CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 21 mai 2019, n° 18/19669
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Thales (Sté), Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Peyron
Conseillers :
Mme Douillet, M. Thomas
Avocat :
Me Bouvier Ravon
Exposé des faits
Le 17 décembre 2010, la société THALES a déposé la demande de brevet n° 10 04947, intitulé 'Procédé d'affichage temporel de la mission d 'un X', demande publiée le 22 juin 2012 sous le numéro 2 969 124.
Après notification les 6 septembre 2011 et 12 juin 2014 de projets de rejets, et de réponses de la société déposante maintenant sa demande de délivrance, notamment le 21 juillet 2014 comportant une modification des revendications, le directeur de l'INPI a, le 17 juillet 2018, notifié à la société déposante une décision de rejet de la demande de brevet en raison de ce que :
- d'une part, l'objet de la demande de brevet, malgré l'intitulé des revendications, ne concernait qu'une présentation d'informations associée à une méthode mathématique, dépourvue de caractéristiques techniques au sens de l'article L611-10-2° du code de la propriété intellectuelle
- d'autre part, faute de caractéristiques techniques suffisantes, l'objet de la demande ne pouvait faire l'objet d'une comparaison avec l'état de la technique et ne permettait donc pas l'établissement du rapport de recherche prévu à l'article L 612-12 -14° du code de la propriété intellectuelle.
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Vu le recours formé le 16 août 2018 contre cette décision par la société THALES et le mémoire reçu au greffe le 6 septembre 2018.
Vu la convocation à l'audience du 26 mars 2019 adressée au directeur général de l'INPI et à la société THALES par lettres recommandées et réceptionnées le 10 septembre 2018.
Vu les observations écrites du directeur général de l'INPI, les dernières reçues le 22 mars 2019.
Vu le dernier mémoire déposé au greffe le 6 mars 2019 par la société THALES.
Vu le procès-verbal de note d'audience du 26 mars 2019, actant de ce que l'avocate de la société THALES et madame la représentante de l'INPI ont indiqué que le dossier était en état d'être jugé.
Le conseil de la société THALES, le directeur de l'INPI entendus en leurs observations orales reprenant leurs écritures et le ministère public en ses réquisitions.
Motifs
SUR CE
Considérant que la demande de brevet litigieux, qui a pour objet un 'procédé d'affichage temporel de la mission d'un X', a été déposée le 17 décembre 2010 ; qu'elle comportait initialement 8 revendications, lesquelles, le 21 juillet 2014, ont fait l'objet d'une réduction à 7, essentiellement du fait de la fusion des revendications 1 et 2 ;
Considérant qu'il est décrit que le domaine de l'invention est celui des systèmes d'affichage de cockpit et en particulier des systèmes dédiés à la navigation et à l'accomplissement d'un vol ou d'une mission ;
Que dans l'état de la technique antérieure, les cockpits des aéronefs modernes sont dotés de systèmes de visualisation comportant entre autres deux types de fenêtres qui sont :
- d'une part, une fenêtre appelée 'Navigation Display' ou 'ND' offrant une vue graphique et géographique de la situation de I'avion,
- d'autre part une fenêtre affichant sous une forme de tableau la liste des points de passage ou 'waypoints' du plan de vol de l'X ou 'WL' ;
Que la figure 5 du brevet permet de préciser que ce tableau ''WL', trié par points de passage successifs, décrit pour chacun d'entre eux son nom, puis l'heure de passage, la vitesse et l'altitude de l'X ;
Que la figure 4 fournit un exemple d'écran unique sur un avion Falcon comprenant à gauche la fenêtre 'ND' montrant l'avion dans sa situation géographique, et à droite la fenêtre 'WL' comportant la liste successive de ses points de passage ;
Que selon le brevet, l'inconvénient majeur de ces représentations, y compris sur les systèmes les plus aboutis, est leur manque d'intégration et d'inter corrélation ne permettant pas de les mettre aisément en relation logique ; que les différentes fenêtres affichent des informations complémentaires dont les opérateurs doivent vérifier la cohérence et l'adéquation avec les capacités de l'X en fonction des conditions environnementales et contextuelles rencontrées ; qu'alors que le point commun entre toutes les informations affichées sur les fenêtres de l'art antérieur est le temps, un axe des temps est une représentation aujourd'hui totalement absente des cockpits, en dehors de l'heure de passage indiquée en face de chacun des points de passage ; que la vision des informations dans l'espace temporel demande aux opérateurs des calculs mentaux, fonction des distances et de la vitesse courante ou future de l'X ;
Que le procédé selon l'invention est basé sur une échelle des temps ; qu'il permet d'obtenir une représentation cohérente et intégrée de la mission de l'X ; qu'en d'autres termes, il offre aux équipages techniques des vues concises et efficaces de leur mission, leur permettant entre autres de comprendre, d'anticiper et de prendre les décisions en toute connaissance de l'état de l'avion et de son environnement ; qu'on améliore ainsi la perception de la situation de l'X pendant la mission de l'équipage ;
