CA Lyon, 29 novembre 2011, n° 10/08580
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Arcelormittal Wire France (SA)
Défendeur :
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Marne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Burkel
Conseillers :
M. Homs, M. Revol
Avocats :
Me Drye, Me Philip de Laborie, Me Michaud
FAITS ET PROCÉDURE
Attendu que le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Ain, par jugement contradictoire du 7 avril 2008, statuant dans les rapports de la société ArcelorMittal Wire France et la CPAM de la Haute Marne, a :
- confirmé la décision prise le 14 décembre 2004 par la CPAM de la Haute Marne reconnaissant le caractère professionnel à la maladie déclarée le 15 juillet 2004 par monsieur Petot ainsi que la décision de la commission de recours amiable du 8 juin 2005,
- dit que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie contractée par monsieur Petot est opposable à la société Arcelormittal Wire France anciennement dénommée société Trefileurope,
- débouté la société Arcelormittal de son recours et de ses demandes.
Attendu que la cour est régulièrement saisie d'un appel formé le 22 avril 2008 par la société ArcelorMittal Wire France immatriculée au registre du commerce de Bourg en Bresse sous le numéro B310792023 ;
Que l'affaire ait été appelée à l'audience du 2 décembre 2008 et a fait l'objet d'une ordonnance de radiation ;
Que la société Arcelormittal Wire France a sollicité le rétablissement de l'affaire au rôle de la cour par lettre du 1er mars 2011 ;
Attendu que la société ArcelorMittal Wire France anciennement dénommée société Trefileurope demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 11 octobre 2011, visées par le greffier le 18 octobre 2011 et soutenues oralement, de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- réformer le jugement entrepris,
- lui déclarer inopposable :
* la décision de la CPAM de la Haute Marne du 14 décembre 2004 de prendre en charge au titre de la législation des maladies professionnelles la maladie déclarée par monsieur Petot le 15 juillet 2004,
* la décision de la commission de recours amiable de la CPAM de la Haute Marne du 8 juin 2005 confirmant la CPAM,
- à titre subsidiaire, dire que la maladie professionnelle déclarée par monsieur Petot le 15 juillet 2004 à la CPAM de la Haute Marne ne sera pas prise en charge au titre des risques professionnels,
- condamner la CPAM de la Haute Marne en tous les dépens ;
Attendu que la CPAM de la Haute Marne demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 19 juillet 2011, visées par le greffier le 18 octobre 2011 et soutenues oralement, au visa des articles L215-1, L461-1, D242-6-13 et R411-10 du code de la Sécurité Sociale et L221-1 et suivants du code de commerce, de :
- confirmer le jugement déféré et par conséquent la décision de la commission de recours amiable du 8 juin 2005,
- déclarer la prise en charge de la pathologie de monsieur Petot au titre de la législation professionnelle caractérisée et opposable à la société Trefileurope,
- débouter la société Trefileurope de toutes ses demandes,
- condamner l'appelante à lui payer 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que monsieur Petot, né le 9 juin 1928, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle le 19 août 2004, précisant avoir travaillé de 1977 à 1987 aux établissements Jacquemin Cornibert à Saucourt, le certificat médical initial du 15 juillet 2004 mentionnant « mésothéliome pleural malin mixte à composante épithéloïde, bilatéral » ;
Que si lors de l'enquête administrative diligentée par la CPAM, monsieur Petot a déclaré travailler comme tréfileur chez Jacquemin et Cornibert à Saucourt depuis 1977 jusqu'au 1er août 1982, date à laquelle il a été placé en invalidité jusqu'au 30 juin 1988, date à laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite, le livre du personnel de l'entreprise mentionne une entrée du salarié dans l'entreprise au 18 janvier 1977 et une sortie au 31 août 2007 ;
Attendu que suite à cette enquête administrative et à l'avis médical favorable du médecin conseil le 3 novembre 2004, la CPAM de la Haute Marne a pris en charge la maladie professionnelle déclarée le 14 décembre 2004 ;
Que la CPAM a diligenté cette instruction au contradictoire des « Etablissements Jacquemin et Cornibert à Saucourt », informé « Trefileurope Doulaincourt Saucout » de la possibilité de consultation du dossier avant le prononcé de sa décision ;
