ADLC, 16 novembre 2022, n° 22-D-21
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture à La Réunion
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de M. Nicolas Faas, rapporteur, et l’intervention de Mme Lauriane Lépine, rapporteure générale adjointe, par M. Henri Piffaut, vice-président, président de séance, M. Savinien Grignon-Dumoulin, M. Jérôme Pouyet et M. Christophe Strassel, membres.
L’Autorité de la concurrence (section IV),
Vu la lettre enregistrée le 18 septembre 2018 sous le numéro 18/0146 F, par laquelle l’Association des Victimes de l’Allocation des Aides Européennes, les entreprises Hoarau Joël et Cazambo Samuel, ainsi que le Comité Régional des Pêches Maritimes et des Élevages Marins de La Réunion ont saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par l’Association Réunionnaise Interprofessionnelle de la Pêche et de l’Aquaculture dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture à La Réunion ;
Vu le livre IV du code de commerce, et notamment son article L. 420-1 ;
Vu le procès-verbal de transaction du 9 juin 2022, signé par la rapporteure générale adjointe et l’Association Réunionnaise Interprofessionnelle de la Pêche et de l’Aquaculture, en application des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce ;
Vu les observations présentées par l’Association Réunionnaise Interprofessionnelle de la Pêche et de l’Aquaculture et le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, les représentants de l’Association Réunionnaise Interprofessionnelle de la Pêche et de l’Aquaculture, de l’Association des Victimes de l’Allocation des Aides Européennes, des entreprises Hoarau Joël et Cazambo Samuel, le Comité Régional des Pêches Maritimes et des Élevages Marins de La Réunion, le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 22 septembre 2022 ;
Adopte la décision suivante :
Résumé 1
Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (« l’Autorité ») sanctionne l’Association Réunionnaise Interprofessionnelle de la Pêche et de l’Aquaculture (l’« ARIPA ») pour avoir mis en œuvre des pratiques contraires à l’article L. 420-1 du code de commerce.
Les opérateurs membres de l’ARIPA ont fixé en commun le prix du poisson sous la forme de grilles d’orientation de prix applicables à tous les échelons de la chaîne de valeur, hormis.
– sauf quelques exceptions – celui du consommateur final. Cette pratique a été encouragée dès l’origine par l’ARIPA, régulièrement validée par ses comités de gestion et contrôlée de diverses manières, au sein des organes statutaires aussi bien des familles professionnelles membres de l’ARIPA constitutives que de l’ARIPA elle-même.
En outre, l’ARIPA a entrepris de réguler le marché réunionnais du poisson, en imposant aux opérateurs une série de contraintes qu’elle qualifie de mesures de structuration. Ces mesures consistent en particulier en une définition stricte des transactions autorisées selon la famille professionnelle à laquelle les opérateurs appartiennent, en une concertation préalable et une mise en œuvre collective des opérations promotionnelles, et en différentes catégories d’aides interprofessionnelles accordées aux opérateurs membres destinées, selon le cas, à restreindre ou à promouvoir l’écoulement du poisson débarqué sur le marché local.
L’Autorité a considéré que l’ensemble de ces mesures constituait une infraction complexe et continue, ayant pour objet de restreindre l’autonomie commerciale des opérateurs de ce secteur.
L’ARIPA a sollicité de l’Autorité le bénéfice de la procédure de transaction, en application des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce. La mise en œuvre de la procédure de transaction a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de transaction, signé avec la rapporteuse générale adjointe, fixant le montant maximal et le montant minimal de la sanction pécuniaire qui pourrait être infligée par l’Autorité.
L’Autorité, après avoir examiné l’ensemble des faits du dossier, a estimé qu’il y avait lieu de prononcer une sanction de 60 000 euros, ce montant étant compris dans la fourchette figurant dans le procès-verbal de transaction.
I. Constatations
A. LA PROCEDURE
1. Par lettre enregistrée le 18 septembre 20182 sous le numéro 18/0146 F, l’Association des Victimes de l’Allocation des Aides Européennes (ci-après « AVAAE »), les entreprises Hoarau Joël et Cazambo Samuel, ainsi que le Comité Régional des Pêches Maritimes et des Élevages Marins (ci-après « CRPMEM ») de La Réunion ont, en application de l'article L. 462-5 II du code du commerce, saisi l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture à La Réunion.
2. Les saisissants soutiennent que l’Association Réunionnaise Interprofessionnelle de la Pêche et de l’Aquaculture (ci-après « ARIPA ») et ses organisations constitutives ont commis, depuis 2011, des pratiques d’entente dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture à La Réunion, consistant notamment à imposer des clauses d’exclusivité entre adhérents de l’ARIPA, des prix d’achat et de vente et des conditions d’adhésion aux associations membres de l’ARIPA non objectives, non transparentes et discriminatoires.
3. En outre, la DGCCRF a transmis à l’Autorité le 7 août 2019 un indice exposant des éléments de fait susceptibles de fonder une présomption de pratiques anticoncurrentielles à l’encontre de l’ARIPA, en raison de la fixation des prix du poisson au sein de la filière. La DGCCRF avait en effet été amenée à examiner le fonctionnement de l’ARIPA au vu d’une demande que celle-ci avait présentée à l’Administration aux fins d’être reconnue en tant qu’organisation interprofessionnelle au sens du droit européen. L’indice a été joint au dossier n° 18/0146F le 26 août 20193.
4. Le 24 mars 2022, les services d’instruction ont adressé à l’ARIPA une notification des griefs portant sur des pratiques prohibées au titre de l’article L. 420-1 du code de commerce.
5. Par un procès-verbal du 9 juin 2022, l’ARIPA s’est engagée à ne pas contester les griefs qui lui ont été notifiés. Lors de la séance du 22 septembre 2022, l’ARIPA a confirmé solennellement et en toute connaissance de cause son plein accord avec les termes de la transaction.
B. LES ENTITES CONCERNEES
1. LES SAISISSANTS
6. Le 18 septembre 20184, les deux entités et deux personnes physiques suivantes ont déposé une plainte à l’Autorité :
- l’AVAAE, association régie par la loi du 1er juillet 1901, constituée le 2 mars 2018, rassemblant des entreprises réunionnaises actives dans le secteur de la pêche qui s’estiment victimes de pratiques anticoncurrentielles de l’ARIPA ;
- le CRPMEM, organisme de droit privé, « organisation professionnelle » au sens de l’article L. 912-1 du code rural et de la pêche maritime, qui a pour mission d’assurer la représentation et la promotion au niveau régional des intérêts généraux des professionnels exerçant une activité de pêche maritime ou d’élevage marin ;
- M. X…, gérant de la société CAP SUD HORIZON, dont l’activité consiste en la vente de poisson au profit d’une unique poissonnerie dont il est également le gérant ;
- M. Y…, gérant de la société Cazambo Samuel et de la société Pélagik Distribution, dont l’activité consiste respectivement à pêcher et commercialiser des poissons auprès de grandes et moyennes surfaces, poissonneries indépendantes et GIE.
2. L’ARIPA
7. L’ARIPA est une association, régie par la loi du 1er juillet 1901, constituée le 12 avril 2010. Elle se présente comme « l’outil collectif et unique de structuration des opérateurs de la chaîne de valeur du poisson à La Réunion »5.
8. L’ARIPA se compose actuellement de dix organisations qui réunissent chacune des entreprises relevant d’une même famille professionnelle. Ses membres représentent l’ensemble de la chaîne de valeur de la filière du poisson à La Réunion.
9. Au stade de la production, quatre associations professionnelles représentant les producteurs sont actuellement membres de l’ARIPA, à savoir : (i) l’Association des Patrons Pêcheurs Côtiers de La Réunion (ci-après « APPECOR »), (ii) l’Organisation des producteurs de poissons pélagiques et d’élevages marins de La Réunion (ci-après « OPROMAR »),
(iii) l’Association professionnelle des aquaculteurs de La Réunion (ci-après « APAR ») et (iv) l’Association des producteurs de spiruline de La Réunion.
10. Au stade de la transformation, l’ARIPA est composée de l’Association réunionnaise des usines de débarque et d’exportation de poisson (ci-après « ARUDEP »).
11. Au stade du commerce et de la distribution, l’ARIPA regroupe le Syndicat de l’Importation et du Commerce de La Réunion (ci-après « SICR »), la Fédération des groupements de pêcheurs et mareyeurs de La Réunion (ci-après « FGPMAR »), les Établissements de vente en gros et demi gros des produits de l’aquaculture et de la mer (ci-après « EVAMER »), la Fédération du Commerce et de la Distribution Réunion (ci-après « FCD Réunion ») et l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie de La Réunion (ci-après « UMIH Réunion »).
12. Le président de l’ARIPA assure le fonctionnement et la gestion de l’ensemble des opérations décidées au nom de l’ARIPA. L’ARIPA est en outre administrée par un conseil d’administration composé des présidents des familles professionnelles membres. Les services de l’État et le représentant de la région de La Réunion sont conviés aux réunions statutaires (conseil d’administration et assemblées générales) de l’ARIPA et de l’ensemble des familles professionnelles membres de l’ARIPA, ainsi qu’aux comités de gestion de l’ARIPA.
13. La gouvernance de l’ARIPA est organisée en comités de gestion, spécifiques à chaque filière de production. Ces comités sont des commissions spécialisées, traitant de problèmes spécifiques de leurs membres concernant une catégorie d’espèces de poissons (poissons pélagiques, poissons de fond, poissons d’élevage). Chaque comité de gestion se compose des représentants de la pêcherie ou de l’élevage concerné, des intervenants du marché écoulant la production de cette pêcherie et de représentants de l’État. Le conseil régional et, le cas échéant, le CRPMEM participent également aux travaux des comités de gestion avec voix consultative.
14. À sa création, l’ARIPA incluait trois comités de gestion, selon la pêche concernée : pêche palangrière et de l'aquaculture (« FODEPPA »), pêche côtière (« COPECO ») et pêche australe (« COPA »). Ce dernier a été mis en sommeil rapidement après sa création6. Il a été décidé, peu de temps après leur création, de refondre ces trois comités de gestion pour traiter les sujets non plus par pêcherie mais par type d’espèce de poisson. Ainsi, en 20147, l’ARIPA a fusionné ces trois comités en deux comités de gestion : des espèces pélagiques (« COGEPEL ») et des espèces de fond (« COGEFOND »). Un troisième comité de gestion a été créé en 2017 pour l’aquaculture, le Comité de gestion des espèces de l’aquaculture et de la spiruline (« COGEA »).
15. L’ARIPA a déposé, le 15 octobre 2017, auprès de la Direction de la mer sud océan Indien (ci-après « DMSOI ») un dossier de reconnaissance en tant qu’organisation interprofessionnelle8. Le 15 janvier 2018, la DMSOI a fait part à l’ARIPA de ses interrogations sur le respect des règles de concurrence, compte tenu de la « clause de prix plancher » à laquelle l’ARIPA soumettait ses adhérents et du caractère insuffisamment détaillé de son argumentaire sur « les risques de cloisonnement du marché, les désavantages concurrentiels et les restrictions de concurrence »9. La demande de l’ARIPA n’a, à la date d’adoption de la présente décision, pas abouti.
16. L’ARIPA représentait, en 2020, 90 % de l’arrivage de poisson frais pêchés à La Réunion10.
C. LE SECTEUR CONCERNE
1. DESCRIPTION DE LA CHAINE DE VALEUR DE LA PECHE ET DE L’AQUACULTURE A LA REUNION
17. Le secteur de la pêche et de l’aquaculture sur l’île de La Réunion (ci-après « La Réunion ») se compose des trois échelons suivants :
- la production, comprenant les activités de pêche artisanale côtière, de pêche palangrière côtière, de pêche hauturière, de grande pêche (voir ci-après, paragraphes 18 à 26), ainsi que les activités d’aquaculture ;
- l’activité de transformation des produits de la pêche ;
- l’activité de commercialisation, se composant de la vente directe et/ou aux opérateurs touristiques de proximité, d’une part, et de l’activité de mareyage/distribution, d’autre part.
a) La production
18. La pêche artisanale côtière se pratique à partir d’embarcations de petite taille (inférieure à 12 mètres), à proximité des côtes, principalement dans la zone des 20 milles marins de La Réunion pour une activité polyvalente orientée sur les espèces pélagiques (notamment thon et espadon) et de grande profondeur. Les pêcheurs intervenant sur ce segment sont généralement indépendants et le plus souvent propriétaires de leur navire.
19. La pêche artisanale côtière11 représentait à La Réunion, en 2020, une production annuelle de 539 tonnes12.
20. La pêche palangrière côtière s’exerce à partir de petits navires de pêche (également inférieurs à 12 mètres) ciblant les espèces pélagiques13 dans une zone comprise entre 12 et 20 milles des côtes. Elle permet de produire un poisson de grande qualité, notamment en raison de la fraîcheur des captures, les sorties en mer des palangriers côtiers n’excédant pas 24 heures.
21. La pêche palangrière côtière représentait à La Réunion, en 2020, une production annuelle de 389 tonnes14.
22. La pêche hauturière est pratiquée au large par des navires de pêche de 12 à 24 mètres ciblant les grandes espèces pélagiques, principalement dans les zones économiques exclusives françaises de La Réunion, des Éparses ainsi que des pays voisins (Madagascar, Maurice). Les pêcheurs hauturiers pratiquent indifféremment plusieurs techniques de pêche, y compris la pêche palangrière.
