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Décisions

Cass. crim., 9 février 2022, n° 21-81.200

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

M. de Lamy

Avocat général :

Mme Mathieu

Avocats :

SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Buk Lament-Robillot

Bourges, du 11 févr. 2021

11 février 2021


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Courant 2015, des membres de la ligue de football ont constaté qu'un des joueurs d'un club a joué sous un faux nom et, à la suite de contrôles, il a été découvert que six autres joueurs de ce club ont frauduleusement obtenu leur licence.

3. Une enquête préliminaire a mis à jour plusieurs irrégularités relatives à des licences dont la demande a été faite pour des joueurs déjà licenciés ou s'est appuyée sur des pièces d'identité falsifiées ou encore dont l'étude a permis de découvrir une utilisation frauduleuse des tampons médicaux apposés sur les documents.

4. La ligue de football [Localité 1] a transmis, sur réquisitions, un document rédigé par M. [L], entraineur de l'équipe incriminée, mentionnant que le club aidait des joueurs d'origine étrangère ayant des difficultés à obtenir des papiers.

5. Le président du club a spontanément signalé que des demandes de licence ont été faites avec des formulaires portant le cachet d'un médecin, depuis décédé, apposé par anticipation sur des documents vierges. Il a ainsi rempli quatorze demandes de licence en inventant les signatures afin de qualifier les joueurs pour le week-end suivant. Il a ajouté ne pas être à l'origine d'autres falsifications et a mis en cause M. [L].

6. Par jugement du 24 avril 2019, le tribunal correctionnel a reconnu M. [L] coupable de faux et usage, l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils.

7. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

8. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] coupable des faits de faux et usages commis du 1er janvier 2015 au 15 janvier 2016 à Saint-Août, l'a condamné à une peine de dix mois d'emprisonnement et l'a condamné à payer les sommes de 4 000 euros à M. [J] et de 1 euro à la fédération française de football, alors :

« 1°/ que le juge doit caractériser en tous ses éléments constitutifs, tant matériel qu'intentionnel, l'infraction dont le prévenu est déclaré coupable ; qu'en déclarant le prévenu coupable des délits de faux et usage de faux sans avoir relevé quels faux il aurait réalisés et dans quelles circonstances il les aurait utilisés, la cour d'appel a violé les articles 441-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que le faux et l'usage de faux ne constituent des délits que si l'écrit est de nature à causer un préjudice et a pour objet ou pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques et que le juge doit caractériser en tous ses éléments constitutifs, tant matériel qu'intentionnel, l'infraction dont le prévenu est déclaré coupable ; qu'en déclarant le prévenu coupable de ces délits sans avoir constaté que les documents en cause étaient de nature à causer un préjudice et avaient pour objet ou pouvaient avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques et bien que les documents en cause soient par nature soumis à discussion et vérification, la cour d'appel a violé les articles 441-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 441-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
10. Il résulte du premier de ces textes que constitue un faux l'altération frauduleuse de la vérité, de nature à porter préjudice à autrui, accomplie dans un document faisant titre.

11. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

12. Pour déclarer le prévenu coupable de faux et d'usage de faux, l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort des éléments de l'enquête que si M. [L] s'est présenté comme simple entraîneur de l'équipe percevant une modique rétribution, il a été, en réalité, une personne essentielle dans le fonctionnement du club de football.

13. Les juges relèvent que ce club n'a connu de dysfonctionnement ni avant l'arrivée du prévenu ni après son départ. En revanche, durant sa présence il a sollicité les papiers d'identité et les autres documents nécessaires à la constitution des dossiers de licences et a effectué toutes les démarches au nom et pour le compte des joueurs se trouvant en difficulté.

14. Les juges ajoutent que M. [L] n'a pas contesté avoir accompagné des joueurs dans leurs démarches administratives ou médicales, ni s'être renseigné auprès de leur club d'origine pour savoir s'ils étaient déjà licenciés. Enfin, il n'a pu s'expliquer sur l'indication de sa propre adresse sur certaines des demandes de licence.

15. Ils en déduisent, qu'en tout état de cause, la preuve est entièrement rapportée de ce que M. [L] s'est rendu coupable des délits de faux et d'usage de faux.

16. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.

17. En premier lieu, les juges n'ont pas précisé quels étaient les documents falsifiés par le prévenu qui seraient de nature à causer un préjudice et qui auraient pour objet ou pourraient avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques.

18. En second lieu, ils n'ont pas recherché les circonstances dans lesquelles ces documents auraient été utilisés par le prévenu.

19. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bourges, en date du 11 février 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.