CA Paris, 4e ch. B, 17 septembre 2004, n° M20040462
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Beauté Prestige International (SA)
Défendeur :
Euro Média Diffusion (SARL), Pier I Europe (SA), Bellure Nv (Belgique) (és qual.)
La cour est saisie d’un appel formé par la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL à l’encontre d’un jugement contradictoire rendu le 28 mai 2002 du tribunal de grande instance de Paris qui a :
- prononcé la nullité de la marque n°98 746 131 de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL pour l’ensemble des produits visés à son enregistrement en raison de son absence de distinctivité ;
- débouté la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL de ses demandes au titre de la contrefaçon de marques ;
- dit que la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL justifie de ses droits d’auteur sur le jus du parfum dénommé « Eau d’Issey » et sur le flacon de celui-ci caractérisé par « une forme conique en verre dépoli ou lisse dont la partie haute formant le bouchon est en métal brossé » ;
- dit que la société BELLURE en fabriquant et important, la société EURO MEDIA DIFFUSION et la société PIER IMPORT en commercialisant un parfum dénommé « La Chutte » dont le flacon et le jus sont l’imitation du jus et du flacon du parfum « Eau d’Issey » ont porté atteinte aux droits d’auteur de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL et commis des actes de contrefaçon ;
- dit que la société BELLURE en fabriquant et important, la société EURO MEDIA DIFFUSION et la société PIER IMPORT en commercialisant un parfum dénommé « La Chutte » dans un conditionnement reprenant les caractéristiques du conditionnement du parfum « Eau d’Issey » et avec une couleur de jus identique ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL ;
- interdit la poursuite de ces actes illicites sous astreinte de 150 euros par infraction constatée passé le délai d’un mois après la signification de la présente décision ;
- ordonné la confiscation et la destruction sous contrôle d’huissier aux frais des défenderesses tenus in solidum des produits contrefaisants encore en stocks chez elles et ce, sous astreinte de 1500 euros par jour de retard passé le délai d’un mois après la signification de la présente décision ;
- condamné in solidum la société BELLURE, la société EURO MEDIA DIFFUSION et la société PIER IMPORT à payer à la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL les sommes de 32000 euros au titre des actes de contrefaçon et de 32000 euros au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire, la société PIER IMPORT n’étant tenue qu’à hauteur de 10% de ces condamnations ;
- dit que la société PIER IMPORT sera garantie par la société EURO MEDIA DIFFUSION des condamnations ainsi mises à sa charge ;
- autorisé la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL à publier le dispositif du présent jugement dans deux revues ou journaux de son choix et aux frais des défenderesses tenues in solidum dans la limite de 6 000 euros HT ;
- dit que la présente décision devenue définitive sera transmise par le greffier préalablement requis par la partie à la plus diligente, à l’INPI pour inscription sur le registre national des marques ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- ordonné l’exécution provisoire ;
- condamné in solidum la société BELLURE, la société EURO MEDIA DIFFUSION et la société PIER IMPORT à payer à la société BEAUTÉ PRESTIGE INTERNATIONAL la somme de 7600 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens ;
- fait application de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Maître Marc S avocat, pour la part des dépens dont il a fait l’avance sans en avoir reçu préalablement provision ;
- dit que la charge définitive des condamnations au titre des frais de publication des frais irrépétibles et des dépens sera supportée par moitié par la société BELLURE et la société EURO MEDIA DIFFUSION, la société PIER IMPORT étant garantie par cette dernière. Il convient de rappeler que la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL est titulaire des marques françaises tridimensionnelles enregistrées sous le n° 98 746 131 déposée le 13 août 1998, n° 95 586 217 déposée le 30 août 1995 et n° 94 519 317 déposée le 6 mai 1994. La société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL commercialise sous ces marques des parfums, eaux de toilette et produits dérivés en y ajoutant la marque ISSEY MIYAKE et notamment une eau de toilette dénommée l’EAU D’ISSEY.
