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Décisions

CJUE, 1re ch., 10 novembre 2022, n° C-211/20 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Commission européenne, Valencia Club de Fútbol SAD

Défendeur :

Royaume d’Espagne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Arabadjiev (rapporteur)

Vice-président :

M. Bay Larsen

Juges :

M. Xuereb, M. Kumin, Mme Ziemele

Avocat général :

M. Pitruzzella

Avocats :

Me Cabrera López, Me García-Gallardo Gil-Fournier , Me López Rus

CJUE n° C-211/20 P

9 novembre 2022

LA COUR (première chambre),

1 Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne, du 12 mars 2020, Valencia Club de Fútbol/Commission (T 732/16, EU:T:2020:98), par lequel celui-ci a annulé la décision (UE) 2017/365 de la Commission, du 4 juillet 2016, concernant l’aide d’État SA.36387 (2013/C) (ex 2013/NN) (ex 2013/CP) accordée par l’Espagne au Valencia Club de Fútbol Sociedad Anónima Deportiva, au Hércules Club de Fútbol Sociedad Anónima Deportiva et au Elche Club de Fútbol Sociedad Anónima Deportiva (JO 2017, L. 55, p. 12) (ci-après la « décision litigieuse ») en ce qu’elle concerne Valencia Club de Fútbol SAD (ci-après le « Valencia CF »).

Le cadre juridique

2 Aux termes du point 2.2 de la communication de la Commission sur l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État sous forme de garanties (JO 2008, C 155, p. 10, ci-après la « communication relative aux garanties ») :

« Le bénéficiaire de l’aide est généralement l’emprunteur. Ainsi qu’il est indiqué au point 2.1, la prise de risque devrait normalement être rémunérée par une prime appropriée. Lorsque l’emprunteur ne paie pas la prime ou paie une prime inférieure, il obtient un avantage. Par rapport à une situation où il n’est pas accordé de garantie, la garantie de l’État lui permet d’obtenir un prêt à des conditions financières plus avantageuses que celles qui sont normalement consenties sur les marchés financiers. Le plus souvent, grâce à la garantie de l’État, l’emprunteur peut bénéficier de taux plus bas et/ou offrir une sûreté moins élevée. Il est des cas où, sans la garantie de l’État, il ne trouverait pas d’établissement financier disposé à lui concéder un prêt, à quelque condition que ce soit. Les garanties de l’État peuvent donc faciliter la création d’activités et permettre à certaines entreprises de mobiliser des fonds afin de mener de nouvelles activités. De la même façon une garantie d’État peut aider une entreprise en difficulté à rester en activité au lieu d’être éliminée ou restructurée, et peut conduire de ce fait à des distorsions de la concurrence. »

3 Le point 3.1 de la communication relative aux garanties est ainsi libellé :

« Si une garantie individuelle ou un régime de garanties accordés par l’État n’apportent aucun avantage à une entreprise, ils ne constituent pas des aides d’État.

À cet égard, pour déterminer si une garantie ou un régime de garanties accorde un avantage, la Cour a confirmé [...] que la Commission devait fonder son appréciation sur le principe de l’investisseur dans une économie de marché [...] Il convient donc de tenir compte des possibilités effectives d’une entreprise bénéficiaire d’obtenir des ressources financières équivalentes en ayant recours au marché des capitaux. Il n’y a pas aide d’État lorsqu’une nouvelle source de financement est offerte à des conditions qui seraient acceptables pour un investisseur privé dans les conditions normales d’une économie de marché [...] »

4 Le point 3.2, sous a) et d), de cette communication précise :

« Dans le cas d’une garantie publique individuelle, la Commission considère que les conditions énoncées aux points a) à d) seront suffisantes pour exclure la présence d’une aide d’État :

a) L’emprunteur n’est pas en difficulté financière.

Afin de décider si l’emprunteur doit être considéré comme en difficulté financière, il y a lieu d’appliquer la définition figurant dans les lignes directrices communautaires concernant les aides au sauvetage et à la restructuration [...]

[...]

d) La garantie donne lieu au paiement d’une prime conforme au prix de marché.

Ainsi qu’il est indiqué au point 2.1, la prise de risque devrait normalement être rémunérée par une prime adéquate sur le montant couvert par une garantie ou une contre-garantie. Lorsque le prix payé pour la garantie est au moins aussi élevé que la prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers, la garantie ne contient pas d’aide.

S’il n’existe pas de prime de garantie de référence correspondante sur les marchés financiers, le coût financier total du prêt garanti, comprenant le taux d’intérêt et la prime versée, doit être comparé au prix de marché d’un prêt similaire non garanti.

Dans les deux cas, afin de déterminer le prix de marché correspondant, il y a lieu de prendre en considération les caractéristiques de la garantie et du prêt sous-jacent. Celles-ci comprennent : le montant et la durée de l’opération, la sûreté donnée par l’emprunteur et autres éléments affectant l’évaluation du taux de recouvrement, la probabilité d’une défaillance de l’emprunteur due à sa situation financière, son secteur d’activité et ses perspectives, ainsi que d’autres conditions économiques. Cette analyse doit notamment permettre de classer l’emprunteur au moyen d’une notation du risque. Elle peut s’appuyer sur la classification établie par une agence de notation internationalement reconnue ou correspondre, si elle existe, à la notation interne utilisée par la banque accordant le prêt sous-jacent. La Commission tient à mentionner le lien entre la notation et le taux de défaillance établi par les institutions financières internationales, dont les travaux sont également publiés [...] Afin de vérifier si la prime est conforme aux prix de marché, l’État membre peut procéder à une comparaison des prix payés par des entreprises ayant une note similaire sur le marché.

La Commission n’admettra donc pas que la prime versée au titre de la garantie soit fixée à un seul taux censé correspondre à une norme d’un secteur dans son ensemble. »

5 Le point 3.6 de ladite communication dispose :

« Le non-respect de l’une quelconque des conditions prévues aux points 3.2 à 3.5 n’implique pas que la garantie ou le régime de garanties est automatiquement qualifié d’aide d’État. En cas de doute quant au caractère d’aide d’État d’une garantie ou d’un régime de garantie envisagé, le projet doit être notifié à la Commission. »

6 Le point 4.1 de ladite communication énonce :

« Lorsqu’une garantie individuelle ou un régime de garanties ne sont pas conformes au principe de l’investisseur en économie de marché, ils sont réputés contenir une aide d’État. Cet élément d’aide d’État doit donc être quantifié afin de pouvoir vérifier si l’aide peut être considérée comme compatible en vertu d’une exemption spécifique. Par principe, l’élément d’aide d’État sera réputé être égal à la différence entre le prix de marché adéquat de la garantie octroyée individuellement [...] et le prix réel payé pour cette mesure.

[...]

