CA Papeete, ch. civ., 16 octobre 2014, n° 13/00015
PAPEETE
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vouaux-Massel
Conseillers :
Mme Teheiura, M. Ripoll
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Par exploits du 3 juillet 2012, les époux T. ont fait pratiquer des saisies-attribution sur les comptes bancaires de la SCI TE HAU M. et sur ceux de ses co-gérants Éric A. et Diana H., pour une créance d'un montant en principal de 1 000 000 F CFP en exécution d'un jugement du 8 novembre 2010 et d'un arrêt du 16 février 2012. La saisie a été négative sur les comptes de la SCI, mais fructueuse sur les comptes personnels des associés, auxquels elle a été dénoncée le 6 juillet 2012. Ces derniers ont introduit la présente instance le 2 août 2012 pour voir ordonner la mainlevée des saisies à leur égard à défaut de titre exécutoire.
Par jugement du 20 décembre 2012, le tribunal civil de première instance de Papeete a :
Donné mainlevée des saisies attribution diligentée par Célestine et Iuta T. en date du 3 juillet 2012 entre les mains de la BANQUE DE POLYNÉSIE, la BANQUE DE TAHITI, la banque SOCREDO, les CCP, au préjudice de Diana H. et Éric A. ;
Condamné solidairement Célestine et Iuta T. à verser à Diana H. et Éric A. la somme de 70 000 F CFP au titre des dispositions de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ;
Débouté les parties de leurs plus amples demandes ;
Condamné Célestine et Iuta T. aux dépens dont distraction.
Iuta T. et Célestine M. épouse T. ont relevé appel de cette décision par requête enregistrée au greffe le 9 janvier 2013 et par exploit portant signification de celle-ci délivré le 30 janvier 2013 à Diana H. et Éric A..
Il est demandé à la cour :
1° par Iuta T. et Célestine M. épouse T., appelants, dans leur requête et dans leurs conclusions visées le 11 avril 2014, de :
Réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Dire et juger que la saisie attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Mme Diana H. et M. Eric A. en leur qualité d'associés de la SCI TE HAU M. est valable et lui donner effet dans la limite du montant de leur créance arrêté à la somme de 1 000 000 F CFP en principal outre les sommes qu'ils seront condamnés à payer aux termes de la décision à intervenir ;
Débouter les intimés de toutes leurs demandes contraires ;
Condamner solidairement Mme Diana H. et M. Éric A. à leur payer la somme de 200 000 F CFP à titre de dommages et intérêts pour abus du droit d'agir en justice ;
Les condamner aux dépens comprenant l'intégralité des frais d'huissier pour les actes de saisie ainsi que les actes subséquents et les frais de signification de la décision à intervenir, et au paiement de la somme de 220 000 F CFP en remboursement de leurs frais non compris dans les dépens ;
2° par Éric A. et Diana H., intimés, dans leurs conclusions visées le 25 octobre 2013 et le 20 juin 2014, de :
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamner in solidum M. et Mme T. à leur payer une somme de 226 000 F CFP en remboursement de leurs frais non compris dans les dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 juin 2014.
Les moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé, sont résumés dans les motifs qui suivent.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n'est pas discutée.
