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Décisions

Cass. com., 28 juin 1961

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lescot

Rapporteur :

M. Giacobbi

Avocat général :

M. de Bonnefoy des Aulnais

Avocats :

Me Hennuyer, Me Chareyre

Paris, du 29 janv. 1959

29 janvier 1959

SUR LES DEUX MOYENS REUNIS PRIS EN LEURS DIVERSES BRANCHES : ATTENDU QUE, SELON LES ENONCIATIONS DE L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE (PARIS, 29 JANVIER 1959), LA SOCIETE Y... A PRIS A BAIL LE 31 JANVIER 1944 DIVERS LOCAUX APPARTENANT AUX CONSORTS A... SIS A ..., POUR L'EXPLOITATION DE SON ENTREPRISE DE FABRICATION ET DE VENTE DE PRODUITS DE BEAUTE ;

ATTENDU QUE LES PROPRIETAIRES AYANT, PAR EXPLOIT DU 26 DECEMBRE 1953, DONNE CONGE A LA SOCIETE PRENEUSE EN LUI NOTIFIANT LEUR REFUS DE RENOUVELLEMENT AU MOTIF QU'ELLE AVAIT, EN VIOLATION DES CLAUSES DE SON BAIL, SOUS-LOUE LES LIEUX A UNE SOCIETE "NEIGE DES CEVENNES", IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR DECLARE FONDE LE REFUS DE RENOUVELLEMENT ET D'AVOIR REFUSE DE PRENDRE EN CONSIDERATION UN EXPLOIT D'HUISSIER ETABLI A LA REQUETE DE LA SOCIETE LOCATAIRE, AUX MOTIFS D'UNE PART, QU'UN CONTRAT DE GERANCE LIBRE PASSE PAR ELLE AVEC LA SOCIETE "NEIGE DES CEVENNES" AURAIT EN REALITE ETE UNE SOUS-LOCATION DEGUISEE, DEGUISEMENT QUI RESULTERAIT DE LA DUREE DU CONTRAT LITIGIEUX, DE L'AUTORISATION DONNEE AU GERANT D'EXPLOITER DANS LES LIEUX, CONCURREMMENT AUX PRODUITS ET MOYENS DU CEDANT LES PRODUITS DE SES MARQUES PROPRES, ET DE L'INSERTION AU CONTRAT D'UNE CLAUSE PREVOYANT L'INDEMNISATION DU GERANT EN CAS DE NON RENOUVELLEMENT DE SON CONTRAT, AU MOTIF ENCORE QUE LE GERANT AVAIT INSTALLE AUSSI DANS LES LIEUX LE SIEGE SOCIAL D'UNE ENTREPRISE TOUTE DIFFERENTE, AU MOTIF D'AUTRE PART, QU'IL AURAIT ETE CONSTATE PAR HUISSIER QUE LE GERANT NE FABRIQUAIT QUE DES PRODUITS VENDUS SOUS SA MARQUE, DE SORTE QUE LE FONDS POUR LEQUEL AVAIT ETE CONSENTIE LA LOCATION DE L'IMMEUBLE AVAIT CESSE D'ETRE EXPLOITE, ET AU MOTIF, ENFIN, QUE LE CONSTAT PRODUIT PAR LA SOCIETE Y... SE REFERERAIT A UNE SITUATION POSTERIEURE AU JUGEMENT, ALORS D'UNE PART QUE RIEN NE S'OPPOSE A CE QUE LES PARTIES AU CONTRAT DE GERANCE LIBRE DONNENT A CE CONTRAT LA DUREE QUI LEUR CONVIENT, QUE LA PERMISSION DONNEE AU GERANT D'EXPLOITER LES PRODUITS DE SES PROPRES MARQUES EN MEME TEMPS QUE CEUX PORTANT LES MARQUES DU LOCATAIRE DU FONDS NE SAURAIT SUFFIRE A IMPRIMER AU CONTRAT LE CARACTERE D'UNE SOUS-LOCATION DU LOCAL, NI CONTREVENIR AU BAIL DE L'IMMEUBLE PUISQUE LES PRODUITS DE L'EXPLOITATION RESTAIENT UNIFORMEMENT CEUX DE LA NATURE PREVU AUDIT BAIL ;

