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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 24 octobre 2022, n° 20/02900

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Pau Pyrénées (Sté)

Défendeur :

Oudoul 64 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Darracq

Conseillers :

M. Magnon, Mme Guiroy

Avocats :

Me Gallardo, Me Simoes

TJ Pau, du 24 nov. 2020

24 novembre 2020

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE :

Par acte sous seing privé du 16 janvier 2008, la Société d'Economie Mixte Pau Pyrénées (ci-après SEM Pau Pyrénées) a donné à bail, à la société SARL Oudoul 64, cessionnaire du fonds de commerce de la société Oudoul, elle-même placée en liquidation judiciaire, un bâtiment industriel situé à Pau.

Deux avenants ont été signés respectivement les 7 février 2011 et 2 mai 2012, concernant le loyer, les impôts et charges.

Se plaignant d'infiltrations d'eaux pluviales à l'intérieur des locaux loués, la société locataire a, par acte d'huissier en date du 17 novembre 2014, fait assigner son bailleur devant le Tribunal de Grande Instance de Pau, aux fins de le voir condamné à entreprendre à ses frais des travaux de réfection.

Par jugement réputé contradictoire en date du 28 janvier 2015, signifié le 6 février 2015, le tribunal de grande instance de Pau a :

- ordonné à la SEM Pau-Pyrénées de faire procéder aux travaux nécessaires afin d'assurer l'étanchéité de la toiture du bâtiment loué à la SARL Oudoul 64, avec exécution provisoire,

- dit que, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, son exécution sera assortie d'une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard pendant trois mois.

Par arrêt en date du 19 octobre 2017, la cour d'appel de Pau, saisie par la SEM Pau Pyrénées, a prononcé la nullité de l'assignation délivrée à cette dernière le 17 novembre 2014, à une adresse qui n'était plus la sienne, et prononcé la nullité du jugement du 28 janvier 2015.

Une instance a par ailleurs opposé les parties devant le juge de l'exécution de Pau sur la liquidation de l'astreinte ordonnée par le premier juge, puis devant la cour d'appel de Pau, sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la SEM Pau Pyrénées (arrêt du 17 janvier 2019).

Par acte extra-judiciaire du 2 octobre 2015, la SEM Pau Pyrénées a fait délivrer à la société Oudoul 64 un congé avec offre de renouvellement portant augmentation du loyer annuel à la somme de 240.000,00€ HT.

Par courrier du 23 mai 2016 de son gérant, la SARL Oudoul 64 a refusé cette offre de renouvellement, moyennant le loyer déplafonné réclamé, et exprimé son intention d'obtenir le versement d'une indemnité d'éviction assortie de dommages et intérêts.

Après avoir adressé le mémoire prévu par l'article R. 145-27 du code de commerce, la SEM Pau Pyrénées a fait assigner la SARL Oudoul 64, par acte du 14 décembre 2016, à comparaître devant le juge des loyers commerciaux, à l'effet d'obtenir notamment la fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 240000,00 euros HT à compter du 1er novembre 2016.

Selon son mémoire responsif et récapitulatif, la SARL Oudoul 64 a demandé au juge des loyers commerciaux de maintenir le prix du bail à la somme de 100 000,00 euros HT l'an.

Parallèlement, par acte d'huissier en date du 27 décembre 2016, la société Oudoul 64 a assigné la société SEM Pau Pyrenees devant le tribunal de grande instance de Pau sur le fondement des articles 1719, 1720, 1184 et 1741 du code civil aux 'ns d'obtenir la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la bailleresse et l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 647.000,00 €.

Le juge des loyers commerciaux, par jugement du 5 avril 2017, a constaté l'accord des parties sur le renouvellement du bail les liant à compter du 1er décembre 2016 aux mêmes clauses et conditions sauf le prix, et a ordonné une expertise con'ée a Monsieur [R], expert judiciaire, a'n de déterminer la valeur locative du bien à compter du 1er décembre 2016.

Le 21 mars 2018, la société Oudoul 64 a exercé son droit d'option, a renoncé au renouvellement du bail et y a mis 'n pour le 31 août 2018, quittant les lieux courant septembre 2018

Par jugement en date du 17 octobre 2018, le juge des loyers commerciaux a constaté l'extinction de l'instance en 'xation du prix du bail renouvelé et renvoyé les parties à mieux se pourvoir « pour la 'xation de l'indemnité d'occupation ».

Dans le cadre de l'instance au fond ouverte sur l'assignation délivrée par la SARL Oudoul 64, le juge de la mise en état a, par décision en date du 9 octobre 2018, ordonné, à la demande de la SEM Pau Pyrénées, une expertise con'ée à Monsieur [V] [R], a'n de déterminer la valeur locative du bien à compter du 31 août 2018.

L'expert judiciaire a rendu son rapport le 22 mars 2019 évaluant la valeur locative à 128.000€ annuels HT.

Dans ses dernières conclusions, la société Oudoul 64 a fait valoir que :

' la SEM Pau Pyrénées a manqué aux obligations légales prévues aux articles 1719 et 1720 du code civil, ce qui justifie la résiliation du bail aux torts exclusifs du bailleur, les désordres invoqués étant de la responsabilité du bailleur et ne relevant pas des travaux d'entretien à la charge du locataire ;

' la SEM Pau Pyrénées a entendu porter le loyer du bail à la somme de 240.000€ HT annuel lors de son offre de renouvellement et, par conséquent, n'a pas respecté les règles de l'article L. 145-34 du code de commerce, (sur le plafonnement du loyer) ;

' la SEM Pau Pyrénées ne démontre pas qu'il y ait eu une modification des caractéristiques du bâtiment, listées aux articles R. 145-3 et suivants du code de commerce, ayant pu augmenter sa valeur locative ;

' une augmentation de loyer de 140% compromet la survie de la société d'autant que le bâtiment souffre de malfaçons ;

' 1'expert judiciaire a conclu à une valeur locative de 128.000€/an ce qui crée une

différence notable avec le loyer contenu dans l'offre de renouvellement.