23. Les effectifs de la pêche palangrière côtière comprenaient à La Réunion, en 2020, une vingtaine de navires15. La pêche palangrière hauturière représentait à La Réunion, en 2020 une production annuelle de 1612 tonnes16.
24. La grande pêche ou pêche australe se compose de navires de pêche australe qui exploitent les zones économiques exclusives françaises des îles australes des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), d’une part, et de thoniers-senneurs17 entrés en flotte en 2009 et 2010 pour se déployer sur l’ensemble de l’océan Indien, d’autre part.
25. L’activité aquacole repose essentiellement à La Réunion sur la production de truite fario et de tilapia. La production totale est d’environ 75 tonnes par an18.
26. Une production de spiruline, micro-algue qui se développe dans les lacs salés et alcalins des régions chaudes, existe également à La Réunion.
b) La transformation
27. Au stade de la transformation, le secteur de la pêche se compose à La Réunion de deux activités différentes.
28. L’activité de transformation « de niveau I » (ou première transformation) qui regroupe les activités de débarque des navires, de transformation du poisson en filets et d’écoulement de ces produits transformés aux acteurs de la mise en commercialisation (grossistes ou détaillants) ou de l’exportation.
29. L’activité de transformation « de niveau II » (ou deuxième transformation) regroupe les activités de deuxième découpe en steak du poisson, de calibrage, de mise en barquette sous atmosphère modifiée et de préparation de plats cuisinés à base de poisson.
30. Ces segments comprenaient quatre opérateurs à La Réunion en 202019.
c) La commercialisation
31. Les activités de commercialisation se divisent en deux catégories à La Réunion :
- les activités de grossistes (parfois appelées mareyage), qui consistent à acheter du poisson en gros sur les côtes et à le transporter pour fournir les marchés des grandes villes (ces activités étaient exercées par 9 opérateurs en 202020) ; et
- les activités de distribution (vente directe au consommateur et/ou aux opérateurs touristiques de proximité) qui sont exercées par une dizaine de poissonneries indépendantes et plus d’une vingtaine de pêcheurs professionnels regroupés en groupements d’intérêt économique pour commercialiser leur propre production.
2. CONTEXTE DE LA CREATION DE L’ARIPA
32. Le secteur de la pêche à La Réunion a connu une crise économique des années 1990 jusqu’au début des années 2010 avec des situations de pénurie ou de surproduction. L’irrégularité des approvisionnements en poisson frais incitait la grande distribution à recourir aux importations et les baisses de prix liées aux situations de surproduction entraînaient un mécontentement important parmi les pêcheurs21.
33. Vers la fin des années 2000, la situation des pêcheurs réunionnais s’est encore dégradée en raison de difficultés conjoncturelles, telles que l’augmentation du prix du carburant et des appâts et la surproduction liée à l’accroissement de la flotte hauturière, sans possibilité d’écoulement. Au début des années 2010, la pêche réunionnaise ne représentait que 15 % de la consommation locale de poisson22. Aujourd’hui encore, le marché réunionnais repose toujours en grande partie sur les importations, la pêche et l’aquaculture réunionnaise ne représentant qu’environ 12 %23 de la consommation locale, selon une étude réalisée en 2020 pour la DMSOI 24.
34. Dans ce contexte, les pouvoirs publics ont encouragé les acteurs locaux à structurer le secteur de la pêche et de l’aquaculture. Cette structuration a été réalisée en 2010 par la création de l’ARIPA. Les objectifs statutaires de cette association consistent notamment à améliorer la connaissance et la transparence du marché, en mettant à disposition des pouvoirs publics des données consolidées relatives aux volumes de production et d’écoulement, à assurer une meilleure coordination de la mise sur le marché des produits de la pêche et à valoriser la production locale.
35. Par ailleurs, l’État a confié à l’ARIPA la gestion du programme de subventions européennes, appelé Plan de compensation des surcoûts du secteur de la pêche et de l’aquaculture de la Réunion25 (ci-après « PCS »), qui vise à compenser les surcoûts subis par les opérateurs des territoires d’outre-mer liés à l’éloignement avec la métropole et à l’insularité (prix des appâts, du carburant, etc.). Le principal régime d’aides publiques disponibles à La Réunion est celui prévu par le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (ci-après « FEAMP ») pour la période 2014-202026.
1. L’État a désigné l’ARIPA « bénéficiaire intermédiaire » de ces aides, afin qu’elle les reverse à ses adhérents. Dans ce cadre, l’ARIPA reçoit et contrôle l’ensemble des factures de ses adhérents bénéficiant du PCS, constitue le dossier selon le formalisme exigé, avant transmission à l’administration compétente27 et verse le montant des aides aux opérateurs membres après leur réception. Ces aides concernent l’ensemble des stades de la filière de la pêche et de l’aquaculture28. Pour en bénéficier, les opérateurs doivent être membres d’une organisation de producteurs29, elle-même membre de l’ARIPA30.
B. LES PRATIQUES CONSTATEES
2. L’ARIPA a mis en place un ensemble de mesures contraignantes à l’égard des opérateurs du secteur réunionnais de la pêche et de l’aquaculture, relatives à leur politique commerciale.
3. Tout d’abord, plusieurs associations membres de l’ARIPA ont, au cours de réunions organisées au sein de l’ARIPA et de ses comités de gestion, discuté et fixé des prix de vente du poisson entre les différents échelons du secteur de la pêche et de l’aquaculture (1.). Ensuite, l’ARIPA a imposé aux opérateurs de ses familles constitutives un ensemble de contraintes qui concourent à encadrer les flux de produits (2.).
1. SUR L’ELABORATION ET L’APPLICATION DE GRILLES D’ORIENTATION DE PRIX AU SEIN DE L’ARIPA
a) Présentation des grilles d’orientation des prix
4. À partir de 2011, les comités de gestion de l’ARIPA ont adopté des grilles d’orientation de prix. L’ARIPA a étoffé leur nombre et leur champ d’application par la suite.
L’article 9 du règlement intérieur des comités de gestion de l’ARIPA définit les grilles d’orientation des prix comme « un outil interprofessionnel de structuration de la filière et de stabilité des prix31 ». Cet article précise que les comités de gestion de l’ARIPA étudient et approuvent les grilles d’orientation de prix, sur proposition d’une ou plusieurs familles professionnelles, et après consultation de chaque famille professionnelle concernée32.
41. Ces grilles indiquent, pour chacun des flux d’écoulement des produits de la pêche et de l’aquaculture, les prix minimums devant être appliqués par espèce et par présentation (entier, longe, steak, etc.) entre les familles professionnelles de l’ARIPA.
42. L’ARIPA a indiqué que : « Les grilles d'orientation de prix entre chaque maillon définissent un niveau plancher en-dessous duquel le flux matière ne devrait pas s'opérer car il ne permettrait pas de maintenir les revenus des producteurs. Le niveau plancher des grilles d'orientation de prix est systématiquement inférieur au prix de marché, défini par le prix de l'importation de la même espèce33. »
43. L’objectif affiché par l’ARIPA est de maintenir l’attractivité de la pêche locale en fixant les prix planchers en dessous du prix de l’importation. L’ARIPA explique ainsi que « si les prix planchers étaient fixés à un niveau supérieur au prix de l'importation, les acteurs économiques en aval de la pêche (transformation et distribution) se tourneraient immédiatement vers l'importation, plutôt que de payer du poisson local plus cher »34.
44. Selon l’ARIPA, les grilles d'orientation de prix « constituent donc une pratique de valorisation minimale permettant de répondre à l'objectif initial de juste rémunération du producteur et plus largement des acteurs de l'interprofession. Cette pratique renforce ainsi la viabilité du secteur de la pêche et de l'aquaculture de La Réunion, notamment celle des producteurs, en leur garantissant une stabilité des prix à l'année, en plus de la garantie d'écoulement. Ces grilles d'orientation de prix constituent donc une discipline collective que s'imposent les opérateurs de l'interprofession parce qu'ils sont convaincus de son efficacité pour garantir la pérennité et le développement de la filière ». Elle précise également que « les grilles d'orientation de prix ne s'imposent pas aux opérateurs non-membres d'une famille professionnelle de l'ARIPA, tant à la vente qu'à l'achat auprès d'adhérents interprofessionnels35 ».
45. Dans le schéma qu’elle a mis en place, l’ARIPA communique les grilles d’orientation des prix aux associations membres en vue de leur application.
46. Ainsi, les règlements intérieurs des associations membres de l’ARIPA contiennent l’obligation, formulée de manière plus ou moins explicite, de respecter les grilles d’orientation des prix adoptées au sein des comités de gestion de l’ARIPA. À titre d’exemple, l’article 4 du règlement intérieur de l’ARUDEP prévoit l’obligation d’« appliquer l’ensemble des mesures adoptées par ARUDEP dans le cadre de l’interprofession et des comités de gestion en matière de production et de commercialisation (dans le but notamment d’adapter le volume de l’offre aux exigences du marché et d’améliorer la qualité des produits) et en particulier les grilles d’orientation des prix établies et validées par les comités de gestion »36 (soulignement ajouté). De même, l’article 3 du règlement intérieur de la FGPMAR prévoit de : « garantir l’écoulement à un prix minimum à ses fournisseurs membres de l’APPECOR sous condition de régularité des apports »37(soulignement ajouté). Les règlements intérieurs de l’APPECOR et de l’OPPROMAR, aux articles 3, visent parmi les obligations de leurs membres celles d’« appliquer l’ensemble des mesures adoptées par APPECOR dans le cadre de l’interprofession et des comités de gestion (…) »38.
47. L’ARIPA a indiqué que les grilles d’orientation de prix sont adoptées autant de fois que cela apparait nécessaire39. Une fois adoptées lors des réunions des comités de gestion de l’ARIPA, les organisations membres de l’ARIPA portent les grilles d'orientation des prix à la connaissance de leurs adhérents respectifs, soit par courrier électronique, soit par remise en main propre au siège de l’ARIPA ou lors des tournées des ports opérées par les permanents de l’ARIPA, ou enfin au travers des guides pratiques de l'adhérent qui sont remis chaque année lors des adhésions ou réadhésions40.
48. Ces guides présentent les grilles d’orientation des prix comme des prix minimum, auxquels il n’est possible de déroger que dans le cadre d’opérations promotionnelles validées préalablement par l’ARIPA.
49. À titre d’exemple, le guide de l’adhérent de l’APPECOR précise que les grilles d’orientation de prix « sont les prix d'achat minimum auxquels les poissonneries et GIE de vente, les particuliers, les bazardiers, les cafés, hôtels et restaurants doivent acheter le poisson débarqué. Chaque pêcheur artisan côtier est bien évidemment libre de commercialiser son poisson à des prix plus élevés que ceux indiqués dans la grille. Il peut être dérogé ponctuellement à ces grilles de prix, lors des opérations promotionnelles décidées collectivement et préalablement au sein de l'ARIPA »41. Dans le même sens, le guide pratique de l’adhérent d’EVAMER précise que : « Ces grilles d'orientation de prix ont été élaborées par les professionnels lors des comités de gestion de l'association réunionnaise interprofessionnelle de la pêche et de l'aquaculture (ARIPA). Ce sont des outils de régulation du marché. Il peut être dérogé ponctuellement à ces grilles de prix lors des opérations promotionnelles, décidées collectivement et préalablement au sein de l'ARIPA »42.
50. Il existe en outre des procédures de sanction en cas de non-respect des grilles d’orientation des prix. Elles ont été mises en œuvre à plusieurs occasions. La sanction prévue en cas de manquement aux obligations interprofessionnelles, qui comprennent le respect des grilles d’orientation de prix, est rédigée de manière identique au sein des règlements intérieurs de l’APPECOR, de l’OPROMAR, de la FGPMAR, de l’ARUDEP et d’EVAMER et peut aller jusqu’à une « exclusion totale ou partielle du bénéfice des aides publiques gérées par l’interprofession »43.
51. Par ailleurs, il ressort des extraits suivants que l’ARIPA et ses associations professionnelles ont contrôlé le respect des grilles d’orientation des prix par les opérateurs membres et décidé de sanctionner les comportements déviants :
- « Un courrier d'information sera envoyé par les présidents de familles à l'ensemble de leurs membres, afin de leur présenter la nouvelle grille, leur rappeler que ce sont des prix planchers et les sanctions auxquelles ils s’exposent en cas de non-respect de ces grilles. » (Comité de gestion de l’ARIPA du 29 octobre 2014)44.
- « Le délégué général de l’ARIPA repose le contexte de la mise à l'ordre du jour de cette question : un non-respect de la grille de prix d’orientation EVAMER vers CHR a été constaté de la part d’un membre d’EVAMER (preuves fournies). Celui-ci a reconnu les faits et s’est engagé à dorénavant respecter les grilles. Question est posée aux membres en présence de la conduite à tenir : faut-il ne rien faire ou sanctionner ? Il est entendu que ne rien faire créerait à l’avenir jurisprudence sur ce type de pratiques qui ont des conséquences sur les affaires de chacun. Diverses pistes de sanctions sont évoquées. Une sanction pécuniaire modérée est choisie. Étant donné que le second semestre 2014 fera l’objet d’un paiement sur le PCS du FEAMP et que les aides du PCS seront versées sur les factures de vente EVAMER vers CHR, GMS, FGPMAR et autres poissonneries, il est proposé que les volumes ne respectant pas la grille de prix ne soient pas éligibles aux aides, tout en étant assujettis aux cotisations proportionnelles » (Conseil d’administration d’EVAMER du 19 février 2015)45.
