CA Grenoble, ch. des urgences, 6 mars 1990, n° 89/3140
GRENOBLE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Banque Rhone Alpes (SA)
Défendeur :
Raffy
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. des Pomeys Anselme
Conseillers :
Mme Palisse, M. Balmain
Avoués :
SCP d’Avoués Grimaud, SCP d'Avoués Borel & Calas
Avocats :
Me Petit, Me Mauvarin, Me Puech, Me Durand
FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant acte sous seing privé en date du 13 février 1987 la Société en Nom Collectif LE BIVOUAC a été constituée entre M. AUPETIT, Mme RAFFY, et M. ESCACHE, pour l’exploitation d’un bar hôtel dénommé "LE BIVOUAC NAPOLEON" à LAFFREY. Ladite S.N.C. a souscrit auprès de la BANQUE RHONE ALPES pour l'acquisition du bar hôtel :
- le 5 janvier 1987, un prêt de 300.000 F,
- le 16 avril 1987, un prêt de 60.000 F.
Suivant acte sous seing privé en date du 8 février 1988, enregistré le 17 mars 1988, Mme RAFFY a cédé l'intégralité de ses parts dans la S.N.C. LE BIVOUAC à M. CAFFORT.
La S.N.C. LE BIVOUAC n'ayant pu tenir ses engagements de remboursement vis à vis de la Banque Rhône Alpes, cette dernière a introduit contre ladite S.N.C., MM. AUPETIT, CAFFORT et Mme RAFFY une action en référé provision et au fond en paiement de la somme de 412.601,79 F en principal, l'exploit délivré à Mme RAFFY datant du 17 octobre 1988.
Il y était indiqué que la banque détenait créance de :
- en compte courant : 64.106,73 F
- premier prêt : 294.432,73 F
- second prêt : 54.062,33 F
- TOTAL : 412.601,79 F
Par ordonnance du 8 mars 1989, le juge des référés du Tribunal de commerce de Grenoble condamnait solidairement la S.N.C. LE BIVOUAC à M. CAFFORT à payer une provision de 100.000 F à la Banque Rhône Alpes qui ne recevait rien.
Par jugement du 25 septembre 1989, le Tribunal de commerce de Grenoble :
- mettait hors de cause Mme RAFFY aux motifs que la cession de ses parts sociales régulièrement intervenue le 8 février 1988 était opposable à la Banque compte tenu de l’engagement écrit et signé du cessionnaire de reprendre le passif existant au jour de la cession,
- condamnait "conjointement et solidairement" (sic) la S.N.C. LE BIVOUAC, M, CAFFORT et AUPETIT à lui payer les sommes réclamées en principal et en intérêts, outre 5.000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Le 19 Octobre 1989, la BANQUE RHONE ALPES a relevé appel de ce jugement, intimant seulement Mme RAFFY de sorts que l’appel est limité à la mise hors de cause de celle-ci.
La banque demande à la Cour d’infirmer ledit jugement et, statuant à nouveau :
- de la faire condamner à lui payer :
1) la somme principale de 417.896,74 F montant des causes sus-énoncées,
2) les intérêts à compter du 5 novembre 1988
* au taux légal sur 64.698,83 F,
* au taux du prêt + trois points,- soit 14,39 sur 54.783,54 F et sur 298.414,37 F,
3) la somme de 50.000 F de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et celle de 25.000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, comme il était demandé en première instance,
4) celle de 10.000 F du chef de l’article 700 du nouveau code de procédure civile en compensation des frais irrépétibles en appel.
Mme Dominique LENOIR épouse RAFFY conclut au débouté de la Banque Rhône Alpes et lui réclame 5.000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
DISCUSSION
Attendu que pour retenir la mise hors de cause de Mme RAFFY, le tribunal a méconnu les principes qui découlent tant de l'article 10 de la loi du 24 juillet 1966 que d’une jurisprudence constante en la matière ;
Qu'en effet la Cour de Cassation a déjà rappelé le 16 mars 1942 « qu’un associé ne saurait, par une cession de ses droits autorisée par les statuts, et régulièrement publiée, se décharger sans l’accord des créanciers sociaux de l'obligation solidaire lui incombant à raison des dettes antérieures à la cession ; … la clause des statuts qui autorise une telle cession n’a pour but que de permettre à la société de se continuer malgré la retraite du cédant » ;
Que l’engagement pris par M. CAFFORT, cessionnaire, de régler aux lieu et place du cédant, les dettes sociales crées antérieurement à la cession n’est pas opposable à la banque, créancier social, celle-ci n’ayant pas accepté le changement de débiteur ainsi opéré ;
Que Mme RAFFY n'est donc pas engagée et reste tenue personnellement, solidairement et indéfiniment avec la S.N.C. à titre commercial ;
Que dès lors que la créance de la Banque s’élevait au 4 novembre 1988 (date à laquelle la cession des droits de Mme RAFFY au sieur CAFFORT a été publié au registre du commerce), à :
- solde débiteur du compte courant : 64.798,83 F
- prêt de 60.000 F : 54.783,54 F
- prêt de 300.000 F : 298.414,37 F
TOTAL : 417.896,54 F
la dame RAFFY doit être condamnée à hauteur de ce montant ;
Attendu qu’il échet de reformer la décision entreprise et de faire droit à la demande de l'appelante telle qu'elle résulte de ses conclusions d'appel sur le principal et les intérêts ;
Attendu que la demande de dommages intérêts n'est pas suffisamment justifiée ;
Qu’en revanche, il est Iégitime d'allouer l’appelante la somme de 3.500 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour compenser en partie les frais d’instance non compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR :
Statuant par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Déclare fondé l'appel de la Banque Rhône Alpes.
Reforme le jugement déféré et statuant à nouveau :
Dit gue c’est à tort que Mme Dominique LENOIR épouse RAFFY a été mise hors de cause.
La condamne à payer à la Banque Rhône Alpes :
1) la somme principale de 417.896,74 F montant des causes sus-énoncées,
2) les intérêts à compter du 5 novembre 1988 :
- Au taux Iégal sur 64.698,83 F,
- Au taux du prêt + trois points, soit 14,39 sur 54.783,54 F et sur 298.414,37 F.
3) la somme de 3.500 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Rejette la demande de dommages intérêts formulée par la Banque Rhône Alpes.
Condamne Mme RAFFY en tous les dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct contre elle an profit de la S.C.P. d’Avoués GRIMAUD conformément à l’article 699 du nouveau code de procédure civile.