Elle a maintenu sa demande de voir :

' prononcer, par suite, la résiliation du bail aux torts exclusifs de la SEM Pau Pyrénées,

' condamner le bailleur au paiement de la somme de 609.000,00€ à titre de dommages et intérêts pour compenser le préjudice résultant pour la société Oudoul 64 tant des conséquences déjà subies dans l'exercice de son activité que de la perte, pour l'avenir, de son droit au bail, de la clientèle y attachée et de l'obligation dans laquelle elle se trouvera de se réinstaller dans d'autres locaux, decomposée comme suit : '

* frais de requali'cation..................... 121.800€

* perte d'exp1oitation.........................358.469€

* frais de déménagement....................128.731€

Par ses dernières conclusions, la SEM Pau Pyrenees a notamment conclu au débouté et à la condamnation de la SARL Oudoul 64 à régler la somme de 232.723,47 € TTC, et la taxe foncière correspondant à la période comprise entre le 1er novembre 2017 et 1e 29 septembre 2018, outre 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Elle a fait-valoir :

' qu'elle a pris en charge tous les dégâts des eaux à l'exclusion d'un incident intervenu en 2014 dont l'expert de l'assureur dommage-ouvrage a indiqué qu'il trouvait son origine dans un défaut d'entretien imputable au locataire,

' qu'en dépit des correspondances adressées, la société Oudoul 64 n'a jamais procédé à la réparation des solins qui sont à sa charge,

' que les infiltrations n'ont jamais causé ni d'interruption de la production de la société Oudoul 64, ni de risques pour les salariés et ne lui ont donc pas causé de préjudice,

' qu'il ne peut être reproché au bailleur de demander que le loyer soit fixé à la valeur locative annuelle que des experts amiables avaient 'xée à la somme de 240.000€,

' que l'augmentation des impôts fonciers ne constitue pas un fait que maitrise le bailleur mais une circonstance extérieure qui s'impose à tous,

' Que le préjudice allégué est hypothétique et non justifié

' que la société Oudoul 64 doit être condamnée à régler le montant de la réparation des désordres constatés en 'n de bail.

Par jugement du 24 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Pau a :

Jugé que la résiliation du bail conclu entre la SEM Pau Pyrénées et la société Oudoul 64 est intervenue aux torts du bailleur ;

Dit que la société Oudoul 64 est redevable envers la SEM Pau Pyrénées d'une indemnité d'occupation relative aux locaux litigieux 'xée à la somme de 9066,95€/mois à compter du 1er décembre 2016 jusqu'au 19 septembre 2018, somme de laquelle seront déduits les versements acquittés, sur justi'catifs ;

Avant-dire droit sur la demande de dommages et intérêts de la société Oudoul 64

Ordonné une expertise et désigné pour y procéder :

Monsieur [V] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

aux frais avancés de la société Oudoul 64

Débouté la SEM Pau Pyrénées du surplus de ses demandes ;

Réservé l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens;

Renvoyé l'affaire à la mise en état du 24 juin 2021.

Par déclaration en date du 7 décembre 2020, la SEM Pau Pyrénées a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du magistrat de la mise en état de la cour, sur incident en date du 13 octobre 2021, les demandes de la société SEM Pau Pyrénées concernant la réparation des désordres constatés en fin de bail, la location à titre précaire des deux bureaux supplémentaires, la taxe foncière et la demande de dommages et intérêts pour procédures abusives ont été jugées recevables comme dévolues à la cour par la déclaration d'appel ;

La clôture est intervenue le 8 juin 2022, l'affaire étant fixée au 5 septembre 2022.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées.

MOYEN ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Vu les conclusions du 26 février 2021 de la SEM Pau Pyrénées qui demande de :

Voir réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Voir débouter la société Oudoul 64 de l'intégralité des demandes, fins et prétentions présentées en première instance.

Ajoutant aux condamnations prononcées contre la société Oudoul 64, condamner la société Oudoul 64 à régler une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 10.667€ H.T du 1er décembre 2016 au 29 septembre 2018, soit :

- pour la période du 1er novembre 2017 au 31 août 2018 : 47.477, 37 € H.T ;

- pour la période du 31 août 2018 au 29 septembre 2018 : 9.978,49 € H.T.

Condamner la société Oudoul 64 à régler le montant de la réparation des désordres constatés en fin de bail, soit la somme de 136.480,37 €.

Condamner la société Oudoul 64 à régler la somme de 8.000 € H.T. correspondant à la location à titre précaire de deux bureaux supplémentaires.

Condamner la société Oudoul 64 à régler les taxes foncières 2017 et 2018.

Voir condamner la société Oudoul 64 à régler une indemnité d'un montant de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La voir condamner aux entiers dépens.