Que plus précisément, l'invention a pour objet un procédé d'affichage des étapes d'une mission d'un X sur un écran d'un dispositif de visualisation, caractérisé en ce que les différentes étapes sont affichées dans une première fenêtre graphique comportant une échelle graduée en temps ou 'timeline', les différentes étapes étant affichées en regard de l'horaire correspondant à leur accomplissement ;
Que cette description, qui correspond à l'ancienne revendication 1 du brevet, est éclairée par la figure 6 représentant une fenêtre 'timeline' :
orientée 'passé' vers le bas et 'futur' vers le haut, coupée verticalement en son centre par une ligne des temps, comprenant à sa gauche les heures de passage et à sa droite les points de passage remarquables précisant des mentions telles que la vitesse, l'altitude, outre la position actuelle de l'avion représentée par un symbole 'A' ;
Qu'avantageusement, la longueur de la 'timeline' étant supérieure à la longueur de la première fenêtre graphique, la fenêtre graphique n'affiche alors qu'une partie de la 'timeline', partie imposée par l'utilisateur du dispositif de visualisation ;
Que cette caractéristique, qui permet à l'utilisateur de n'afficher qu'une partie de la 'timeline', et qui correspond à l'ancienne revendication 2, a été fusionnée avec l'ancienne revendication 1 dans la rédaction de la nouvelle revendication 1 ;
Qu'avantageusement, la première fenêtre comporte un premier symbole représentatif de l'X, ledit premier symbole étant situé, dans un mode de fonctionnement standard, sur l'échelle graduée à l'heure courante ;
Que cette caractéristique qui insère dans la première fenêtre à l'heure courante un symbole représentatif de l'X, correspond à l'ancienne revendication 3 devenue la revendication 2 ;
Qu'avantageusement, lorsque l'heure courante est située hors de la fenêtre graphique, le premier symbole est affiché en haut ou en bas de la fenêtre, une action prédéterminée de l'utilisateur sur ledit symbole centrant automatiquement la 'timeline' sur l'heure courante ;
Que cette caractéristique qui permet à l'utilisateur, en exerçant une action sur le symbole de l'X, de centrer la 'timeline' sur l'heure courante, correspond à l'ancienne revendication 4 devenue la revendication 3 ;
Qu'avantageusement, la première fenêtre graphique comporte une fonction 'loupe' permettant de dilater l'échelle des temps d'un facteur prédéterminé dans une plage horaire prédéterminée centrée sur un instant imposé par l'utilisateur du dispositif de visualisation ;
Que cette caractéristique qui permet à l'utilisateur de dilater l'échelle des temps, correspond à l'ancienne revendication 5 devenue la revendication 4 ;
Qu'avantageusement, la mission étant un plan de vol, chaque étape correspondant à un point de passage du plan de vol ou 'waypoint', l'affichage comprend une seconde fenêtre graphique représentant une vue cartographique dudit plan de vol, ladite seconde fenêtre comportant également un second symbole représentatif de l'X, ledit second symbole étant situé, dans un mode de fonctionnement standard, sur la vue cartographique à l'heure courante ;
Que cette caractéristique qui prévoit une seconde fenêtre représentant une vue cartographique du plan de vol comportant un second symbole représentatif de l'X, correspond à l'ancienne revendication 6 devenue la revendication 5 ;
Qu'avantageusement, la première fenêtre et la seconde fenêtre sont disposées sur le même écran de visualisation, juxtaposées l'une à l'autre, ou sur des écrans différents ;
Que cette caractéristique, qui prévoit que les deux fenêtres peuvent être juxtaposées sur le même écran, correspond à l'ancienne revendication 7 devenue la revendication 6 ;
Qu'avantageusement, le déplacement de la loupe entraîne le déplacement du second symbole sur la vue cartographique de façon que la position de ce second symbole soit représentative de la position que l'X occuperait effectivement à l'instant indiqué par la loupe ;
Que cette caractéristique, qui permet à l'utilisateur en déplaçant la loupe sur la première fenêtre de modifier la position de l'X sur la seconde fenêtre, correspond à l'ancienne revendication 8 devenue la revendication 7 ;
Considérant qu'après leur modification intervenue le 21 juillet 2014, les revendications se lisent ainsi :
1. Procédé d'affichage des étapes d'une mission d'un X sur un écran d'un dispositif de visualisation, la mission étant un plan de vol, chaque étape correspondant à un point de passage du plan de vol ou « waypoint », caractérisé en ce que les différentes étapes sont affichées dans une première fenêtre graphique comportant une échelle graduée en temps ou « timeline » (TL), les différentes étapes étant affichées en regard de l'horaire correspondant à leur accomplissement, la longueur de la « timeline » étant supérieure à la longueur de la première fenêtre graphique, la fenêtre graphique n'affichant alors qu'une partie de la « timeline », partie imposée par l'utilisateur du dispositif de visualisation.
