Cass. com., 5 juin 2019, n° 17-26.167
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocat :
SCP Alain Bénabent
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 8 juin 2017), que, le 24 janvier 2004, la société Ufra a conclu avec la société Adi groupe, son actionnaire principal, dont M. I... est le président, une « convention d'assistance administrative, financière et commerciale », moyennant une redevance proportionnelle à son chiffre d'affaires ; que cette convention a été modifiée par avenant du 4 janvier 2007 ; que, le 10 mai 2012, M. I... et la société Adi groupe ont cédé à la société Hyperion Invest et à d'autres sociétés du groupe Adi l'intégralité des actions représentant le capital de la société Ufra, M. I... démissionnant de ses fonctions de président de la société Ufra et la convention d'assistance étant résiliée ; que la société Ufra a assigné la société Adi groupe et M. I... en annulation de cette convention et en restitution des redevances perçues par la société Adi groupe à ce titre, subsidiairement en responsabilité contractuelle ; qu'elle a été mise en liquidation judiciaire, les sociétés Administrateurs judiciaires partenaires et Alliance MJ étant désignées respectivement administrateur et liquidateur judiciaires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Ufra, la société Administrateurs judiciaires partenaires, ès qualités, et la société Alliance MJ, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter la demande d'annulation de la convention du 4 janvier 2007 formée par la société Ufra et sa demande en restitution des redevances versées, ainsi que ses demandes tendant à voir juger que M. I... a commis une faute de gestion et le voir condamner, solidairement avec la société Adi groupe, à lui verser la même somme en réparation du préjudice subi, alors, selon le moyen :
1°/ que toute convention dépourvue de cause est nulle ; qu'est dépourvue de cause la convention conclue entre deux sociétés portant sur des prestations relevant normalement du mandat social exercé par le dirigeant de la société bénéficiaire de la prestation ; qu'en effet, dans ce cas de figure, la rémunération versée au titre de prestations incombant normalement au dirigeant de la société bénéficiaire est dépourvue de contrepartie réelle ; qu'en l'espèce, la société Ufra faisait précisément valoir que la convention de management conclue avec la société Adi groupe mettait à la charge de cette dernière, contre rémunération, une « mission générale d'assistance en matière administrative, financière et commerciale », soit une mission incombant au mandataire social de la société Ufra et pour laquelle ce dernier était, par ailleurs, rémunéré ; qu'elle en déduisait que cette convention était dépourvue de cause et était par conséquent nulle ; qu'en déboutant la société Ufra de sa demande de nullité sans avoir vérifié si, concrètement, les missions confiées à la société Adi groupe n'étaient pas déjà effectuées par M. I... en sa qualité de dirigeant de la société Ufra, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil, en sa version applicable à la cause ;
2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à une absence de motifs ; que la société Ufra faisait encore valoir que la convention litigieuse avait délégué non seulement les attributions de son dirigeant mais aussi une partie des attributions de son personnel commercial et administratif ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que pour débouter la société Ufra de sa demande de nullité, la cour d'appel a affirmé que M. C..., président de la société Hyperion Invest, cessionnaire des actions de la société Ufra, avait eu, lors de la passation des actes de cession, une parfaite connaissance de la nature et du bien-fondé de la convention litigieuse ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à caractériser l'existence d'une cause de l'obligation de rémunération souscrite par la société Ufra à l'égard de la société Adi groupe, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil, en sa version applicable à la cause ;
4°/ que pour débouter la société Ufra de sa demande de nullité, la cour d'appel a encore affirmé que la société Ufra s'acquittait toujours de redevances versées à la société Hyperion Invest, ce qui confirmait l'effectivité des prestations opérées par une société mère pour sa filiale et financées par cette dernière ; qu'en statuant ainsi, cependant que ce qui était reproché n'était pas le principe même d'une convention de prestations, contre rémunération, entre sociétés mère et filiale, mais le fait que la convention litigieuse conclue entre les sociétés Ufra et Adi groupe faisait, au cas spécifique, double emploi avec les fonctions du dirigeant de la société Ufra, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, en violation de l'article 1131 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que des prestations détaillées dans une convention de « management fees » qui génèrent le paiement de redevances au profit d'une société mère ne doivent pas faire double emploi avec celles que le dirigeant commun exerce du fait