- « L'ARIPA s'est récemment livrée à une série de contrôles pour s'assurer du respect des règles interprofessionnelles. Le règlement intérieur de certaines familles membres de l’ARIPA prévoit que les opérations de contrôle doivent être menées en accord avec le conseil d'administration de ladite famille. Néanmoins, ces contrôles doivent rester inopinés pour être efficaces. Aussi, l’ARIPA souhaite pouvoir organiser les contrôles sans avoir à en avertir les instances statutaires des familles au préalable » (Conseil d’administration de la FGPMAR du 17 novembre 2015)46.
- « Grilles d’orientation des prix (…) Mme Z… précise que l'interprofession est désormais en mesure de contrôler l’application des grilles de prix d'orientation par ses adhérents et qu'elle rend inéligible aux aides PCS tout le poisson qui est acheté par la FGPMAR en dessous de cette grille » (Conseil d’administration de la FGPMAR 13 décembre 2016)47.
- « Le délégué général de l’ARIPA fait un bilan des contrôles opérés en 2015 : Contrôle in situ : à Sainte-Marie porte close dans l'usine Contrôle in situ chez un autre opérateur au Port, pour lequel il y a eu 2 ou 3 factures pointées du doigt ; Contrôle en cours chez d’autres opérateurs ; Exclusion d'un opérateur qui ne respectait aucune des règles interprofessionnelles. Les contrôles sur le respect des grilles de prix sont appelés à être renforcés et automatisés d’ici fin 2016 » (Comité de gestion de l’ARIPA du 3 mars 2016)48.
- « Des dossiers complémentaires ont également été fournis suite à la réintégration (décidée en conseil d'administration du 19 avril 2017) des quantités écartées lors du dépôt initial pour cause de non-respect des grilles d'orientation de prix, faute de cahier des charges interprofessionnel validé autorisant leur exclusion pour ce motif » (Conseil d’administration de l’ARIPA du 4 juillet 2017)49.
b) Réunions et discussions relatives aux grilles d’orientation des prix au sein de l’ARIPA et ses associations professionnelles
52. Depuis 2011, l’ARIPA et ses associations membres ont échangé à de nombreuses reprises au sujet du contenu des grilles d’orientation des prix et de leur mise en œuvre.
53. Dès le 2 février 2011, date de la première réunion de l’ARIPA attestée dans le dossier, les discussions ont porté sur la nécessité de définir les circuits d’écoulement et d’établir des grilles de prix, comme l’illustre l’extrait du compte rendu de cette réunion ci-dessous : « OPROMAR :
(…)
- Vente/achat du poisson : il faut préciser les flux de poisson et le mode de facturation. (…)
- Grille de prix : la moyenne de 4,05€/kg VDK a été [retenue], il faut la décliner selon la qualité et les espèces. Comme prix commercial OPROMAR = prix d'achat ARUDEP, il a été proposé de laisser l'ARUDEP faire les calculs, et qu'une fois obtenus, l'OPROMAR les examine et les valide ;
ARUDEP :
(…)
- Valider la grille de prix à l’achat et à la vente (qui conditionne le travail OPROMAR, EVAMER et APPECOR), ne pas oublier le poisson d’aquaculture ;
(…) EVAMER :
(…)
- Certains membres n'ont pas respecté l'interdiction d'importer du poisson pélagique. Il faut que les membres d'EVAMER créent des sociétés annexes, si elles veulent importer ;
- Grille de prix : travailler sur la grille de vente, la grille d’achat doit être calculée par l’ARUDEP puis validée par l’EVAMER ;
- Valider le circuit du poisson et la facturation ; APPECOR :
- Grille de prix en cours (en attente de la grille OPROMAR, car il y a un lien mathématique entre ces deux grilles sur le pélagique) ; (…)
- Besoin de valider le circuit du poisson et de la facturation ; FGPMAR :
- Grille de prix en cours (en attente de la grille EVAMER, car lien sur le pélagique) ;
- Besoin de valider le circuit du poisson et de la facturation, problématique de la TVA (un GIE achète le poisson HT a ses adhérents et TTC aux autres pêcheurs) »50.
54. Le 28 février 2011, au cours d’une des « réunions hebdomadaires ARIPA "amont" », l’ARIPA identifie, parmi les premières actions à mener, l’établissement de ces grilles de prix d’achat et de vente de chaque famille comme une mission à réaliser « le plus rapidement possible »51.
55. Ainsi, cette année-là, les membres de l’ARIPA ont adopté les premières grilles d’orientation de prix, comme en témoigne l’extrait d’une réunion de lancement d’un des comités de gestion de l’ARIPA (COPA) du 8 septembre 2011 : « Les « familles professionnelles », également associations de type loi 1901, ont donc travaillé à cette structuration et adopté un mode de fonctionnement collectif, pour déterminer quels circuits commerciaux doivent suivre les différents produits de la mer locaux. À ce sujet, certaines familles ont mis en place de grilles de prix d’orientation, d’autres sont en passe de les finaliser »52(soulignement ajouté).
56. Il ressort des éléments figurant au dossier que les discussions relatives à l’élaboration et l’application de grilles d’orientation de prix se sont poursuivies au sein de l’ARIPA et de ses associations membres de manière continue de 2011 jusqu’à la fin de l’année 2020. Le nombre de grilles et leur champ d’application se sont étendus tout au long des années d’existence de l’ARIPA.
57. Ainsi, lors d’une assemblée générale de l’ARIPA du 27 juin 2014, le président de l’ARIPA a souhaité généraliser la mise en place des grilles d’orientation des prix à tous les échelons de la filière : « L’année 2014 doit ouvrir au sein de l’ARIPA de nouvelles perspectives commerciales. En plus du panier Lurel, le président émet le souhait de voir l’ARIPA travailler sur un marché de pélagiques congelés, de poissons frais en libre-service, davantage de poissons côtiers sur les étals, la mise en place des grilles d’orientation de prix à tous les maillons de la filière…»53 (soulignement ajouté).
58. L’ARIPA et ses membres ont également envisagé la mise en place de grilles d’orientation de prix majorés à destination des opérateurs non-membres de l’ARIPA, afin de les rendre moins compétitifs.
- le compte rendu d’une réunion d’EVAMER du 12 novembre 2015 évoque à cet égard des discussions sur la « Mise en place d’une grille majorée de prix ARUDEP vers opérateurs hors ARIPA, assortie de modalités de mise en œuvre, notamment le plafonnement des volumes écoulés »54 ;
- le compte rendu du comité de gestion de l’ARIPA (COGEPEL) du 1er décembre 2016 indique quant à lui : « sont envisagées des grilles d'orientation de prix vers les opérateurs "hors-interprofession » visant à rendre les opérateurs non-membres de l’ARIPA moins compétitifs que leurs homologues adhérents de l’ARIPA, et à les inciter à y adhérer. Il s'agit de grilles ARUDEP - HORS INTERPROFESSION, EVAMER - ACCAPAREURS HORS INTERPROFESSION et FGPMAR - HORS INTERPROFESSION ».
1. Les membres de l’ARIPA ont également validé l’adoption d’une grille de prix à destination des particuliers dans le cadre d’un dispositif expérimental autorisant les membres d’une famille professionnelle à vendre leurs productions à des particuliers (voir paragraphe 66 ci- dessous), comme en témoigne le compte rendu du conseil d’administration d’un des membres de l’ARIPA (l’APPECOR) du 28 novembre 2016 :
« Les circuits courts pratiqués par les pêcheurs sont de trois types : la vente aux CHR, la vente aux accapareurs et la vente aux particuliers. Les deux premiers modes d’écoulement ne peuvent être acceptés pour des adhérents de l’APPECOR, car ils viennent concurrencer les membres de la FGPMAR.
L’encadrement de la vente directe aux particuliers par l’interprofession permettrait de s’assurer qu’elle conforte le principe de l'écoulement total sans pénaliser l'approvisionnement de la FGPMAR en poisson frais et de rendre ces volumes éligibles aux aides PCS.
Ainsi, l’interprofession propose la mise en place d’un dispositif expérimental pour la vente directe aux particuliers réservé à la pêche artisanale côtière (exclusion des mini longlines) :
- Pas de ciblage des espèces ;
- Quantités limitées à 100 kg/mois de pélagiques et 50 kg/mois de poissons de fonds ;
- Création d’une grille de prix d’orientation APPECOR-Particuliers sur la base du prix d’orientation APPECOR-FGPMAR + 50 % ;
- Factures acquittées en espèces ou par chèque, éligibles aux aides PCS mais soumises à cotisations proportionnelles.
Le conseil d’administration de l’APPECOR valide à l’unanimité la mise en place du dispositif décrit ci-dessus. Un bilan de l’action est prévu sous 6 mois »55 (soulignement ajouté).
2. Lors d’une assemblée générale extraordinaire de l’ARIPA du 17 décembre 2020, il a été finalement décidé de supprimer les grilles d'orientation de prix à chaque maillon des familles professionnelles de l’ARIPA « considérées comme une pratique de recommandation de prix non compatible avec les règles de la concurrence »56. Le délégué général de l’ARIPA a indiqué que cette modification se concrétiserait par la modification du règlement intérieur de chaque comité de gestion ainsi que des conditions d'adhésion à chacune des familles professionnelles membres de l'ARIPA.
2. SUR LES MESURES PRISES AU SEIN DE L’ARIPA
61. Depuis la création de l’ARIPA, cette dernière a, à divers échelons de la chaîne de valeur, appliqué des règles et pris des mesures d’encadrement des ventes de poisson. Ces règles et mesures, prises collectivement pour le compte de tous les membres des familles interprofessionnelles, apparaissent comme un principe directeur de l’action de l’ARIPA.
62. Les règles et mesures adoptées par l’ARIPA peuvent être regroupées en quatre catégories : l’apport total, la fermeture des circuits d’écoulement du poisson selon les familles professionnelles, l’encadrement des opérations promotionnelles et une série d’aides interprofessionnelles destinées à agir sur l’offre.
a) La règle de l’apport total
63. La règle dite de « l’apport total », instaurée dès la création de l’ARIPA, impose aux producteurs de vendre la totalité de leur poisson aux membres des familles aval de l’ARIPA.
64. Dans une note de 2017 jointe à sa demande de reconnaissance en tant qu’organisation interprofessionnelle, l’ARIPA explique que : « Les opérateurs réunis au sein de l’ARIPA ont instauré dès sa création la règle dite de l'apport total des producteurs aux structures d’aval membres de l’interprofession. […] Cette règle est la contrepartie de la garantie de prix et d’écoulement qu’assurent les acheteurs usiniers et poissonniers de l’interprofession aux producteurs. Elle assure la nécessaire régulation de la production du fait d’une activité aléatoire, cyclique et saisonnière, pouvant influencer le prix. Sans cette obligation, des producteurs ne vendraient aux opérateurs de l’interprofession qu’en période de forte production pour bénéficier de la garantie de prix et d’écoulement tout en vendant au plus offrant en période de faible production. Cette pratique ne pourrait perdurer sur le long terme et conduirait à la fin de la garantie d’écoulement »57 .
65. La règle de l’apport total a connu à partir de 2016 plusieurs assouplissements, avant d’être supprimée à la fin de l’année 2020.
66. En 2016, deux membres de l’ARIPA (l’APPECOR et la FGPMAR) ont mis en place à titre expérimental une « ouverture encadrée des circuits d’écoulement », afin d’inciter les pêcheurs artisans côtiers à adhérer à l’APPECOR58. L’APPECOR a proposé de permettre à ses adhérents de vendre leurs poissons directement aux particuliers, selon un circuit court traditionnel et de rendre ces volumes éligibles aux subventions européennes PCS. L’APPECOR a toutefois fixé plusieurs limites à cette ouverture, en l’occurrence l’exclusion des poissons pêchés à partir des petits navires palangriers appelés « mini-longlines »59, l’exclusion des circuits courts traditionnels à destination des professionnels, la fixation d’un volume maximum de poissons pouvant être vendus aux particuliers et l’application d’une grille d’orientation des prix pour les ventes aux particuliers (voir paragraphe 59 ci-avant). Le 1er décembre 2016, le comité de gestion de l’ARIPA (COGEPEL) a validé ce dispositif expérimental pour six mois, rappelant à cette occasion que seule la vente aux particuliers devait être autorisée car les autres circuits courts « risqueraient d’être déstructurants pour la dynamique interprofessionnelle » 60.
67. En juillet 2017, afin d’améliorer l’intégration de la pêche artisanale au sein de son dispositif, l’ARIPA a décidé de supprimer l’obligation d’apport total des pêcheurs de l’APPECOR aux adhérents de la FGPMAR61. Les poissons pêchés à partir des petits navires palangriers « mini-longline » demeuraient toutefois exclus de cette ouverture et les ventes restaient soumises à la grille d’orientation de prix APPECOR-FGPMAR. Cette modification a été validée par les comités de gestion de l’ARIPA (COGEPEL et COGEFOND) du 27 juillet 2017 et appliquée rétroactivement aux ventes conclues depuis le 1er janvier 2017 pour les besoins de l’éligibilité aux subventions européennes PCS62.
68. Enfin, le 17 décembre 2020, l’assemblée générale extraordinaire de l’ARIPA a approuvé la suppression de l’obligation d’apport total pour tous les producteurs adhérents63, afin de mettre fin à un « cloisonnement de marché ».
b) Fermeture des circuits d’écoulement comme corollaire de l’adhésion à une famille professionnelle.