La société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL se prétend également titulaire de droits d’auteur sur le flacon dans lequel est commercialisé cette eau de toilette et ce parfum ainsi que sur le jus constituant celui-ci. Ayant constaté qu’une eau de toilette était commercialisée dans les magasins à l’enseigne « PIER I »sous la dénomination « LA CHUTTE » "et dans un flacon qui reproduiraient ses marques figuratives la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL a fait procéder le 20 décembre 2000, après autorisation judiciaire à une saisie-contrefaçon dans les locaux du magasin PIER I […] puis le 26 décembre suivant à une autre saisie-contrefaçon dans les locaux de la société EURO MEDIA DIFFUSION fournisseur de PIER I. Par acte du 3 janvier 2001, la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL a assigné la société EURO MEDIA DIFFUSION, la société PIER IMPORT EUROPE et la société BELLURE N.V, cette dernière étant le fournisseur de la société EURO MEDIA DIFFUSION en contrefaçon de marques, de droit d’auteur, en concurrence déloyale et en indemnisation. Dans ses dernières écritures signifiées le 29 avril 2004, la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL appelante demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu en ce qu’il a :
- prononcé la nullité de la marque tridimensionnelle n°98 746 131 de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL,
- débouté la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL de ses demandes relatives aux titres de la contrefaçon par imitation de marques ;
- confirmer ledit jugement en toutes ses autres dispositions ;
-débouter la société BELLURE de son appel ; Et en conséquence,
- dire que la marque française n°98 746 131 du 13 août 1998 représentant un volume losange est distinctive ;
- dire que les sociétés PIER I EUROPE, EURO MEDIA DIFFUSION, et BELLURE ont commis des actes de contrefaçon pu, à tout le moins d’imitation, des marques françaises n° n°98 746131 du 13 août 1998 représentant un losange, n°95 586 217 du 30 août 1995 représentant un flacon et n'94 519 317 du 6 mai 1994 représentant un flacon à l’égard de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL ;
- ordonner la confiscation et la destruction intégrale des produits contrefaisants saisis, sous contrôle d’un huissier de justice, aux frais des sociétés PIER I EUROPE, EURO MEDIA DIFFUSION et BELLURE ;
- ordonner la confiscation et la destruction intégrale des produits contrefaisants qui restent en stocks, sous contrôle d’un huissier de justice, aux frais des sociétés PIER I EUROPE, EURO MEDIA DIFFUSION et BELLURE ;
- interdire aux sociétés EURO MEDIA DIFFUSION, PIER I EUROPE et BELLURE d’offrir en vente et de vendre des articles reproduisant les marques françaises N° 98 746131 du 13 août 1998 représentant un volume losange, N° 95 586 217 du 30 août 1995 représentant un flacon et N° 94 519 317 du 6 mai 1994 représentant un flacon de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL, et ce sous astreinte définitive et non comminatoire de 1000 euros par infraction constatée ;
- condamner in solidum, les sociétés EURO MEDIA DIFFUSION, PIER I EUROPE et BELLURE à verser à titre de dommages-intérêts, la somme de 450 000 euros à la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de marques ;
- ordonner la publication du jugement à intervenir dans sept revues ou périodiques, au choix de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL, aux frais des sociétés EURO MEDIA DIFFUSION, PIER I EUROPE et BELLURE, et ce à titre de supplément de dommages intérêts, et fixer le coût de chaque insertion à la somme de 3500 euros ;
- condamner in solidum les sociétés EURO MEDIA DIFFUSION, PIER I EUROPE et BELLURE à verser la somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du NCPC ;
- condamner les sociétés EURO MEDIA DIFFUSION, PIER I EUROPE et BELLURE en tous les dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera poursuivi par la SCP C. BOMMART FORSTER, Avoué, conformément aux dispositions de l’article 699 du NCPC ; Dans ses dernières écritures signifiées 16 juin 2004, la société BELLURE appelante et intimée demande à la cour de :
- confirmer le jugement du 28 mai 2002 du Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a prononcé la nullité de la marque n° 98 746 131 pour défaut de caractère distinctif ;
- confirmer le jugement du 28 mai 2002 du Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a dit et jugé que le flacon de l’eau de toilette « La Chutte » ne contrefont pas les marques n° 94 519 317, 95 586 217 ;