Pour faire droit à la contestation des consorts H.-A., le jugement entrepris a retenu que le titre ayant servi de base aux saisies est un arrêt de la cour d'appel de Papeete du 16 février 2012 qui a condamné notamment solidairement la SCI TE HAU M. et les consorts B. à payer la somme de 1 000 000 F CFP à Célestine et Iuta T. ; que le titre ne fait mention d'aucune condamnation à l'encontre de Diana H. et Éric A. ; qu'il ne peut être soutenu le bénéfice des dispositions des articles 1857 et 1858 du Code civil en ce qu'ils seraient tenus indéfiniment des dettes sociales ; qu'en effet il est nécessaire de posséder un titre exécutoire contre le débiteur lui-même ; que toute exécution forcée implique l'existence d'un titre nominatif contre le débiteur à l'encontre duquel on exécute, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Les époux T. font valoir que leur créance est constituée par la réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait d'une interdiction abusive de la servitude d'accès à leur terrain grevant une parcelle qui était louée à la SCI TE HAU M. ; que cette dernière a elle - même obtenu des dommages et intérêts pour un montant de 8 000 000 F CFP en raison d'une faute du bailleur et du notaire dans l'établissement de son bail ; que, quoi qu'elle ait été payée de cette somme, la SCI ne leur a pas versé l'indemnité de 1 000 000 F CFP à laquelle elle a été condamnée, mais, au contraire, a organisé son insolvabilité, puisqu'elle n'a ni compte bancaire, ni actifs mobiliers ou immobiliers ; que les consorts H.-A. sont ses seuls associés ; que la seule saisie fructueuse a porté sur les comptes personnels de Diana H. ; que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, ils ont une action directe contre les associés de la société civile défaillante, et qu'un titre nominatif contre les associés n'est pas nécessaire à l'exercice d'une saisie-attribution ; et que l'action abusive des intimés justifie que des dommages et intérêts leur soient accordés.
Eric A. et Diana H. soutiennent que la SCI TE HAU M. s'était vue consentir un bail inopérant en raison de la servitude grevant le terrain; qu'elle n'a pas interdit l'accès, mais seulement installé un gardien ; qu'elle n'a pas organisé son insolvabilité, mais que l'exploitation de ce terrain avait été son unique objet ; qu'elle a fait l'objet d'une liquidation amiable à laquelle aucun créancier n'a produit; qu'en application d'une jurisprudence constante, le tribunal a exactement retenu que toute exécution forcée implique que le créancier soit muni d'un titre exécutoire à l'égard de la personne même qu'il doit exécuter ; que le titre délivré à l'encontre d'une société n'emporte pas le droit de saisir les biens des associés, fussent-ils tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales, à défaut de titre exécutoire pris contre eux ; qu'aucun abus de droit ne peut donc leur être imputé.
Les époux T. se prévalent aujourd'hui d'un titre exécutoire à l'égard de Diana H. et d’Éric A., du fait de la condamnation de ces derniers, par arrêt de la cour du 6 mars 2014, à leur payer la même somme. Les consorts H.-A. répliquent que cette décision, prise en référé, confirme qu'un titre nominatif contre les associés était bien nécessaire, et qu'un premier paiement de 675 000 F CFP a été fait.
Cela étant exposé, c'est par des motifs complets et pertinents, que ne remettent pas en cause les moyens d'appel, et que la cour fait siens, que le premier juge a donné mainlevée des saisies-attribution contestées en retenant l'absence de titre exécutoire pris nommément contre Éric A. et Diana H., nonobstant la qualité d'associés de ceux-ci (v. p. ex. Civ. 2e 19 mai 1998 B. n° 161). Le titre exécutoire résultant de l'arrêt de la cour du 6 mars 2014 ne remet pas en cause l'irrégularité de la saisie-attribution effectuée le 3 juillet 2012.
La solution de l'appel motive le rejet de la demande de dommages et intérêts faite par les appelants. Il sera fait application des dispositions de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice des intimés.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Vu les articles 798 du Code de procédure civile de la Polynésie française et 1382 et 1383 du Code civil ;
Confirme le jugement rendu le 20 décembre 2012 par le tribunal civil de première instance de Papeete ;
Déboute Iuta T. et Célestine M. épouse T. de leur demande de dommages et intérêts ;
Condamne solidairement Iuta T. et Célestine M. épouse T. à payer à Diana H. et Eric A. ensemble la somme supplémentaire de 100 000 F CFP en application des dispositions de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour ;
Met à la charge de Iuta T. et Célestine M. épouse T. les dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 16 octobre 2014.