69. L’adhésion à l’ARIPA suppose l’adhésion d’un opérateur à une ou, le cas échéant, plusieurs familles professionnelles. Ces familles professionnelles sont constituées sous forme associative et sont juridiquement membres de l’ARIPA. L’ARIPA a défini des circuits d’écoulement et d’approvisionnement entre ces familles professionnelles, de sorte que l’opérateur se trouve, du seul fait de son adhésion à une famille professionnelle, restreint dans l’activité qu’il est susceptible d’exercer et dans le choix des opérateurs auxquels il peut vendre ou acheter des produits.
70. Au cours des réunions hebdomadaires « amont » conduites au sein des comités de gestion de l’ARIPA en 2011, la définition des circuits d’écoulement autorisés et leur formalisation dans un schéma ont été un sujet récurrent. Le compte rendu de la réunion du 2 mars 2011 est explicite sur le caractère exclusif des circuits en cours de formalisation : « Attention, le logigramme n’est pas censé permettre toutes les transactions commerciales actuelles, mais réellement proposer un nouveau modèle, sous une logique interprofessionnelle »64.
71. Le schéma retenu par l’ARIPA, ou « logigramme », qui fixe les catégories de transactions admises par les membres des familles professionnelles de l’ARIPA est reproduit ci-dessous.
72. Les restrictions attachées aux circuits de ventes prédéfinis par l’ARIPA se retrouvent aussi bien aux échelons de la production que de la commercialisation.
73. Au stade de la production, les pêcheurs qui adhèrent à l’APPECOR (famille professionnelle de la pêche côtière) ne peuvent vendre leurs poissons qu’aux adhérents de la FGPMAR (famille professionnelle des premiers acheteurs du poisson de la pêche côtière réunionnaise), tandis que les pêcheurs qui adhèrent à l’OPROMAR (famille professionnelle des pécheurs palangriers côtiers et hauturiers) doivent vendre leur production uniquement aux membres de l’ARUDEP (famille professionnelle des usines de débarque et de transformation du poisson). Lorsqu’un pêcheur dispose d’un bateau susceptible d’appartenir à deux familles professionnelles, il doit choisir celle qui correspond à son circuit d’écoulement. Ainsi, s’agissant des petits navires palangriers « mini-longline », le compte rendu du conseil d’administration de l’ARIPA du 23 mai 2018 précise que « les mini long-liners peuvent adhérer soit à l’APPECOR, soit à l’OPROMAR, selon leurs acheteurs et leurs circuits d’écoulement respectifs (FGPMAR ou ARUDEP) »65.
74. Au stade de la commercialisation, la diversité des activités de certains opérateurs est apparue problématique et a conduit l’ARIPA à faire une mise au point et, dans au moins un cas, à sanctionner un membre.
75. Lors du conseil d’administration du 19 février 2015 d’EVAMER (famille professionnelle des établissements de vente en gros et demi gros de poisson pélagiques et d'aquaculture marine), le délégué général de l’ARIPA a appelé à une « démarche de repositionnement des opérateurs de l’interprofession dont les activités sont du ressort de plusieurs familles ».
76. Les métiers respectifs d’EVAMER et de la FGPMAR ont alors reçu une définition limitative :
« Un membre d’EVAMER s’approvisionne en produits de la mer auprès de membres de l’ARUDEP puis l’écoule vers les CHR, les GMS, les membres de la FGPMAR, les poissonneries autres et les collectivités. Un membre EVAMER ne pratique pas la vente au détail et n’a pas de point de vente directe de détail.
« Un membre FGPMAR s'approvisionne en produits de la mer auprès de membres de l’APPECOR, d’EVAMER ou de l'ARUDEP puis l’écoule via des circuits courts, prioritairement la vente au détail au sein d’un lieu dédié (point de vente directe de détail). Un membre de la FGPMAR peut vendre aux CHR (cafés, hôtels, restaurants) de proximité uniquement, le critère de proximité s’appréciant sur la base du code postal qui doit être identique entre celui de l’entreprise et celui du restaurant/hôtel66 ».
77. Le conseil d’administration, puis l’assemblée générale extraordinaire de la FGPMAR ont validé cette nouvelle définition du métier le 30 avril 2015 et modifié en conséquence le règlement intérieur. En particulier, un critère de proximité, « étant défini comme la commune du lieu d'exploitation de l'entreprise et les communes attenantes », a été expressément ajouté pour restreindre l’activité de vente aux cafés, hôtels et restaurants67.
78. Le 25 septembre 2015, les membres du conseil d’administration d’EVAMER ont sanctionné un opérateur dont l’activité couvrait à la fois la vente en gros ou demi-gros et la vente au détail. Relevant que « ses activités ne respectent pas le métier de la famille professionnelle à laquelle il appartient, alors que d’autres se sont astreints à scinder leurs activités en sociétés distinctes », les membres du conseil d’administration ont validé à l’unanimité la radiation avec effet immédiat de cet opérateur68.
79. Le 16 octobre 2015, les membres de l’ARUDEP ont, parallèlement à cette sanction, décidé de cesser de s’approvisionner auprès de cet opérateur « jusqu'à sa réintégration effective au sein d'EVAMER, concomitamment à l'intégration d'une seconde société au sein de FGPMAR pour l'activité de vente au détail »69.
80. Le 12 novembre 2015, EVAMER a accepté le principe d’une réintégration de l’opérateur en question, précisant que la date de sa réadhésion « est conditionnée à l'intégration à la FGPMAR de [sa] structure de vente au détail » 70.
81. S’agissant de l’ARUDEP (famille professionnelle des usines de débarque, de transformation, de congélation et d'exportation de l'ARIPA), la définition statutaire du métier de ses adhérents s’est révélée être un frein à leur diversification.
82. Les membres de l’ARUDEP ont souhaité en effet développer une activité de seconde transformation. Compte tenu du prix de sortie d’usine des produits concernés, ils ont considéré que ceux-ci devaient être écoulés de manière directe afin d’être compétitifs. Or les règles statutaires de l’ARUDEP ne prévoyaient ni la transformation de niveau II71 par ses adhérents, ni l’écoulement direct sur le marché local. Au conseil d’administration du 19 août 2016, l’ARUDEP a donc décidé de proposer à l’assemblée générale, d’une part, une modification des statuts et du règlement intérieur de nature à « élargir l'objet et la composition de la famille professionnelle ARUDEP aux sociétés de seconde transformation » et, d’autre part, « la mise en place d'un circuit d'écoulement adapté autorisant la vente en direct aux opérateurs du marché local (GMS/CHR/collectivités) pour les produits de seconde transformation uniquement »72.
83. Lors de son assemblée générale du 20 octobre 2016, l’ARUDEP a bel et bien élargi son objet aux activités de seconde transformation, mais a en revanche rejeté l’idée d’un circuit d’écoulement direct, afin de ne pas concurrencer les familles de l’aval, la FCD et l’UMIH (représentant respectivement les segments GMS et CHR) : « La possibilité de mise en place d’un circuit d’écoulement spécifique aux produits de seconde transformation (circuit court entre l'usine et le marché local) est elle aussi évoquée sans aboutir, le positionnement sur les segments GMS et CHR, déjà occupés par deux familles professionnelles, étant jugé inapproprié »73.
c) Encadrement des opérations promotionnelles
84. L’ARIPA s’est employée très tôt à restreindre la capacité de ses membres à conduire des opérations promotionnelles à la suite de débarques importantes d’une espèce donnée. Parmi les règles interprofessionnelles figure en effet celle de la concertation préalable à toute opération promotionnelle.
85. Le 31 octobre 2012, l’un des comités de gestion de l’ARIPA (le FODEPPA) a évoqué une opération promotionnelle sur l’espadon « réalisée dans l’urgence afin d’écouler le surplus de production ». À cette occasion, la secrétaire générale de ce comité de gestion a déclaré regretter la manière dont cette opération avait été réalisée, en soulignant que celle-ci « aurait pu être menée dans la concertation ». La DMSOI a ajouté que « le règlement intérieur du FODEPPA a prévu ce type d’imprévu [sic], en permettant au FODEPPA de se réunir dans les 48h ». Un autre membre du FODEPPA (le SICR) a quant à lui appelé à « davantage de rigueur dans le fonctionnement de l’ARIPA, en plaçant la secrétaire générale au centre du processus »74.
86. Plusieurs exemples ultérieurs montrent que l’ARIPA, ainsi que ses membres, désapprouvent, empêchent, voire sanctionnent les opérations promotionnelles mises en place par ses membres, qui n’ont pas fait l’objet de concertation préalable.
87. Le 19 février 2015, le conseil d’administration d’EVAMER a émis un avis défavorable à la demande d’un membre qui souhaitait déroger ponctuellement à la grille d’orientation des prix, « après consultation des membres d’EVAMER », pour écouler un stock de marlin. EVAMER a jugé que si les membres pouvaient mener des opérations promotionnelles « chaque fois que le besoin est éprouvé », cela reviendrait à abandonner le principe de la consultation préalable.
88. Le 3 mars 2016, l’un des comités de gestion de l’ARIPA (FODEPPA) a sanctionné un opérateur pour avoir entrepris une opération promotionnelle non concertée : « Les membres du FODEPPA échangent sur une opération promotionnelle non interprofessionnelle qui s'est tenue sur l'espadon fin 2015, alors même qu'une opération promotionnelle interprofessionnelle était en cours sur le thon germon. Il est proposé d’adresser à cet opérateur un courrier du président du FODEPPA, copie président ARUDEP, pour rappeler à l'opérateur la procédure à suivre en cas de besoin d’écoulement promotionnel et lui indiquer qu'une sanction pécuniaire sera appliquée au travers l'inéligibilité des volumes écoulés sur cette période »75.
89. Le 13 octobre 2016 le conseil d’administration de l’ARIPA a décidé d’enclencher une procédure d’exclusion d’un membre d’EVAMER pour avoir pratiqué des promotions de manière autonome auprès d’enseignes de la grande distribution :
« A l'approche de la saison, les remontées "terrain" des commerciaux des entreprises membres de l’ARIPA font état d'opérations promotionnelles pratiquées par un/des membre(s) EVAMER mais non décidées dans le cadre interprofessionnel au niveau des enseignes de grande distribution.
Ces opérations dévalorisent le poisson inutilement et ferment des marchés aux opérateurs interprofessionnels, sauf à ce qu'ils ne soient pas vertueux et respectueux des règles interprofessionnelles.
S'aligner sur les prix en provoquant, dans le cadre interprofessionnel, une opération promotionnelle concurrente ne conduirait qu'à faire perdre, outre de la marge, de la crédibilité vis-à-vis de la FCD.
L’exclusion de cet/ces opérateur(s) est envisagée. Néanmoins, toute la difficulté réside dans le fait que, sans preuve ni motif légitime, il n'est pas possible pour l’ARIPA d'entreprendre quelle qu'action que ce soit envers un opérateur interprofessionnel qui ne se conformerait pas aux règles de l’interprofession.
Le président de l'ARIPA demande au président d'EVAMER d'enclencher une procédure d'exclusion de l'opérateur concerné en collectant l'ensemble des preuves de manquements aux obligations interprofessionnelles »76.
90. Dans les versions 2018 et 2019 du « guide pratique de l’adhérent » d’EVAMER et de l’APPECOR, respectivement, la présentation de la grille d’orientation des prix est accompagnée de la précision suivante : « Il peut être dérogé ponctuellement à ces grilles de prix, lors des opérations promotionnelles décidées collectivement et préalablement au sein de l'ARIPA »77.
91. Il ressort des relevés de délibération des comités de gestion de l’ARIPA que les principes de concertation préalable et de mise en œuvre collective des opérations promotionnelles sont conçus comme un moyen, pour les membres de l’ARIPA, de réagir à des phénomènes concurrentiels analysés comme une « déstructuration du marché » local ou une « dévalorisation » du poisson local.
92. Les comités de gestion de l’ARIPA ont ainsi mentionné plusieurs fois des opérations concurrentes menées par des opérateurs non-membres de l’ARIPA comme constitutives d’un contexte rendant nécessaires des opérations promotionnelles ciblées sur des espèces particulières et des marchés déterminés (marché de détail, restauration, collectivités)78. Ainsi, le comité de gestion de l’ARIPA (COGEPEL) du 13 novembre 2017 énonce clairement le raisonnement sous-jacent. Il est indiqué en effet que « la convocation de ce COGEPEL express était justifiée par une nouvelle opération promotionnelle non concertée sur le thon germon réalisée depuis une semaine qui bloque l’écoulement interprofessionnel sur le marché local. Ces opérations répétées depuis plusieurs mois, réalisées en dépit de la baisse des débarques, s’inscrivent dans une démarche de déstructuration du marché local ». Le 18 décembre 2018, les opérateurs non-membres concurrents sont par ailleurs cités nommément : « L’espadon fait de surcroît l’objet d’une opération promotionnelle par deux opérateurs extérieurs de l’interprofession, […], avec des prix de cession à la GMS jusqu’à 8,00 €/kg en VDK, ce qui dévalorise le produit de la pêche réunionnaise »79.
93. Il peut être souligné que, de manière exceptionnelle, les membres de l’ARIPA ont perçu le principe de la concertation préalable comme une source de difficulté. Des mesures de flexibilité, dans des limites bien définies, ont ainsi pu être accordées ponctuellement.
