Cass. com., 7 juillet 2021, n° 19-11.906
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
Mme Lefeuvre
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 17 décembre 2018) et les productions, par un acte du 18 mai 1992, la Société de développement régional Antilles-Guyanes (la Soderag) a consenti un prêt à la société Tom pouce. M. [E], associé, s'est rendu caution solidaire de cet engagement.
2. Par un acte du 2 décembre 1998, la Soderag a cédé la créance résultant du prêt consenti à la société Tom pouce à la Société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (la Sodega).
3. Aux termes d'une délibération de l'assemblée générale de ses actionnaires du 23 décembre 2004, la Société Antilles-Guyane participation a, par voie de fusion simplifiée, absorbé la Sodega, dont elle détenait l'intégralité des actions, et pris, à cette occasion, la dénomination de Société financière Antilles Guyane (la Sofiag).
4. Le 14 juin 2013, la Sofiag a assigné M. [E] en exécution de son engagement de caution. Invoquant l'inopposabilité à son égard de la liquidation de la Sodega, M. [E] a soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la Sofiag.
5. Par une délibération de ses actionnaires du 28 mai 2018, la Sofiag est devenue la Soredom.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La Sofiag, devenue Soredom, fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes contre M. [E] irrecevables, alors qu' « en cas de fusion sans création d'une société nouvelle, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante implique que cette dernière a, de plein droit, dès la date de l'assemblée générale approuvant l'opération, qualité pour agir en paiement contre les débiteurs des créances de la société absorbée ; qu'en retenant, pour juger l'action de la Sofiag irrecevable, que "la Sofiag qui ne justifie d'aucune publication de la dissolution de la Sodega n'établit pas l'opposabilité de l'opération de fusion absorption", quand la Sofiag avait, dès l'assemblée générale approuvant la fusion-absorption et la transmission universelle du patrimoine de la Sodega, qualité pour agir en paiement contre M. [E], débiteur cédé, la cour d'appel a violé l'article L. 236-3 du code de commerce, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 236-3-I et L. 236-4-2° du code de commerce :
7. Selon le premier de ces textes, la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération.
8. Il résulte du second qu'en cas de fusion sans création d'une société nouvelle, l'opération prend effet à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération, sauf si le contrat prévoit que l'opération prend effet à une autre date.
9. Pour déclarer irrecevables les demandes de la Sofiag, pour défaut de qualité à agir, l'arrêt, après avoir énoncé que, selon l'article L. 123-9 du code de commerce, la personne assujettie à immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne peut, dans l'exercice de son activité, opposer aux tiers les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés audit registre et que, selon l'article L. 237-2, alinéa 3, du même code, la dissolution d'une société ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés, retient que la Sofiag ne justifie d'aucune publication de la dissolution de la Sodega, société censée avoir été absorbée par elle, ce dont il déduit qu'elle n'établit pas l'opposabilité de l'opération de fusion-absorption, et par conséquent de la transmission universelle de son patrimoine.
10. En statuant ainsi, alors que l'assemblée générale de la Société Antilles-Guyane participation du 23 décembre 2004, dont il n'est pas contesté que le procès-verbal des délibérations a fait, en temps utile, l'objet d'un dépôt au greffe du tribunal de commerce compétent, avait opéré, de plein droit, transmission universelle du patrimoine de la Sodega à la Sofiag et, par voie de conséquence, conféré à cette dernière, dès cette date, qualité pour agir en paiement contre M. [E], la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant le jugement, il déclare irrecevables les demandes formées par la Société financière Antilles Guyane, devenue la Soredom, contre M. [E], et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse Terre autrement composée.