- débouter la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL de son appel ;
- réformer ledit jugement en toutes ses autres dispositions et statuant à nouveau ;
- dire que la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL n’est pas recevable à revendiquer des droits d’auteur sur la forme du flacon de L’Eau d’Issey ;
- dire que la forme du flacon de L’eau d’Issey n’est pas protégeable par le droit d’auteur ;
- subsidiairement, dire que la forme du flacon de L’eau d’Issey n’est pas reproduite par la forme du flacon de La Chutte ;
- Dire que la fragrance de L’eau d’Issey n’est pas protégeable par le droit d’auteur ;
- subsidiairement, dire que la fragrance de L’eau d’lssey n’est pas reproduite par la fragrance de 'La Chutte" ;
Dans ses dernières écritures signifiées le 22 avril 2003, la société EURO MEDIA DIFFUSION intimée demande à la cour de :
- confirmer le Jugement rendu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 28 mai 2002 en ce qu’il a prononcé la nullité de la marque 98 746 131 ;
- confirmer en ce qu’il a débouté la société BEAUTÉ PRESTIGE INTERNATIONAL de ses demandes en contrefaçon des marques 94 519 317 et 95 586 217 ;
- infirmer ledit jugement dans toutes ses autres dispositions, Et statuant à nouveau,
- prononcer la nullité de la marque 95 586 217 pour défaut de distinctivité ;
- dire que le modèle de flacon revendiqué au titre du droit d’auteur n’est ni nouveau ni original, et donc insusceptible de protection par le livre I du Code de la Propriété Intellectuelle ;
- débouter la société BEAUTÉ PRESTIGE INTERNATIONAL de ses demandes en contrefaçon de droit d’auteur fondées sur sa fragrance de « L’EAU D’ISSEY » ;
- débouter la société BEAUTÉ PRESTIGE INTERNATIONAL de toutes ses demandes au titre de ces faits de contrefaçon ainsi qu’au titre de l’action en concurrence déloyale ;
- condamner la société BEAUTÉ PRESTIGE INTERNATIONAL à verser à la société EURO MEDIA DIFFUSION la somme de 10 000'E au titre de l’article 700 du NCPC ;
- condamner la société BEAUTÉ PRESTIGE INTERNATIONAL en tous les dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera effectué par Maître Rémi P, Avoué à la Cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du NCPC ; Dans ses dernières écritures signifiées le 19 avril 2004, la société PIER IMPORT EUROPE intimée demande à la cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 28 mai 2002 en ce qu’il a :
- prononcé la nullité de la marque n° 98 746 131 appartenant à la Société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL pour défaut de caractère distinctif,
- dit que le flacon de l’eau de toilette « La Chutte » ne contrefait pas les marques n° 94 519 317 et 95 586 217 appartenant à la Société BEAUTÉ PRESTIGE INTERNATIONAL,
- subsidiairement, dit que les condamnations prononcées à l’encontre de la société PIER IMPORT n’excéderont pas 10 % du montant total accordé à la Société BEAUTÉ PRESTIGE INTERNATIONAL, et que la Société EURO MEDIA DIFFUSION sera tenue de garantir la société PIER IMPORT des condamnations mises à sa charge ;
- écarter des débats les décisions de jurisprudence visées par la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL non versées aux débats et dont les références n’ont pas été communiquées ;
- débouter la société PRESTIGE INTERNATIONAL de son appel ;
- dire que la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL n’est pas recevable à invoquer des droits d’auteur sur la forme du flacon l’« Eau d’Issey» ;
- déclarer la forme du flacon l’« Eau d’Issey» non protégeable par le droit d’auteur et subsidiairement non contrefaite par la forme du flacon « La Chutte » ;
- dire que le jus du parfum l’« Eau d’Issey » n’est pas protégeable par la droit d’auteur et subsidiairement non contrefait par le jus du parfum « La Chutte » ;
- dire que l’action en concurrence déloyale et parasitaire de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL est irrecevable et subsidiairement mal fondée ;
- débouter la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- dire que la société PIER IMPORT ne saurait en tout état de cause être tenue in solidum avec les sociétés BELLURE N.V. et EURO MEDIA DIFFUSION ;
- lui donner acte du règlement par ses soins, en exécution du jugement du 28 mai 2002, à la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL de la somme de 6 441,08 euros ;
- condamner les sociétés BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL, EURO MEDIA DIFFUSION et BELLURE N.V. au paiement à la Société PIER IMPORT de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du NCPC et aux entiers dépens.