2. Procédé d'affichage des étapes d'une mission d'un X selon la revendication l, caractérisé en ce que la première fenêtre comporte un premier symbole (A) représentatif de l'X, ledit premier symbole étant situé, dans un mode de fonctionnement standard, sur l'échelle graduée à l 'heure courante.
3. Procédé d'affichage des étapes d'une mission d 'un X selon l 'une des revendications 1 ou 2, caractérisé en ce que, lorsque l 'heure courante est située hors de la fenêtre graphique, le premier symbole est affiché en haut ou en bas de la fenêtre, une action prédéterminée de l'utilisateur sur ledit symbole centrant automatiquement la « timeline '' sur l'heure courante.
4. Procédé d'affichage des étapes d'une mission d'un X selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que la première fenêtre graphique comporte une fonction «loupe'' (L) permettant de dilater l 'échelle des temps d'un facteur prédéterminé dans une plage horaire prédéterminée centrée sur un instant imposé par l'utilisateur d'un dispositif de visualisation.
5. Procédé d'affichage des étapes d'une mission d'un X selon l 'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que l'affichage comprend une seconde fenêtre graphique (ND) représentant une vue cartographique dudit plan de vol, ladite seconde fenêtre comportant également un second symbole (A') représentatif de l'X, ledit second symbole étant situé, dans un mode de fonctionnement standard, sur la vue cartographique à l 'heure courante.
6. Procédé d'affichage des étapes d'une mission d'un X selon la revendication 5, caractérisé en ce que la première fenêtre et la seconde fenêtre sont disposées sur le même écran de visualisation (DS), juxtaposées l'une à l'autre, ou sur des écrans différents.
7. Procédé d'affichage des étapes d'une mission d'un X selon l 'une des revendications 2 à 6, caractérisé en ce que le déplacement de la loupe entraîne le déplacement du second symbole sur la vue cartographique de façon que la position de ce second symbole soit représentative de la position que l 'X occuperait effectivement à l 'instant indiqué par la loupe.
Considérant que pour rejeter la demande de brevet, le directeur général de l'INPI a analysé ces revendications au regard des dispositions :
de l'article L.611-10 2° du code de la propriété intellectuelle selon lequel ne sont pas considérées comme des inventions (...) notamment a) les découvertes ainsi que les théories scientifiques et les méthodes mathématiques (...) d) les présentations d'informations en tant que telles ;
- de l'article L.612-12 du même code selon lequel est rejetée, en tout ou partie, toute demande de brevet (...) 5° Dont l'objet ne peut manifestement être considéré comme une invention au sens de l'article L611-10, deuxième paragraphe ; 6° Dont la description ou les revendications ne permettent pas d'appliquer les dispositions de l'article L. 612-14 ;
Qu'il sera précisé que l'article L. 612-14 précité dispose que la demande de brevet donne lieu à l'établissement d'un rapport de recherche sur l'état des éléments de la technique ;
Que prenant en considération essentiellement la revendication 1, le directeur de l'INPI a estimé notamment :
- que le problème que la demande de brevet se propose de résoudre est de faciliter la lecture et la corrélation des données relatives aux étapes d'une mission d'X fournies aux opérateurs par différentes fenêtres de moyens d'affichage présents dans le cockpit ;
- qu'en l'absence de tels moyens de facilitation, les opérateurs doivent notamment vérifier par eux-mêmes la cohérence des informations fournies par les différentes fenêtres d'affichage ;
- qu'il n'est pas mentionné de problème lié à la technologie de représentation des données d'une mission ou d'un plan de vol d'X, mais uniquement lié à l'interprétation que les opérateurs doivent faire de ces données ;
- qu'il s'agit donc d'un problème d'ordre intellectuel et donc non technique, contrairement aux affirmations du déposant ;
Qu'analysant plus particulièrement la partie finale de cette revendication 1 selon laquelle 'la longueur de la "timeline"étant supérieure à la longueur de la première fenêtre graphique, la fenêtre graphique n'affichant alors qu'une partie de la "timeline', partie imposée par l'utilisateur du dispositif de visualisation', il a considéré :
