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Décisions

Cass. 1re civ., 4 juillet 1995, n° 93-18.008

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grégoire

Rapporteur :

M. Thierry

Avocat général :

Mme le Foyer de Costil

Avocats :

SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Hubert et Bruno Le Griel

Bastia, ch. civ., du 24 juin 1993

24 juin 1993

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par acte notarié du 23 décembre 1963, une maison d'habitation sise à Soveria (Haute-Corse), a été partagée entre les deux filles de M. Y..., décédé en 1946 ; que le lot N 1, situé au premier étage et composé de trois pièces, d'un grenier et d'une partie du jardin, a été attribué à Mme Lucrèce Y... épouse X..., tandis que le lot N 2, sis au rez-de-chaussée et comportant une pièce, une cuisine, un garage et l'autre partie du jardin, était dévolu à Mme Renée Y... épouse Z... ; qu'il a été convenu que Mme Veuve Y... conservait jusqu'à sa mort l'usufruit de la maison et du jardin ; qu'elle est décédée en 1973 ; que Mme Z... ayant ultérieurement assigné Mme X... pour troubles de jouissance, l'arrêt attaqué (Bastia, 24 juin 1993) l'a déboutée de ses prétentions relatives à l'accès de la terrasse du premier étage par un escalier extérieur, aux constructions effectuées par sa soeur, et aux vues pratiquées par celle-ci sur son lot ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la remise d'une clé du cadenas du portillon pour lui permettre d'accéder au toit-terrasse de son garage, alors, selon le moyen, que la cour d'appel, qui constatait qu'aux termes du partage Mme Z... s'était vue attribuer un garage, ne pouvait décider, sous prétexte de commune intention des parties, que ce toit-terrasse se trouvait exclu de la propriété ainsi conférée, sans répondre aux conclusions selon lesquelles la propriété du garage emportait également celle de son toit, et sans satisfaire ainsi aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé l'absence de toute mention d'une servitude de passage dans l'acte de partage du 23 décembre 1963, et ayant retenu par une interprétation souveraine de cet acte que la commune intention des parties avait été d'attribuer le premier étage avec son accès à Mme X... et l'emplacement d'un garage à Mme Z..., de telle sorte que la présomption simple édictée par l'article 552 du Code civil se trouvait écartée par la volonté des parties, la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions que sa décision rendait inopérantes ;

Qu'il s'ensuit que le premier moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir débouté Mme Z... de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la surélévation du premier étage et par l'ouverture de deux fenêtres, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en se fondant sur le fait qu'à l'époque des travaux réalisés avant le partage notarié du 23 décembre 1963, Mme Y... était usufruitière des deux appartements et usait des lieux, pour débouter Mme Z... de sa demande en réparation du préjudice subi en raison des travaux effectués par Mme X... sans son autorisation, l'arrêt attaqué a statué par des motifs inopérants en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'aucune des parties n'avait prétendu que les ouvertures réalisées avant le partage amiable constituaient des servitudes par destination du père de famille ; qu'en relevant ce moyen d'office, sans provoquer les explications préalables des parties sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que l'essentiel des travaux avait été réalisé avant l'acte de partage du 23 décembre 1983, et ayant retenu que Mme Y..., mère de Mmes X... et Z... et occupante des lieux, n'avait élevé aucune protestation à l'encontre de ces travaux et qu'aucune réserve à ce sujet n'avait été insérée dans l'acte à la demande de Mme Z..., de telle sorte que celle-ci n'était pas fondée à invoquer, postérieurement à la signature de cette convention, le préjudice causé par les travaux litigieux, la cour d'appel, abstraction faite d'une erreur sur la date à laquelle Mme Y... avait pris la qualité d'usufruitière, a légalement justifié sa décision de débouter Mme Z... de sa demande de dommages-intérêts ;

Attendu, ensuite, que c'est sans violer le principe de la contradiction qu'en l'absence de fondement juridique proposé par les parties, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ;

qu'en l'espèce, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que les deux ouvertures litigieuses constituaient des servitudes par destination du père de famille ;

D'où il suit que le second moyen ne peut davantage être retenu en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.