Qu'elle justifie que « monsieur Lacour représentant du groupe Trefileurope » a consulté le dossier de maladie professionnelle de monsieur Petot le 10 février 2005 et en a obtenu copie ;
Attendu que la société Arcelormittal Wire France, anciennement dénommée Trefileurope, soutient au principal n'avoir jamais été l'employeur de monsieur Petot, ne pas être tenue des dettes sociales contractées par la SNC Trefileries Jacquemin Cornibert et verse aux débats divers documents relatifs aux sociétés Trefileries Jacquemin, Trefileries Jacquemin Cornibert et Trefileurope dont l'analyse s'impose, étant précisé que l'intimée n'en conteste ni l'authenticité ni la teneur ni leur opposabilité ;
Attendu que selon acte constitutif de la Sa Trefileries Jacquemin Cornibert du 8 décembre 1983, cette société est constituée de messieurs Albert Michel, Chaduc Robert, Jacquemin François et Jean Louis, Krausener Jean Marie et des sociétés anonymes Trefileries Chatillon Gorcy, Trefileries André Jacquemin et de la Sarl Etablissements Cornibert Frères et a reçu comme apport de la société Trefileries André Jacquemin la « partie afférente aux activités de tréfileries (fabrication et vente) localisées dans l'usine de Saucourt » et de la société Etablissements Cornibert Frères la « partie afférente aux activités de tréfileries (fabrication et vente) localisées dans l'usine de Noncourt sur le Rongeant » ;
Que la société Trefileries Jacquemin Cornibert en contrepartie s'est engagée à prendre à sa charge les engagements pris à l'égard des membres du personnel, se déclarant subrogée dans les droits et obligations des Trefileries André Jacquemin et de la Sarl Etablissements Cornibert Frères ;
Attendu que la Sa Trefileries André Jacquemin, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint Dizier sous le numéro B515 780 864, a donné, par acte sous seing privé du 8 décembre 1983, à bail à la Sa Trefileries Jacquemin Cornibert, constitué le 8 décembre 2003, en cours d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Saint Dizier un ensemble immobilier composé de différents ateliers sis à Saucourt ;
Que la Sarl Cornibert Frères immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint Dizier sous le numéro B515 780 153, a donné, par acte sous seing privé du 8 décembre 1983, à bail à la Sa Trefileries Jacquemin Cornibert, constitué le 8 décembre 2003, en cours d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Saint Dizier un ensemble immobilier composé de différents ateliers sis à Noncourt ;
Attendu que les sociétés Trefileries André Jacquemin et Etablissements Cornibert Frères, par actes notariés du 24 octobre 1992, ont vendu les bâtiments donnés en location à la société SA Trefileries Jacquemin Cornibert immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint Dizier sous le numéro B328 932 504 ;
Attendu que selon extrait Kbis du 24 novembre 2008, la société Trefileries Jaquemin Cornibert immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint Dizier sous le numéro B328 932 504 est une SNC, créée le 7 mars 1984, qui a vendu le 11 juin 1999 le fonds de commerce sis à Saucourt sur Rognon à la Sa Trefileurope immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bourg en Bresse sous le numéro B310 792 023 et qui a été radiée à compter du 1er juillet 2009 du fait du transfert de son siège social à Hayange ;
Que parmi les associés de la SNC Trefileries Jacquemin Cornibert figure la société Bail Industrie, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Thionville sous le numéro B337.540 652 ;
Attendu que par acte sous seing privé du 12 mai 1999, la société Trefileurope a cédé à la Sa Bail Industrie les parts sociales dont elle est propriétaire dans la SNC Trefileries Jacquemin Cornibert ;
Attendu que par acte sous seing privé du 1er décembre 2000, il a été constaté la transmission universelle du patrimoine de la SNC Trefileries Jacquemin Cornibert à l'associée unique Bail Industrie à compter du 30 novembre 2000 et de la disparition de la SNC Trefileries Jacquemin Cornibert à cette même date ;
Attendu que par assemblée générale extraordinaire du 25 juillet 2007, la Sa Trefileurope a modifié sa dénomination sociale en Arcelormittal Wire France ;
Attendu que la société appelante reconnaît dans ses écritures avoir eu la qualité d'associé de la SNC Trefileries Jacquemin Cornibert de 1992 à 1999 ;