- que même si l'affichage d'une partie de la 'timeline' est imposé par un utilisateur, force est de constater que la description ne précise pas par quel moyen technique l'utilisateur impose 'une partie de la timeline' et que cette caractéristique n'est pas caractérisée sur le plan technique dans la description et ne saurait donc suffire à conférer un caractère technique proposé ;
- qu'aucun effet technique n'émerge des interactions homme machine décrites dans la demande ;
Qu'il a enfin ajouté :
- que les revendications dépendantes n° 2 à 7 ne contiennent aucune caractéristique technique supplémentaire susceptible de conférer le caractère technique requis au procédé revendiqué ;
- qu'en conséquence, l'objet de la demande de brevet, malgré l'intitulé des revendications, ne concerne qu'une présentation d'informations associée à une méthode mathématique ;
- que cet objet ne peut manifestement pas être considéré comme une invention au sens de l'article L.611-10 2° du code de la propriété intellectuelle ;
- qu'en outre, faute de caractéristiques techniques suffisantes, l'objet de la demande ne peut faire l'objet d'une comparaison avec l'état de la technique et ne permet donc pas l'établissement d'un rapport de recherche conformément aux dispositions de l'article L. 612-14 du code de la propriété intellectuelle ;
Considérant que pour demander à la cour d'annuler la décision du directeur général de l'INPI, la société THALES, après avoir décrit le cadre juridique dans lequel se pose le litige, puis analysé la portée du brevet, soutient notamment :
- que la revendication 1 n'est pas une simple présentation d'informations mais a un caractère technique dans la mesure ou elle impose nécessairement des moyens techniques de sélection de la longueur de la timeline pour être mise en oeuvre ;
- que la revendication 3 a aussi un caractère technique dès lors que le procédé qui y est décrit permet à l'utilisateur, grâce à une action mécanique, de recentrer automatiquement la vue temporelle sur l'heure courante et la position courante de l'avion ;
- que la revendication 4, relative à l'utilisation d'une loupe pour dilater l'échelle des temps, a bien un effet technique et l'action de l'utilisateur constitue bien une tâche technique ;
- que la revendication 7, selon laquelle le déplacement de la loupe sur la timeline entraîne le déplacement du symbole de l'X sur la représentation graphique, constitue aussi une tâche technique au moyen d'un processus d'interaction homme machine ;
Concernant la prétendue impossibilité d'établir un rapport de recherche, que l'INPI a totalement omis de faire état des caractéristiques techniques précitées ;
Considérant que pour demander le rejet du recours, le directeur général de l'INPI, après avoir rappelé les éléments de droit, soutient notamment :
que la revendication 1, qui spécifie seulement un résultat à atteindre, en l'espèce imposer l'affichage d'une partie de la timeline, sans clairement exposer le moyen technique permettant d'atteindre ce résultat, ne suffit pas à conférer un caractère technique à l'invention ni à permettre une comparaison avec l'art antérieur en réalisant un rapport de recherche ;
- que les revendications 2, 5 et 6, qui ne se rapportent qu'à une présentation d'informations, ne sont pas défendues par la société THALES ;
- que la revendication n°3, qui a pour objet une action prédéterminée de l'utilisateur sur le symbole représentant l'X en dehors de la timeline centrant automatiquement la timeline sur l'heure courante, ne précise pas la manière dont la vue temporelle est recentrée de sorte qu'aucune solution technique n'est ainsi revendiquée, et qu'en l'absence de précision, l'Institut n'a pas été en mesure d'établir un rapport de recherche confrontant à l'art antérieur les caractéristiques techniques apportées ;
- que la revendication n°4 a trait à une «'fonction loupe permettant de dilater l'échelle des temps'», c'est-à- dire à «'zoomer ou dézoomer'», sans explication sur la solution technique apportée pour atteindre un tel résultat ; que seul le résultat étant revendiqué et la solution technique n'étant pas décrite, non seulement il n'a pas été permis à l'Institut d'établir un rapport de recherche de l'art antérieur, mais encore les conditions de brevetabilité ne sont pas réunies ;