94. Ce cas est apparu le 4 octobre 2018 lors d’une réunion conjointe de deux comités de gestion de l’ARIPA (le COGEPEL et le COGEFOND), au cours de laquelle a été évoquée la baisse des chiffres de l’écoulement du poisson interprofessionnel sur le marché de la grande distribution depuis trois ans. Cette perte de parts de marché a été attribuée principalement au « manque de compétitivité du poisson local face à l’importation sur le marché de la grande distribution, en recherche permanente du meilleur prix d’approvisionnement, ainsi [qu’à] l’insuffisante flexibilité d’adaptation des opérateurs de l’ARIPA lors d’opérations commerciales »80. Aussi les comités de gestion réunis ont-ils accordé à titre expérimental, jusqu’à la fin de l’année, « une plus grande flexibilité (…) aux stratégies commerciales des membres d'EVAMER avec les grandes et moyennes surfaces (GMS) » 81. Ils ont précisé que cette expérimentation ne devait toutefois pas avoir d’impact sur « les prix d'achat du poisson local aux producteurs », ni sur « l'approvisionnement, en volume et en prix, des membres de la FGPMAR auprès des usines d'ARUDEP »82.
d) Aide à la congélation
95. Accessoirement à certaines opérations promotionnelles concertées, l’ARIPA a instauré des outils spécifiques d’aide au profit des membres qui y participent. Le premier est l’aide à la congélation, que le rapport d’activité 2014 de l’ARIPA décrit comme étant, « le corollaire de l'obligation d'achat total, à un prix d'achat aux bateaux maintenu, qui est faite aux usines durant la pleine saison de pêche, avec ses débarques massives » 83, la congélation y étant elle-même décrite comme un outil de régulation du marché pour la filière pêche à La Réunion.
96. Le principe d’une aide à la congélation a été acté par l’ARIPA, lors du comité de gestion FODEPPA du 16 janvier 2013. Il s’agissait de faire face aux périodes de surproduction par une indemnisation, au profit des usines membres de l’ARUDEP, destinée à « compenser le différentiel entre le prix d'achat normal au bateau et le prix à la congélation »84. Le 29 janvier 2014, l’ARIPA a précisé que l’aide « s’inscrit dans le double objectif de régulation du marché, d’une part, et de maintien du prix d'achat aux bateaux, d'autre part. Elle intervient lors de débarques massives entraînant l'engorgement du marché local et l'absence de débouchés à l'exportation »85.
97. L’ARUDEP a quant à elle déclaré que « pour la gestion des éventuels tonnages sans débouché, l’ARIPA a mis en place une aide interprofessionnelle à la congélation qui permet de compenser la perte de valeur pour l’usine entre l’achat du poisson en frais et sa revente en congelé. C’est le rôle de régulation du marché qui est exercé par les usines avec, entre autres, leur capacité de congélation des quantités excédentaires par rapport aux débouchés des différents marchés86 ».
98. L’aide est actionnée au cas par cas par le comité de gestion de l’ARIPA (FODEPPA, puis COGEPEL), en même temps que des opérations promotionnelles de « fin d’année », soit décembre-janvier, lorsqu’il apparaît probable que l’opération ne suffira pas à écouler toute la débarque. Ainsi, lors du comité de gestion FODEPPA du 26 janvier 2016, l’ARIPA a rappelé au sujet d’une opération sur le marlin que « le recours à l'aide à la congélation n'est pas systématique, mais qu'elle est ici mise en place car il y a une situation avérée de pic de production, à laquelle est associée un fort afflux de marlin à la côte »87.
e) Aide à l’écoulement de proximité
99. L’aide à l’écoulement de proximité constitue le second outil interprofessionnel spécifique associé aux opérations promotionnelles. Elle a été mentionnée pour la première fois dans le rapport d’activité 2014 de l’ARIPA, qui en explique le mécanisme :
« Afin d'inciter les opérateurs de l'aval, enseignes et poissonneries, à répercuter la promotion sous forme de prix attractifs pour les consommateurs, il leur a été proposé d'appliquer un ‘prix de vente conseillé’ qui a été valorisé au travers de publications presse dans le cadre du dispositif de communication.
L'aide à l'écoulement de proximité est destinée aux opérateurs d'ARUDEP et d'EVAMER qui ont abaissé leurs prix de vente à la FGPMAR sur les produits identifiés en FODEPPA express. Sa mise en place a permis aux membres de la FGPMAR de participer à l'opération et de s'aligner sur le PVC tout en conservant leurs marges »88.
100. Cette aide permet aux membres de la FGPMAR de pratiquer les prix promotionnels décidés par le comité de gestion de l’ARIPA tout en conservant une marge satisfaisante. Pour ce faire, une poissonnerie ou un GIE achète le poisson à une usine (ARUDEP) ou à un grossiste mareyeur (EVAMER) à prix réduit. En compensation de cette baisse de prix, l’usine ou le grossiste perçoit de l’ARIPA un complément de prix pour chaque kilogramme de poisson concerné.
101. Ainsi l’ARIPA s’assure, par l’intermédiaire de ses comités de gestion, de l’application la plus large possible du prix de vente promotionnel conseillé auprès du consommateur. À ce titre, l’idée exprimée régulièrement par les comités de gestion de l’ARIPA est que l’aide à l’écoulement de proximité permet aux membres de la FGPMAR de « s’aligner »89 sur les prix de vente conseillés. Au cours de son audition, l’ARIPA a commenté le mécanisme en ces termes : « C’est alors toute la chaîne de valeur qui accepte une baisse de valorisation du produit pour permettre en bout de chaîne un prix attractif pour le consommateur et ainsi maximiser les ventes »90.
102. Le déclenchement de l’aide à l’écoulement de proximité est décidé au cas par cas par le comité de gestion de l’ARIPA qui a validé l’opération promotionnelle.
103. L’ARIPA a précisé que « Ces aides sont très réduites dans le temps, étant circonscrites aux périodes d’opérations promotionnelles » et qu’elles « ne représentent pas plus de 5 000 euros par an »91.
104. Dans un document de séance présenté à l’un des comités de gestion de l’ARIPA (COGEFOND) du 27 juillet 2017, un tableau des « propositions d’actions interprofessionnelles 2017 » réunissait l’aide à la congélation et l’aide à l’écoulement de proximité dans une unique catégorie dénommée « aide à la structuration du marché »92.
E. LE GRIEF NOTIFIE
105. Le 24 mars 2022, les services d’instruction ont notifié le grief suivant à l’ARIPA :
« Il est fait grief à l’Association réunionnaise interprofessionnelle de la pêche et de l’aquaculture, association régie par la loi du 1er juillet 1901 sise au 49, rue Evariste de Parny, 97420 Le Port, et il est imputé à cette même association, en raison de sa qualité d’auteur de l’infraction,
D’avoir, dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture à La Réunion, élaboré et participé à une entente unique, complexe et continue en mettant en œuvre, en vue d’un objectif commun et global de structuration et de régulation des marchés, des pratiques consistant à fixer des prix minimums pour la vente du poisson à plusieurs échelons de la chaîne de valeur, à restreindre à certains circuits déterminés les transactions autorisées et à prendre diverses mesures destinées à promouvoir ou à restreindre l’offre de poisson.
Ces pratiques ont pour objet et ont nécessairement pour effet d’instaurer dans ledit secteur un mode d’organisation qui substitue au libre jeu de la concurrence une collusion généralisée entre les entreprises adhérentes des organisations membres de l’ARIPA, portant sur la fixation des prix et le contrôle de la production et des débouchés.
Elles sont prohibées par le 2° et le 3° de l’article L. 420-1 du code de commerce.
Ces pratiques ont été mises en œuvre au moins depuis le 2 février 2011 et perdurent jusqu’à la date d’envoi de la présente notification de griefs ».
II. Discussion
A. SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROCEDURE DE TRANSACTION
106. Le III de l’article L. 464-2 du code de commerce dispose : « [l]lorsqu’un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l’entreprise ou l’organisme s’engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l’organisme ou l’entreprise donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l’Autorité de la concurrence, qui entend l’entreprise ou l’organisme et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d’un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I dans les limites fixées par la transaction ».
107. L’ARIPA a sollicité l’application des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce auprès de la rapporteure générale adjointe de l’Autorité, qui lui a soumis une proposition de transaction.
108. Par procès-verbal du 9 juin 2022, l’ARIPA a renoncé à contester la réalité du grief qui lui avait été notifié et a donné son accord à une proposition de transaction définissant les limites des sanctions pécuniaires pouvant lui être infligées93.
109. Lors de la séance du 22 septembre 2022, l’ARIPA a confirmé son plein accord avec les termes de la transaction et avoir pris les mesures appropriées pour mettre fin aux pratiques correspondant au grief notifié.
B. SUR L’APPLICATION DU DROIT DE L’UNION
110. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et la communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE94, trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres : l’existence d’échanges entre États membres portant sur les produits ou les services en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et le caractère sensible de cette possible affectation.
111. S’agissant du troisième élément, aux termes de l’arrêt du 31 janvier 2012 précité, la Cour de cassation a en outre jugé que « le caractère sensible de l’affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d’un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause95 ».
112. Les lignes directrices précitées expliquent, au point 90, la manière dont ce critère est apprécié dans le cas d’ententes ne couvrant qu'une partie d'un État membre : « Si un accord interdit l'accès à un marché régional, le volume de ventes affecté doit être significatif par rapport au volume de ventes global des produits en cause à l'intérieur de l'État membre en cause pour que le commerce soit affecté de manière sensible. Cette appréciation ne saurait reposer sur la seule couverture géographique: il faut aussi accorder un certain poids à la part de marché des parties à l'accord. Même si les parties détiennent une forte part d'un marché régional parfaitement défini, la taille de ce marché en termes de volume peuvent (sic) encore être insignifiants par rapport aux ventes totales des produits en cause dans l'État membre en cause. C'est pourquoi il est généralement considéré que le meilleur indicateur de la capacité de l'accord d'affecter (sensiblement) le commerce entre États membres est la part du marché national en volume à laquelle l'accès est interdit. Par conséquent, les accords couvrant des régions présentant une forte concentration de la demande auront plus de poids que les accords couvrant des régions où la demande est moins concentrée. Pour établir l'applicabilité du droit communautaire, la part du marché national à laquelle l'accès est interdit doit être importante » (soulignement ajouté).
113. Au cas d’espèce, la production locale des produits de la pêche et de l’aquaculture à La Réunion représente environ 3 500 tonnes par an96, alors que la production française de ces mêmes produits a atteint 566 000 tonnes en 201697. Compte tenu du fait que la pratique est géographiquement limitée à un territoire local et ultramarin et qu’elle ne concerne qu’une part infime du marché national de la pêche et de l’aquaculture (0,6 %), le commerce entre États membres ne peut pas être affecté de façon sensible.
114. En conséquence, le droit de l’Union n’est pas applicable au cas d’espèce. Les lignes directrices de la Commission européenne et la jurisprudence de la CJUE constituent néanmoins une grille d’analyse utile.
C. SUR LA DEFINITION DES MARCHES PERTINENTS
115. Il est possible de prendre en compte, aux fins de la délimitation des marchés en cause, les échelons suivants :
- la production, comprenant les activités de pêche artisanale côtière, de pêche palangrière côtière, de pêche hauturière, de grande pêche, ainsi que les activités d’aquaculture ;
- l’activité de transformation des produits de la pêche, comprenant (i) les transformateurs de niveau I ayant pour activité la débarque des navires, la transformation du poisson en filets et, selon le marché cible, l’écoulement de ces produits transformés soit aux acteurs de la mise en commercialisation (grossistes ou détaillants), soit à ceux de l’exportation et (ii) les transformateurs de niveau II ayant comme activité la deuxième découpe en steak du poisson, le calibrage, la mise en barquette sous atmosphère modifiée et la préparation de plats cuisinés à base de poisson ;
- l’activité de commercialisation, se composant de la vente directe et/ou de la vente aux opérateurs touristiques de proximité, tels que les cafés, hôtels et restaurants, d’une part, et de l’activité de mareyage/distribution consistant à acheter du poisson en gros et à le transporter pour fournir les marchés des grandes villes, d’autre part.
116. L’Autorité et la Commission européenne ont identifié, ou ont examiné, certains des échelons présentés ci-dessus comme marchés pertinents98. Ainsi, l’Autorité a distingué le marché de la transformation primaire en amont de celui de la transformation secondaire qui implique la transformation du produit primaire en des produits élaborés99. Par ailleurs, la Commission a également envisagé de distinguer, au sein de la chaîne de valeur du secteur du thon et des poissons pélagiques, la production, la transformation, la vente en gros et la distribution aux consommateurs100.
117. Dans la mesure où les opérateurs membres de l’ARIPA sont tous établis à La Réunion et que les pratiques constatées sont relatives à des transactions sur les poissons principalement réalisés entre opérateurs réunionnais, l’analyse sera menée sur le territoire de La Réunion.
118. En tout état de cause, il est constant que lorsque les pratiques sont examinées au titre de la prohibition des ententes, comme c’est le cas en espèce, il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour qualifier les pratiques observées et permettre de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre101.
D. SUR LA QUALIFICATION DES PRATIQUES
1. SUR L’EXISTENCE D’UNE INFRACTION UNIQUE, COMPLEXE ET CONTINUE
a) Sur l’accord de volontés
Principes applicables
119. L’existence d’une pratique telle que définie par l’article L. 420-1 précité est établie entre des entreprises, dès lors que celles-ci ont manifesté leur volonté commune de se comporter d’une manière déterminée sur le marché102. Il résulte en outre d’une jurisprudence constante qu’une pratique mise en œuvre par un groupement, quelle que soit sa forme juridique, est présumée constituer un accord entre ses membres103.