Attendu que préliminairement, il ne peut se déduire ni du seul fait que la CPAM ait considéré qu'un établissement ou une société ait la qualité d'employeur de monsieur Petot ou ait conduit l'instruction du dossier de maladie professionnelle souscrite par ce dernier à leur contradictoire ou qu'un représentant de la société Trefileurope ait consulté le dossier après décision de prise en charge, ni de l'absence de dénégation opposée en cours d'instruction par les établissements Jacquemin Cornibert à Saucourt, par la société Trefileurope une reconnaissance par la société appelante de sa qualité d'employeur de ce salarié, laquelle ne peut être implicite ;
Que d'ailleurs la société appelante a contesté la décision de prise en charge devant la commission de recours amiable après avoir pu consulter le dossier auprès de la CPAM de la Haute Marne ;
Attendu que d'une part, les premiers juges ont justement déduit des pièces qui leur ont été soumises que monsieur Petot a travaillé dans une usine à Saucourt dont la toiture composée de plaques de fibrociment contenait de l'amiante et ce de 1977 à 1982, remplissant les conditions d'exposition au risque de 5 années exigées par le tableau numéro 30 D ;
Attendu que d'autre part, les pièces versées aux débats permettent d'établir que la gestion de cet établissement de Saucourt et de son personnel a été assurée par la SA Trefileries André Jacquemin de 1977 au 8 décembre 1983, puis par la Sa Trefileries Jacquemin Cornibert à compter du 8 décembre 1983 jusqu'à sa transformation en SNC datant du 7 mars 1994 selon l'extrait Kbis ou de 1992 aux termes des écritures de l'appelante ;
Que la société SA Trefileries Jacquemin Cornibert s'est engagée, dans le cadre de son acte constitutif, en contrepartie des apports reçus notamment de la société Trefileries André Jacquemin, à se substituer dans les droits et obligations de la société à l'égard des salariés de cette société ;
Que la SNC Trefileries Jacquemin Cornibert ait, à la date du 1er décembre 2000, a transmis son patrimoine à son associée unique, la société anonyme Bail Industrie ;
Attendu que la société venant aux droits de l'employeur initial de monsieur Petot est la société Bail Industrie, qui n'est pas dans la cause et n'a pas été associée à l'instruction du dossier de maladie professionnelle souscrite par ce salarié ;
Attendu qu'enfin, même à admettre que la société appelante du fait de sa qualité d'associé de la SNC Trefileries Jacquemin Cornibert ait à répondre indéfiniment et solidairement des dettes sociales de la société en nom collectif en application de l'article L221-1 du code de commerce, cette même disposition subordonne la poursuite à une mise en demeure préalable de la société par acte extrajudiciaire ;
Que la CPAM de la Haute Marne ne justifie aucunement de la réalité d'une mise en demeure préalable ;
Que la CPAM ne puisse considérer être déchargée de cette obligation, s'agissant d'une « société n'ayant plus d'existence juridique », alors que par la transmission universelle de son patrimoine la SA Bail Industrie était venue aux droits et obligations de la SNC Trefileries Jacquemin Cornibert ;
Attendu que la société ArcelorMittal Wire France est fondée en son recours et sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie déclarée le 15 juillet 2004 par monsieur Petot au titre des risques professionnels, décision prise par la CPAM de la Haute Marne du 14 décembre 2004, doit être accueillie ;
Attendu que la procédure étant gratuite et sans frais en application de l'article R144-10 du code de la sécurité sociale, les demandes formulées par les parties relatives aux dépens sont sans objet ;
Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la CPAM de la Haute Marne ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Reçoit l'appel,
Infirme le jugement en ce qu'il a dit la décision de la CPAM de la Haute Marne du 14 décembre 2004 de prise en charge de la maladie déclarée par monsieur Petot le 15 juillet 2004 au titre des risques professionnels opposable à la société ArcelorMittal Wire France,
L'infirme de ce chef,
Statuant à nouveau,
Dit que la décision de la CPAM de la Haute Marne du 14 décembre 2004 de prise en charge de la maladie déclarée par monsieur Petot le 15 juillet 2004 au titre des risques professionnels est inopposable à la société ArcelorMittal Wire France,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.