I – Sur la nullité de la marque tridimensionnelle n °98 746 131
Considérant que la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL critique la décision des premiers juges en ce qu’ils ont annulé la marque n° 98 746 131 dont elle est titulaire pour défaut de distinctivité aux motifs que :
- la forme du conditionnement déposé par la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL était un prisme rhomboïdal, forme géométrique simple ;
- les éléments de fantaisie qui l’accompagnent ne permettaient pas d’assurer à cette forme un caractère distinctif puisque ceux-ci sont constitués d’un cadre rectangulaire, banal, pour insérer des indications sur le contenant de l’étui, et de lignes verticales de part et d’autre de ce cadre, dont l’absence de couleur ne permet pas d’être perceptible visuellement ;
- ces lignes ne sont pas reproduites sur la forme exploitée par la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL, ce qui établirait que la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL ne les considère pas distinctives ;
- la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL n’a pas produit d’éléments concrets montrant que cette marque est exploitée depuis 10 ans et qu’elle a acquis une distinctivité par le temps ;
- il n’est pas suffisant qu’une forme simple soit exploitée pour la première fois pour un usage précis par une entreprise pour lui conférer un monopole ; Qu’elle fait valoir que :
- le tribunal a prononcé sa nullité totale, au regard des produits désignés, sans même mentionner les produits concernés ni motiver sa décision d’annulation au regard des produits désignés ;
- les sociétés intimées n’avaient aucun intérêt à agir pour demander la nullité de la marque pour les produits autres que les produits de parfumerie ;
- la marque est distinctive : la forme du produit, en considération duquel le signe est enregistré n’exige aucune addition arbitraire, telle qu’une décoration sans but fonctionnel ;
- la marque a acquis une distinctivité par l’usage ;
Mais considérant que la marque n° 98 746 131 a été déclarée nulle pour l’ensemble des produits visés à son enregistrement et que la demande reconventionnelle de la société PIER IMPORT en nullité de cette marque pour les produits autres que les produits de parfumerie est recevable dès lors que la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL lui a opposé sa marque sans distinguer selon les produits ou services qu’elle couvre ; Que la marque en cause constitue la forme d’un conditionnement ; que ses caractéristiques (prisme rhomboïdal, cadre rectangulaire, lignes verticales) apparaissent dépourvues de caractère arbitraire et de fantaisie ; Que l’usage invoqué par l’appelante est insusceptible en l’espèce de remédier au défaut de caractère distinctif, l’appelante n’apportant pas plus en cause d’appel qu’en première instance la preuve de l’utilisation du signe en question à titre de marque depuis dix ans ; Que le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de la marque n° 98 746 131 pour défaut de caractère distinctif ;
II – Sur la nullité de la marque n ° 95 586 217 de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL
Considérant que la société EURO MEDIA DIFFUSION demande la nullité de la marque n° 95 586 217 pour défaut de distinctivité ;
Mais considérant que ladite marque est caractérisée par un « cône très allongé légèrement galbé en verre et partie haute en métal brossé, surmonté d’une boule » ; que ces caractéristiques apparaissent suffisamment arbitraires et fantaisistes pour désigner différents produits des classes 3, 5 et 21 ; que la marque n° 95 586 217 sera déclarée distinctive et valable ;
III – Sur les droits d’auteur invoqués par la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL
Considérant que la société PIER IMPORT soutient que la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL se prévalant de sa qualité de cessionnaire des droits d’auteur de M. B et de M. de M, il incombe à la cour de vérifier la portée de la cession en cause ;
Considérant toutefois que la qualité d’auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ; que la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL qui justifie exploiter depuis 1992 le parfum « Eau d’Issey » dans un flacon caractérisé par une « forme conique en verre dépoli ou lisse dont la partie haute formant le bouchon est en métal brossé » est titulaire des droits d’auteur sur ce flacon, ni la société PIER IMPORT ni un tiers ne revendiquant la qualité d’auteur sur le flacon en cause ;
Considérant que les intimées contestent le caractère original de ce flacon ; Mais considérant que c’est avec motifs justes et pertinents que la cour fait siens que les premiers juges ont considéré que la combinaison des caractéristiques tenant à la forme conique en verre et à une partie haute formant bouchon, ce bouchon étant en métal brossé, est originale et porte l’empreinte de la personnalité de ses auteurs ; que le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL justifie de droits d’auteur sur ce modèle de flacon protégeable sur ce fondement ;
Considérant que les intimées reprochent aux premiers juges d’avoir reconnu au bénéfice de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL des droits d’auteur sur le jus l'« Eau d’Issey »;
Considérant toutefois que c’est avec motifs justes et pertinents que la cour fait siens que les premiers juges ont considéré qu’une flagrance qui est le résultat d’une recherche intellectuelle d’un compositeur faisant appel à son imagination et à ses connaissances accumulées pour aboutir à la création d’un bouquet original de matériaux odorants choisis dans un but esthétique constitue une œuvre de l’esprit perceptible et individualisée bénéficiant de la protection du droit d’auteur ; que la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL verse aux débats la liste des constituants olfactifs de son jus ce qui permet de définir ses caractéristiques ; que son originalité n’est pas contestable, dès lors que son parfum se distingue parfaitement de toutes les autres flagrances et est adopté par une clientèle très nombreuse à la recherche d’un signe d’individualisation ; Que le jugement sera confirmé en ce qu’il a considéré que la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL est titulaire de droits d’auteur sur le jus de 1« 'Eau d’Issey » ;
IV – Sur la contrefaçon 1) Des marques n° 95 586 217 et 94 519 317
Considérant que l’appelante soutient que ses marques n° 95 586 217 et 94 519 317 ont été contrefaites par le flacon d’eau de parfum « La Chutte » ;
Mais considérant s’agissant de la marque n° 94 519 317 que si les produits visés « produits de parfumerie » sont identiques, la similitude très partielle des signes en présence (forme conique des flacons et couleur du bouchon en métal brossé) exclut tout risque de confusion, l’impression d’ensemble étant différente du fait notamment de la présence de stries sur le flacon « La Chutte »; Que le jugement sera confirmé en ce qu’il a considéré que la contrefaçon de cette marque n’était pas constituée ;
Considérant s’agissant de la marque n° 95 586 217 que si les produits visés « produits de parfumerie » sont identiques, la similitude très partielle des signes en présence (forme conique des flacons, utilisation de verre dépoli et couleur du bouchon en métal brossé) exclut tout risque de confusion, l’impression d’ensemble étant très différente en raison de l’absence de la couleur bleue du flacon « La Chutte », couleur bleue revendiquée dans le dépôt de la marque ; Que le jugement sera confirmé en ce qu’il a considéré que la contrefaçon de cette marque n’était pas constituée ;
2) Des droits d’auteur
Considérant que les intimées soutiennent que c’est à tort que les premiers juges ont considéré le flacon « La Chutte » comme la reproduction du flacon de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL après avoir eux-mêmes relevé des différences significatives en ce qui concerne la forme du bouchon, les inscriptions et la présence de raies horizontales sur le flacon incriminé ;
Mais considérant que c’est avec motifs justes et pertinents que la cour fait siens que les premiers juges ont relevé que le flacon « La Chutte » reproduit les caractéristiques du flacon de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL, à savoir une forme conique en verre dépoli dont la partie haute formant le bouchon est en métal brossé ; que les deux flacons possèdent une silhouette identique et que si la forme des bouchons est légèrement différente, cette différence ainsi que les éléments ajoutés ne détruisent pas l’impression d’ensemble qui est identique ; Que le jugement sera confirmé en ce qu’il a considéré que le flacon « La Chutte » est une reproduction du flacon de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL et que sa fabrication et sa commercialisation constituent des actes de contrefaçon ;
Considérant que la société PIER IMPORT fait grief au jugement déféré d’avoir retenu la contrefaçon de droits d’auteur au titre du jus du parfum l« Eau d’Issey » aux motifs que les analyses comparatives produites aux débats par la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL ont été effectuées de façon non contradictoire et que la seule comparaison des composants des produits en cause apparaît insuffisante, dès lors que ne sont pas caractérisées et comparées au plan olfactif les impressions déterminantes produites par les jus 1« Eau d’Issey » et « La Chutte » et le risque de confusion qui en résulterait à l’égard du consommateur ;
Mais considérant que la société PIER IMPORT ne peut reprocher à la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL d’avoir produit aux débats des analyses effectuées de façon non contradictoire alors qu’elle n’a elle-même procédé à aucune analyse ; Qu’il ressort des analyses produites aux débats que près de 65 % des constituants olfactifs sont identiques dans les deux formules ; que la flagrance des deux eaux de toilette est très proche et le risque de confusion caractérisé ; Que le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu que le jus « La Chutte » constitue une imitation du jus l'« Eau d’Issey » ;
V – Sur la concurrence déloyale et parasitaire
Considérant que les intimées reprochent aux premiers juges d’avoir retenu la concurrence parasitaire alors que, selon elle, les faits visés ne constituent pas des faits distincts de ceux visés au titre de la contrefaçon ;
Considérant toutefois que les produits litigieux étaient vendus à un prix bien inférieur à ceux de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL (7,61 euros pour PIER I face à 59,46 euros pour BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL) et que les deux jus présentent de fortes ressemblances olfactives, il est avéré que la société PIER IMPORT a entendu se placer dans le sillage de la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL pour profiter de la notoriété de son produit ; Que le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu la concurrence parasitaire ;
VI – Sur les responsabilités
Considérant qu’il ressort de la saisie-contrefaçon effectuée le 26 décembre 2000 que la société BELLURE a vendu à la société EURO MEDIA DIFFUSION 336 flacons et que la société EURO MEDIA DIFFUSION a vendu à la société PIER IMPORT 24 flacons qui le 21 décembre 2000 en avait commercialisé 11 ; Que la société BELLURE pour avoir fabriqué et importé sur le territoire français les produits en cause, les sociétés EURO MEDIA DIFFUSION et la société PIER IMPORT pour les avoir commercialisés sont responsables des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire précités ; Que le jugement sera confirmé de ce chef;
VII – Sur les mesures réparatrices
Considérant qu’il y a lieu de faire droit aux mesures d’interdiction et de confiscation dans les conditions définies au présent dispositif ; Que compte-tenu de la masse contrefaisante commercialisée par chaque intimée et du préjudice constitué par la dévalorisation des produits de parfum « Eau d’Issey » par des produits bas de gamme reproduisant des caractéristiques de ceux-ci, il y a lieu d’allouer à la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 32 000 euros au titre de la contrefaçon de droit d’auteur et celle de 32 000 euros au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ; Que la société BELLURE, la société EURO MEDIA DIFFUSION et la société PIER IMPORT seront tenues in solidum au paiement de ces sommes, la société PIER IMPORT à hauteur de 10% compte-tenu de la masse contrefaisante acquise par elle ;
Considérant que la société BELLURE s’est acquittée du paiement de la somme de 64 000 euros et que la société PIER IMPORT a réglé 6 441,08 euros ; qu’il sera donné acte à la société PIER IMPORT du règlement de la somme de 6441,08 euros à la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL ;
Considérant que la publication du dispositif du présent arrêt sera autorisé comme prévu ci-après ;
Considérant que l’équité commande d’allouer à la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL la somme de 7 600 euros en application de l’article 700 du NCPC ;
Considérant que la société PIER IMPORT produisant aux débats une convention en date du 29 septembre 1999 en vertu de laquelle la société EURO MEDIA DIFFUSION la garantit de toutes les conséquences financières d’action en contrefaçon de modèle et d’action en concurrence déloyale pour les produits vendus par elle ; qu’il sera par conséquent fait droit à sa demande de garantie ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; y ajoutant ; Interdit la poursuite des actes de fabrication, d’importation et de commercialisation par les sociétés BELLURE, EURO MEDIA DIFFUSION et PIER I du parfum dénommé « La Chutte » dans un conditionnement reprenant les caractéristiques du conditionnement et du jus du parfum « Eau d’Issey » sous astreinte de 150 euros par infraction constatée passé le délai d’un mois après la signification du présent arrêt ;
Ordonne la confiscation et la destruction sous contrôle d’huissier aux frais des intimées tenues in solidum des produits contrefaisants encore en stock chez elles et ce, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé le délai d’un mois après la signification du présent jugement ;
Autorise la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL à publier le dispositif du présent arrêt dans deux revues ou journaux de son choix et aux frais des intimées dans la limite globale de 6000 euros HT ;
Donne acte du règlement par la société PIER IMPORT en exécution du jugement du 28 mai 2002 à la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL de la somme de 6 441,08 euros ; Condamne in solidum les sociétés BELLURE, EURO MEDIA DIFFUSION et PIER I à payer à la société BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL la somme de 7 600 euros en application de l’article 700 du NCPC ; Rejette toute autre demande ;
Condamne in solidum les sociétés BELLURE, EURO MEDIA DIFFUSION et PIER I aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du NCPC par les avoués concernés.