QUE LA STIPULATION, EN FAVEUR DU GERANT, D'UNE INDEMNITE EN CAS DE RENOUVELLEMENT DU CONTRAT DE GERANCE CONSTITUAIT UNE EQUITABLE REPARTITION DE LA PLUS-VALUE PROCUREE AU FONDS LOUE NE POUVANT SANS ARBITRAIRE ET AVEC EXACTITUDE ETRE ASSIMILEE A UNE INDEMNITE D'EVICTION POUR NON RENOUVELLEMENT DE LA PRETENDUE SOUS-LOCATION ET NE COINCIDANT PAS, AU SURPLUS, AVEC LES REGLES D'ORDRE PUBLIC REGISSANT LA DETERMINATION D'UNE TELLE INDEMNITE, EN SORTE QUE L'ARRET N'A NI JUSTIFIE NI MEME ALLEGUE QUE LE CONTRAT NE REMPLISSAIT PAS LES CONDITIONS LEGALES DES CONTRATS DE LOCATION-GERANCE, NI JUSTIFIE SA PRETENDUE IRREDUCTIBILITE A LA GERANCE LIBRE, IRREDUCTIBILITE QUI EUT SEULE LEGITIME LA QUALIFICATION DES LORS ARBITRAIRE DONNEE PAR L'ARRET A LA CONVENTION FORMELLE DES PARTIES, ALORS D'AUTRE PART QUE L'INSTALLATION, DANS L'IMMEUBLE, DU SIEGE SOCIAL D'UNE AUTRE ENTREPRISE DEDUITE PAR L'ARRET D'UNE INSERTION DANS UN JOURNAL D'ANNONCES LEGALES, DONT RIEN N'INDIQUE QUE LE LOCATAIRE DE L'IMMEUBLE AIT EU MEME CONNAISSANCE, N'A PAS ETE ET NE POUVAIT ETRE QUALIFIEE DE FAUTE DE CE DERNIER NI CONSTITUER UN MOTIF LEGITIME DE REFUS DE RENOUVELLEMENT, ALORS, ENCORE D'AUTRE PART, QUE, DU SEUL CONSTAT PAR LUI ANALYSE ET CONSTATANT, EN CONFORMITE AVEC LES STIPULATIONS DU BAIL, QUE LE GERANT FABRIQUAIT ET VENDAIT DANS LES LIEUX DES PRODUITS DE SES PROPRES MARQUES, L'ARRET A DEDUIT, DE FACON PUREMENT ARBITRAIRE ET SANS DONNER DE MOTIF A SON AFFIRMATION CAPITALE, QUE LE GERANT N'EXPLOITAIT PAS SES SEULS PRODUITS ET QUE, PAR SUITE, LE FONDS, POUR LEQUEL LA LOCATION DE L'IMMEUBLE AVAIT ETE CONSENTIE, AVAIT CESSE D'EXISTER, ET ALORS, ENFIN, QU'EN VERTU DE L'EFFET DEVOLUTIF DE L'APPEL, LE JUGE D'APPEL DOIT TENIR COMPTE DES FAITS POSTERIEURS A LA DECISION DE PREMIERE INSTANCE QUI SONT INVOQUES DEVANT LUI ET QUE, EN PARTICULIER, IL NE PEUT SYSTEMATIQUEMENT ET EN RAISON DE LEUR SEULE NOUVEAUTE REFUSER D'EXAMINER LES PIECES NOUVELLES PRODUITES DEVANT LUI, ET QUI, A SUPPOSER QU'IL AIT ENTENDU AFFIRMER LA NON PERTINENCE DE CES FAITS PAR LEUR POSTERIORITE A UNE INFRACTION DEJA CONSOMMEE OU PAR UNE EXTINCTION DEJA CONSOMMEE DU FONDS OBJETS DU BAIL, N'EXPRIME AUCUNEMENT L'UNE OU L'AUTRE DE CES JUSTIFICATIONS DE SA DECISION DONT LE MOTIF EST AINSI EQUIVOQUE ET NE PEUT ETRE CONTROLE, ET D'AUTRE PART CES JUSTIFICATIONS MANQUERAIENT DE TOUTE PERTINENCE QUANT A L'ARTICULATION PRINCIPALE DU CONSTAT LITIGIEUX, L'APPOSITION D'UNE PLAQUE A LA PORTE DE L'IMMEUBLE, APPOSITION DONT L'ARRET N'AFFIRME NI NE RECHERCHE LA DATE ;

MAIS ATTENDU, D'UNE PART, QUE LES JUGES DU FOND, QUI N'ETAIENT PAS LIES PAR LA QUALIFICATION DONNEE AU CONTRAT PAR LES PARTIES, ET A QUI IL APPARTENAIT D'EN DETERMINER LA NATURE VERITABLE, APRES AVOIR RAPPELE LES TERMES DU CONTRAT LITIGIEUX, ONT RELEVE "QUE CES CLAUSES SONT CONTRAIRES A L'USAGE EN MATIERE DE GERANCE LIBRE" ;