120. Le droit des ententes peut être appliqué aux organismes professionnels lorsque deux conditions sont réunies.
121. Premièrement, les membres de l’organisme doivent être des entreprises, c’est-à-dire des entités qui exercent une activité économique. Selon la jurisprudence européenne, cette condition est considérée comme remplie même lorsque les membres directs de l’organisme ne sont pas des entreprises, mais d’autres organismes ayant eux-mêmes pour membres des entreprises. Le Tribunal de l’Union a ainsi jugé que, « compte tenu de la finalité de [l’article 81, paragraphe 1, CE, devenu l’article 101 paragraphe 1 TFUE], la notion d’association d’entreprises doit être interprétée comme pouvant également appréhender des associations elles-mêmes constituées d’associations d’entreprises104 ».
122. Deuxièmement, pour qu’une entente soit caractérisée, les décisions prises par le groupement doivent exprimer la volonté commune de ses membres d’adopter un comportement déterminé sur le marché, c’est-à-dire, selon la pratique décisionnelle du Conseil, puis de l’Autorité, être « la manifestation de l’accord de volontés des membres de cette structure commune, (…) entreprises juridiquement distinctes, poursuivant des objectifs économiques distincts et en situation de se faire concurrence »105.
123. La forme de la décision du groupement est indifférente. L’Autorité, approuvée par la cour d’appel de Paris, a considéré qu’une pratique anticoncurrentielle peut résulter de divers actes, pour autant qu’ils émanent des organes d’un groupement professionnel et ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, « tels qu’un règlement professionnel, un règlement intérieur, un barème ou une circulaire »106.
Application au cas d’espèce
124. À titre liminaire, l’Autorité relève que l’ARIPA constitue une association d’entreprises au sens du droit de la concurrence.
125. L’ARIPA est composée d’associations et de syndicats professionnels, qui regroupent des opérateurs de la chaîne de valeur de la vente de poisson à La Réunion. Toutes ces activités se caractérisent par la mise en relation d’une offre et d’une demande portant sur un produit, le poisson (et de manière marginale la spiruline), et donnant lieu à des transactions à titre onéreux. Elles ont donc, chacune en ce qui la concerne, la qualité d’une activité économique qui confère par conséquent aux adhérents des membres de l’ARIPA la qualité d’entreprises au sens du droit de la concurrence.
126. En outre, les décisions de l’ARIPA, en particulier les décisions matérialisées par une délibération de ses comités de gestion, traduisent l’expression d’une volonté commune de leurs adhérents de se comporter de manière déterminée sur le marché.
127. En effet, l’ARIPA agit comme une entité normative qui justifie diverses règles de production et de commercialisation du poisson par la mise en œuvre d’un projet interprofessionnel de structuration, auquel chaque opérateur adhérent est réputé consentir du fait même de son adhésion. Les comités de gestion de l’ARIPA apparaissent à cet égard comme des organes délibérants dont les décisions s’imposent à tous les adhérents des associations membres de l’ARIPA concernés. Par leur gouvernance, qui rassemble des représentants des familles professionnelles, ils sont réputés pouvoir prendre des décisions pour le compte de tous les opérateurs représentés, et sont même habilités à cette fin par le règlement intérieur de l’ARIPA.
128. Les membres de l’ARIPA s’engagent d’ailleurs, aux termes de leurs règlements intérieurs respectifs, à « appliquer l’ensemble des mesures adoptées par [la famille] dans le cadre de l’interprofession et des comités de gestion, en matière de production et de commercialisation, dans le but notamment d’adapter le volume de l’offre aux exigences du marché et d’améliorer la qualité des produits »107.
129. De nombreuses mesures de structuration ou de régulation trouvent ainsi leur source dans des décisions prises par les comités de gestion de l’ARIPA. Les grilles d’orientation de prix sont approuvées par décision du comité de gestion, puis diffusées aux membres, notamment à travers un « guide pratique de l’adhérent ». Les opérations promotionnelles sont également déclenchées et encadrées, dans leur durée et leurs modalités, par un comité de gestion exprès, dont « les délibérations font l’objet d’un compte-rendu qui est diffusé dans un délai restreint garantissant la bonne application des décisions »108. Les aides à la congélation et à l’écoulement de proximité résultent aussi d’une décision prise par un comité de gestion exprès.
130. Par ailleurs, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, les familles professionnelles s’assurent de la bonne application de ces règles par leurs adhérents, en invoquant les obligations fixées collectivement à l’échelon de l’ARIPA.
131. Par conséquent, les règles de structuration auxquelles les membres interprofessionnels sont sommés de se conformer, de même que les décisions de l’ARIPA et ses comités de gestion, traduisent l’existence d’un accord de volontés.
b) Restriction par objet
Règles applicables
132. L’article L. 420-1 du code de commerce prohibe les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites entre les entreprises lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment lorsqu’elles tendent à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse.
133. Il résulte de cette disposition que l’objet et l’effet anticoncurrentiels d’une pratique sont des conditions alternatives pour la mise en œuvre de l’interdiction prévue par celles-ci.
134. Dans ce cadre, la Cour de justice a précisé qu’il convenait d’examiner, en premier lieu, l’objet même de l’accord, et qu’il n’y avait lieu, dans un second temps, d’en examiner les effets que si l’analyse de l’objet de l’accord ne révélait pas un degré de nocivité suffisant à l’égard de la concurrence pour caractériser une entente prohibée109.
135. À cet égard, la Cour de justice a souligné que « certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité́ à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré́ que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire »110. Il en va notamment ainsi des comportements qui conduisent à une fixation horizontale de prix111. La jurisprudence nationale va dans le même sens112.
136. De manière générale, l’appréciation de l’existence d’un degré suffisant de nocivité nécessite d’examiner concrètement et cumulativement la teneur et les objectifs de la disposition restrictive de concurrence, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel elle s’insère113.
137. S’agissant de pratiques consistant en l’élaboration et la diffusion de barèmes de prix par un organisme professionnel, l’Autorité́, comme le Conseil avant elle, considère qu’elles ont un objet anticoncurrentiel, nonobstant le caractère non impératif des consignes tarifaires données, dès lors qu’elles détournent les opérateurs d’une appréhension directe et personnelle de leurs coûts, limitant ainsi le libre jeu de la concurrence114.
138. Dans un arrêt du 29 janvier 2008, Union française des orthoprothésistes, la cour d’appel de Paris a confirmé la pratique décisionnelle de l’Autorité selon laquelle les informations ou indications diffusées par les organisations professionnelles ou syndicales et destinées à aider leurs membres dans l’exercice de leur activité ne doivent pas avoir pour objet ou pouvoir avoir pour effet de détourner les entreprises d’une appréhension directe de leurs propres coûts qui leur permette de déterminer individuellement leur prix de vente115. Dans le même sens, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’objet anticoncurrentiel d’un document à « caractère indicatif » diffusé par un ordre professionnel comportant des indications de prix, par le biais de fourchettes d’honoraires ou de montants minima, par type de prestation, pour la plus grande partie de celles qui pouvaient être rendues par ses membres116.
Application au cas d’espèce
139. L’ARIPA a mis en œuvre plusieurs comportements qui ont consisté en l’élaboration et la diffusion de grilles d’orientation de prix et en l’imposition de diverses mesures contraignantes à l’égard des familles professionnelles et de leurs membres quant à leurs comportements d’achat et de vente sur le marché.
140. En poursuivant cet objectif, l’ARIPA a imposé au secteur réunionnais de la pêche et de l’aquaculture un mode de gestion de la production et de la commercialisation se substituant au libre jeu de la concurrence et à l’autonomie commerciale des opérateurs du secteur.
141. Ces différentes mesures ont supprimé la liberté des opérateurs du marché quant à la détermination des prix de vente et d’achat des produits de la pêche et de l’aquaculture. Elles ont constitué également, par leur nature même, un outil de contrôle de la production et des débouchés de ces produits.
142. En effet, les grilles d’orientation des prix sont définies par le règlement intérieur de chacun des comités de gestion de l’ARIPA de la manière suivante : « Les grilles d’orientation de prix sont un outil interprofessionnel de structuration de la filière et de stabilité des prix.
Elles indiquent, pour chacun des flux d’écoulement entre familles professionnelles, le prix minimum appliqué par espèce et par présentation de produit117 ».
143. Comme exposé aux paragraphes 47 et suivants ci-avant, elles ont été élaborées en commun par les familles professionnelles au sein des comités de gestion de l’ARIPA et diffusées aux opérateurs membres des familles professionnelles en vue de leur application. Enfin, les familles professionnelles et l’ARIPA contrôlent leur respect de diverses manières.
144. Ainsi, la fixation de grilles d’orientation de prix au sein de l’ARIPA a nécessairement supprimé l’incertitude devant normalement peser sur chaque opérateur du secteur. Elles ont donc pu concourir, soit directement soit indirectement, à la fixation de prix supérieurs à ceux qui auraient résulté d’une situation normale de concurrence. En effet, de telles grilles d’orientation de prix ont détourné les entreprises d’une appréhension directe de leurs propres coûts leur permettant de déterminer individuellement leur prix de vente.
145. Eu égard à la pratique décisionnelle constante selon laquelle la fixation d’un prix ou d’un barème même simplement indicatif ou recommandé affecte le jeu de la concurrence, il doit être considéré que les grilles d’orientation de prix décidées en commun lors des comités de gestion de l’ARIPA et adressées aux opérateurs membres des familles professionnelles de l’ARIPA, par leur caractère impératif et les contrôles menés pour s’assurer de leur respect, ont pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce.
146. Par ailleurs, comme exposé aux paragraphes 61 et suivants, l’ARIPA a imposé aux opérateurs membres des familles professionnelles plusieurs mesures contraignantes consistant en une définition stricte des transactions autorisées selon la famille constitutive à laquelle les opérateurs appartiennent, en une concertation préalable et une mise en œuvre collective des opérations promotionnelles, et en différentes catégories d’aides interprofessionnelles indissociables de ces opérations, accordées aux opérateurs membres afin, selon le cas, de restreindre ou de promouvoir l’écoulement du poisson débarqué sur le marché local.
147. Ainsi, la règle de l’apport total constitue, avec les grilles d’orientation de prix, l’un des « outils interprofessionnels spécifiques » mis en œuvre par l’ARIPA118. Par ailleurs, pour accompagner l’application de cette règle, l’ARIPA a défini des circuits d’échanges autorisés entre ses membres, retranscrits dans le logigramme présenté au paragraphe 71 ci-avant et construit dans le cadre d’une logique interprofessionnelle, comme l’a rappelé l’ARIPA :
« Attention, le logigramme n’est pas censé permettre toutes les transactions commerciales actuelles, mais réellement proposer un nouveau modèle, sous une logique interprofessionnelle »119.
148. Les mesures d’aide à la congélation et d’aide à l’écoulement de proximité ont quant à elles été mises en œuvre dans le cadre d’opérations promotionnelles ou pour faire face à des pics de production, afin d’agir collectivement et d’une manière aussi uniforme que possible sur l’offre de poisson. Elles sont à ce titre présentées par l’ARIPA comme des mesures « d’aide à la structuration du marché » (voir paragraphe 104 ci-avant).
149. De telles pratiques visant à créer un système organisé, où les transactions sur les produits concernés sont encadrées quant aux circuits d’achat et d’écoulement autorisés, relèvent des pratiques ayant pour objet de contrôler la production et les débouchés.
150. Par ailleurs, ces différentes mesures ont supprimé l’incertitude devant normalement peser sur chaque opérateur du secteur. Elles ont ainsi pu concourir, soit directement soit indirectement, à la fixation de prix supérieurs à ceux qui auraient résulté d’une situation normale de concurrence ou à une qualité inférieure des produits concernés à celle qui aurait existé dans le cadre d’une situation normale de concurrence.
151. Par conséquent, en ce que ces diverses mesures ont pour objet de structurer ou réguler le marché dans les conditions décrites ci-dessus, elles visent très clairement à faire obstacle à la libre fixation des prix et à soustraire la production et les débouchés au libre jeu de la concurrence. Ces pratiques ont donc pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce.
152. Enfin, compte tenu de la cristallisation de la structure de marché résultant de la suppression de la liberté de fixation des prix par les opérateurs du marché et du contrôle complet de la production et des débouchés, ces pratiques ont eu pour effet de restreindre la concurrence au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce.
153. Par leur objet et par leurs effets anticoncurrentiels, les pratiques en cause contreviennent donc aux dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce.
c) Infraction unique, complexe et continue
Règles applicables
154. Aux termes de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence tant internes que de l’Union européenne, un comportement qui se manifeste par plusieurs agissements poursuivant un objectif économique unique peut être qualifié d’infraction unique, complexe et continue pour la période pendant laquelle il est mis en œuvre.
155. Cette qualification suppose l’existence d’un plan d’ensemble poursuivant un objectif unique120. L’existence d’un plan commun d’ensemble doit être appréciée au regard du seul contenu de ces accords ou pratiques et ne doit pas être confondue avec l’intention subjective des différentes entreprises de participer à une entente unique et continue. Cette intention subjective ne peut être prise en compte que dans le cadre de l’appréciation de la participation individuelle d’une entreprise à une telle infraction unique et continue121.
156. L’existence d’un lien de complémentarité entre les différentes actions constatées peut contribuer à démontrer l’existence d’un plan d’ensemble122.
157. L’existence de ce plan d’ensemble pourra en outre être corroborée par un certain nombre de similarités entre les différents comportements composant l’infraction unique, qui, appréciés dans leur globalité, font ressortir leur identité objective123.
