convient de relever que, par les motifs repris aux points 290 à 299 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, validé le raisonnement formulé « à titre subsidiaire » par la Commission aux considérants 315 à 317 de la décision litigieuse, selon lequel la décision anticipative en cause dérogeait au système de référence constitué par l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et la circulaire no 164/2.

110 Si l’Irlande n’a pas directement mis en cause les motifs repris dans ce passage de l’arrêt attaqué, il ne saurait pour autant être soutenu, ainsi que le fait valoir la Commission, que le pourvoi doit être déclaré inopérant en ce que l’argumentation développée par l’Irlande serait insusceptible d’avoir une influence sur le dispositif de l’arrêt attaqué.

111 En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 42 de ses conclusions, le raisonnement figurant aux points 290 à 299 de l’arrêt attaqué ne contient pas d’analyse détachable et autonome par rapport à celle découlant du système de référence retenu par la Commission à titre principal et ne permet ainsi pas de remédier à l’erreur dont ce dernier est entaché. Certes, la Commission a constaté, au considérant 317 de la décision litigieuse, que la décision anticipative avait entraîné une diminution de l’impôt exigible de FFT « par rapport à la situation dans laquelle le principe de pleine concurrence énoncé [à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts] aurait été correctement appliqué ». Toutefois, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 294 de l’arrêt attaqué, elle a intégralement renvoyé, pour ce qui est de cette application correcte, à son analyse principale du système de référence fondée sur le système général d’imposition des sociétés au Luxembourg.

112 Il s’ensuit que le raisonnement sur lequel la Commission s’est fondée à titre subsidiaire ne rectifie que de manière apparente l’erreur qu’elle a commise dans l’identification du système de référence qui aurait dû constituer la base de son analyse tenant à l’existence d’un avantage sélectif. Dans ces circonstances, l’erreur de droit commise par le Tribunal dans son analyse du raisonnement suivi à titre principal par la Commission concernant le système de référence vicie également son analyse du raisonnement subsidiaire que contient la décision litigieuse sur cet aspect.

113 Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir les cinquième et sixième branches du premier moyen ainsi que le cinquième moyen et, partant, d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres branches du premier moyen et sur les autres moyens du pourvoi.

B. Sur le pourvoi dans l’affaire C885/19 P

114 Eu égard à l’annulation de l’arrêt attaqué, il n’est plus nécessaire de statuer sur le pourvoi de FFT.

VI. Sur les recours devant le Tribunal

115 Conformément à l’article 61, premier alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

116 Tel est le cas en l’espèce, les moyens des recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse ayant fait l’objet d’un débat contradictoire devant le Tribunal et leur examen ne nécessitant d’adopter aucune mesure supplémentaire d’organisation de la procédure ou d’instruction du dossier.

117 À cet égard, il suffit de relever que, pour les motifs énoncés aux points 81 à 112 du présent arrêt, la décision litigieuse doit être annulée en ce que la Commission a commis une erreur de droit en constatant l’existence d’un avantage sélectif à l’aune d’un cadre de référence comprenant un principe de pleine concurrence qui ne procède pas d’un examen complet du droit fiscal national pertinent, à l’issue d’un débat contradictoire à ce sujet avec l’État membre concerné, et qu’elle a ainsi également violé les dispositions du traité FUE relatives à l’adoption par l’Union de mesures de rapprochement des législations des États membres en matière de fiscalité directe, en particulier l’article 114, paragraphe 2, TFUE et l’article 115 TFUE.

118 Ainsi qu’il découle de la jurisprudence rappelée au point 71 du présent arrêt, une telle erreur dans la détermination des règles effectivement applicables en vertu du droit national pertinent et, partant, dans l’identification de l’imposition dite « normale » au regard de laquelle devait être appréciée la décision anticipative en cause vicie nécessairement l’ensemble du raisonnement tenant à l’existence d’un avantage sélectif.