QU'EN EFFET LA "COUTUME LIMITE LA DUREE DES CONTRATS DE GERANCE A BREVE PERIODE, ANNUELLE LE PLUS SOUVENT, RENOUVELABLE PAR TACITE RECONDUCTION, CELLE-CI POUVANT ETRE ECARTEE PAR L'UNE OU L'AUTRE PARTIE ;

QUE LA CLAUSE EN L'ESPECE EST, AU CONTRAIRE, IDENTIQUE A CELLE USITEE EN MATIERE DE LOCATION DE LOCAUX ;

QUE, DE MEME, LA STIPULATION D'UNE FORTE INDEMNITE EN CAS DE NON RENOUVELLEMENT A L'ISSUE DE LA PERIODE DE NEUF ANNEES CONSTITUE EN REALITE UNE INDEMNITE D'EVICTION S'APPARENTANT DIRECTEMENT A CELLE ACCORDEE PAR LA LOI EN CAS DE DEFAUT DE RENOUVELLEMENT A L'ISSUE D'UN BAIL DE LOCAUX COMMERCIAUX" ;

ATTENDU QUE LE TRIBUNAL DONT LES MOTIFS ONT ETE EXPRESSEMENT ADOPTES ET LA COUR ELLE-MEME ONT RELEVE D'AUTRE PART "QUE LA FABRICATION DE PRODUITS SOUS LA MARQUE PROPRE DE LA SOCIETE PRETENDUEMENT GERANTE EST INCONCILIABLE AVEC LA NOTION DE LOCATION D'UN FONDS DE COMMERCE LOCATION QUI IMPLIQUE LE MAINTIEN EN ACTIVITE DU FONDS LOUE SOUS SA PROPRE RAISON DE COMMERCE, AVEC, LE CAS ECHEANT, USAGE DE SES PROPRES MARQUES ;

QU'UN CONSTAT DRESSE LE 2 DECEMBRE 1955 PAR UN HUISSIER COMMIS PAR ORDONNANCE DE REFERE DU 19 NOVEMBRE PRECEDENT RAPPORTE LA DECLARATION DU GERANT DE LA SOCIETE "NEIGE DES CEVENNES" SUIVANT LAQUELLE CELLE-CI VENDAIT DANS LES LIEUX DONT S'AGIT ET SOUS SA MARQUE DIVERS PRODUITS DE BEAUTE FABRIQUES SUR PLACE" ;

ATTENDU ENFIN QUE LA COUR D'APPEL A RELEVE "QUE D'APRES LE MEME CONSTAT LA SOCIETE "NEIGE DES CEVENNES" OCCUPAIT LES LIEUX AVEC LA SOCIETE "PETROFRANCE" EGALEMENT ADMINISTREE PAR LE MEME GERANT" ET QUE "L'HUISSIER A INDIQUE EN OUTRE QU'IL EXISTAIT DANS LES LIEUX UNE PUBLICITE CONCERNANT LES PRODUITS "NEIGE DES CEVENNES" ET LES PRODUITS DE SA MARQUE ET QU'UN EXTRAIT DU JOURNAL D'ANNONCES LEGALES DU 11 JUILLET 1956 PORTE LA MENTION SUIVANTE : "PETRO X... FRANCE, ... DE PRODUITS CHIMIQUES" ;

ATTENDU QUE, DE L'ENSEMBLE DE CES CIRCONSTANCES, LES JUGES DU FOND, QUI N'ETAIENT PAS TENUS DE S'ARRETER A L'ARGUMENT TIRE DE LA PRODUCTION D'UN CONSTAT ETABLI EN COURS D'INSTANCE, ONT PU, SANS DENATURER LA CONVENTION DES PARTIES NI LES DOCUMENTS PRODUITS, DEDUIRE QUE LE CONTRAT LITIGIEUX DISSIMULAIT UNE SOUS-LOCATION INTERDITE PAR LE BAIL ET QUE CE MANQUEMENT CONSTITUAIT POUR LE PROPRIETAIRE UN MOTIF GRAVE ET LEGITIME DE REFUS DE RENOUVELLEMENT DU BAIL ;

D'OU IL SUIT QUE LES MOYENS PROPOSES NE SONT PAS FONDES ET QUE L'ARRET ATTAQUE, QUI EST MOTIVE ET N'A VIOLE AUCUN DES TEXTES VISES, A LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 29 JANVIER 1959 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.