- que la revendication n°7, qui présente un système où le déplacement de la loupe sur la timeline met également en mouvement la loupe sur la vue cartographique, n'apporte pas, en tant que telle, de solution technique à un problème technique, et permet seulement une présentation plus conviviale de données préenregistrées à l'instant choisi par l'utilisateur ;
Considérant, en droit, que l'article L. 613-12 du code de la propriété intellectuelle énonce les cas dans lesquels une demande de brevet peut être rejetée par le directeur général de l'INPI ; que contrairement aux pouvoirs de l'OEB, qui permettent un examen complet des conditions de fond de brevetabilité, ceux du directeur général de l'INPI sont strictement limités, ne permettant pas en particulier une appréciation des conditions de description suffisante, d'application industrielle ou d'activité inventive ; que s'il peut soulever l'absence de nouveauté, c'est à la seule condition que celle-ci résulte manifestement du rapport de recherche ;
Que, sous réserve de ce qui précède, l'article L. 613-12 précité énonce que l'office français peut notamment rejeter la demande (...) 5° dont l'objet ne peut manifestement être considéré comme une invention au sens de l'article L. 611-10, deuxième paragraphe ; que ce dernier texte dispose que ne sont notamment pas considérées comme des inventions (...) d) les présentations d'informations, l'alinéa suivant précisant que la brevetabilité n'est alors exclue que dans la mesure où le brevet ne concerne que cet élément [les présentations d'informations] considéré en tant que tel ;
Que les directives d'examen de l'INPI et de l'OEB permettent alors de mieux appréhender ce que l'on doit entendre par une 'présentation d'informations considérée en tant que telle' ne permettant pas de qualifier le brevet demandé comme une invention ;
Que l'office français précise que si toute présentation d'information caractérisée uniquement par l'information qu'elle contient n'est pas brevetable, en revanche la façon de présenter une information, pour autant qu'elle soit distincte du contenu de l'information, peut présenter des caractéristiques techniques brevetables ;
Que l'office européen spécifie qu'on entend par 'présentations d'informations' la transmission d'informations à un utilisateur, visant à la fois le contenu cognitif de l'information et la manière dont celle-ci est présentée ; qu'en revanche, elle ne s'étend pas aux moyens techniques utilisés pour générer de telles présentations d'informations ; qu'il ajoute qu'il convient de prendre en considération l'objet de la revendication dans son ensemble ; qu'en particulier, une revendication qui a pour objet l'utilisation de moyens techniques pour présenter des informations ou qui définit une telle utilisation revêt dans son ensemble un caractère technique et n'est donc pas exclue de la brevetabilité ; qu'analysant ensuite cette notion dans le contexte de l'activité inventive (ce que ne peut faire l'INPI), l'OEB précise qu'une caractéristique qui définit une présentation d'informations produit un effet technique si elle aide de façon crédible l'utilisateur à effectuer une tâche technique au moyen d'un processus d'interaction homme machine continu et/ou guidé ;
Considérant, en fait, que les revendications du brevet contesté se rapportent à la transmission d'informations à un utilisateur, spécifiquement le pilote ou le copilote d'un X, pour que celui ci obtienne une représentation cohérente et intégrée de sa mission, lui permettant en particulier de comprendre, d'anticiper et de prendre les décisions en toute connaissance de l'état de l'avion et de son environnement ;
Considérant qu'il a déjà été examiné que la revendication 1 actuelle fusionne les revendications 1 et 2 d'origine ; qu'il en découle qu'elle est caractérisée :
1 - en ce que les différentes étapes sont affichées dans une première fenêtre graphique comportant une échelle graduée en temps ou « timeline » (TL), les différentes étapes étant affichées en regard de l'horaire correspondant à leur accomplissement,
2 - en ce que si la longueur de la « timeline » est supérieure à la longueur de la première fenêtre graphique, la fenêtre graphique n'affiche alors qu'une partie de la 'timeline', partie imposée par l'utilisateur du dispositif de visualisation ;