En calculant l’élément d’aide d’une garantie, la Commission s’attachera tout particulièrement aux éléments suivants :

a) dans le cas des garanties individuelles : l’emprunteur est-il en difficulté financière ? [...] [voir le détail au point 3.2, sous a)]

La Commission observe que pour les entreprises en difficulté, un garant sur le marché, s’il existe, exigerait une prime élevée au moment de l’octroi de la garantie, eu égard au taux de défaillance attendu. Si la probabilité que l’emprunteur ne puisse pas rembourser l’emprunt devient particulièrement élevée, il est possible que ce taux de marché n’existe pas et, dans des circonstances exceptionnelles, l’élément d’aide de la garantie peut se révéler aussi élevé que le montant effectivement couvert par cette garantie ;

[...]

d) les caractéristiques particulières de la garantie et du prêt [...] ont-elles été prises en considération pour déterminer la prime de marché de la garantie sur la base de laquelle l’élément d’aide est calculé par comparaison avec la prime réellement versée ? [voir le détail au point 3.2, sous d)]. »

7 Le point 4.2 de la même communication prévoit :

« Dans le cas d’une garantie individuelle, l’équivalent-subvention d’une garantie doit être égal à la différence entre le prix de marché de la garantie et le prix réellement payé.

Lorsque le marché ne fournit pas de garantie pour ce type de transaction, il n’existe pas de prix de marché de la garantie. Dans ce cas, l’élément d’aide doit être calculé de la même façon que l’équivalent-subvention d’un prêt à taux privilégié, soit la différence entre le taux d’intérêt du marché que cette entreprise aurait supporté en l’absence de la garantie et le taux d’intérêt obtenu grâce à la garantie de l’État, après déduction des primes éventuellement versées. S’il n’y a pas de taux d’intérêt du marché et que l’État membre souhaite recourir au taux de référence, la Commission souligne que les conditions établies dans la communication sur les taux de référence [...] sont valables pour le calcul de l’intensité d’aide d’une garantie individuelle. En d’autres termes, il convient de prendre dûment en considération le supplément à ajouter au taux de base afin de tenir compte du profil de risque lié à l’opération couverte, de l’entreprise bénéficiant de la garantie et des sûretés constituées. »

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

8 Le Valencia CF est un club de football professionnel dont le siège est situé à Valence, en Espagne. La Fundación Valencia (fondation Valence, ci-après la « FV ») est une organisation sans but lucratif dont le principal objectif est de préserver, de diffuser et de promouvoir les aspects sportifs, culturels et sociaux du Valencia CF et sa relation avec ses supporters.

9 Le 5 novembre 2009, l’Instituto Valenciano de Finanzas (institut valencien des finances, ci-après l’« IVF »), l’établissement financier de la Generalitat Valenciana (Généralité valencienne, Espagne) a octroyé à la FV une garantie pour un prêt bancaire de 75 millions d’euros accordé par la banque Bancaja, au moyen duquel elle a acquis 70,6 % des actions du Valencia CF (ci-après la « mesure 1 »).

10 La garantie couvrait 100 % du principal du prêt, plus les intérêts et les frais associés à la transaction garantie. En contrepartie, une commission annuelle de garantie de 0,5 % devait être acquittée par la FV au profit de l’IVF. Ce dernier recevait en nantissement de second rang, à titre de contre-garantie, des actions du Valencia CF acquises par la FV. La durée du prêt sous-jacent était de six ans. Le taux d’intérêt du prêt sous-jacent était d’abord de 6 % la première année, puis l’« Euro Interbank Offered Rate » (Euribor) à 1 an, augmenté d’une marge de 3,5 %, avec un taux minimal de 6 %. En outre, une commission d’ouverture de 1 % était appliquée. L’échéancier prévoyait un remboursement des intérêts à compter du mois d’août 2010 et un remboursement du principal en deux tranches de 37,5 millions d’euros, respectivement le 26 août 2014 et le 26 août 2015. Il était prévu que le remboursement du prêt garanti (principal et intérêts) serait financé par la vente des actions du Valencia CF acquises par la FV.

11 Le 10 novembre 2010, l’IVF a augmenté sa garantie en faveur de la FV de 6 millions d’euros, en vue d’obtenir une augmentation du même montant du prêt déjà accordé par Bancaja, dans le but de couvrir le paiement du principal, des intérêts et des frais échus découlant du défaut de paiement des intérêts du prêt garanti le 26 août 2010 (ci-après la « mesure 4 »).

12 Informée de l’existence d’aides d’État présumées, octroyées par la Généralité valencienne sous la forme de garanties de prêts bancaires en faveur de Elche Club de Fútbol SAD, de Hércules Club de Fútbol SAD et du Valencia CF, la Commission a, le 8 avril 2013, invité le Royaume d’Espagne à formuler des observations sur ces informations. Ce dernier lui a répondu le 27 mai et le 3 juin 2013.

13 Par lettre du 18 décembre 2013, la Commission a notifié à cet État membre sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, par laquelle elle a invité les parties intéressées à présenter leurs observations et a précisé, notamment aux considérants 27 à 29 et 51 de cette décision :

« (27) En l’espèce, la Commission ne sait pas quelle est la valeur de référence pour la commission de garantie correspondante qui pourrait être offerte sur le marché financier pour des garanties semblables à celles octroyées par l’IVF. Néanmoins, la commission annuelle de garantie de 0,5 % pour l’acquisition d’actions du Valencia CF [...] ne sembl[e] pas, à première vue, refléter le risque de défaut de paiement des prêts garantis, étant donné que le Valencia CF [...] sembl[e] avoir été en difficulté à la date de l’octroi des garanties en cause. [...]

(28) La Commission signale également qu’en plus d’avoir été octroyées à des entreprises apparemment en difficulté, les garanties couvrent 100 % des montants garantis. Ceci suggère que les opérateurs du marché ne sont pas disposés à assumer le risque d’insolvabilité des bénéficiaires. Dès lors, la Commission doute que les bénéficiaires puissent obtenir les garanties en cause à ce prix et dans ces conditions sur le marché. Par ailleurs, sans la garantie publique, la Commission doute qu’un établissement financier soit disposé à accorder aux bénéficiaires un prêt de quelque type que ce soit.

(29) Ainsi, compte tenu de ce qui précède, la Commission considère à ce stade que les garanties octroyées par l’État en 2008, 2010 et 2011 ont conféré un avantage aux entités qui ont bénéficié des prêts. [...]

[...]

(51) La Commission doute que l’IVF ait octroyé les garanties en cause conformément à des critères de marché, en particulier après avoir examiné la situation financière et les perspectives de viabilité des entités qui ont en définitive bénéficié des prêts. [...] »

14 Il ressort des considérants 2 à 5 de la décision litigieuse que, au cours de la procédure formelle d’examen, d’une part, la Commission a reçu, au cours des années 2013 à 2016, des observations, des renseignements, des renseignements complémentaires et des informations complémentaires, notamment, du Royaume d’Espagne, de l’IVF, de la FV ainsi que du Valencia CF et, d’autre part, le 29 janvier 2015, les services de la Commission, les autorités espagnoles, des représentants de l’IVF et des représentants du Valencia CF se sont rencontrés à Bruxelles.

15 Par la décision litigieuse, la Commission a, notamment, constaté que les mesures 1 et 4 constituaient des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur, à hauteur respectivement de 19 193 000 euros et de 1 188 000 euros et a enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer lesdites aides de manière immédiate et effective.

16 À la section 7.1 de cette décision, intitulée « Existence d’une aide d’État », la Commission a notamment estimé :

« [...]

(77) [...] depuis juin 2007 déjà et à la date d’adoption des mesures 1 et 4, le Valencia CF était en difficulté au sens du point 11 des lignes directrices de 2004 sur le sauvetage et la restructuration [...]

[...]

(80) Par ailleurs, la Commission signale qu’au cours des exercices antérieurs à la date d’adoption des mesures examinées, le Valencia CF [...] ne se trouv[ait] pas en difficulté financière au sens du point 2.2 et du point 4.1, a), de la communication sur les garanties [...]

[...]

(82) [...] Compte tenu de ce qui précède, la Commission considère que le Valencia CF se trouvait en difficulté à la date d’octroi des mesures 1 et 4.

(83) Pour conclure, la Commission estime qu’en raison du fait que les trois clubs faisaient face à des difficultés financières avant l’application des mesures, il peut être considéré que leur note de crédit tombait dans la catégorie CCC [...]

[...]

(85) Eu égard à l’élément d’aide des mesures, qui impliquent toutes des garanties publiques, la Commission prend en compte la communication sur les garanties [...], dans ses sections 2.2 et 3.2. Cette communication établit que le respect de certaines conditions déterminées peut être suffisant pour que la Commission écarte l’existence d’une aide d’État, comme le fait que l’emprunteur ne se trouve pas en difficulté et que la garantie ne couvre pas plus de 80 % du prêt ou de l’obligation financière. Néanmoins, lorsque l’emprunteur ne s’acquitte pas, en contrepartie de la garantie, d’un prix suffisant pour compenser la prise de risques, il obtient un avantage. En outre, un emprunteur en difficulté n’aurait pas pu trouver, sans garantie publique, d’entités financières disposées à lui accorder un prêt, de quelque nature que ce soit.

(86) À cet égard, la Commission rejette l’affirmation de l’Espagne selon laquelle les conditions de la communication sur les garanties [...] seraient remplies. Lors de l’application de ces critères à ce cas concret, la Commission est parvenue à la conclusion suivante :

a) Le Valencia CF [se trouvait] en difficulté (voir les considérants 70 à 82) à la date d’octroi des mesures 1 [...] et 4.

[...]

c) Il ne peut être considéré que les commissions de garantie annuelles de 0,5 % et 1 % appliquées aux garanties examinées tiennent compte du risque de défaut de paiement des prêts garantis, compte tenu des difficultés du Valencia CF [...] et, notamment, [de son] ratio dette/fonds propres élevé ou du fait [qu’il possédait] des fonds propres négatifs à la date de l’octroi de[s] mesures concernées.

(87) La Commission déduit de ce qui précède que les mesures 1 [...] et 4 ne remplissent pas les conditions établies par la communication sur les garanties [...], et considère que les bénéficiaires n’auraient pas bénéficié des mesures examinées aux mêmes conditions sur le marché. Les mesures ont donc concédé un avantage indu aux bénéficiaires.

[...] »

17 À la section 7.2. de ladite décision, intitulée « Quantification de l’aide », la Commission a notamment considéré, à son considérant 93 :

« Conformément à la section 4.2 de la communication sur les garanties [...], la Commission considère, pour chacune des garanties, que le montant de l’aide équivaut à l’élément de subvention de la garantie, c’est-à-dire au montant correspondant à la différence entre, d’une part, le taux d’intérêt du prêt réellement appliqué grâce à l’aide d’État, augmenté de la commission de garantie et, d’autre part, le taux d’intérêt qui aurait été appliqué à un prêt sans garantie d’État. La Commission précise qu’en raison du nombre limité d’opérations de nature similaire sur le marché, cette valeur de référence ne permet pas une comparaison significative. Par conséquent, la Commission utilise le taux d’intérêt de référence applicable [...], qui s’élève à 1 000 points de base en raison des difficultés des trois clubs de football et de la valeur particulièrement faible des garanties des prêts, majoré de 124-149 points de base comme taux de base appliqués en Espagne à la date d’octroi des mesures d’aide. En effet, chaque prêt a été garanti au moyen du nantissement des actions des clubs acquises. Néanmoins, les clubs se trouvaient en difficulté, et réalisaient donc des opérations déficitaires. Il n’existait aucun plan de viabilité fiable démontrant que ces opérations pourraient apporter des bénéfices à leurs actionnaires. Par conséquent, les pertes des clubs étaient intégrées à la valeur des propres actions des clubs, puisque la valeur de ces actions comme garantie de prêt était quasiment nulle. Selon les calculs de la Commission, l’aide totale correspondant aux mesures examinées serait de 20,381 millions d’EUR dans le cas du Valencia CF (19,193 millions d’EUR pour la mesure 1, plus 1,188 million EUR pour la mesure 4) [...] Les calculs de la Commission sont les suivants :

a) Pour la mesure 1 : le taux d’intérêt appliqué (6,5 %) est déduit du taux d’intérêt du marché applicable (11,45 %), soit 1 000 points de base pour le Valencia CF, augmentés de 145 points de base comme taux de base applicable en Espagne en novembre 2009 [...] Le résultat est multiplié par le montant du prêt (75 millions d’EUR) et par la durée réelle du prêt (5,17 ans). Le résultat final est de 19,193 millions d’EUR.

[...]

d) Pour la mesure 4 : le taux d’intérêt appliqué (6,5 %) est déduit du taux d’intérêt du marché applicable (11,45 %), soit 1 000 points de base pour le Valencia CF, augmentés de 145 points de base comme taux de base applicable en Espagne en novembre 2010 [...] Le résultat est multiplié par le montant du prêt (6 millions d’EUR) et par la durée réelle du prêt (4 ans). Le résultat final est de 1,188 million EUR. »

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

18 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 octobre 2016, le Valencia CF a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

19 À l’appui de ce recours, le Valencia CF a soulevé huit moyens, dont les premier et troisième étaient tirés, respectivement, d’erreurs manifestes d’appréciation dans la caractérisation d’un avantage et dans le calcul du montant de l’aide.

20 Par l’arrêt attaqué le Tribunal a accueilli les premier et troisièmes moyens et, par conséquent, a annulé la décision litigieuse s’agissant des mesures 1 et 4.

Les conclusions des parties

21 La Commission demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué en ce qui concerne la mesure 1 ;

– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

– de réserver les dépens.

22 Le Valencia CF et le Royaume d’Espagne demandent à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Commission aux dépens.

Sur le pourvoi

23 À l’appui de son pourvoi, la Commission soulève un moyen unique tiré d’une interprétation erronée, aux points 124 à 138 de l’arrêt attaqué, de la notion d’« avantage économique », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, résultant, tout d’abord, d’interprétations erronées de la décision litigieuse et de la communication relative aux garanties, ensuite, d’une méconnaissance des limites de sa charge de la preuve et de son obligation de diligence et, enfin, d’une dénaturation des faits.

24 Le Valencia CF conteste, notamment, la recevabilité de ce pourvoi.

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

25 Le Valencia CF estime, premièrement, que la Commission n’identifie pas, excepté l’évocation générale des points 124 à 138 de l’arrêt attaqué, avec la précision requise les points dudit arrêt qu’elle conteste.

26 Deuxièmement, selon le Valencia CF, la Commission se borne à répéter ses propres moyens et arguments déjà exposés devant le Tribunal concernant l’obligation de motivation à laquelle elle serait tenue, de sorte qu’elle ne viserait qu’à obtenir un réexamen du recours en proposant une nouvelle appréciation des faits.

27 Troisièmement, le Valencia CF fait valoir que la communication relative aux garanties ne constitue pas un instrument de droit positif de l’Union, de sorte que son éventuelle violation ne saurait être qualifiée de « question de droit », au sens de l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, que celle-ci pourrait ainsi analyser dans le cadre d’un pourvoi.

28 La Commission conteste cette argumentation.

Appréciation de la Cour

29 Il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169 du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Selon la jurisprudence constante de la Cour, ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui se limite à reproduire les moyens et les arguments déjà présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (arrêt du 24 mars 2022, Hermann Albers/Commission, C 656/20 P, non publié, EU:C:2022:222, point 35 et jurisprudence citée).

30 En l’occurrence, premièrement, contrairement à ce que prétend le Valencia CF, la Commission a indiqué de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique sa demande d’annulation de celui-ci.

31 Deuxièmement, cette institution ne se borne pas non plus à reproduire les moyens et les arguments déjà présentés devant le Tribunal, mais conteste spécifiquement l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal.

32 À cet égard, il convient de rappeler que, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés au cours d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait pas fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (arrêt du 24 mars 2022, Hermann Albers/Commission, C 656/20 P, non publié, EU:C:2022:222, point 36 et jurisprudence citée).

33 Troisièmement, contrairement à ce que prétend le Valencia CF, la question de savoir si le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a contrôlé si la Commission s’est ou non conformée à la communication sur les garanties est susceptible de soulever des questions de droit, au sens de l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, que la Cour peut ainsi analyser dans le cadre d’un pourvoi.

34 En effet, il est de jurisprudence constante que l’examen qu’il appartient à la Commission d’effectuer, lors de l’application du principe de l’opérateur privé, requiert de procéder à une appréciation économique complexe (arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, point 116 ainsi que jurisprudence citée), dans le cadre de laquelle cette institution dispose d’une large marge d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C 67/13 P, EU:C:2014:2204, point 46 et jurisprudence citée).

35 Selon une jurisprudence bien établie, en adoptant des règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas visés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice d’une telle marge d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêts du 2 décembre 2010, Holland Malt/Commission, C 464/09 P, EU:C:2010:733, point 46, et du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C 817/18 P, EU:C:2020:637, point 100 ainsi que jurisprudence citée).

36 Partant, dans le domaine des aides d’État, la Commission est tenue par les encadrements qu’elle adopte, dans la mesure où ceux-ci ne s’écartent pas des normes du traité FUE et où leur application ne viole pas les principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement (arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C 817/18 P, EU:C:2020:637, point 101 ainsi que jurisprudence citée).

37 Or, ainsi qu’il ressort notamment des points 3.1 et 4.1 de la communication sur les garanties, celle-ci comporte des règles de conduite annoncées par la Commission relatives, notamment, à l’exercice de sa marge d’appréciation lorsqu’elle effectue des appréciations économiques complexes en application du principe de l’opérateur privé.

38 Il en découle que le pourvoi est recevable dans son ensemble.

Sur le fond

Argumentation des parties

39 En premier lieu, la Commission soutient que le Tribunal a erronément interprété la décision litigieuse lorsqu’il a estimé, au point 138 de l’arrêt attaqué, que cette institution a considéré qu’il n’y avait pas de prix de marché pour la prime de garantie en cause. En effet, elle aurait indiqué, au considérant 93, sous a), de la décision litigieuse, le taux d’intérêt du marché applicable, qu’elle aurait fixé à une valeur de 11,45 % après avoir, tout d’abord, analysé la situation du Valencia CF à la date d’octroi de la garantie, ensuite, considéré que le club se verrait attribuer une note de crédit de catégorie CCC et, enfin, analysé les caractéristiques de la garantie en question.

40 À cet égard, l’interprétation erronée de la décision litigieuse par le Tribunal s’appuierait essentiellement sur les appréciations exposées par celui-ci aux points 124 à 130 de l’arrêt attaqué.

41 En particulier, au point 124 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’aurait pas tenu compte, lors de l’interprétation du considérant 85 de la décision litigieuse, du fait que la Commission aurait principalement remis en cause le prix auquel la garantie a été obtenue, et non la possibilité d’obtenir une garantie ou un prêt sur le marché, ce qui serait corroboré par le raisonnement subséquent qui reposerait sur l’insuffisance du prix payé. Au point 125 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait à tort, eu égard au contenu du considérant 93, sous a), de la décision litigieuse, considéré que la Commission n’avait pas indiqué le prix de marché pour évaluer la prime en cause.

42 Au point 126 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait, d’une part, procédé à des déductions fondées sur son appréciation erronée auxdits points 124 et 125 de cet arrêt selon laquelle la Commission aurait omis de rechercher un prix de marché au regard duquel comparer la prime en cause. D’autre part, il aurait affirmé à tort que la Commission s’est abstenue d’examiner l’ensemble des caractéristiques pertinentes de la garantie et du prêt sous-jacent, en particulier l’existence de sûretés données par l’emprunteur. En effet, la Commission se serait fondée sur ces caractéristiques et ces sûretés pour déterminer, au considérant 93 de la décision litigieuse, le prix de marché de la garantie.

43 En deuxième lieu, la Commission prétend que le Tribunal a interprété à tort la communication relative aux garanties. En effet, en considérant, aux points 132 à 134 de l’arrêt attaqué, que la Commission a supposé qu’aucun établissement financier n’aurait pu se porter garant d’une entreprise en difficulté, que la communication relative aux garanties ne prévoit aucune présomption générale de ce type et que, par conséquent, la Commission a mal appliqué cette communication et a manqué à son obligation d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si la requérante n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables de la part d’un opérateur privé, le Tribunal aurait entaché son raisonnement des erreurs suivantes :

– il aurait erronément présupposé que la Commission a exclu l’existence d’un prix de marché pour une garantie telle que celle examinée en l’espèce ;

– il aurait erronément considéré que le recours aux taux de référence serait comparable à une présomption, alors même que la Commission aurait expliqué en détail que l’utilisation de ces taux faisait partie intégrante d’un exercice empirique visant à établir un indicateur du prix de marché de la garantie ;

– il aurait erronément interprété la communication relative aux garanties comme prévoyant une hiérarchie stricte entre les méthodes de marché et les méthodes de référence, alors même que cette communication n’établit pas une telle hiérarchie et que ces deux méthodes auraient pour objet de déterminer le prix de marché de la garantie et reposeraient sur des données de marché ;

– il aurait erronément estimé que l’utilisation du taux de référence implique un manquement de la Commission à son obligation d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si le Valencia CF n’aurait pas obtenu des facilités comparables de la part d’un opérateur privé, étant donné que ce taux de référence s’appliquerait en lien avec une analyse détaillée de la situation de l’entreprise bénéficiaire et des caractéristiques de la garantie et du prêt sous-jacent, analyse que le Tribunal aurait, en outre, exposée aux point 62 à 105 de l’arrêt attaqué, et

– il aurait lui-même, par l’analyse effectuée aux points 132 à 134 de l’arrêt attaqué, violé les exigences relatives à une appréciation globale découlant de la jurisprudence, en ayant attribué une importance déterminante à la recherche de transactions purement hypothétiques et très improbables, dont la pertinence ne serait pas évidente dans une situation dans laquelle l’appréciation globale menée par la Commission sur la base d’éléments objectifs clés démontrerait clairement que la garantie en cause n’a pas été octroyée à un prix de marché.

44 En tout état de cause, la Commission fait valoir que, en calculant le taux de référence conformément au point 4.2 de la communication sur les garanties, elle a déterminé le prix de marché de l’opération de financement en cause. De même, elle aurait procédé à une appréciation globale de l’avantage en prenant en compte la situation du Valencia CF à la date de l’octroi de la garantie et de sa note de crédit de catégorie CCC, ainsi que les caractéristiques de la garantie en question.

45 En troisième lieu, la Commission considère que le Tribunal lui a imposé des obligations de diligence et une charge de la preuve excessives lorsque, aux points 131 à 138 de l’arrêt attaqué, il a estimé que la Commission n’avait pas recherché suffisamment s’il existait une prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers, avait présumé qu’aucun établissement financier ne se porterait garant d’une entreprise en difficulté et avait supposé qu’il n’existait pas de prix de marché pour un prêt similaire non garanti. En particulier, au point 137 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait erronément considéré que la Commission avait l’obligation de demander à l’État membre concerné, ou à d’autres sources, des informations relatives à l’existence de prêts similaires au prêt sous-jacent à l’opération litigieuse.

46 La Commission relève qu’elle avait, aux considérants 27 à 29, 50 et 51 de la décision d’ouverture, relevé que le Valencia CF était une entreprise en difficulté, qu’une série de paramètres indiquaient que la prime versée pour la garantie n’était pas conforme au prix de marché et que rien n’indiquait qu’il existait des transactions similaires sur le marché. Elle aurait ainsi exprimé ses doutes sur l’existence de garanties similaires sur le marché financier qui pourraient servir de valeur de référence et aurait indiqué qu’il semblait que les opérateurs du marché n’étaient pas disposés à assumer le risque d’insolvabilité des bénéficiaires. Dans cette décision, elle aurait également invité le Royaume d’Espagne et les intéressés à formuler des observations à cet égard et aurait prié cet État membre de lui fournir toutes les informations pertinentes pour l’évaluation de l’aide.

47 Or, dans ses observations, la FV aurait indiqué qu’elle ignorait s’il existait des garanties similaires comparables sur le marché pouvant servir de référence pour la prime de garantie.

48 Ainsi, la Commission ayant exposé, dans la décision d’ouverture, un raisonnement fondé sur les difficultés du Valencia CF et sur les caractéristiques de la garantie en cause et rien ne portant à croire qu’il existe des transactions similaires sur le marché, ce qui aurait été confirmé par les parties intéressées, elle se serait acquittée de la charge de la preuve lui incombant. Son obligation de diligence n’impliquerait pas qu’elle doive rechercher des éléments dont l’existence est improbable ou purement hypothétique. Une invitation dans la décision d’ouverture suffirait pour que l’État membre et les parties intéressées lui communiquent des opérations similaires, s’il en existe.

49 Selon la Commission, en principe, il incombe à l’État membre qui affirme s’être comporté comme un opérateur privé d’examiner s’il existait des transactions similaires sur le marché. Les autorités publiques et le bénéficiaire de la mesure seraient mieux placés que la Commission pour établir l’existence de transactions similaires. De plus, la Commission ne pourrait être invitée à produire des preuves négatives. L’arrêt attaqué romprait ainsi le délicat équilibre qui découle de la procédure formelle d’examen et qui conditionnerait sa viabilité.

50 L’arrêt attaqué se heurterait, en outre, à la jurisprudence issue, notamment, de l’arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France (C 367/95 P, EU:C:1998:154, point 60), selon laquelle il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’éventuels éléments de fait ou de droit qui auraient pu lui être présentés pendant la procédure administrative, mais qui ne l’ont pas été, cette institution n’étant pas dans l’obligation d’examiner d’office et par supputation quels sont les éléments qui auraient pu lui être soumis. Elle pourrait, en effet, se fonder sur un ensemble cohérent de facteurs qui apparaissent fiables et disposerait, pour l’appréciation complexe du niveau normal d’une garantie, d’une marge d’appréciation sur la base des informations fournies par les parties intéressées.

51 La Commission avance que la Cour a, notamment, reconnu, dans l’arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission (C 244/18 P, EU:C:2020:238), que le montant de l’aide contenue dans la garantie en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt avait été établi sur la base de l’appréciation des difficultés de l’entreprise, sans qu’il ait été recouru à une exigence concernant des données de marché plus spécifiques.

52 Plus généralement, en ce qui concerne la démonstration de l’existence de l’aide, la Commission ne serait tenue de faire usage de ses pouvoirs d’enquête spécifiques que quand elle ne dispose pas d’éléments suffisants pour démontrer que l’aide existe, quand elle a connaissance de l’existence d’un élément important dont elle ne dispose pas et qui est susceptible d’affecter son appréciation de l’existence de l’aide, ou quand il est raisonnable de supposer que les données dont elle dispose sont incomplètes. Toutefois, aucune de ces situations ne se présenterait en l’espèce. En particulier, contrairement à ce que suggérerait le Tribunal au point 136 de l’arrêt attaqué, la Commission n’avait aucune raison de supposer que les informations dont elle disposait étaient fragmentaires et elle pouvait estimer être en possession de tous les éléments pertinents nécessaires.

53 En quatrième lieu, la Commission considère que le Tribunal a dénaturé les faits lorsqu’il a affirmé, au point 137 de l’arrêt attaqué, que son enquête concernant les conditions régnant sur le marché et l’existence d’opérations semblables au prêt garanti s’est limitée aux doutes exprimés dans la décision d’ouverture et que la Commission n’a fait valoir aucun autre élément obtenu durant la procédure administrative qui viendrait appuyer ses constatations relatives à l’insuffisance d’opérations comparables. En effet, la FV ayant abordé, dans ses observations sur la décision d’ouverture, le thème des garanties similaires sur le marché, la Commission aurait fondé ses conclusions relatives à l’absence de transaction similaire sur le marché également sur les informations pertinentes produites par le bénéficiaire.

54 Le Valencia CF et le Royaume d’Espagne contestent cette argumentation.

Appréciation de la Cour

55 En premier lieu, s’agissant de la dénaturation des faits prétendument commise par le Tribunal, au point 137 de l’arrêt attaqué, qu’il y a lieu d’examiner d’emblée, il convient de rappeler que, lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de manière précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’une dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, point 94 et jurisprudence citée).

56 À cet égard, il suffit de constater que, si la Commission affirme avoir fondé ses conclusions relatives à l’absence de transaction similaire sur le marché également sur les informations pertinentes produites par le bénéficiaire, elle n’étaye cette affirmation par aucune référence spécifique, dans la décision litigieuse, à une telle prise en considération.

57 En tout état de cause, ainsi que le souligne la Commission, FV s’est bornée à affirmer qu’elle ignorait s’il existait des garanties similaires sur le marché, affirmation qui se réfère à « une prime de garantie de référence correspondante sur les marchés financiers » et non pas à l’existence d’« un prix de marché d’un prêt similaire non garanti », seul visé au point 137 de l’arrêt attaqué.

58 Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le point 137 de l’arrêt attaqué fait apparaître une dénaturation qui ressortirait de manière manifeste des pièces du dossier.

59 En deuxième lieu, en ce qui concerne l’interprétation prétendument erronée, aux points 124 à 126 et 138 de l’arrêt attaqué, des considérants 85 et 93 de la décision litigieuse, il suffit de relever que celle-ci procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

60 En effet, il ressort sans équivoque du raisonnement du Tribunal figurant aux points 124 à 137 de cet arrêt que l’affirmation, au point 138 dudit arrêt, selon laquelle la Commission a constaté « qu’il n’existait pas de prix de marché pour un prêt similaire non garanti » fait référence exclusivement à la constatation effectuée par la Commission, au considérant 93 de la décision litigieuse, selon laquelle le « nombre limité d’opérations de nature similaire sur le marché [...] ne permet pas une comparaison significative » « entre, d’une part, le taux d’intérêt du prêt réellement appliqué grâce à l’aide d’État, augmenté de la commission de garantie et, d’autre part, le taux d’intérêt qui aurait été appliqué à un prêt sans garantie d’État » et non pas au raisonnement subséquent dudit considérant 93, où « la Commission utilise le taux d’intérêt de référence applicable » afin de déterminer le prix de marché pour la prime de garantie en cause.

61 En troisième lieu, concernant l’interprétation prétendument erronée par le Tribunal de la communication sur les garanties, il convient de constater, premièrement, que l’argument selon lequel le Tribunal aurait présupposé, à tort, que la Commission a exclu l’existence d’un prix de marché pour une garantie telle que celle examinée en l’espèce procède de la même erreur de lecture de l’arrêt attaqué relevée au point précédent.

62 Deuxièmement, procède également d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué le reproche fait au Tribunal d’avoir à tort considéré que le recours aux taux de référence serait comparable à une présomption. En effet, ainsi qu’il ressort des points 132 à 134 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas considéré que le recours aux taux de référence serait comparable à une présomption ; il a, en revanche, souligné que la Commission avait présumé, en méconnaissance de la communication sur les garanties, qu’aucun établissement financier ne se porterait garant d’une entreprise en difficulté.

63 En outre, il a estimé, aux points 135 à 137 de l’arrêt attaqué, que n’était pas étayée à suffisance de droit l’affirmation de la Commission selon laquelle le « nombre limité d’opérations de nature similaire sur le marché » ne permettait pas une comparaison significative entre, d’une part, le taux d’intérêt du prêt réellement appliqué grâce à l’aide d’État, augmenté de la commission de garantie et, d’autre part, le taux d’intérêt qui aurait été appliqué à un prêt sans garantie d’État. Ainsi, le Tribunal s’est borné à prendre acte, au point 130 de l’arrêt attaqué, du recours de la Commission aux taux de référence sans aucunement qualifier de « présomption » un tel recours.

64 Troisièmement, contrairement à ce que prétend la Commission, la communication relative aux garanties prévoit une hiérarchie entre les méthodes à utiliser pour constater et quantifier l’élément d’aide d’une mesure.

65 Tout d’abord, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, aux points 48 à 55 de ses conclusions, le point 3.2, sous d), de cette communication prévoit à son premier alinéa qu’il incombe à la Commission de vérifier si « la prise de risque » est « rémunérée par une prime adéquate sur le montant couvert par une garantie », étant donné que, lorsque « le prix payé pour la garantie est au moins aussi élevé que la prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers, la garantie ne contient pas d’aide ».

66 Ensuite, conformément au deuxième alinéa de ce point 3.2, sous d), ce n’est que « [s]’il n’existe pas de prime de garantie de référence correspondante sur les marchés financiers » que « le coût financier total du prêt garanti, comprenant le taux d’intérêt et la prime versée, doit être comparé au prix de marché d’un prêt similaire non garanti ».

67 Il s’ensuit que la première méthode, rappelée au point 65 du présent arrêt, doit être vérifiée en premier lieu et, à défaut de l’existence d’une prime de garantie de référence correspondante sur les marchés financiers, la deuxième méthode, rappelée au point précédent de cet arrêt, devra être utilisée. Cette hiérarchie entre les méthodes pour constater l’élément d’aide d’une mesure est corroborée par le point 4.2 de la communication sur les garanties, qui réaffirme à son premier alinéa que, dans « le cas d’une garantie individuelle, l’équivalent-subvention d’une garantie doit être égal à la différence entre le prix de marché de la garantie et le prix réellement payé » et précise à son second alinéa que ce n’est que dans les cas où le marché ne fournit pas de garantie pour ce type de transaction, et qu’il n’existe donc pas de prix de marché de la garantie, qu’il y a lieu de recourir à la deuxième méthode de quantification de l’élément d’aide.

68 Cette méthode utilise comme élément de comparaison, aux termes du deuxième alinéa du point 3.2, sous d), de cette communication, « le prix de marché d’un prêt similaire non garanti » et, aux termes équivalents du second alinéa du point 4.2 de ladite communication, « le taux d’intérêt du marché que cette entreprise aurait supporté en l’absence de la garantie ».

69 Enfin, il ressort du second alinéa du point 4.2 de la communication sur les garanties, que ce n’est que « [s]’il n’y a pas de taux d’intérêt du marché et que l’État membre souhaite recourir au taux de référence » que la Commission peut recourir à cette dernière méthode, fondée sur le « taux de référence ». En particulier, l’emploi de la formule impérative « doit être calculé », à la seconde phrase du second alinéa de ce point, indique que la Commission a encadré sa marge de discrétion dans le choix de la méthode utilisée pour constater et quantifier l’élément d’aide d’une mesure, de telle sorte que, dans l’impossibilité d’appliquer la première méthode, elle doit employer la deuxième méthode s’il existe un taux d’intérêt du marché et que, partant, elle ne peut recourir au taux de référence que si un taux d’intérêt du marché n’existe pas.

70 Quatrièmement, procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué l’argument selon lequel le Tribunal aurait erronément estimé que l’utilisation du taux de référence implique, en tant que tel, un manquement de la Commission à son obligation d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si le Valencia CF n’aurait pas obtenu des facilités comparables de la part d’un opérateur privé.

71 En effet, il ressort sans équivoque du point 134 de l’arrêt attaqué que l’appréciation du Tribunal selon laquelle la Commission aurait manqué à cette obligation résulte exclusivement de la constatation du Tribunal, figurant au même point de l’arrêt attaqué, selon laquelle « la Commission, en présumant qu’aucun établissement financier ne se porterait garant d’une entreprise en difficulté et, partant, qu’aucune prime de garantie de référence correspondante n’était offerte sur le marché, a méconnu la communication relative aux garanties, à laquelle elle est tenue ». Or, aucun élément de ce point ne permet de considérer que, par cette affirmation, le Tribunal aurait considéré que le recours au taux de référence impliquerait, en tant que tel, un manquement à ladite obligation.

72 Cinquièmement, étant donné que le Tribunal s’est borné, par l’analyse opérée aux points 132 à 134 de l’arrêt attaqué, à vérifier si la Commission avait effectué son appréciation conformément aux exigences qu’elle s’était, elle-même, imposées par l’adoption de la communication sur les garanties, ne saurait prospérer l’allégation de cette institution selon laquelle le Tribunal aurait lui-même violé les exigences relatives à l’appréciation globale requise.

73 En quatrième lieu, pour ce qui est des limites de la charge de la preuve et de l’obligation de diligence incombant à la Commission, il y a lieu de rappeler que, compte tenu de l’objectif poursuivi à l’article 107, paragraphe 1, TFUE d’assurer une concurrence non faussée, y compris entre les entreprises publiques et les entreprises privées, la notion d’« aide », au sens de cette disposition, ne saurait recouvrir une mesure accordée en faveur d’une entreprise au moyen de ressources d’État lorsque celle-ci aurait pu obtenir le même avantage dans des circonstances correspondant aux conditions normales du marché. L’appréciation des conditions dans lesquelles un tel avantage a été accordé s’effectue donc, en principe, par l’application du principe de l’opérateur privé (arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, point 105 et jurisprudence citée).

74 Partant, lorsque le principe de l’opérateur privé est applicable, il figure parmi les éléments que la Commission est tenue de prendre en compte pour établir l’existence d’une aide, et ne constitue donc pas une exception s’appliquant seulement sur la demande d’un État membre, lorsqu’il a été constaté que les éléments constitutifs de la notion d’« aide d’État », figurant à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sont réunis (arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, point 107 et jurisprudence citée).

75 Dans ce cas, c’est donc sur la Commission que pèse la charge de prouver, en tenant compte, notamment, des informations fournies par l’État membre concerné, que les conditions d’application du principe de l’opérateur privé ne sont pas remplies, de telle sorte que l’intervention étatique en cause renferme un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, point 108 et jurisprudence citée).

76 Dans ce cadre, il appartient à la Commission d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un tel opérateur privé (arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, point 110 et jurisprudence citée).

77 À cet égard, doit être considérée comme étant pertinente toute information susceptible d’influencer de manière non négligeable le processus décisionnel d’un opérateur privé normalement prudent et diligent, se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’opérateur public (arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, point 112 et jurisprudence citée).

78 En outre, la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité FUE relatives aux aides d’État, de conduire la procédure d’examen des mesures incriminées de manière diligente et impartiale, afin qu’elle dispose, lors de l’adoption de la décision finale, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire (arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, point 114 ainsi que jurisprudence citée).

79 En effet, la Commission ne saurait supposer qu’une entreprise a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État en se basant simplement sur une présomption négative, fondée sur l’absence d’informations permettant d’aboutir à la conclusion contraire, en l’absence d’autres éléments de nature à établir positivement l’existence d’un tel avantage (arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, point 111 et jurisprudence citée).

80 Partant, lorsqu’il apparaît que le principe de l’opérateur privé pourrait être applicable, il incombe à la Commission de demander à l’État membre concerné de lui fournir toutes les informations pertinentes lui permettant de vérifier si les conditions d’applicabilité et d’application de ce principe sont remplies (arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, point 104 et jurisprudence citée).

81 En effet, la Commission n’ayant pas une connaissance directe des circonstances dans lesquelles une décision d’investissement a été prise, elle doit s’appuyer aux fins de l’application de ce principe, dans une large mesure, sur les éléments objectifs et vérifiables produits par l’État membre en cause (arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, point 112).

82 Or, même lorsque cette institution est confrontée à un État membre qui, manquant à son devoir de collaboration, a omis de lui fournir des renseignements qu’elle lui avait enjoint de communiquer, elle doit fonder ses décisions sur des éléments d’une certaine fiabilité et cohérence qui fournissent une base suffisante pour conclure qu’une entreprise a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État et qui sont, partant, de nature à étayer les conclusions auxquelles elle parvient (arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C 244/18 P, EU:C:2020:238, point 69 et jurisprudence citée).

83 Il s’ensuit que, lors de l’examen de l’existence et de la légalité d’une aide d’État, il peut être nécessaire que la Commission aille, le cas échéant, au-delà du seul examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance (arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C 57/19 P, EU:C:2021:663, point 45 et jurisprudence citée).

84 En revanche, il ne saurait être déduit de cette jurisprudence qu’il incombe à la Commission de rechercher, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, toutes les informations qui pourraient présenter un lien avec l’affaire dont elle est saisie, quand bien même de telles informations se trouveraient dans le domaine public (arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C 57/19 P, EU:C:2021:663, point 45 ainsi que jurisprudence citée).

85 Par conséquent, la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer à la date à laquelle elle a adopté cette décision, éléments qui incluent ceux qui apparaissaient pertinents pour l’appréciation à effectuer conformément à la jurisprudence rappelée aux points 75 et 76 du présent arrêt et dont elle aurait pu, à sa demande, obtenir la production au cours de la procédure administrative (arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, point 118 et jurisprudence citée).

86 En l’occurrence, il découle des points 132 à 135 et 137 de l’arrêt attaqué que le Tribunal, d’une part, a estimé que la Commission s’est imposé, par l’adoption de la communication sur les garanties, l’obligation de vérifier s’il existait « une prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers » ou « un prix de marché d’un prêt similaire non garanti » avant de recourir au taux de référence. D’autre part, il a considéré que cette institution a manqué à cette obligation, en ce que la constatation de l’absence d’une prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers résulte d’une méconnaissance de cette communication et que celle de l’absence d’un prix de marché d’un prêt similaire non garanti n’est pas étayée à suffisance de droit.

87 À cet égard, premièrement, il résulte des constatations effectuées aux points 64 à 68 du présent arrêt que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que, par l’adoption de ladite communication, la Commission s’est imposé l’obligation de vérifier s’il « existe » une prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers et, à défaut, s’il « existe » un prix de marché d’un prêt similaire non garanti, avant de recourir au taux de référence.

88 Deuxièmement, ainsi que l’a relevé le Tribunal, notamment aux points 124 à 126 de l’arrêt attaqué, aucun élément de la décision litigieuse ne laisse entendre que la Commission aurait vérifié s’il existait une prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers. Elle s’est, en effet, bornée à exclure, au considérant 86, sous c), de cette décision « que les commissions de garantie annuelles de 0,5 % et 1 % appliquées aux garanties examinées tiennent compte du risque de défaut de paiement des prêts garantis, compte tenu des difficultés du Valencia CF ». En outre, à la section 7.2. de la décision litigieuse, relative à la quantification de l’aide, la Commission a entamé son examen, au considérant 93, directement avec la deuxième étape, consistant à vérifier s’il existe un prix de marché d’un prêt similaire non garanti.

89 Or, la seule explication qui ressort de la décision litigieuse au sujet de cette approche est que cette institution a considéré que, pour une entreprise en difficulté, il n’existe pas de prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers.

90 Toutefois, ainsi que l’a relevé le Tribunal, aux points 127 et 133 de l’arrêt attaqué, une telle logique se heurte à la communication sur les garanties qui distingue, à son point 4.1, sous a), « pour les entreprises en difficulté » les cas où « un garant sur le marché, s’il existe, exigerait une prime élevée [...], eu égard au taux de défaillance attendu » de ceux où si « la probabilité que l’emprunteur ne puisse pas rembourser l’emprunt devient particulièrement élevée, il est possible que ce taux de marché n’existe pas ».

91 Il s’ensuit que, aux termes de cette communication, l’appréciation selon laquelle le Valencia CF était en difficulté lors de l’octroi de la mesure 1 ne suffit pas, à elle seule, pour constater qu’il n’existe pas de prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers, une telle constatation nécessitant, à tout le moins, une analyse complémentaire relative au risque de défaillance attendu.

92 À cet égard, le Tribunal a, en outre, relevé, au point 128 de l’arrêt attaqué, que la Commission a distingué, notamment aux considérants 77 et 80 de la décision litigieuse, entre différents types de difficultés et a estimé que, si le Valencia CF se trouvait, lors de l’octroi de cette mesure, en difficulté, au sens des lignes directrices de 2004 sur le sauvetage et la restructuration, il ne se trouvait pas « en situation de crise grave », au sens du point 4.1, sous a), de la communication sur les garanties. Il s’ensuit que le Tribunal a pu considérer que la Commission n’avait pas établi dans la décision litigieuse que la probabilité que le Valencia CF ne puisse pas rembourser l’emprunt était « particulièrement élevée » au sens dudit point 4.1, sous a).

93 Ainsi, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé que la Commission a manqué à son obligation de prendre en compte tout élément pertinent en l’espèce et que, contrairement à ce que prétend cette institution, le Tribunal n’a pas étendu l’obligation de diligence incombant à cette institution au-delà des limites de ce qu’elle s’est imposé par l’adoption de ladite communication.

94 Troisièmement, ainsi que l’a constaté le Tribunal, aux points 131, 135 et 137 de l’arrêt attaqué, aucun élément de la décision litigieuse ni aucun élément produit devant le Tribunal ne vient étayer l’affirmation de la Commission au considérant 93 de la décision litigieuse selon laquelle c’est « en raison du nombre limité d’opérations de nature similaire sur le marché » que la valeur de référence du prix de marché d’un prêt similaire non garanti « ne permet pas une comparaison significative ».

95 À cet égard, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, aux points 79 et 80 de ses conclusions, cette institution a déduit de sa propre constatation selon laquelle le Valencia CF était en difficulté lors de l’octroi de la mesure 1 non seulement qu’aucun établissement financier n’aurait offert une garantie en faveur de ce club, mais également qu’il était exclu qu’il puisse exister un prêt similaire non garanti.

96 Or, l’existence tant d’une prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers que d’un prix de marché d’un prêt similaire non garanti pouvant être déterminant, conformément à la communication sur les garanties, pour la constatation de l’existence d’une aide d’État et pour sa quantification, il s’agit là d’éléments éminemment pertinents pour l’appréciation à effectuer par la Commission, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 75 et 76 du présent arrêt.

97 Si la Commission, par l’expression, au point 28 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, de ses doutes relatifs à la disposition d’établissement financiers d’accorder sans garantie de l’État un prêt similaire au Valencia CF, a satisfait à son obligation, rappelée au point 80 du présent arrêt, de demander à l’État membre concerné les informations pertinentes à ce sujet, il est constant qu’elle n’a reçu aucune réponse de la part des autorités espagnoles ni n’a fait état, devant le Tribunal, d’aucun autre élément dont elle aurait pu disposer lors de l’adoption de la décision litigieuse.

98 Dans ces conditions, il apparaît que la Commission n’a pas établi devant le Tribunal qu’elle disposait d’éléments d’une certaine fiabilité et cohérence, au sens de la jurisprudence rappelée au point 82 du présent arrêt, qui lui auraient permis d’affirmer qu’il n’existait qu’un « nombre limité d’opérations de nature similaire sur le marché » qui « ne permet pas une comparaison significative » avec la valeur de référence du prix de marché d’un prêt similaire non garanti.

99 Or, ainsi qu’il ressort du point 52 du présent arrêt, la Commission considère, elle-même, qu’elle peut être tenue de faire usage de ses pouvoirs d’enquête spécifiques, notamment, lorsqu’elle ne dispose pas d’éléments suffisants pour démontrer l’existence d’une aide ou qu’il est raisonnable de supposer que les données dont elle dispose sont incomplètes.

100 En effet, la Commission s’étant imposé, par l’adoption de la communication sur les garanties, de vérifier s’il existe un prix de marché d’un prêt similaire non garanti, le Tribunal pouvait considérer, sans commettre d’erreur de droit, que cette institution était tenue, dans des conditions telles que celles qui ressortent des constatations opérées aux points 93 à 97 du présent arrêt, d’aller au-delà du seul examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance, au sens de la jurisprudence rappelée au point 82 du présent arrêt, en réponse à la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

101 Contrairement à ce que prétend la Commission, le Tribunal ne lui a pas, de cette manière, imposé des obligations de diligence et de charge de la preuve excessives, mais s’est borné à constater qu’elle n’avait pas satisfait aux exigences qu’elle s’était imposées par l’adoption de ladite communication. En effet, il n’a nullement exigé que cette institution fournisse des preuves de l’inexistence d’opérations de nature similaire sur le marché, mais s’est limité à relever que la Commission n’avait pas étayé sa constatation ni fait usage de la faculté qui lui est offerte, conformément à la jurisprudence rappelée au point 84 du présent arrêt, d’effectuer au cours de la procédure administrative une demande spécifique auprès des autorités espagnoles ou des parties intéressées, en vue d’obtenir la production d’éléments pertinents aux fins de l’appréciation à effectuer. En particulier, le Tribunal n’a pas exclu qu’il aurait pu être suffisant pour la Commission, afin de satisfaire à ses obligations de diligence et à la charge de la preuve pesant sur elle, d’effectuer une telle demande spécifique dans le cadre des échanges relevés au point 14 du présent arrêt.

102 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le moyen unique soulevé à l’appui du pourvoi et, partant, le pourvoi lui-même doivent être rejetés comme étant non fondés.

Sur les dépens

103 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

104 Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

105 La Commission ayant succombé en son moyen unique et le Valencia CF ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par le Valencia CF.

106 Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, rendu applicable, mutatis mutandis, à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, le Royaume d’Espagne, ayant participé à la procédure devant la Cour, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Valencia Club de Fútbol SAD.

3) Le Royaume d’Espagne supporte ses propres dépens.