*

Vu les conclusions de la SARL Oudoul 64 en date du 20 mai 2021 qui demande :

In Limine litis, sursoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseiller de la mise en état sur l'irrecevabilité de toutes argumentations liées aux chefs de jugement non critiqués par la SEM Pau Pyrénées et donc non dévolues à la Cour d'Appel de PAU concernant :

o la réparation des désordres constatés en fin de bail

o la location à titre précaire de deux bureaux supplémentaires

o la taxe foncière

o la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à hauteur de 10 000

euros.

Confirmer le Jugement du Tribunal Judiciaire du 24 novembre 2020 en ce qu'il a jugé que la résiliation du bail conclu entre la SEM Pau Pyrénées et la société Oudoul 64 est intervenue aux torts du bailleur ;

Réformer le Jugement du Tribunal Judiciaire et statuant à nouveau :

' Constater à titre principal que la Société Oudoul 64 n'est redevable envers la SEM Pau Pyrénées d'aucune indemnité d'occupation relative aux locaux litigieux pour la période du 1er décembre 2016 au 19 septembre 2018 et à titre subsidiaire appliquer la décote adéquate sur la valeur locative ;

' A titre principal, condamner la SEM Pau Pyrénées au paiement de la somme de 664 073,00 € à titre de dommages et intérêts pour compenser le préjudice résultant pour la société Oudoul 64 tant des conséquences déjà subies dans l'exercice de son activité que de la perte, pour l'avenir, de son droit au bail, de la clientèle y attachée et de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de se réinstaller dans d'autres locaux ;

A titre subsidiaire, la Cour confirmera l'expertise ;

' Condamner la SEM Pau Pyrénées au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

' Condamner la SEM Pau Pyrénées aux entiers dépens.

MOTIVATION :

A titre liminaire il convient de constater que par ordonnance du magistrat de la mise en état de la cour, du 13 octobre 2021, les demandes de la société SEM Pau Pyrénées concernant la réparation des désordres constatés en fin de bail, la location à titre précaire des deux bureaux supplémentaires, la taxe foncière et la demande de dommages et intérêts pour procédures abusives ont été jugées recevables comme dévolues à la cour par la déclaration d'appel, de sorte qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer au fond, dans l'attente de cette décision.

Sur la résiliation du bail :

Le tribunal a prononcé la résiliation du bail aux torts du bailleur à la fois pour non-respect de son obligation contractuelle de délivrance conforme et pour non-respect des conditions de renouvellement du bail, en proposant un loyer en hausse de 140 % par rapport au loyer du bail expiré, sans justifier d'une augmentation correspondante de la valeur locative.

La société SEM Pau Pyrénées conclut à l'infirmation du jugement, aux motifs qu'elle a délivré à la société Oudoul, prédécesseur de la SARL Oudoul 64, un bâtiment neuf construit en 2005 en fonction de ses besoins, permettant à la société Oudoul de poursuivre son activité.

Elle indique que si plusieurs dégâts des eaux ont été déplorés (2008-2009, 2011, 2012 et 2014), ces épisodes ont systématiquement été pris en charge par le bailleur, à l'exclusion d'un incident survenu en 2014 où l'expert de l'assureur dommage-ouvrage a indiqué qu'il trouvait son origine dans un défaut d'entretien imputable au locataire, en l'espèce le décollage d'un solin qui justifiait une opération de maintenance dont le devis a été chiffré à 4864,80 euros, mais qui n'a jamais été réalisée par la société Oudoul 64.

Elle considère que le fonctionnement de la SARL Oudoul 64 n'a jamais été affecté par les désordres à l'origine d'infiltrations.

Sur le second motif de résiliation du bail, elle indique que la proposition d'augmentation du loyer du bail renouvelé ne peut être considérée comme fautive et justifier la résiliation du bail aux torts du bailleur, l'exercice d'un droit n'étant pas une faute.

Sur les préjudices allégués, selon elle hypothétiques, elle ajoute que la société Oudoul 64 ne saurait prétendre à une indemnité d'éviction dès lors que le fonds industriel est toujours intégralement exploité.

La SARL Oudoul 64 s'oppose à ces moyens aux motifs que la société SEM Pau Pyrénées a manqué à ses obligations de bailleur en ne respectant pas son obligation contractuelle de délivrance conforme, en raison de son incapacité à remédier aux infiltrations d'eaux pluviales, à répétition, signalées par le preneur.

Elle ajoute que, par ses manquements caractérisés à des obligations essentielles lui incombant aux termes du bail et des dispositions des articles 1719 et 1720 du code civil, sans lesquelles la société Oudoul 64 n'aurait pas contracté, la SEM Pau Pyrénées a gravement compromis l'exploitation de la société concluante ; les infiltrations importantes subies ayant occasionné une gêne et un risque important dans l'exploitation de l'activité de la société Oudoul 64.

Elle considère également que l'offre de renouvellement moyennant un loyer déplafonné de 240000,00 euros HT, en hausse de 140 % par rapport au loyer du bail expiré et supérieur à la valeur locative, était illégale, en l'absence de variation notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du code de commerce, cette offre visant en réalité à évincer la société Oudoul 64 des locaux.

A cet égard, elle précise qu'au regard de son résultat moyen sur les 5 années précédant la libération des lieux, elle aurait été dans l'impossibilité de régler le loyer demandé, de sorte qu'elle n'avait d'autre choix que de déménager, déménagement intervenu le 19 septembre 2018.

Ce faisant, elle estime que la société Bailleresse a fait preuve de mauvaise foi.

En droit, il ressort des dispositions de l'article 1719 du code civil que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;

2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;

4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations.

L'article 1720 du même code ajoute que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.

Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.