de son mandat social au sein de la société fille, à peine de nullité pour absence de cause, l'arrêt relève qu'aucun élément factuel probant n'atteste du double emploi allégué par la société Ufra, les seules mentions chiffrées des salaires de M. I... pour sa fonction de mandataire social et des coûts des personnels administratifs et commerciaux de la société Ufra, confrontés aux redevances annuelles versées par celle-ci à la société Adi groupe n'en faisant pas la preuve, dont la charge repose sur la société Ufra ; que par ces seuls motifs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à de simples allégations dépourvues d'offre de preuve, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en ses troisième et quatrième branches, qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Ufra, la société Administrateurs judiciaires partenaires, ès qualités, et la société Alliance MJ, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter la demande de dommages-intérêts formée par la société Ufra en réparation du préjudice résultant de l'inexécution par la société Adi groupe de la convention du 4 janvier 2007 alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient à celui qui se prétend libéré de justifier le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'en mettant à la charge de la société Ufra la preuve de l'ineffectivité des prestations opérées par la société Adi groupe, quand il incombait, au contraire, à cette dernière de justifier de l'exécution des prestations objet de la convention de management fees, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil, en sa version applicable à la cause ;
2°/ qu'en affirmant, pour débouter la société Ufra de sa demande de réparation au titre de l'inexécution contractuelle de la société Adi groupe, que M. C..., président de la société Hyperion Invest, cessionnaire des actions de la société Ufra, avait eu, lors de la passation des actes de cession, une parfaite connaissance de la nature et du bien-fondé de la convention litigieuse, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser l'effectivité des prestations réalisées par la société Adi groupe envers l'exposante, en violation de l'article 1147 du code civil, en sa version applicable à la cause ;
3°/ que pour débouter la société Ufra de sa demande de réparation au titre de l'inexécution contractuelle de la société Adi groupe, la cour d'appel a affirmé que la société Ufra s'acquittait toujours de redevances versées à la société Hyperion Invest, ce qui confirmait l'effectivité des prestations opérées par une mère pour sa fille et financées par cette dernière ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'effectivité des prestations réalisées par la société Adi groupe en exécution du précédent contrat la liant à la société Ufra, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, en sa version applicable à la cause ;
4°/ que pour débouter la société Ufra de sa demande de réparation au titre de l'inexécution contractuelle de la société ADI groupe, la cour d'appel a encore affirmé que M. S..., commissaire aux comptes, avait attesté qu'il n'avait jamais été amené à constater l'absence de respect des obligations de chacune des parties dans l'application de la convention de management fees et que le contrôle fiscal sur les exercices 2010, 2011 et 2012 n'avait pas mentionné d'irrégularités au titre des conventions réglementées ; qu'en se déterminant ainsi, par référence aux résultats de contrôles menés sur la situation comptable et fiscale des sociétés parties au contrat, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser la réalité des prestations litigieuses, en violation de l'article 1147 du code civil, en sa version applicable à la cause ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les documents versés aux débats établissent que la société Hyperion Invest, nouvelle société mère de la société Ufra, avait une parfaite connaissance de la convention litigieuse et de son coût lorsqu'elle a acquis les actions de cette société et que les audits nombreux qu'elle a fait réaliser n'ont révélé aucune anomalie ; qu'il ajoute que le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions réglementées établi le 9 juin 2005 ne mentionne aucune observation sur la première année d'exercice de la convention, et que le commissaire aux comptes de la société Ufra pour les exercices 2010, 2011 et 2012 et de la société Adi groupe pour les exercices 2008 à 2012 a attesté « qu'au cours de l'ensemble de ses travaux, (il) n'a jamais été amené à constater l'absence de respect des obligations de chacune des parties dans l'application de la convention de management fees. En aucun moment durant ces périodes les intérêts de chacune de ces sociétés ne m'ont paru menacés » ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir que différents indices faisaient présumer l'existence de prestations réalisées par la société Adi groupe, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu qu'il appartenait à la société Ufra d'établir l'ineffectivité de ces prestations ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.