Livv
Décisions

Cass. com., 26 octobre 2022, n° 21-15.619

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bélaval

Rapporteur :

Mme Vaissette

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Ortscheidt

Lyon, du 25 févr. 2021

25 février 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 25 février 2021), M. [G] a été mis en redressement judiciaire par un jugement du 13 novembre 2013 qui a désigné la Selarl MJ synergie, représentée par M. [J], en qualité de mandataire judiciaire. La créance de la Caisse de Crédit mutuel Saint-Etienne Bellevue (la banque) a été admise au passif à titre privilégié à concurrence de 306 572,05 euros.

2. Pendant la période d'observation du redressement judiciaire, plusieurs terrains grevés par des inscriptions d'hypothèques et de privilège de prêteur de deniers de la banque ont été vendus et la SCP [N] [H], notaire ayant reçu les actes, a remis l'intégralité des prix de vente, soit 117 758,11 euros, à la société MJ synergie représentée par M. [J], par des virements des 4 septembre et 7 novembre 2014. Les demandes réitérées de la banque auprès du mandataire judiciaire pour obtenir le versement des sommes provenant des ventes de parcelles n'ont pas abouti, le mandataire judiciaire indiquant avoir remis les sommes en cause au débiteur.

3. Estimant que la responsabilité du mandataire judiciaire était engagée, la banque a, par un acte du 19 octobre 2016, assigné la Selarl MJ synergie, représentée par M. [J], en paiement de la somme de 117 758,11 euros outre intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action en responsabilité en tant que dirigée contre la société MJ synergie, représentée par M. [J], alors « que le mandataire judiciaire exerçant au sein d'une société exerce les fonctions de mandataire judiciaire au nom de la société et ne peut plus exercer à titre individuel, de sorte qu'en cas de faute commise par le mandataire dans l'exercice de ses fonctions, l'action en responsabilité est recevable contre la société ; qu'en l'espèce, en jugeant au contraire que l'action en responsabilité introduite par la Caisse de Crédit mutuel à raison des fautes commises par M. [J], mandataire associé de la Selarl MJ synergie, ne pouvait être dirigée que contre M. [J] personnellement et non contre la Selarl MJ synergie, la cour d'appel a violé les articles R. 814-83 à R. 814-86 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La société [J] et associés - mandataires judiciaires et M. [J] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau dès lors que la banque ne s'est pas prévalue devant la cour d'appel des dispositions des articles R. 814-83 à R. 814-86 du code de commerce et qu'il n'est pas de pur droit en ce qu'il repose sur le présupposé d'une faute commise par le mandataire dans l'exercice de ses fonctions qui n'a pas été constatée par l'arrêt.

6. Cependant, le moyen, qui soutient la recevabilité de l'action en responsabilité introduite contre la société MJ synergie, à raison de l'allégation d'une faute de M. [J] dans l'exécution de sa mission, ne se réfère à aucun fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt.

7. Le moyen, de pur droit, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles R. 814-83, R. 814-84, R. 814-85, alinéa 2, et R. 814-86 du code de commerce :

8. Selon le premier de ces textes, lorsque le tribunal nomme une société en qualité de mandataire judiciaire, il désigne en son sein un ou plusieurs associés exerçant l'activité de mandataire judiciaire pour la représenter dans l'exercice du mandat qui lui est confié.

Il résulte des textes visés ensuite que l'associé d'une société de mandataires judiciaires, qui exerce ses fonctions au nom de la société, ne peut plus exercer sa profession à titre individuel et doit consacrer à la société toute son activité professionnelle.

9. Pour déclarer irrecevable l'action en responsabilité dirigée contre la société MJ synergie, représentée par M. [J], l'arrêt retient que le mandataire judiciaire qui exerce son activité sous une forme sociale doit, si sa responsabilité est recherchée, être assigné personnellement, en tant que répondant sur son patrimoine des conséquences de ses fautes personnelles et que toute action initiée par voie d'assignation contre la société civile professionnelle dont il fait partie est irrecevable.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté qu'à la date de la délivrance de l'assignation, la société MJ synergie, représentée par M. [J], était la titulaire du mandat judiciaire, de sorte que l'action en responsabilité, à raison des fautes reprochées dans l'exécution de la mission de mandataire judiciaire, était recevable contre cette société, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant le jugement, il déclare irrecevable l'action en responsabilité de la société Caisse de Crédit mutuel Saint-Etienne Bellevue, en tant que dirigée à l'encontre de la société MJ synergie, représentée par M. [J], la condamne au paiement d'une indemnité de procédure de 1 000 euros à la société MJ synergie, à la société [J] et associés - mandataires judiciaires et à M. [J] et aux dépens, et la déboute de sa réclamation fondée sur l'article 700 du code de procédure civile y compris en appel, l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.