Pour sa part et sauf convention contraire, le locataire est tenu des seules réparations locatives, à moins qu'elles ne soient occasionnées par la vétusté ou la force majeure.

Cette répartition n'est pas d'ordre public en matière de baux commerciaux et il peut y être dérogé par les clauses du bail, dans certaines limites cependant depuis l'entrée en vigueur de la loi 2014-626 du 18 juin 2014 et de son décret d'application, les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil et celles relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations, ne pouvant être imputées au preneur.

En l'espèce, le bail comportait une clause relative aux réparations, ainsi rédigée :

«  toutes les réparations à faire aux biens loués, pendant la durée du bail, qu'elles soient locatives ou d'entretien, seront à la charge du locataire, à la seule exception des grosses réparations visées à l'article 606 du code civil ».

Aux termes de l'article 606 du code civil,

' Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien.'

La loi ne donne pas de définition des grosses réparations mais se limite à cette énumération que la jurisprudence a, dans un premier temps, qualifiée de limitative, avant d'en donner une définition plus extensive: 'Au sens de l'article 606 du code civil, les réparations d'entretien sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l'immeuble, tandis que les grosses réparations intéressent l'immeuble dans sa structure et sa solidité générale. Les juges du fond apprécient souverainement si une réparation correspond à l'une ou à l'autre de ces qualifications'. Civ. 3ème,13 juillet 2005, Bull 155, pourvoi 04-13.764.

Il résulte de cette jurisprudence que les grosses réparations ont pour objet la solidité générale et la conservation de l'immeuble et concernent le clos et le couvert ou tendent à la conservation de la structure de l'immeuble dans son intégrité générale, dans son gros oeuvre.

Dans le présent litige, il ressort des pièces versées aux débats que les locaux loués à la société SARL Oudoul 64 ont subi des infiltrations d'eau de pluie, en 2008, ayant pour origine des fissures infiltrantes sur la façade du pignon Ouest compromettant la stabilité ou le bilan thermique de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ( pièce 26 de l'appelant).

Les dommages suivants ont fait l'objet de travaux pris en charge par la garantie «  dommage ouvrage » fournie par la SMABTP :

' bureau de direction en pignon Ouest du 2ème étage

' bureau contigu Nord

' bureau au 1er étage en pignon Ouest,

à hauteur de la somme de 11960,49 euros TTC, dont environ 10 000,00 euros pour l'assèchement des locaux, la remise en peinture, le remplacement des moquettes et les honoraires de maîtrise d' oeuvre ; les fissures en façade étant par ailleurs comblées et étanchées.

L'expertise réalisée dans ce cadre avait également mentionné la nécessité pour le maître de l'ouvrage de faire réaliser à bref délai le traitement d'étanchéité des couvertines d'acrotères, oublié en cours de chantier et jusque-là sans dommage consécutif.

La SARL Oudoul 64 a déclaré un nouveau sinistre en février 2009, à la suite d'infiltrations d'eau se produisant de manière chronique, par temps de pluie :

' au niveau du hall d'accès du bâtiment administratif,

' au niveau des voiles en béton (murs banchés de cloisonnement), assurant la séparation des différents ateliers.

Une nouvelle expertise a été diligentée par l'assureur du maître de l'ouvrage, Groupama d'Oc, qui a permis de mettre en évidence :

' un défaut de forme de la pente du chemin piétonnier menant au hall d'entrée, une légère contrepente empêchant l'évacuation normale de l'eau de pluie en direction du parking et provoquant une accumulation d'eau contre la porte du hall et des infiltrations.

' pour les infiltrations le long des voiles en béton séparatifs terminés en toiture par des acrotères, des relevés d'étanchéité coiffés de solins en acier inoxydable, étanchés par un mastic de type polyuréthane, relativement dégradé pour son âge, avec fissures et déchirements en plusieurs endroits. L'expert a conclu à un défaut d'étanchéité des Solins, à reprendre par le titulaire du lot « couverture étanchéité », l'entreprise SOPREMA.

Les travaux de reprise des désordres affectant les solins ont été effectués par la société SOPREMA en 2009, au moyen d'une résine de type « Flashing ».

La société Oudoul 64 a signalé un nouveau dégât des eaux le 30 janvier 2012. A la suite d'infiltrations d'eau par le toit, de l'eau s'est répandue sur le sol de l'atelier sur plusieurs m2 (pièce 34 de l'appelant).

Selon l'expert mandaté par Groupama d'Oc qui est intervenu sur les lieux le 17 février suivant, l'origine des infiltrations résidait dans une déchirure de la membrane d'étanchéité en PVC due vraisemblablement à la chute d'un objet (branche '). La SEM Pau Pyrénées a fait réaliser des travaux de réparation de la couverture.

Par la suite, la société Oudoul 64 a signalé un nouveau sinistre le 24 mars 2014, se plaignant d'infiltrations d'eaux pluviales dans la zone administrative et dans la zone atelier des locaux occupés.

La SEM Pau Pyrénées a fait une déclaration de sinistre à l'assureur dommage ouvrage le 1er avril 2014, lequel a de nouveau mandaté un expert, en la personne de M [H].

