Cass. com., 29 juin 2022, n° 20-16.035
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
Mme Kass-Danno
Avocats :
SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Marc Lévis
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 2020), se prévalant d'un contrat de transport de colis conclu le 17 août 2016 avec la société Almana, devenue Auxceon, la société Chronopost l'a assignée en paiement de diverses factures.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
2. La société Auxceon fait grief à l'arrêt de condamner la société Almana à verser à la société Chronopost une certaine somme, avec intérêts, alors « que ne peut être tenu sur le fondement d'un mandat apparent, la personne demeurée complètement étrangère à l'apparence alléguée d'un mandataire ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'un mandant apparent, après avoir relevé que c'est au prix d'une usurpation d'identité et d'usage de faux que M. [I] s'était fait passer pour un membre de la société Almana, ce dont il résultait que la société Almana était demeurée complètement étrangère à l'apparence alléguée, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1998 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1998 du code civil :
3. Il résulte de ce texte que le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence d'une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances, auxquelles le mandant n'est pas complètement étranger, autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.
4. Pour condamner la société Almana à payer à la société Chronopost une certaine somme, après avoir retenu qu'elle avait été la victime d'une escroquerie commise par M. [I], connu pour des faits d'usurpation d'identité et d'usage de faux au préjudice de nombreuses autres victimes, l'arrêt constate que la société Almana a déposé plainte pour ces faits d'escroquerie le 16 septembre 2016, au vu notamment d'une facture de 94,15 euros adressée par la société Chronopost le 14 septembre 2016 mais qu'elle n'en a pas pour autant informé cette dernière avant le 2 février 2017, malgré la réception successive de factures les 30 septembre et 31 octobre 2016 et des demandes d'explication les 30 novembre et 2 décembre 2016. Il en déduit que la société Almana ne peut reprocher à la société Chronopost un défaut de diligences qu'elle n'a pas entreprises elle-même, ni en protégeant ses propres données personnelles, ni en l'informant au plus tôt des faits d'escroquerie dont elle estimait être la victime. Et il retient que, compte tenu de ses activités de transporteur de colis, la société Chronopost était autorisée à ne pas vérifier l'exactitude des pouvoirs de M. [I] qui lui étaient déclarés sur l'honneur, au visa de données ayant l'apparence de la sincérité, et qu'elle a ainsi été légitime à accepter les informations fournies au jour du contrat.
5. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la société Almana n'avait pas été complètement étrangère à l'apparence ainsi créée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
6. La cassation, sur le moyen du pourvoi principal, du chef de dispositif condamnant la société Almana à verser à la société Chronopost la somme de 18 340,18 euros, avec intérêts au taux égal au taux de refinancement de la Banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage et ce à compter de l'assignation entraîne, par voie de conséquence, celle des chefs de l'arrêt ordonnant la capitalisation des intérêts et condamnant la société Almana à verser à la société Chronopost la somme de 160 euros au titre des frais de recouvrement, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.