158. Ainsi, dans la décision n° 12-D-08 du 6 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives, l’Autorité a considéré qu’en raison d’un « lien de complémentarité indéniable » et d’un objectif commun de maîtrise du prix de vente de l’endive au stade de la production et de la commercialisation, la qualification d’infraction unique, complexe et continue pouvait être appliquée à un ensemble de pratiques de natures diverses (« fixation de prix minima, convention de gestion de l’offre, encadrement des offres promotionnelles, dénaturations obligatoires, bourse d’échanges, système d’échanges d’informations sensibles »). Cette analyse a été confirmée par la cour d’appel de Paris124.
Application au cas d’espèce
159. Les mesures mises en œuvre par l’ARIPA poursuivent l’objectif commun de créer un système organisé où les transactions sur le poisson sont dictées, quant à leur prix et quant aux circuits d’écoulement autorisés, par une coordination entre membres de l’ARIPA. Il ressort également des pièces du dossier que les différentes pratiques présentent d’étroites similarités quant aux produits concernés, aux modalités de mise en œuvre et aux organismes et opérateurs impliqués.
160. L’existence de cet objectif commun de « structuration interprofessionnelle » soustraite au libre jeu de la concurrence est patente pour chacune des mesures décrites aux paragraphes 39 à 104 ci-avant.
161. Les grilles d’orientation de prix, d’une part, auxquelles il convient d’ajouter corrélativement les grilles promotionnelles arrêtées par les comités de gestion exprès, et la règle de l’apport total, d’autre part, envisagée comme composante essentielle d’un ensemble de circuits entre familles professionnelles strictement définis par l’ARIPA, constituent deux règles que l’ARIPA décrit à la fois comme des « outils de structuration » et des « outils interprofessionnels spécifiques ».
162. Les mesures d’aide à la congélation et d’aide à l’écoulement de proximité ont quant à elles été mises en œuvre de manière connexe à des opérations promotionnelles destinées à agir collectivement et d’une manière aussi uniforme que possible sur l’offre de poisson. Elles font partie, à ce titre, comme indiqué au paragraphe 104, d’une unique catégorie dénommée « aide à la structuration du marché » 125.
163. Les mesures ont par ailleurs des caractéristiques communes. Elles sont le fait des mêmes entreprises (entreprises adhérentes des familles professionnelles de l’ARIPA), s’inscrivent dans un même cadre (celui établi par les règles de fonctionnement de l’ARIPA et les décisions de ses organes délibérants) et se fondent sur la même justification (l’adhésion des opérateurs à un projet de structuration du marché). Les pratiques portent en outre sur les mêmes produits dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture.
164. Il s’en déduit que les pratiques constatées remplissent les conditions d’une infraction unique, complexe et continue.
2. SUR LA DUREE DE L’INFRACTION
165. Il ressort de la jurisprudence de l’Union que la durée d’un accord anticoncurrentiel est déterminée au regard de la période qui s’est écoulée entre la date de la conclusion de l’accord et la date à laquelle il y a été mis fin.126
166. S’agissant du caractère continu d’une infraction en droit interne, la Cour de cassation a précisé « qu’une pratique anticoncurrentielle revêt un caractère instantané lorsqu’elle est réalisée en un trait de temps, dès la commission des faits qui la constituent et qu’elle revêt au contraire un caractère continu lorsque l’état délictuel se prolonge dans le temps par la réitération constante ou par la persistance de la volonté anticoncurrentielle après l’acte initial sans qu’un acte matériel ait nécessairement à la renouveler dans le temps »127.
167. Au cas d’espèce, l’infraction a pour point de départ le 2 février 2011128, date de la première réunion attestée au cours de laquelle l’ARIPA a assigné à chacun de ses membres la tâche de définir des circuits d’écoulement et d’établir des grilles de prix.
168. Comme exposé aux paragraphes 52 et suivants, depuis 2011, de nombreuses réunions se sont tenues au sein de l’ARIPA, de ses comités de gestion ou des associations professionnelles ayant pour objet d’élaborer ou de modifier les grilles d’orientation des prix existantes au sein de l’ARIPA. Par ailleurs, il ressort des paragraphes 47 et suivants que les règles d’encadrement discutées au sein de l’ARIPA ont été inscrites au sein des règlements intérieurs des familles professionnelles et sont rappelées régulièrement aux opérateurs membres des associations professionnelles au travers des guides pratiques de l'adhérent qui sont remis chaque année lors des adhésions ou réadhésions129. Plusieurs mesures contraignantes de structuration du secteur ont perduré jusqu’au jour de l’envoi de la notification de griefs, en particulier la fermeture des circuits d’écoulement du poisson selon les familles professionnelles. Lors du conseil d’administration du 15 juillet 2021, l’ARIPA a décidé de ne pas convoquer d’assemblée générale extraordinaire en vue d’une modification des statuts et de s’en tenir au « statu quo »130.
169. Il ressort de l’ensemble des éléments exposés ci-dessus que les pratiques en cause ont été mises en œuvre de manière continue du 2 février 2011 jusqu’au 21 mars 2022, date de l’envoi de la notification de griefs.
170. La durée des pratiques en cause est donc de 11 ans et 1 mois.
3. CONCLUSION
171. Il ressort des pièces du dossier que les opérateurs membres de l’ARIPA, au cours des réunions de comités de gestion de l’ARIPA et en vertu d’une règle inscrite dans les textes qui régissent le fonctionnement même des comités de gestion de l’ARIPA, ont fixé en commun le prix du poisson sous la forme de grilles d’orientation applicables à tous les échelons de la chaîne de valeur, hormis – sauf quelques exceptions – celui du consommateur final. Cette pratique a été encouragée dès l’origine par l’ARIPA, régulièrement validée par ses comités de gestion et contrôlée de diverses manières, aussi bien au sein des organes statutaires des familles constitutives que ceux de l’ARIPA elle-même, matérialisant ce que l’ARIPA désigne comme « une discipline collective » assumée par les opérateurs du secteur.
172. En outre, il s’avère que l’ARIPA, ayant dès sa création entrepris de réguler le marché réunionnais du poisson, a imposé aux opérateurs une série de contraintes qu’elle qualifie couramment de mesures de structuration. Ces mesures consistent en particulier en une définition stricte des transactions autorisées selon la famille constitutive à laquelle les opérateurs appartiennent, en une concertation préalable et une mise en œuvre collective des opérations promotionnelles, et en différentes catégories d’aides interprofessionnelles accordées aux opérateurs membres destinées, selon le cas, à restreindre ou à promouvoir l’écoulement du poisson débarqué sur le marché local.
173. Il ressort de ce qui précède que l’ARIPA a joué un rôle de promoteur et d’organisateur des mesures précitées concernant le secteur de la pêche à La Réunion. En effet, comme exposé ci-dessus, l’ensemble de ces mesures ont été conçues dès l’origine par l’ARIPA pour atteindre l’objectif de structuration du secteur : elles ont été décidées au cours des assemblées générales et conseils d’administration de l’ARIPA et de ses comités de gestion, puis mises en œuvre par ses organisations membres et par les opérateurs.
E. SUR LA SANCTION
1. PRINCIPES APPLICABLES
174. Le I de l’article L. 464-2 du code de commerce habilite l’Autorité à infliger une sanction pécuniaire aux entreprises et aux associations d’entreprises qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par l’article L. 420-1 du code de commerce.
175. Par ailleurs, le troisième alinéa du I de cet article prévoit que « les sanctions pécuniaires sont appréciées au regard de la gravité et de la durée de l'infraction, de la situation de l'association d'entreprises ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et de l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».
176. Aux termes du sixième alinéa du I du même article, « Lorsque l'infraction d'une association d'entreprises a trait aux activités de ses membres, le montant maximal de la sanction pécuniaire est égal à 10 % de la somme du chiffre d'affaires mondial total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté par l'infraction de l'association ».
177. Le III de l’article L. 464-2 du code de commerce dispose : « Lorsqu'une association d'entreprises ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l'entreprise ou l'association d'entreprises s'engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l'entreprise ou l'association d'entreprises donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l'Autorité de la concurrence, qui entend l'entreprise ou l'association d'entreprises et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I dans les limites fixées par la transaction ».
178. Enfin, les circonstances particulières résultant de la mise en œuvre, en l’espèce, de la procédure de transaction fondée sur les dispositions précitées du III de l’article L. 464-2 du code de commerce justifient que les sanctions prononcées ne soient pas motivées par référence à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires énoncée dans le communiqué de l’Autorité. Cela ressort du paragraphe 37 du communiqué de procédure du 21 décembre 2018 relatif à la procédure de transaction, dont le principe a été repris au paragraphe 5 du communiqué de l’Autorité relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires du 30 juillet 2021131.
2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE
a) Sur la gravité et la durée des pratiques
179. À titre liminaire, il sera rappelé que les pratiques consistant à coordonner les prix d’entreprises concurrentes sont considérées comme relevant des pratiques les plus graves en droit de la concurrence, compte tenu de leurs conséquences sur l’effectivité du jeu concurrentiel.
180. Au cas d’espèce, l’ARIPA a élaboré et participé à une entente unique, complexe et continue en mettant en œuvre, en vue d’un objectif commun et global de structuration et de régulation des marchés, des pratiques consistant à fixer des prix minimums pour la vente du poisson à plusieurs échelons de la chaîne de valeur, à restreindre à certains circuits déterminés les transactions autorisées et à prendre diverses mesures destinées à promouvoir ou à restreindre l’offre de poisson.
181. S’agissant de la nature des pratiques, l’infraction concerne une entente horizontale entre concurrents, au sein d’un organisme professionnel, portant notamment sur des éléments tarifaires : les membres de l’ARIPA se sont entendus sur le principe de grilles de tarifs et la détermination d’opérations promotionnelles de manière concertée. L’infraction en cause visait donc par sa nature même à manipuler un paramètre essentiel du jeu de la concurrence, ce qui constitue l’une des infractions les plus graves aux règles de la concurrence.
182. Les pratiques en cause sont d’autant plus graves en l’espèce que les concertations sur les prix se combinent avec d’autres pratiques anticoncurrentielles visant à limiter la liberté de vendre ou d’acheter des membres de l’ARIPA. Ainsi, la règle dite de « l’apport total », en vertu de laquelle l’opérateur qui rejoint l’ARIPA doit s’engager, selon la nature de son activité, soit à s’approvisionner exclusivement auprès des opérateurs membres de l’ARIPA, soit à vendre la totalité de sa production à un autre membre de l’ARIPA, enferme les échanges dans certains circuits déterminés et conduit à un cloisonnement du marché.
183. De telles pratiques présentent, de surcroît, un caractère particulièrement grave dans la mesure où elles ont été mises en œuvre par une organisation professionnelle qui, du fait de sa mission, est tenue de veiller au respect de la légalité et à la diffusion du droit applicable. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’État français a confié à l’ARIPA la gestion du programme de subventions européennes « PCS ». Comme indiqué au paragraphe 35 ci- avant, pour bénéficier de ces aides publiques, les opérateurs doivent être membres d’une organisation de producteurs132, elle-même membre de l’ARIPA. Les opérateurs souhaitant bénéficier du programme d’aides européennes étaient donc, de facto, dans l’obligation d’adhérer aux pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par l’ARIPA.
184. Enfin, la durée des pratiques est longue. Il a, en effet, été constaté qu’elles ont été mises en œuvre de façon continue du 2 février 2011 jusqu’au 21 mars 2022, soit une période de 11 ans et 1 mois.
185. En séance, l’ARIPA a soulevé plusieurs arguments, en vue de minorer la gravité des pratiques, à savoir la participation de représentants de l’administration aux réunions de l’ARIPA, la bonne foi de l’ARIPA qui ignorait le caractère illégal des pratiques en cause, ainsi que la mise en place d’un plan d’actions de l’ARIPA pour se conformer au droit de la concurrence.
186. Toutefois, la seule présence de représentants de l’administration lors de certaines réunions de l’ARIPA n’est pas de nature à atténuer la gravité des pratiques, dès lors que celle-ci n’a pas encouragé ou autorisé leur mise en œuvre en l’espèce133. De même, la circonstance que l’ARIPA n’ait pas eu connaissance de la gravité des pratiques ne constitue pas une circonstance atténuante.
187. L’Autorité relève que l’ARIPA a mis en place une série d’actions, en vue de mettre un terme aux pratiques litigieuses.
188. Si la mise en conformité du comportement de l’ARIPA avec le droit de la concurrence n’est pas de nature à atténuer la gravité des pratiques constatées, l’Autorité peut néanmoins prendre cette circonstance en considération pour individualiser le montant des sanctions pécuniaires.
b) Sur l’individualisation de la sanction
189. L’ARIPA a également soutenu en séance que, compte tenu de ses faibles ressources financières, la sanction susceptible de lui être infligée devrait s’établir dans le bas de la fourchette proposée par la rapporteure générale adjointe.
190. Toutefois, en acceptant de conclure une transaction avec la rapporteure générale adjointe, l’ARIPA a, en pleine connaissance de sa situation financière, considéré que la fourchette de sanction définie dans son procès-verbal de transaction était compatible avec sa capacité contributive. Elle ne peut donc soutenir ensuite que l’application de sanctions dans les limites de cette fourchette serait incompatible avec ses capacités financières, sauf à ce que celles-ci se soient dégradées postérieurement à la signature du procès-verbal de transaction, ce qui n’est pas allégué par l’ARIPA.