Celui-ci a constaté :

' dans la zone administrative, côté Nord : des dégradations des plafonds et doublage en façade dans les bureaux du 2ème étage angle Nord-Ouest avec traces d'écoulement jusqu'au plafond du bureau du 1er étage ; des traces d'écoulement également au plafond du bureau en façade Nord Limitrophe au bureau de l'angle Nord-ouest, au droit d'un poteau en béton armé ; des traces d'infiltration dans les deux bureaux côté Est ; ces dommages étant la conséquence de fissures infiltrantes compromettant la destination de l'ouvrage, en périphérie de la toiture-terrasse, sur les acrotères et sur les façades en vis-à-vis des dommages d'infiltration, ainsi que d'un décollement d'un relevé d'étanchéité pouvant résulter des infiltrations depuis la maçonnerie.

' dans la zone atelier : des dégradations au plafond d'un bureau, à l'angle d'un mur coupe-feu en béton armé, avec traces d'infiltrations tout le long de ce mur, dues à des zones craquelées du joint d'étanchéité des solins repris en 2009 par la société SOPREMA, outre l'arrachement d'un solin sur quelques dizaines de cm côté Sud. L'expert a également relevé une perforation ponctuelle du revêtement d'étanchéité en PVC à proximité des rustines réalisées suite aux dommages survenus en 2012 après une tempête, et conclu qu'il s'agissait certainement du même événement.

L'expert a estimé que les quelques infiltrations, au droit de l'atelier, étaient consécutives à une absence d'intervention sur des ouvrages pouvant être repris dans le cadre de l'entretien courant de l'immeuble.

Le 7 août 2014, la société SEM Pau Pyrénées a notifié au preneur que les travaux correspondant au défaut d'étanchéité de la couverture, au-dessus de la partie atelier, relevaient de son obligation d'entretien et de réparation et lui a communiqué à titre indicatif un devis de la société SOPRA ASSISTANCE, d'un montant de 4864,80 euros, en lui demandant de faire réaliser les travaux correspondants.

Le 18 novembre 2014, la société Oudoul 64 a fait établir un constat d'huissier qui a permis de mettre en évidence, sur le mur porteur séparant l'atelier de production et les magasins, de nombreuses traces d'écoulement d'eau, le long du mur encore humide, côté production ; la présence d'une infiltration depuis le plafond du bureau de gauche du 1er étage, avec traces d' écoulement d'eau ; une importante infiltration d'eau ayant entrainé un effondrement partiel du plafond du 1er bureau sur coursive, ce bureau n'étant plus utilisé compte tenu du danger potentiel pour le personnel; la présence d'une auréole au plafond du bureau des archives avec moisissure et champignons.

Le 10 février 2016, un nouveau constat d'huissier a été établi à la demande du preneur, permettant de matérialiser la persistance d'infiltrations provenant du toit, avec écoulements le long du mur séparant l'atelier des bureaux, flaques d'eau au sol, écoulement des eaux de pluie dans la zone magasin, goutte à goutte formant des flaques au sol dans le local maintenance ; infiltration au plafond d'un local au 1er étage, en partie écroulé et flaque au sol ; infiltration au-dessus de la baie vitrée du bureau de la direction avec écoulement tout le long de celle-ci, la moquette au sol étant mouillée.

Un constat d'huissier ultérieur, du 9 novembre 2016, a montré la persistance d'écoulements d'eaux pluviales, le long du même mur jusqu'à l'entrée du stock, ainsi que des infiltrations au droit d'un puits de lumière, de même que la présence de coulures le long sur ce mur et sur le mur opposé, côté magasin. L'huissier a également constaté la présence d'une flaque d'eau entre deux rayonnages, une bruine tombant du toit alors même qu'il avait cessé de pleuvoir. En haut de l'escalier métallique de la coursive, dans un bureau récemment rénové, l'huissier a enfin relevé des taches jaunâtres et des craquellements, ainsi que des coulures le long d'un mur au droit de flaques d'eau présentes sur une goulotte électrique.

L'ensemble de ces constatations et la répétition des infiltrations d'eaux pluviales, depuis 2008, caractérise un manquement du bailleur à son obligation de délivrer un local conforme à sa destination industrielle et de maintenir celui-ci en état de servir à cet usage, alors qu'il n'est pas établi que ces désordres seraient dus à un défaut d'entretien ou de réparation incombant au preneur.

En effet, plusieurs malfaçons et désordres compromettant la solidité ou la destination de l'ouvrage ont été relevés par les experts de l'assureur dommage ouvrage et ont notamment donné lieu à des interventions des titulaires des lots « VRD » et « étanchéité couverture » au titre de leur garantie décennale.

Malgré ces interventions, de nouvelles infiltrations se sont produites notamment au niveau des murs en béton séparatifs entre la zone bureaux et atelier et entre la zone de production et les magasins, révélant la permanence de certains désordres.

Si la SEM Pau Pyrénées invoque un manquement du preneur à son obligation d'entretien et de réparation, sur la base du seul rapport de M [H], au sujet d'une dégradation du joint d'étanchéité des solins repris en 2009 par la société SOPREMA, la cour ne peut que constater que cette réparation concernait un ouvrage couvert par la garantie décennale du titulaire du lot étanchéité, ouvrage dont Madame [X], expert mandatée en décembre 2014 par la société Oudoul, a indiqué qu'il n'avait pas été réalisé dans les règles de l'art ( pièce 4 de l'intimé).