Considérant que la première caractéristique revendique la fenêtre comportant la 'timeline' laquelle affiche les différentes étapes en regard de l'horaire correspondant à leur accomplissement ; qu'il a été décrit ci dessus qu'une telle fenêtre, orientée 'passé' vers le bas et 'futur' vers le haut, coupée verticalement en son centre par une ligne des temps, comprend à sa gauche les heures de passage et à sa droite les points de passage remarquables incluant des mentions telles que la vitesse, l'altitude, outre la position actuelle de l'avion représentée par un symbole 'A' ; qu'il apparaît ainsi que cette caractéristique, bien que centrale du brevet dont la délivrance est requise, n'a pour objet que la transmission d'informations au pilote de l'X, visant à la fois le contenu cognitif de l'information (les heures de passage et les points de passage) et la manière dont celle ci est présentée (en fonction d'une ligne des temps) ; qu'elle ne revendique aucune caractéristique technique distincte et n'est donc pas par elle même brevetable ;
Qu'en revanche, la seconde caractéristique revendique que : lorsque la longueur de la 'timeline' est supérieure à la longueur de la première fenêtre graphique, l'utilisateur (le pilote) peut alors n'afficher qu'une partie de la 'timeline' (qu'il 'impose') ;
Qu'il s'agit dès lors d'un moyen technique distinct du contenu des informations elles mêmes, étant précisé que ce moyen aidant le pilote à sélectionner parmi celles ci les plus pertinentes produit aussi un effet technique tel que défini ci dessus ;
Que pour soutenir que cette caractéristique ne serait néanmoins pas brevetable, le directeur général de l'INPI fait valoir d'abord qu'elle spécifierait seulement un résultat à atteindre, en l'espèce imposer l'affichage d'une partie de la timeline, sans clairement exposer le moyen technique permettant d'atteindre ce résultat ; que cependant, alors qu'au stade de l'enregistrement le directeur général de l'INPI ne dispose pas du pouvoir d'apprécier une insuffisance de description du brevet, ce moyen est inopérant ; qu'il fait valoir ensuite que cette insuffisance de caractère technique ne permettrait pas une comparaison avec l'art antérieur en réalisant un rapport de recherche ; que cependant, rien n'empêche de rechercher dans l'art antérieur, par exemple dans la fenêtre 'WL' affichant sous forme de tableau la liste des points de passage, si l'utilisateur peut, lorsque la longueur de cette liste est supérieure à la longueur de la fenêtre, n'afficher qu'une partie de ladite liste ;
Qu'en conséquence la revendication 1, prise dans son ensemble, n'est pas exclue de la brevetabilité ;
Que les revendications 2 à 7, qui dépendantes de la revendication 1 en reprennent les caractéristiques, ne sont en conséquence pas non plus exclues de la brevetabilité ;
Qu'en tant que de besoin, la cour ajoutera que :
la revendication 3, qui permet au pilote, grâce à une action mécanique, de recentrer automatiquement la vue temporelle sur l'heure courante et la position courante de l'avion,
Dispositif
- la revendication 4, qui lui permet d'utiliser une loupe pour dilater l'échelle des temps, la revendication 7, qui lui permet, en déplaçant la loupe sur la timeline, d'entraîner le déplacement du symbole de l'X sur la représentation graphique,
- sont, pour les mêmes motifs qu'examinés ci-dessus, des moyens techniques distincts du contenu des informations elles-mêmes, lesquels aidant le pilote à sélectionner parmi celles-ci les plus pertinentes, produisent aussi un effet technique ; que les moyens soulevés par le directeur général de l'INPI visant en réalité à soulever une insuffisance de description sont inopérants à ce stade de la procédure ; qu'enfin il n'est pas justifié qu'il ne puisse être recherché dans les fenêtres de l'art antérieur des procédés permettant au pilote de recentrer automatiquement la vue temporelle sur l'heure courante et la position courante de l'avion, d'utiliser une loupe pour dilater une échelle des temps, ou, en déplaçant une telle loupe, d'entraîner le déplacement du symbole de l'X sur la fenêtre de représentation graphique ;
Que pour l'ensemble de ces motifs, la décision du directeur général de l'INPI sera annulée ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Annule la décision rendue le 17 juillet 2018 par le directeur général de l'INPI,
Dit que la présente décision sera notifiée, par lettre recommandée avec accusé de réception et par les soins du greffe, à la société THALES ainsi qu'au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle.