Cass. 1re civ., 21 novembre 2006, n° 05-22.002
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ancel
Rapporteur :
Mme Monéger
Avocat général :
M. Cavarroc
Avocats :
SCP Bachellier et Potier de la Varde, SCP Bouzidi et Bouhanna
Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les arrêts des 5 février 2002 et 3 juin 2004 :
Attendu que M. Alain X... s'est pourvu en cassation contre les arrêts avant dire droit de la cour d'appel d'Aix-en-Provence des 5 février 2002 et 3 juin 2004, en même temps qu'il s'est pourvu contre l'arrêt du 17 août 2005 ;
Mais attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire n'étant dirigé contre les deux premiers arrêts, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre ces deux décisions ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 17 août 2005 :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que Mme Irina Y..., de nationalité biélorusse, a intenté le 9 février 1998 devant le tribunal de grande instance de Toulon, à l'encontre de M. Alain X..., une action en recherche de paternité naturelle pour son fils Mikhail, né le 7 octobre 1993 à Saint-Pétersbourg (Russie) ; que, par le premier arrêt attaqué avant dire droit du 5 février 2002, la cour d'appel a renvoyé l'affaire à la mise en état en vue de rechercher la teneur de la loi bilélorusse applicable ; que, par le deuxième arrêt attaqué avant dire droit du 3 juin 2004, la cour d'appel, estimant les éléments insuffisants, a renvoyé, à nouveau, l'affaire à la mise en état en vue d'établir la preuve du contenu du droit étranger, et, notamment la teneur des articles 17 et 18 de la loi fédérale russe sur les actes d'état civil et leur applicablité à la cause ; que le troisième arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 août 2005) a déclaré l'action de Mme Irina Y... recevable en application de l'article 340-4 du code civil français, alors, selon le moyen :
1 / que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; que dès lors, en retenant qu'était applicable à l'action en recherche de paternité du fils d'Irina Y... l'article 53 du code du mariage et de la famille de la République du "Biélorus" en vigueur à partir du 1er septembre 1999 tout en constatant que cet enfant était né le 7 octobre 1993, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 311-14 du code civil ;
2 / que le juge qui déclare une loi étrangère applicable est tenu de procéder à sa mise en oeuvre et spécialement d'en rechercher la teneur, au besoin avec le concours des parties, sauf à établir son impossibilité d'obtenir les éléments nécessaires à la solution du litige ; que dès lors, en retenant que si la loi biélorusse devait s'appliquer ainsi que l'avait dit l'arrêt avant dire droit du 5 février 2002, le droit français redevenait applicable à défaut de renseignements suffisants sur la loi étrangère, nonobstant ses démarches auprès des autorités compétentes ayant consisté à interroger le service des affaires européennes et internationales du ministère de la justice, circonstance qui ne suffisait pas à établir son impossibilité d'obtenir les éléments dont elle avait besoin pour apporter à la question litigieuse la solution donnée par le droit biélorusse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 du code civil et 12 du nouveau code de procédure civile ;
3 / qu'en tout état de cause l'action en recherche de paternité ne peut être intentée dans les deux années qui suivent la rupture du concubinage que si, à défaut de communauté de vie, il est établi des relations stables ou continues pendant la période légale de la conception entre le père prétendu et la mère de l'enfant ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter la déchéance de l'action de la mère, qu'un courrier du 20 janvier 1997 permettait de situer la période à laquelle Alain X... et Irina Y... s'étaient rencontrés en 1992, la période de conception du jeune Mikhail né le 7 octobre 1993 se situant début 1993, et que des relations stables et continues avaient existé entre les parties jusqu'en 1997, soit moins de deux ans avant l'assignation du 9 février 1998, ce qui ne caractérisait pas l'existence de relations stables ou continues entre Alain X... et Irina Y... pendant la période légale de la conception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 340-4 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que si le juge français qui reconnaît applicable une loi étrangère se heurte à l'impossibilité d'obtenir la preuve de son contenu, il peut, même en matière de droits indisponibles, faire application de la loi française, à titre subsidiaire ; qu'après avoir retenu à bon droit que la loi biélorusse, loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant désignée par l'article 311-14 du code civil, était applicable, la cour d'appel, qui a relevé que, en dépit des démarches faites auprès des autorités compétentes, et notamment au regard des éléments transmis par le service des Affaires européennes et internationales du ministère de la justice, et eu égard à la carence des parties, n'avait pu être établie la teneur du droit étranger, non plus que l'applicabilité en la cause des articles 17 et 18 de la loi fédérale russe, a pu en déduire qu'il convenait d'appliquer le droit français à titre subsidiaire ;
Attendu, ensuite, que c'est par une appréciation souveraine des éléments de fait produits que la cour d'appel a considéré que le délai de deux ans pour intenter l'action selon l'article 340-4 du code civil n'était pas écoulé en l'espèce et que l'action était recevable ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE la DECHEANCE du pourvoi formé contre les arrêts des 5 février 2002 et 3 juin 2004 ;
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt du 17 août 2005 ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille six.