Selon cet expert dont le rapport versé aux débats a été soumis à la libre discussion des parties, le joint de dilatation de 5 mm entre les profilés de solin n'a pas été respecté, de sorte que la dilatation du métal provoque un arrachement par endroit des fixations de ces bandes de solin, avec décollement du mastic d'étanchéité. La jonction des profilés est non conforme pour n'avoir pas été réalisée à l'aide de pièces de jonction assurant une protection du joint entre deux éléments, en ligne comme sur les angles rentrants et sortants. La résine posée en 2009 par la société SOPREMA lors des travaux de reprise n'a pas traité la cause du défaut d'étanchéité des solins et a supprimé toute possibilité d'entretien et de remplacement du mastic d'étanchéité. En outre cette résine se craquelle et pèle au droit du mastic d'étanchéité. Madame [X] a préconisé la mise en conformité des bandes de solin.

La persistance de désordres sur un ouvrage repris en 2009, confirme que les travaux alors réalisés n'ont pas permis de traiter efficacement la cause de ces désordres.

Cet ouvrage étant indispensable pour assurer l'étanchéité de la couverture au droit notamment des murs en béton banché séparatifs et le long de la façade, les travaux correspondants sont des grosses réparations qui incombent au bailleur et dont il ne peut se décharger sur le preneur.

En outre, les conséquences des désordres d'étanchéité récurrents se traduisant par des ruissellements d'eaux pluviales et des flaques d'eau à la fois dans les bureaux, dans la partie stockage et dans la zone de production équipée de machines alimentées électriquement, sous tension de 380 volts, il y a lieu de considérer que le danger ainsi créé et la perturbation des conditions de production, lors d'épisodes pluvieux, rendaient les locaux impropres à leur destination industrielle.

La société SEM Pau Pyrénées a ainsi manqué à son obligation de délivrer des locaux conformes à leur usage et de réaliser tous les travaux qui lui incombaient afin de les maintenir en état de servir à cet usage, ce qui suffit à justifier la résiliation du bail à ses torts exclusifs, compte tenu de la persistance du trouble subi par le preneur sur plusieurs années, sans solution pérenne trouvée.

Sur les conditions de renouvellement du bail :

En revanche et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal et ce que soutient le preneur, l'offre de renouvellement du bail assortie d'une demande de loyer déplafonné en hausse de 140% par rapport au loyer du bail expiré ne peut être considérée comme fautive, au motif qu'aucune modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ne serait intervenue. En effet, dans son rapport sur la détermination de la valeur locative, l'expert [R] rappelle que dans le bail initial les taxes foncières devaient être payées par le preneur et ont été transférées à la charge de la bailleresse par un avenant du 2 mai 2012, pratiquement sans hausse correspondante du loyer, si ce n'est celle qui était prévue dans le bail initial, ce qui constitue une modification notable des conditions juridiques du bail justifiant la fixation du loyer à la valeur locative.

A cet égard, l'expert relève que le montant des taxes foncières est de 53000,00 euros.

Il convient d'ajouter qu'en présence d'un désaccord entre le bailleur et le preneur sur le prix du bail renouvelé, le juge des loyers commerciaux a été saisi et a mandaté Monsieur [R] pour déterminer la valeur locative et dire si il avait lieu à déplafonnement, le loyer étant maintenu au niveau du loyer du bail expiré pendant la durée de l'instance.

Au final, et de nouveau saisi afin de rechercher la valeur locative dans la perspective de fixer l'indemnité d'occupation, l'expert a déterminé une valeur locative certes inférieure au loyer demandé par la société SEM Pau Pyrénées, mais supérieure au loyer du bail expiré, et relevé au moins une modification notable d'un facteur justifiant le déplafonnement du loyer (les obligations respectives des parties).

La société SEM Pau Pyrénées ayant exercé le droit de soutenir le déplafonnement du loyer à l'occasion du renouvellement du bail, le montant du loyer demandé ne suffit pas à caractériser un abus de ce droit, alors que la procédure suivie à la suite du refus du preneur permet de préserver les intérêts de ce dernier.

Dans ces conditions, il ne peut être raisonnablement soutenu que le bailleur a fait preuve de mauvaise foi en réclamant un tel loyer, au motif que cette exigence issimulerait sa volonté de ne pas renouveler le bail en privant le preneur d'une indemnité d'éviction.

Ce moyen est donc écarté.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Oudoul 64 :

A hauteur d'appel, la société Oudoul 64 réclame la somme de 664 073,00 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, décomposé de la façon suivante :

' frais de requalification :176.873,00 euros HT

' perte d'exploitation : 358.469 euros HT

' frais de déménagement :128.731,00 euros HT.

Cependant, la société Oudoul 64, comme l'a exactement retenu le tribunal, produit une estimation non contradictoire de son préjudice élaborée par son expert-comptable, à laquelle sont annexées des factures dont le paiement n'est pas justifié. Il convient par ailleurs de vérifier que toutes les prestations correspondant à ces factures se rattachent à des frais rendus nécessaires par son déménagement.

L'expertise ordonnée par le tribunal sera en conséquence confirmée.

Sur l'appel incident de la société SEM Pau Pyrénées et ses demandes reconventionnelles :

Sur la réparation des désordres constatés en fin de bail :

La SEM Pau-Pyrénées sollicite à ce titre une somme de 136 480,37 euros HT. La SARL Oudoul 64 s'oppose à cette demande aux motifs que la bailleresse ne produit ni état des lieux de sortie, ni constat d'huissier, et ne verse aux débats que plusieurs devis, sans justifier de factures acquittées, ce qu'a retenu le tribunal pour la débouter de cette prétention, en jugeant qu'elle ne rapportait pas la preuve d'un préjudice en rapport avec les locaux loués.

Toutefois, à hauteur d'appel, la SEM Pau Pyrénées produit un constat d'huissier réalisé contradictoirement, les 31 août et 7 septembre 2018, en présence d'un représentant de la SARL Oudoul 64 et différents devis qu'il convient d'examiner.