119 Un tel constat n’exclut néanmoins pas que des mesures de fiscalité directe, telles que des décisions fiscales anticipatives accordées par les États membres, puissent être qualifiées d’aides d’État pour autant que soient réunies toutes les conditions d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE rappelées au point 66 du présent arrêt.

120 En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 65 du présent arrêt, les interventions des États membres dans les domaines qui n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation dans le droit de l’Union ne sont pas exclues du champ d’application des dispositions du traité FUE relatives au contrôle des aides d’État.

121 Ainsi, les États membres doivent exercer leur compétence en matière de fiscalité directe, telle celle qu’ils détiennent en matière d’adoption des décisions fiscales anticipatives, dans le respect du droit de l’Union et, notamment, des règles instituées par le traité FUE en matière d’aides d’État. Ils doivent, par conséquent, s’abstenir, dans l’exercice de cette compétence, d’adopter des mesures susceptibles de constituer des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur, au sens de l’article 107 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International, C337/19 P, EU:C:2021:741, points 161 et 162 ainsi que jurisprudence citée).

122 En particulier, après avoir observé qu’un État membre a fait le choix d’appliquer le principe de pleine concurrence pour établir les prix de transfert des sociétés intégrées, la Commission, conformément à la jurisprudence rappelée au point 70 du présent arrêt, doit pouvoir être en mesure d’établir que les paramètres prévus par le droit national en la matière sont manifestement incohérents avec l’objectif d’imposition non-discriminatoire de toutes les sociétés résidentes, qu’elles soient intégrées ou non, poursuivi par le système fiscal national, en aboutissant systématiquement à une sous-évaluation des prix de transfert applicables aux sociétés intégrées ou à certaines d’entre elles, telles que les sociétés de financement, par rapport à des prix de marché pour des opérations comparables effectuées par des sociétés non intégrées.

123 Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été conclu au point 105 du présent arrêt, la Commission n’a pas procédé à un tel examen dans la décision litigieuse, dès lors que sa grille d’analyse n’incluait pas l’ensemble des normes pertinentes mettant en œuvre le principe de pleine concurrence en vertu du droit luxembourgeois.

124 Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’il y a lieu d’accueillir les première et troisième branches du premier moyen avancé par le Grand-Duché de Luxembourg dans l’affaire T755/15 ainsi que le premier grief du premier moyen soulevé par FFT dans laffaire T759/15. Par voie de conséquence, la décision litigieuse doit être annulée, sans quil soit nécessaire dexaminer les autres moyens des recours en annulation.

VII. Sur les dépens

125 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

126 L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

127 En l’espèce, s’agissant du pourvoi formé dans l’affaire C898/19 P, lIrlande ayant obtenu gain de cause, il y a lieu, conformément à ses conclusions, de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Irlande.

128 Quant au pourvoi dans l’affaire C885/19 P, aux termes de larticle 149 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de larticle 190 de celui-ci, en cas de non-lieu à statuer, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 142 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184 de celui-ci, les dépens sont, dans ce cas, réglés librement par la Cour. En l’occurrence, il y a lieu de décider que chacune des parties supportera ses propres dépens afférents au pourvoi dans l’affaire C885/19 P.

129 Par ailleurs, les recours devant le Tribunal étant accueillis, la Commission est condamnée à supporter l’entièreté des dépens afférents à la procédure de première instance.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1) Les affaires C885/19 P et C898/19 P sont jointes aux fins de larrêt.

2) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 septembre 2019, Luxembourg et Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (T755/15 et T759/15, EU:T:2019:670), est annulé.

3) La décision (UE) 2016/2326 de la Commission, du 21 octobre 2015, concernant l’aide d’État SA.38375 (2014/C ex 2014/NN) mise à exécution par le Luxembourg en faveur de Fiat, est annulée.

4) Il n’y a pas lieu de statuer sur le pourvoi dans l’affaire C885/19 P.

5) Chacune des parties supporte ses propres dépens dans l’affaire C885/19 P.

6) La Commission européenne est condamnée aux dépens du pourvoi dans l’affaire C898/19 P.

7) La Commission européenne est condamnée aux dépens de la procédure en première instance.