191. Au demeurant, les fourchettes de sanction retenues par les services d’instruction n’apparaissent pas incompatibles avec la situation financière de l’ARIPA, étant rappelé que l’Autorité pourra enjoindre à l’ARIPA de lancer à ses membres un appel à contributions pour couvrir le montant de la sanction pécuniaire. En tout état de cause, l’Autorité pourra exiger directement le paiement de la sanction pécuniaire auprès des membres de l’ARIPA dans les conditions prévues par les 2ème et 3ème alinéas du VI de l’article L. 464-2 du code de commerce.
192. Au vu de l’ensemble de ces éléments et dans le respect des termes de la transaction, le montant de la sanction infligée à l’ARIPA est fixé à 60 000 euros.
193. Ce montant est inférieur au plafond légal de sanction prévu par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce.
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que l’Association Réunionnaise Interprofessionnelle de la Pêche et de l’Aquaculture a enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce en mettant en œuvre, entre le 2 février 2011 et le 21 mars 2022, une infraction unique, complexe et continue consistant à fixer des prix minimums pour la vente du poisson à plusieurs échelons de la chaîne de valeur, à restreindre à certains circuits déterminés les transactions autorisées et à prendre diverses mesures destinées à promouvoir ou à restreindre l’offre de poisson.
Article 2 : Il est infligé, au titre des pratiques visées à l’article 1er, une sanction pécuniaire de 60 000 euros à l’Association Réunionnaise Interprofessionnelle de la Pêche et de l’Aquaculture.
NOTES
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Cotes 2 et 3.
3 Cotes 1748 à 1873.
4 Cotes 2 et 3.
5 Cote 1818.
6 Cotes 2053 et suivantes.
7 Assemblée générale de l'ARIPA du 27 juin 2014.
8 Cotes 1817 à 1827.
9 Cotes 1807 et 1808.
10 https://www.aripa.re/#apropos.
11 En 2021, la pêche artisanale réunionnaise comptait au total 226 marins inscrits au rôle répartis sur 165 navires.
12 https://www.iedom.fr/IMG/rapport_annuel_iedom_la_reunion_2021.
13 Un poisson est appelé pélagique lorsqu’il vit dans les eaux proches de la surface ou entre la surface et le fond. La plupart des poissons pélagiques sont grégaires, ce qui signifie qu’ils vivent en groupe et nagent en bancs. Le hareng, la sardine, l’anchois, le maquereau, le thon… sont des poissons pélagiques.
14 Ibid.
15 Ibid.
16 Ibid.
17 Les thoniers-senneurs sont des navires de grande taille, entre 40 et 150 mètres, qui emploient près d’une trentaine de marins. Ils peuvent pêcher différentes espèces pélagiques, mais l’espèce cible est le thon.
18 Cote 2995.
19 Cote 2555.
20 Ibid.
21 Cote 629, analyse de l’IFREMER reprise par l’ARIPA dans sa présentation.
22 Cote 629.
23 Les estimations de la part des importations sur le total de la consommation locale à La Réunion en 2010 (15 %) et en 2020 (12 %) proviennent de sources différentes, qui ne précisent pas la méthodologie ayant permis de calculer ces estimations.
24 Cote 3006.
25 Ce dispositif d’aides a remplacé le régime d’aides nationales à la structuration de la pêche et de l’aquaculture à La Réunion applicable entre 2011 et 2015. Il est prévu à l’article 70 du règlement n° 508/2014 du 15 mai 2014 relatif au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). Le PCS couvrant la période 2014-2020 est annexé à la décision de la Commission n° C(2015)8863 du 3 décembre 2015 portant approbation du programme opérationnel « Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche – Programme opérationnel pour la France » en vue d’un soutien du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche en France.
26 Ce régime a été reconduit pour la période 2021-2027 sous le nom de « FEAMPA » (afin de prendre en compte expressément l’aquaculture), avec un nouveau budget.
27 La DMSOI est en charge d’une première instruction puis transmet les demandes d’aides à FranceAgriMer.
28 Il existe 20 types d’aides différentes qui sont détaillées dans un document intitulé « synthèse des déclinaisons opérationnelles des PCS des RUP » disponible ici : http://www.dm.sud-ocean-indien.developpement- durable.gouv.fr/plan-de-compensation-des-surcouts-de-la-peche-et-a1009.html
29 Les associations membres de l’ARIPA n’ont toutefois pas le statut officiel d’organisation de producteurs.
30https://www.dm.sud-ocean-indien.developpement-
durable.gouv.fr/IMG/pdf/sept2020_pcs_la_reunion_v2_cle1cc5db.pdf.
31 Règlement intérieur du COGEFOND (cote 2240) et règlement intérieur du COGEPEL (cote 2088).
32 Cote 2067 concernant le COGEPEL et cote 2240 concernant le COGEFOND.
33 Cotes 637 et 638.
34 Cote 638.
35 Cote 638.
36 Cotes 1657 et 1658.
37 Cote 1182.
38 Article 3 du règlement intérieur de l’APPECOR (cotes 1327 et 1328), article 3 du règlement intérieur de l’OPROMAR (cote 1530).
39 Cote 641.
40 Cote 2265.
41 Cote 2206.
42 Cote 2252.
43 Voir par exemple l’article 4 du règlement intérieur d’EVAMER (cote 1028).
44 Cote 2667.
45 Cotes 1036 et 1037.
46 Cote 1186.
47 Cote 1209.
48 Cote 2164.
49 Cote 664.
50 Cotes 2508 et 2509.
51 Réunion hebdomadaire de l’ARIPA « amont » du 23 février 2011 (cote 2519).
52 Cote 2857.
53 Cote 2628.
54 Cote 1045.
55 Cote 1347.
56 Cote 2876.
55 Cote 1347.
56 Cote 2876.
57 Cotes 1867 et 1868.
58 Cotes 1347 et 1207.
59 Selon le CRPMEM, il existe une quinzaine de petit navires palangriers (appelés « mini-longliners », exploitant les eaux de 12 à 20 milles nautiques autour de La Réunion).
60 Cote 2075.
61 Cotes 665 et 666.
62 Cotes 2126 et 2137.
63 Cote 2876.
64 Cote 2518.
65 Cote 860.
66 Cotes 1036 et 1037.
67 Cotes 1195 et 1196.
68 Cote 1040.
69 Cote 1652.
70 Cotes 1044 et 1045.
71 L‘activité de transformation « de niveau II » (ou deuxième transformation) regroupe les activités de deuxième découpe en steak du poisson, de calibrage, de mise en barquette sous atmosphère modifiée et de préparation de plats cuisinés à base de poisson.
72 Cotes 1743 et 1744.
73 Cote 1654.
74 Cote 2674.
75 Cote 2164.
76 Cote 964.
77 Cotes 2252 et 2206.
78 Cotes 2831, 2803, 2816 et 2827, respectivement.
79 Cote 2827.
80 Cote 2786.
81 Cote 2786.
82 Cote 2786.
83 Cote 2056.
84 Cote 2653.
85 Cote 2663.
86 Cote 2420.
87 Cote 2760.
88 Cote 2057.
89 Cotes 2158 (FODEPPA du 3 mars 2016), 2075 (COGEPEL du 1er décembre 2016), 2134 (COGEPEL du
27 juillet 2017).
90 Cote 2486.
91 Cote 2486.
92 Cotes 249 et 250, cote 2124.
93 Cotes 7445 et 7449.
94 Voir la Communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, JOCE n° C 101 du 27 avril 2004, pages 81 à 96.
95 Voir l’arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a. n° 10-25.772, page 6, précité ; voir également l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 28 mars 2013, Société des pétroles Shell e. a., n° 2011/18 245, et l’arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015, Société Chevron Products Company e. a., n° 13-16.745.
96 FranceAgriMer, « Étude sur les perspectives économiques des filières pêche et aquaculture dans les territoires d’Outre-Mer » ; mai 2019 ; page 101 (cote 3192). Dans le dossier de reconnaissance de l’ARIPA en tant qu’organisation interprofessionnelle établi le 15 octobre 2017, l’ARIPA a estimé que la production de ses opérateurs membres atteignait, en 2016, 2 317 tonnes de production débarquée, représentant près de 90 % de la pêche réunionnaise (cote 1837).
97 FranceAgriMer, « Chiffres-clés de FranceAgrimer - Les filières pêche et aquaculture en France » ; avril 2019 ; page 4 (cote 3053) (soit en détail : 525 000t de pêche fraîche et congelée et 41 000t de pisciculture).
98 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-134 du 26 août 2016 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Norway Seafoods Group AS et Havfisk ASA par la société Lerøy Seafood Group ASA , n° 16-DCC-55 du 22 avril 2016 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Groupe Aqualande par la société Labeyrie Fine Foods et la coopérative agricole Les Aquaculteurs Landais ; la décision de la Commission européenne du 15 février 2019 COMP/M. 9110 Amerra / Mubadala / Nireus / Selonda.
99 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-153 du 22 octobre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de Cermaq ASA par Mitsubishi Corporation ; n° 16-DCC-55 du 22 avril 2016 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Groupe Aqualande par la société Labeyrie Fine Foods et la coopérative agricole Les Aquaculteurs Landais ; n° 16-DCC-134 du 26 août 2016 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Norway Seafoods Group AS et Havfisk ASA par la société Lerøy Seafood Group ASA.
100 Voir la décision de la Commission européenne du 9 décembre 2013 COMP/M.7010 Bolton / Tri-Marine / JV.
101 Voir notamment arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, William Prym/Commission, T-30/05, point 86 ; et décision de l’Autorité de la concurrence n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, paragraphes 574 et 575.
102 Voir notamment l’arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Anic Partecipazioni SpA, C-49/92, point 40.
103 Voir l’arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2000, n° 98-12612, Ordre national des pharmaciens et, plus récemment, la décision de l’Autorité de la concurrence n° 19-D-12 du 24 juin 2019 relative à des pratiques mises en œuvre par des notaires dans le secteur de la négociation immobilière, paragraphe 83.
104 Voir l’arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV) et Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et autres/Commission, affaires jointes T-217/03 et T-245/03, point 49.
105 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 94-D-51 du 4 octobre 1994 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du déménagement et n° 10-D-15 du 11 mai 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par le GIE « groupement des Taxis amiénois et de la métropole », paragraphe 200.
106 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-D-02 du 12 janvier 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’ingénierie des loisirs, de la culture et du tourisme, paragraphe 71, et l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 juin 2013, Géfil n° 2012/02945, page 8.
107 Cotes 1657 et 1658 (ARUDEP), 1027 et 1028 (EVAMER), 1327 et 1328 (APPECOR), 1182 et 1183 (FGPMAR), 1530 et 1531 (OPROMAR).
108 Notamment cotes 2240 (RI COGEFOND) et 2088 (RI COGEPEL).
109 Voir arrêt de la Cour de justice du 30 juin 1966, affaire 56-65, Société́ technique minière, L.T.M. e.a., page 359 et arrêt de la Cour de justice du 14 mars 2013, affaire C-32/11, Allianz Hungaria Biztosito e.a. c./Commission, point 33.
110 Voir notamment, arrêt de la Cour de justice du 11 septembre 2014, affaire C-67/13, Groupement des cartes bancaires (CB) c./Commission, points 49 et 50.
111 Voir au niveau européen, arrêt de la Cour de justice du 11 septembre 2014, précité, point 51.
112 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2010, Adecco France, n° 2009/03532, p. 13 et du 31 janvier 2013, Pierre Fabre Dermo- Cosmétique, n° 2008/23812, p. 16.
113 Voir notamment, arrêt de la Cour de justice du 14 mars 2013, précité, point 36.
114 Voir notamment les décisions n° 20-D-12 du 17 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des vins d’Alsace ; n° 19-D-19 du 30 septembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations d’architecte ; n° 12-D-02 du 12 janvier 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’ingénierie des loisirs, de la culture et du tourisme.
115 Voir l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 janvier 2008, Union française des orthoprothésistes, n° 07/04524.
116 Voir l’arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2001, Ordre des avocats au barreau de Marseille, n° 98-22698.
117 Règlement intérieur du COGEFOND (cote 2240) et règlement intérieur du COGEPEL (cote 2088).
118 Cote 1866.
119 Cote 2518.
120 Voir l’arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e. a. /Commission, C-204/00, point 290 ; décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-D-08 du 6 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives, paragraphe 381 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 janvier 2014, Colgate-Palmolive, n° 2012/00723.
121 Voir l’arrêt du Tribunal du 3 mars 2011, Siemens, T-110/07, point 246.
122 Voir l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 11 octobre 2012, Société Entreprise H. Chevalier, n° 2011/03798.
123 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d’entretien et des insecticides et dans le secteur des produits d’hygiène et de soins pour le corps, paragraphes 946 à 966.
124 Voir l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 1er juillet 2021, n° RG 19/00595, points 489 et 499.
125 Cotes 249 et 250, cote 2124.
126 Voir l’arrêt du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale SA e.a./Commission, T-49/02 à T-51/02, point 185 ; l’arrêt du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303/02, point 138.
127 Voir l’arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2011, pourvoi n° Z 09-17.055.
128 Cotes 2506 à 2509.
129 Cote 2265.
130 Cote 3499. NB : Il importe de relever que cette préférence pour le statu quo est justifiée par le souhait d’attendre la position de l’Autorité afin d’en tirer toutes les conséquences.
131 Cour d’appel de Paris, 13 juin 2019, RG n° 18/20229, points 69 à 73.
132 Les associations membres de l’ARIPA n’ont toutefois pas le statut officiel d’organisation de producteurs.
133 Décision de l’Autorité n° 20-D-12 du 17 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des vins d’Alsace, paragraphes 397 et 398.