Selon le bail, en dehors des grosses réparations, tous les autres travaux relèvent de l'entretien courant et sont à la charge du locataire.

Conformément à l'article 1755 du code civil, le locataire n'a cependant pas à supporter les travaux qui lui incombent normalement s'ils sont dus à la vétusté du bien ou à la force majeure, sauf si une clause non équivoque du bail met à sa charge ces travaux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. C'est à lui de prouver que les désordres constatés sont dus à la vétusté.

La vétusté est définie comme la simple usure du temps, exclusive des détériorations résultant de l'usage anormal des lieux, du fait volontaire du locataire ou d'un défaut d'entretien régulier du locataire. Toutefois, le preneur peut être tenu aux réparations des désordres résultant de la vétusté si par un défaut d'entretien ou par un usage anormal il a aggravé ou accéléré la dégradation de la chose louée.

C'est en application de ces principes qu'il convient de déterminer les travaux qui doivent être mis à la charge de la SARL Oudoul 64, au regard des constatations de l'huissier.

Seront retenus en particulier les désordres qui résultent clairement d'un défaut d'entretien.

A cet égard, il ressort du constat de Maître [O] que les locaux étaient sales. L'huissier a notamment relevé, dans plusieurs locaux, des portes et interrupteurs sales, la présence de poussière et de toiles d'araignées, des traces et salissures éparses sur plusieurs murs en plâtre peint, dans les vestiaires, sanitaires et plusieurs bureaux.

Des cloisons intérieures et murs maçonnés présentaient des trous ou impacts, notamment dans un mur de la zone de stockage et le mur autour de la porte d'accès à la zone de stockage présentait des épaufrures.

Les revêtements de sol souples de la coursive de l'atelier présentaient un aspect jauni, avec par endroits des griffures, des marques noires ou traces de rouille laissées par du mobilier.

Des portes de communication étaient endommagées, de même que des poignées et entourages de portes, des portes de placards, étagères et plans vasques. Des joints sanitaires noircis étaient à reprendre.

Des néons et spots d'éclairage étaient absents ou défectueux, une prise était déboitée, des goulottes électriques étaient manquantes ou démontées.

A l'extérieur une zone d'enrobée était dégradée avec ornières.

Le système d'ouverture automatique des skydomes de désenfumage n'a pu être testé faute de cartouches d'air comprimé pour en assurer la fermeture, mais s'est révélé par la suite défectueux selon le diagnostic de l'entreprise Chronofeu. Lors du second transport de l'huissier, les voyants dérangement et hors service de l'alarme incendie étaient allumés de même que le voyant défaut de batterie.

Un brasseur d'air sur huit ne fonctionnait pas.

La chaudière n'a pu être testée en raison de la coupure de l'alimentation en gaz et le groupe froid extérieur ne fonctionnait pas non plus. L'huissier a cependant relevé la présence de traces de fuite d'eau à proximité de la chaudière ainsi que des traces de fuite d'huile à proximité du groupe froid.

Par la suite, l'entreprise Inter Energie, mandatée par le bailleur, a relevé que le dernier contrôle d'étanchéité du groupe froid avait été réalisé en 2010 ; la réduction de puissance du compresseur était hors service ; 3 alimentations du compresseur étaient consignées ; le cordon chauffant était lui aussi hors service et déconnecté, le calorifuge de certaines conduites était à reprendre ; deux moteurs de ventilateurs étaient non fonctionnels. La trace de fuites d'huile a été confirmée, sans diagnostic plus précis.

Si ce prestataire a estimé qu'une réparation du groupe froid serait une solution temporaire non pérenne, préconisant ainsi son évacuation et son remplacement  « à cause de l'absence d'entretien et de maintenance au fil des années sur cet équipement », ce diagnostic, émanant de l'auteur du devis et non corroboré par d'autres éléments techniques, n'a pas la valeur d'une expertise contradictoire et ne permet pas d'imputer ces désordres à un défaut d'entretien plutôt qu'à l'usure du temps, s'agissant d'un équipement fabriqué en 1993 dont le coût de remplacement est évalué à plus de 71000,00 euros HT en incluant les frais d'évacuation.

S'agissant de la chaufferie et des aérothermes, la société Oudoul 64 ne justifie pas avoir fourni le dernier rapport de maintenance. La société Bailleresse a fait établir un devis de contrôle et d'entretien de la chaufferie, des aérothermes et de la centrale de traitement d'air, par la société Inter Energies, d'un montant 1518,00 euros HT.

Enfin, si le système d'alarme incendie s'est révélé défectueux, la même société a fourni un devis de remplacement d'un montant de 9959,00 euros HT, tout en indiquant que le système en place n'était plus fabriqué et était en fin de maintenance, de sorte qu'il apparaît que la défectuosité du système d'alarme incendie doit être rattachée à la vétusté de l'équipement.

