Cass. crim., 5 mai 2021, n° 19-81.171
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
M. Turcey
Avocat général :
M. Bougy
Faits et procédure
1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 16 mars 2015, Mme [N] a porté plainte et s'est constituée partie civile des chefs de faux en écriture publique et usage, faux et usage, recel, escroquerie.
3. Une information judiciaire a été ouverte le 18 mai 2015 des chefs précités.
4. Par ordonnances en date du 18 mai 2018 et du 20 avril 2018, le juge d'instruction a rejeté les demandes de mesures d'instruction complémentaires formées par la partie civile.
5. Elle a relevé appel de ces décisions.
6. La chambre de l'instruction, par arrêt du 12 septembre 2018, a infirmé l'ordonnance de rejet du 20 avril 2018 en ce qu'elle a refusé d'identifier les bénéficiaires de onze chèques, l'a confirmée pour le surplus, et a confirmé l'ordonnance de rejet du 18 mai 2018.
7. Par ordonnance en date du 8 avril 2019, le président de la chambre criminelle a constaté que le pourvoi formé contre cet arrêt ne pouvait donner lieu à examen immédiat, et ordonné le retour de la procédure à la juridiction saisie.
8. Par ordonnance du 13 décembre 2019, le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre et a condamné la partie civile à une amende civile de 1 500 euros.
9. Mme [N] a relevé appel de cette ordonnance.
Examen de la recevabilité du mémoire personnel adressé par courriel, le
17 mars 2020, au greffe de la chambre de l'instruction
10. Selon l'article 584 du code de procédure pénale, le demandeur en cassation, soit en faisant sa déclaration, soit dans les dix jours suivants, peut déposer, au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, un mémoire, signé par lui, contenant ses moyens de cassation.
11. Il peut être dérogé à ces dispositions dans le cas où le demandeur, non condamné pénalement, justifie s'être trouvé en raison d'une circonstance indépendante de sa volonté dans l'impossibilité absolue de s'y conformer.
12. Il s'ensuit que le courriel que la partie civile a adressé au greffe de la chambre de l'instruction le 17 mars 2020, premier jour de l'application du décret du 16 mars 2020 interdisant le déplacement de toute personne hors de son domicile sous réserve d'exceptions limitativement énumérées, après s'être présentée à la cour d'appel de Rouen, où il lui a été indiqué qu'elle ne pourrait pas accéder au greffe de la chambre de l'instruction et qu'elle devait envoyer son mémoire par courriel, doit être regardé comme un mémoire personnel recevable en la forme.
Examen des moyens
Sur les moyens du pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 12 septembre 2018
13. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le cinquième et le sixième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 4 mars 2020
14. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième, septième, huitième et neuvième moyens du pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 4 mars 2020
Enoncé des moyens
15. Les moyens sont pris de la violation des articles 80 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale.
16. Ils critiquent l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision de non-lieu du juge d'instruction :
« 1°/ en dénaturant les termes de la plainte et du mémoire, qui soutenaient que la carte communale contenait quatre altérations de la vérité, la première étant l'énonciation que la création de zones constructibles n'avait pas d'incidence sur les espaces agricoles et naturels, et non que les terrains avaient encore une vocation agricole, sans statuer sur les trois autres ;
2°/ par une motivation laconique, imprécise et abstraite concernant le certificat d'urbanisme du 22 juillet 2014, alors que celui-ci comportait deux altérations frauduleuses de la vérité ;
3°/ sans répondre aux articulations essentielles du mémoire qui détaillait les faits susceptibles de constituer des altérations de la vérité dans les plans de la société de géomètres experts Euclyd Eurotop et de démontrer l'existence de l'élément intentionnel exigé par l'article 441-1 du code pénal ;
4°/ en estimant que les plans de situation « comportent une simple erreur » du géomètre dans l'emplacement des terrains de Mme [A] [P], alors qu'ils contenaient deux altérations de la vérité distinctes et avaient été établis par un professionnel ;
7°/ sans répondre aux articulations essentielles du mémoire qui soutenait que s'agissant de plans de situation réalisés et produits par un professionnel de la cartographie, l'intention frauduleuse était établie ;
8°/ sans statuer sur la production devant le tribunal administratif d'un des deux plans de situation argués de faux ;
9°/ sans répondre aux articulations essentielles du mémoire concernant cette production en justice pouvant être qualifiée d'usage de faux ou d'escroquerie. »
Réponse de la Cour
17. Les moyens sont réunis.
18. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué énonce notamment que les infractions de faux et usage prévues par l'article 441-1 du code pénal nécessitent, pour être constituées, la démonstration de l'intention coupable de leur auteur, qui résulte de sa conscience de l'altération de la vérité dans un document susceptible d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, et que l'escroquerie repose sur des manoeuvres frauduleuses.
19. Les juges ajoutent que l'information, particulièrement complète, a établi que les plans de situation réalisés par la société de géomètres dans le cadre de la déclaration préalable de lotissement et de la demande de certificat d'urbanisme comportent une simple erreur dans l'emplacement des terrains de Mme [A] [P], sans aucune conséquence juridique, s'agissant uniquement d'un document d'information, et que la carte communale et le certificat d'urbanisme du 22 juillet 2014 ne sont pas entachés de la moindre altération frauduleuse de la vérité.
20. En l'état de ces énonciations, dont il résulte que l'élément intentionnel du faux n'est pas caractérisé, les documents litigieux comportant une simple erreur, et que les infractions d'usage de faux, de recel et d'escroquerie par production de faux en justice ne peuvent donc être constituées, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués.
21. Ainsi, les moyens doivent être écartés.
22. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction en date du 12 septembre 2018 :
Le DECLARE NON ADMIS ;
Sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction en date du 4 mars 2020 :
Le REJETTE.