Au vu du procès-verbal de constat d'huissier et des devis fournis, la cour retiendra comme étant à la charge du preneur les travaux de réparation et de remise en état suivants :

' nettoyage, selon le devis de l'entreprise Econet : 1950,00 euros HT

' remise en peinture des locaux les plus dégradés, selon le devis de l'entreprise Gaston Peinture : 8410,00 euros HT

' électricité, selon le devis de l'entreprise Eurelec : 2220,44 euros HT

' plomberie (joints sanitaires, grilles VMC calorifuge et calfeutrement du réseau d'eau) selon le devis de l'entreprise Inter Energies : 406,80 euros HT

' contrôle , entretien de la chaufferie, des aérothermes et de la centrale de traitement d'air, selon le devis de la société Inter Energies: 1518,00 euros HT

' reprise des sols souples, selon le devis de l'entreprise Gaston Peinture : 7125,00 euros HT

' menuiserie serrurerie, selon le devis de l'entreprise Martech : 2786,30 euros HT

' maçonnerie (trous dans les murs, épaufrures) et reprise de l'enrobé, selon le devis de l'entreprise Colas : 2903,37 euros HT

' système de désenfumage,selon le devis de l'entreprise Chronofeu : 1387,00 euros HT.

Au total le coût des travaux qui sont à la charge du locataire est arrêté à la somme de 28 706,91 euros.

La société SEM Pau Pyrénées est déboutée du surplus de sa demande, les travaux supplémentaires chiffrés ne se rattachant pas à un défaut d'entretien et de réparations incombant au preneur, objectivé par les constatations de l'huissier.

Sur la location à titre précaire de deux bureaux supplémentaires :

La SEM Pau Pyrénées invoque un avenant de 2013 au bail initial, sans toutefois en justifier se bornant à produire deux lettres :

' l'une datée du 30 mai 2013, émanant de sa directrice générale, faisant état d'une mise à disposition précaire de deux bureaux au 1er étage du bâtiment industriel pour un loyer annuel de 3000,00 euros HT ;

' l'autre en date du 13 novembre 2015, émanant de son conseil sollicitant la libération des lieux.

Aucun document signé de la société Oudoul 64 n'est produit et l'avenant en question, de même que l'occupation de bureaux exclus du périmètre originel du bail, ne peut résulter des deux correspondances émanant du seul bailleur.

Le jugement est en conséquence confirmé, en ce qu'il a rejeté cette demande

Sur les indemnités d'occupation :

La SEM Pau Pyrénées réclame de ce chef la somme de 57 455,86 euros HT, soit :

' 47477,37 euros pour la période du 1er décembre 2016 au 31 août 2018 (le dispositif de ses conclusions qui indique le 1er novembre 2017comportant une erreur)

' 9978,49 euros HT pour la période du 31 août 2018 au 29 septembre 2018, date selon elle de remise des clefs par le preneur.

La SARL Oudoul 64 déclare avoir restitué les clefs le 19 septembre 2018, mais n'en justifie pas non plus.

La charge de la preuve de cette restitution lui incombe et à défaut il convient de considérer que les clefs ont été restituées le 29 septembre 2018.

Le bail s'est achevé le 30 novembre 2016.

La SARL Oudoul 64 produit une attestation de son expert-comptable indiquant notamment le montant des loyers versés en 2016, 2017 et 2018 (pour les 8 premiers mois de l'année 2018).

Monsieur [R], expert judiciaire, a évalué la valeur locative à 128 000,00 euros HT, soit 10667,00 euros par mois.

Comme l'a retenu exactement le tribunal, pour évaluer l'indemnité d'occupation, il convient d'opérer un abattement de 15 % sur la valeur locative, pour tenir compte du fait que la situation de l'occupant est plus précaire que celle d'un locataire.

L'indemnité d'occupation doit en conséquence être fixée à la somme de 9066,95 euros, à compter du 1er décembre 2016, et jusqu'au 29 septembre 2018. L'expert désigné étant chargé, au besoin, de faire les comptes entre les parties au vu des justificatifs produits.

Sur la taxe foncière :

La taxe foncière qui en vertu de l'avenant du 2 mai 2012 au bail initial incombe au bailleur ne constitue pas une charge récupérable sur le preneur. Elle ne représente pas non plus un préjudice indemnisable en lien avec une faute de la SARL Oudoul 64 non démontrée.

C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté cette demande.

Sur les dépens :

Le jugement est confirmé en ce qu'il a réservé les dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant des frais non compris dans les dépens de première instance, dans l'attente de la réalisation de l'expertise confiée à Monsieur [R], cette mesure d'instruction étant confirmée à hauteur d'appel.

En revanche, compte tenu de l'issue de la présente instance, la SEM Pau Pyrénées, qui succombe sur l'essentiel de ses prétentions, supportera les dépens d'appel.

Au regard de la position respective des parties, l'équité justifie par ailleurs de condamner la SEM Pau Pyrénées à payer à la SARL Oudoul 64 une somme de 2000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déboute la SARL Oudoul 64 de sa demande de sursis à statuer,

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la SEM Pau Pyrénées de sa demande de dommages et intérêts, au titre des travaux de remise en état des locaux incombant au preneur, et en ce qu'il a fixé le terme de la période de versement de l'indemnité d'occupation au 19 septembre 2018.

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la SARL Oudoul 64 à payer à la société SEM Pau Pyrénées une somme de 28 706,91 euros, au titre des travaux d'entretien et de réparation incombant au preneur,

Juge que la société Oudoul 64 est redevable envers la SEM Pau Pyrénées d'une indemnité d'occupation afférente aux locaux objets du bail résilié, d'un montant de 9066,95 euros par mois, à compter du 1er décembre 2016 et jusqu'au 29 septembre 2018, somme dont il conviendra de déduire les versements opérés par la société Oudoul 64, sur justificatifs.

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne la SEM Pau Pyrénées aux dépens d'appel,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SEM Pau Pyrénées à payer à la SARL Oudoul 64 une somme de 2000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.